Volume 80, numéro 1, mars 2004
Sommaire (6 articles)
Articles
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Écarts salariaux et disparités professionnelles entre sexes : développements théoriques et validité empirique
Nathalie Havet
p. 5–39
RésuméFR :
Cet article recense l’apport de la théorie économique dans la compréhension des causes des disparités professionnelles entre sexes. Parmi les premières théories développées, deux courants s’opposent : des modèles justifiant ces différences par des écarts de productivité et les théories de la discrimination qui les expliquent, soit par les préjugés des employeurs à l’encontre des femmes, il s’agit dans ce cas de discrimination par goût, soit par des imperfections d’informations, on parle alors de discrimination statistique. Or, ces théories dans leur version les plus simples se sont révélées peu convaincantes dans leur validité empirique. C’est pourquoi des modèles de discrimination de seconde génération ont été développés : ils dépassent l’opposition stricte entre différences de productivité et discrimination. Les modèles de discrimination par goût font désormais intervenir la dynamique des coûts reliés à la recherche d’emplois. Les modèles de discrimination statistique obtiennent quant à eux des conclusions plus convaincantes en se plaçant dans un contexte informationnel plus complexe et en y intégrant les concepts de la théorie du capital humain.
EN :
This paper is a survey of economic theories that focus on the explanation of gender professionnal disparities. Starting from the first theories that were developed, two opposite branches emerge: a) models that relate differences to productivity differentials and b) theories of discrimination which attribute differences to either employers’ prejudices (i.e. “taste discrimination”) or imperfect information (i.e. “statistical discrimination”). However, all of these theories in their earliest version are not supported by empirical evidence. Consequently, models of second generation have been developed that go beyond the strict opposition betweeen productivity differentials and discrimination. For example, models of taste discrimination integrate henceforth the dynamic of job-search costs. Models of statistical discrimination obtain more convincing conclusions by being based on a more complex informational context and by introducing concepts of human capital theory.
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Le taux d’actualisation contre le principe de précaution? Leçons à partir du cas des politiques climatiques
Franck Lecocq et Jean-Charles Hourcade
p. 41–65
RésuméFR :
L’utilisation du calcul économique sur le très long terme fait l’objet de critiques qui peuvent aller jusqu’à un rejet pur et simple, en particulier en raison de la technique de l’actualisation qui, en écrasant le poids du long terme, viendrait en contradiction avec le principe de précaution. Nous expliquons ici, sur la base de l’expérience des débats autour du changement climatique, en quoi, appliquée en toute rigueur, l’actualisation est au contraire un point de passage obligé pour clarifier les enjeux de la décision. Nous montrons en particulier que, dans un cadre de décision séquentielle avec acquisition d’information, le choix, qui restera toujours controversé, du coefficient de préférence pure pour le présent, importe moins que les hypothèses sur la croissance, sur la productivité du capital, sur les préférences des agents et sur leurs « croyances » vis-à-vis des dommages climatiques. Nous concluons sur le fait que le taux de préférence pure pour le présent ne saurait résumer à lui seul les questions de solidarité avec les générations futures. Il convient aussi d’examiner la nature de ce que nous léguons aux générations futures, en particulier les stocks de capital physique et de connaissance qui déterminent leurs capacités d’adaptation à de futures informations.
EN :
The application of standard cost-benefit analysis to evaluate long-term policies has been heavily criticized, in particular because of discounting, which is accused of putting too little weight on the future, thus contradicting the precautionary principle. Based on the example of climate mitigation policies, we show why discounting, rigorously applied, is necessary to clarify the issues at stake in the decision. In particular, we demonstrate that, within a sequential decision-making framework with increasing information, the value of pure time discounting matters less than the assumptions we make about future growth, productivity of capital, preferences and beliefs about climate change impacts. We conclude that intergenerational equity issues go beyond the value of pure time preference. We must also pay attention to the nature of our bequest to future generations, in terms of stocks of physical capital and of knowledge in particular, because it shapes their ability to adapt to new information.
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La théorie autrichienne des cycles : une théorie de la récurrence des erreurs collectives d’anticipation
François Facchini
p. 67–94
RésuméFR :
Cet article présente les développements récents de la théorie autrichienne des cycles. Il se concentre sur les apports théoriques et soutient que désormais la théorie autrichienne des cycles est une théorie plurielle de la récurrence des erreurs collectives d’anticipation. Les économistes autrichiens s’accordent pour penser que la nationalisation de la monnaie est à l’origine de l’excès d’offre de monnaie. Cet excès crée une distorsion de la structure des taux d’intérêt des prêts et induit la phase de récession du cycle. Ils s’entendent aussi sur les raisons de la récurrence des erreurs d’anticipation et sur leur uniformité. La théorie des droits de propriété explique la récurrence des erreurs d’anticipation par la socialisation des risques. La théorie des anticipations explique les erreurs collectives par la centralisation des anticipations autour des décisions de la banque centrale. Elle rend ainsi compte de l’instabilité des systèmes économiques. Les économistes autrichiens sont divisés, en revanche, sur les raisons de cet excès d’offre de monnaie. Il y a ceux qui soutiennent que cet excès d’offre se mesure par rapport à l’épargne monétaire et s’explique par la pratique des réserves fractionnaires (école de la libre circulation). Il y a ceux, au contraire, qui estiment que cet excès doit être mesuré par rapport à la demande de monnaie et expliqué par l’absence de concurrence entre les monnaies (école de la banque libre).
EN :
This paper offers an account of recent developments of Austrian Trade Cycle Theory. It focus on the theoretical contributions and argues that the Austrian Trade Cycle Theory became a theory of error cycles. Austrian economists agree to explain the errors of individuals by the nationalization of money because it leads an excess of money supply. Nevertheless, they disagree about the causes of this excess. Two explanations have been suggested. The first one measures the excess in relation with the demand of money. The second one evaluates the excess in relation with monetary saving. They agree, on the contrary, on the reasons of the recurrence of expectation errors and their uniformity. The theory of property rights explains the recurrence of expectation errors by the socialization of risk. The theory of cognitive expectations explains the collective errors by the centralisation of expectation process around (big player hypothesis) decisions of central banks. In fine it is the centralization of expectation process which explains the instability of market process.
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Les fonctions de vote : un survol de la littérature
Antoine Auberger
p. 95–107
RésuméFR :
L’objet de cet article est de présenter les fonctions de vote et le comportement des électeurs. Les fonctions de vote visent à la fois à expliquer les résultats des élections et à les prévoir. Aux États-Unis, les fonctions de vote pour les élections présidentielles permettent généralement de bien expliquer les résultats des élections passées et les prévisions des résultats des élections sont assez satisfaisantes. En France, le très faible nombre d’élections présidentielles rend plus délicate la construction de fonctions de vote et les prévisions sont plus incertaines.
EN :
The aim of this article is to present vote functions and voter behavior. Using vote functions, one can explain and forecast the outcomes of elections. In the United States, the outcomes for the past presidential elections are usually well explained and the forecasts are quite satisfactory. In France, the very small number of presidential elections makes the specification of vote functions more difficult, and the forecasts are more dubious.
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Frontières de la firme et de l’industrie : Les perspectives récentes issues de la rencontre entre l’histoire industrielle et l’économie industrielle
Jackie Krafft
p. 109–135
RésuméFR :
Cet article présente les développements récents de la new business history sur l’un de ses thèmes privilégiés qui est l’évolution des frontières de la firme et de l’industrie. Les connexions avec l’économie industrielle, et surtout avec les analyses néo-institutionnelles, se sont développées sur ce thème selon deux tendances principales. Il ressort de cette analyse que la première tendance utilise les modèles économiques traitant des problèmes de coordination informationnelle comme des grilles de lecture des faits historiques. La seconde tendance laisse en revanche aux travaux d’histoire une opportunité plus grande d’affiner les grilles de lecture de l’économie industrielle en insistant sur un problème concret des firmes et des industries innovatrices : la coordination des activités productives.
EN :
This paper focuses on recent developments of the new business history on a specific theme: the boundaries of firms and industries. Connexions with industrial organisation, and especially with neo-institutionalism, have increasingly appeared in the literature on this theme. These connexions are developed according to two main tendencies which are discussed in the paper. We can show that the first uses economic models dealing with information problems as a benchmark for the analysis of historical facts, while the second offers the opportunity to refine some of the principles of industrial organisation by taking into account the emphasis of business history on a concrete problem of innovative firms and industries: the coordination of productive activities.
L’économique en perspective
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Révision à la baisse de la prime sur les actions au Canada
Mathieu Rochon, Stéphanie Desrosiers et Jean-François L’Her
p. 137–170
RésuméFR :
Le rendement historique excédentaire moyen des marchés boursiers par rapport aux obligations gouvernementales a été de 4,5 % au Canada durant le xxe siècle. Contrairement à la plupart des marchés développés, il est resté sensiblement le même durant les deux moitiés du siècle. Toutefois, la prise en compte des années 2001 et 2002 conduit à un rendement excédentaire moyen beaucoup plus faible et davantage en ligne avec les primes de risque estimées via des approches prospectives. La première approche prospective, la plus utilisée dans la littérature financière, s’appuie sur la décomposition des rendements. La prime de risque est alors égale à la différence entre la somme des rendements attendus sur les indices boursiers sous forme de dividendes et de gain en capital, et le rendement anticipé sur les obligations. Étant donné que le rendement en dividende est à un niveau très bas aujourd’hui, la prime de risque anticipée est faible, de l’ordre de 1,5 %. Toutefois, elle doit vraisemblablement être majorée de 0,5 % du fait de l’importance des rachats d’actions. La seconde approche prospective, moins utilisée, se base sur la prime de risque implicite inférée de l’égalité entre la valeur de l’indice boursier et la valeur intrinsèque du même indice estimée à partir du modèle d’actualisation des bénéfices anormaux (Edwards, Bell et Ohlson). Elle conduit à une prime de risque de 3,5 %, soit sans doute une borne supérieure étant donné le biais positif des prévisions d’analystes financiers documenté dans la littérature. Après ajustement pour ce biais, la prime de risque implicite doit être minorée de 1 %. La prime de risque prospective au Canada est donc actuellement de l’ordre de 2 % à 2,5 % selon les approches retenues.
EN :
The average historical excess return of market index over government bonds has been 4.5 % in Canada during the 20th century. Contrarily to the majority of the developed markets, it has remained almost the same during the two halves of the century. However, years 2001 and 2002 have driven the average excess return downwards so that the average excess return is now more in line with risk premium estimated via prospective approaches. The first prospective approach which is the most used in the financial literature is based on the return decomposition. The risk premium is equal to the difference between the sum of the expected dividend and capital gain returns on market indices, and the expected return on bonds. As the dividend yield is currently at a low level, the estimated risk premium is low, about 1.5 %. If share repurchases are considered, the risk premium should probably be augmented by 0.5 %. The second prospective approach, less used in the literature, is based on the implicit risk premium inferred from the equality between the observed value and the intrinsic value of the market index estimated from a model based on abnormal earnings (Edwards, Bell et Ohlson). The estimated risk premium is then 3.5 %, which can be considered an upper limit given the documented over-optimism bias of financial analysts forecasts. Once we adjust for this upward bias, the implicit risk premium should be revised downwards by 1 %. Depending on the approach, the prospective risk premium for Canada ranges between 2 % and 2.5 %.