Résumés
Résumé
À Québec et en Louisiane, dans le dernier tiers du xviiie siècle, sont fondés les premiers journaux de langue française d’Amérique du Nord, tandis que le lancement du Journal de Paris en 1777 fait entrer la France dans le temps de la quotidienneté médiatique. Progressivement se constituent, de Paris à Bruxelles et à Genève, de Montréal à la Nouvelle-Orléans en passant par New York, de grands axes de circulation de journalistes, de corpus et d’imaginaires, à la source du premier mouvement de mondialisation médiatique dans sa dimension francophone, qui culmine au milieu du xixe siècle. Ce que nous appellerons la « francosphère médiatique » a ainsi reposé sur des traits culturels et littéraires (par la conscience d’user d’une langue commune prestigieuse — le français — avec ses oeuvres, ses auteurs et ses imaginaires collectifs), historiques (par la dynamique d’une « destinée » commune qui unit les deux façades atlantiques) et technologiques (par le développement des réseaux télégraphiques continentaux, du chemin de fer, des lignes maritimes et, en 1866, du premier câble transatlantique). Cet article posera ainsi l’hypothèse qu’il a existé, au milieu du xixe siècle et au coeur de ce système interconnecté, une littérature-journal de la francophonie qui s’est manifestée poétiquement sous la forme de certains genres journalistiques. Le genre de la chronique en a constitué le pivot central (nous en proposerons la synthèse avec ses grands praticiens, en France, en Belgique et au Québec), mais notre réflexion s’ouvrira également au reportage, qui émerge dans le dernier tiers du siècle de part et d’autre de l’Atlantique, et qui traduit les grandes mutations qui affectent le journalisme avec les nouveaux protocoles de l’écriture de l’information. Notre article se terminera sur les grands éléments poétiques du reportage au Canada français, domaine encore peu fouillé par la recherche, et qui a pourtant vu des journalistes — Lorenzo Prince, Auguste Marion, Jules Fournier ou encore Gilbert Larue — connaître de grands succès populaires.
Abstract
The first French-language newspapers in North America were founded in Québec City and Louisiana in the last third of the 18th century, while the launching of the Journal de Paris in 1777 brought France into the era of the media as a daily phenomenon. Major circulation networks involving journalists, bodies of texts, and imaginative systems were gradually established between Paris, Brussels and Geneva and between Montréal and New Orleans via New York: this was the beginning of the first media globalization in its French-language aspect, which reached its high point in the mid-19th century. What we are calling the “French-language mediasphere” was defined by characteristics that were cultural and literary (the awareness of using a prestigious common language, French, with its works, its authors, and its collective imaginary systems), historical (through the dynamics of a common “destiny” bringing together both sides of the Atlantic), and technological (through the development of continental telegraph networks, railways, shipping lines and, in 1866, the first transatlantic cable). This article will argue that there was, at mid-century and at the core of this interconnected system, a journal/literature of the French-speaking world that manifested itself poetically through various journalistic genres. The column (chronique) was the key central genre (we are offering a synthesis focusing on its great practitioners in France, Belgium and Québec), but our analysis will also include the news story (reportage), which emerged on both sides of the Atlantic in the last third of the century, and which embodied the great transformations affecting journalism as new writing and information protocols appeared. Our article ends with an account of the great poetic elements of news stories in French Canada, an area that has so far attracted little attention from researchers despite the significant popular success enjoyed by journalists such as Lorenzo Prince, Auguste Marion, Jules Fournier and Gilbert Larue.
Resumen
En Quebec y en Luisiana, durante el último tercio del siglo XVIII, se fundaron los primeros diarios de lengua francesa en América del Norte, mientras que con el lanzamiento de Journal de Paris (Diario de París), en 1777, Francia entró al tiempo de la cotidianidad mediática. Se constituyeron progresivamente, de Paris a Bruselas y a Ginebra, de Montreal a Nueva Orleáns, pasando por Nueva York, grandes ejes de circulación de periodistas, de corpus y de imaginarios, en el origen del primer movimiento de globalización mediática en su dimensión francófona, que culminó a mediados del siglo XIX. Así pues, lo que llamaremos la “francoesfera mediática” se basó en rasgos culturales y literarios (por la conciencia del uso de un idioma común prestigioso –el francés– con sus obras, sus autores y sus imaginarios colectivos), históricos (por la dinámica de un ‘destino’ común que unía ambas fachadas atlánticas) y tecnológicos (por el desarrollo de las redes telegráficas continentales, el ferrocarril, las líneas marítimas y, en 1866, el primer cable trasatlántico). Este artículo planteará, pues, la hipótesis de que existió, a mediados del siglo y en el corazón de este sistema interconectado, una literatura periodística de la francofonía que se manifestó poéticamente en forma de algunos géneros periodísticos. El género de la crónica constituyó el pivote central de la misma (propondremos una síntesis con sus grandes prácticos, en Francia, Bélgica y Quebec), pero nuestra reflexión se abrirá también al reportaje, que emergió en ambas orillas del Atlántico en el último tercio del siglo, y que tradujo las grandes mutaciones que afectaron al periodismo con los nuevos protocolos de la escritura de la información. Nuestro artículo finalizará con los grandes elementos poéticos del reportaje en el Canadá francés, sector aún poco investigado y que, sin embargo, dio a periodistas –Lorenzo Prince, Auguste Marion, Jules Fournier, o también Gilbert Larue– que lograron grandes éxitos populares.
Corps de l’article
PENSER LA PRESSE FRANCOPHONE DE MANIÈRE « GLOBALE »
Dans le sillage d’un ouvrage que j’ai publié récemment sur la culture médiatique francophone[1], cet article se donne l’ambition d’une perspective large sur les genres médiatiques au xixe siècle, où le Québec occupera une place importante, mais pas exclusive. En effet, ma recherche m’a conduit à considérer l’espace francophone atlantique comme le lieu de circulations et de convergences d’une culture médiatique, en phase avec le grand mouvement de mondialisation qu’historiens et littéraires sont unanimes à situer au coeur du siècle[2]. Pour autant, cette ouverture à la pratique d’un journalisme en français, en Europe et dans les Amériques, ne constituera pas un renoncement à considérer la situation du Québec dans sa spécificité ; je plaiderai qu’au contraire, une telle perspective globale permet de mieux penser les pratiques locales des genres journalistiques au croisement de dynamiques de circulations et d’appropriations. Qu’il s’agisse de la chronique, de l’article de tête (ancêtre de l’éditorial) ou du roman-feuilleton, chacun de ces genres médiatiques est étroitement corrélé à la vague de mondialisation qui touche le xixe siècle et dont historiquement le mouvement romantique s’avère être la manifestation initiale la plus nette sur le plan culturel[3]. En effet, comme l’a montré Alain Vaillant, le mouvement romantique se diffuse à l’échelle mondiale grâce à la circulation des objets culturels — et littéraires en premier lieu — et sous la pression de deux forces complémentaires, l’une tendant à homogénéiser les références et l’autre s’employant à distinguer les particularités locales. Le journal est au centre de ce mouvement international, à la fois intégrateur et particularisant : c’est lui qui, par sa capacité à circuler à une vitesse inégalée dans l’histoire, permet la consécration de cette standardisation culturelle qu’est le romantisme, de même que les déclinaisons « régionales » qui en découlent[4]. En règle générale, ces variantes locales ont souvent été perçues et revendiquées comme « uniques » par les contemporains concernés, puis plus tard par les différentes histoires littéraires, mais il s’avère qu’elles relèvent toutes d’un même processus de globalisation culturelle et — dans le cas des Amériques — d’une dynamique d’invention de littératures nationales[5].
L’histoire du journalisme en France est bien connue, en Belgique et en Suisse également, bien que dans une moindre mesure[6] ; et si le corpus suisse a donné lieu à peu d’études sur les relations entre presse et littérature, les cas français et belge sur ce plan ont été beaucoup arpentés par la recherche[7]. Posons que le cadre européen est relativement bien défriché et tentons de le relier aux diverses zones francophones des Amériques. Car le journalisme en français pratiqué au Québec, aux États-Unis (à New York, en Louisiane, dans le Midwest et à San Francisco), à Mexico, à Rio de Janeiro et même jusqu’à Montevideo en Uruguay, au milieu du xixe siècle, doit être pensé d’abord dans son interconnexion avec l’Europe à partir d’une triple perspective d’ensemble : 1) des séries de migrations, qui démarrent sous la Révolution à la fin du xviiie siècle et se succèdent à travers des régimes politiques qui vont entretenir, jusqu’à la loi française de libéralisation de 1881, des relations toujours compliquées et tendues avec les journaux et les journalistes ; 2) des circulations de plus en plus rapides et de plus en plus intensives des corpus de presse, grâce à la mise sur pied des réseaux de chemin de fer, des lignes maritimes, des réseaux télégraphiques et, à partir de 1866, du premier câble transatlantique, mettant Europe et Amérique du Nord à une minute l’une de l’autre ; 3) enfin, des communautés francophones soudées autour des objets périodiques rédigés en français et puisant largement à une culture du journal qu’à l’origine elles importent d’Europe, et qui peu à peu vont s’infléchir au contact des langues et des pratiques médiatiques dominantes locales.
Ce portrait général ouvre la porte à des enquêtes régionales. Lorsque l’on se penche plus particulièrement sur les divers espaces américains, on constate en effet d’importantes variations de processus et de phases de développement, qu’il convient d’identifier plus finement. Le Québec (ou bien sûr ses entités politiques et administratives correspondantes, comme le Bas-Canada) est à considérer au carrefour d’une histoire liée au déplacement d’hommes de lettres venus d’Europe, de Fleury Mesplet à Jules Helbronner[8] et Paul-Marc Sauvalle[9], en passant par Napoléon Aubin[10], par exemple, et du développement d’une active pépinière locale de journalistes, tels que les chroniqueurs Arthur Buies, Hector Fabre et bien d’autres dont il est question dans le présent dossier. De même, on ne peut envisager les axes de circulations médiatiques américaines sans mentionner le développement de la presse francophone du nord-est des États-Unis, qui survient au travers de diverses migrations économiques[11] ; mais celle-ci n’a donné lieu qu’à une poignée d’études sur ce qui constitue pourtant un immense corpus médiatique et littéraire oublié[12]. Vers 1900, il existait de très nombreux journaux de ces communautés canadiennes-françaises et plusieurs d’entre eux étaient quotidiens ; la seule étude complète sur ce corpus date de 1911[13]. On pourrait aussi mentionner l’extension du système médiatique continental vers le centre du Canada, au Manitoba, où l’on retrouve une étonnante pratique de la chronique « à la française », transplantée dans les Prairies[14] ; ou encore évoquer le vaste corpus, lui aussi bien peu relu, de la Louisiane, où furent lancés les premiers journaux quotidiens francophones en Amérique du Nord — mais qui s’en souvient[15] ? Quant au corpus latino- et sud-américain, il offre des perspectives de découvertes intéressantes sur des presses francophones qui se sont parfois révélées particulièrement actives, notamment à Mexico avec le Trait d’union, que nous venons de mentionner à travers le parcours de Paul-Marc Sauvalle. Ce journal avait été fondé par un autre Français, René Masson, né à Meaux en 1817, émigré d’abord à New York, où il avait fondé Le Franco-Américain (1844-1848), avant de s’installer à Mexico et de lancer le Trait d’union en 1849. De cet hebdomadaire qui devient quotidien à partir de 1856, les dépouillements effectués par Jacqueline Covo montrent qu’il donne régulièrement des nouvelles américaines qu’il fait venir de New York, en recopiant des extraits du Courrier des États-Unis (nous allons en reparler), mais aussi de L’Abeille de La Nouvelle-Orléans et du Courrier de la Louisiane. En outre, on sait qu’il est distribué dans de nombreuses villes du Mexique, ainsi qu’à La Nouvelle-Orléans et à San Francisco[16]. Bref, ce qu’on aurait pu considérer comme un petit journal destiné à quelques centaines de Français vivant à Mexico s’avère en réalité constituer un objet interconnecté au grand système francophone de l’information, tandis que les parcours de Sauvalle et de Masson montrent bien que le journalisme était une véritable aventure qui pouvait se vivre à la mesure d’un continent.
ET LES GENRES MÉDIATIQUES ?
Venons-en maintenant au coeur du sujet. Notre hypothèse de lecture des genres médiatiques est que certains d’entre eux ont la capacité de « raconter » le fonctionnement de ce grand système médiatique francophone que nous venons de présenter rapidement. Une approche historique montre en effet que leur circulation dans l’espace francophone est perceptible à la fois par l’analyse poétique, afin de repérer à même leur contenu et leurs imaginaires les marques de leurs déplacements, et par l’étude « externe » qui permet de recomposer les axes et les trajectoires qu’ils empruntent afin de se rendre jusqu’aux populations de lecteurs dans les Amériques. Au seuil des années 1840, un genre en particulier acquiert une forte mobilité internationale : celui du roman-feuilleton, avec le démarrage foudroyant des Mystères de Paris (1842-1843) d’Eugène Sue. Le grand feuilleton de Sue, diffusé en français, traduit, rapidement imité, connaît un immense succès international ; de nombreux écrivains adaptent localement sa formule sociale[17]. Le Québec n’échappe pas à la rage des Mystères et trouve dans cette matrice médiatique une manière de fixer la réalité urbaine montréalaise de la seconde moitié du xixe siècle[18]. Quant au roman de Sue lui-même, s’il n’est pas reproduit dans un journal de Montréal ou de Québec, c’est sans doute qu’il circule à partir de la version du Courrier des États-Unis de New York, qui avait lancé pour l’occasion, dès février 1843, un supplément littéraire. Le journal new-yorkais est à l’époque le plus important « noeud » du système américain de l’information en français : il reçoit toute l’année des nouvelles de la France et de l’Europe, qu’il redistribue dans de nombreux journaux des Amériques, et il est lui-même très bien distribué[19]. « Il sera fait des dépôts de cette dernière feuille chez nos agents de La Nouvelle-Orléans, des Antilles et du continent de l’Amérique du Sud, chez lesquels nos abonnés de ces pays peuvent se faire inscrire immédiatement », annonce-t-il à ses lecteurs à propos de la Semaine littéraire du 4 février 1842, qu’il est sur le point de lancer. En lisant non seulement les Mystères de Paris, mais aussi les nombreux romans-feuilletons de Dumas, Sand, Féval et bien d’autres, un lecteur du Canada français consommait ainsi un genre médiatique inséré dans un réseau culturel de circulation mondialisée.
Poursuivons notre tour d’horizon de cette poétique « circulatoire » des genres par celui de la chronique. Il s’agit d’un genre souple et littéraire, en tension entre compte rendu de l’actualité, mise en fiction du réel et expression d’une conscience, dont le patron est fixé à Paris à partir de 1836 dans La Presse par Delphine de Girardin[20]. Du fait de sa souplesse et de sa littérarité, la chronique connaît rapidement une capacité de migration et d’adaptation qui la rend apte à contribuer au modelage d’identités locales. À partir de la seconde moitié du xixe siècle, on la retrouve absolument partout dans les zones francophones d’Europe et des Amériques. Chaque fois le processus d’appropriation est semblable : la chronique permet aussi bien l’expression de la connivence culturelle — francophone et très souvent « parisiano-centrée » — partagée par les écrivains-journalistes d’expression française que les transpositions singulières tournées vers les réalités urbaines, culturelles et littéraires locales. Elle duplique donc en miniature le fonctionnement général du journalisme pratiqué en français, à partir du point de vue particulier de celui qui en adopte les protocoles, suivant que le chroniqueur se situe à Bruxelles, à Paris, à Montréal ou à La Nouvelle-Orléans[21].
Au Québec, le genre de la chronique atteint une certaine maturité vers les années 1870, alors que plusieurs écrivains-journalistes commencent à publier leurs textes dans les colonnes des grands journaux et en proposent des rééditions en volumes. Une des premières chroniques qu’Hector Fabre publie dans Le Canadien, en 1866 (il collabore à ce journal depuis 1863), exprime bien cette émergence locale du genre, pas encore bien fixé dans la page du journal :
La chronique n’a point encore ici, dans les journaux, sa place réservée, où les lecteurs s’attendent toujours à la trouver, beau temps mauvais temps, nouvelles ou point de nouvelles. Si parfois elle se glisse entre les articles politiques et les faits divers, elle n’y reste pas longtemps, s’excuse de sa frivolité comme d’un crime et disparaît. […] Beaucoup de nouvelles se perdent faute d’un chroniqueur. Je voudrais leur offrir un petit coin du Canadien, où elles seront toujours sûres de trouver une modeste hospitalité[22].
Fabre a bien conscience de pratiquer « ici » un genre venu d’ailleurs qu’il adapte aux pages du Canadien.
À la même époque émergent des chroniqueurs qui portent ainsi un regard local sur l’espace urbain du Québec : Évariste Gélinas, Adolphe Routhier (qui pratique une chronique religieuse), Alphonse Lusignan ou encore Napoléon Legendre à Québec[23]. Un peu plus tard, des femmes journalistes feront du genre un outil de légitimation de leur entrée en littérature[24]. Mais le grand praticien de la chronique au Québec, celui qui en effectue l’adaptation la plus fascinante en terre franco-américaine au travers d’un corpus dense et riche, est Arthur Buies, « passeur » de premier plan des usages français. Arthur Buies a effectué deux longs séjours en France, de 1857 à 1862 et en 1867-1868. À la fin des années 1860 et durant les années 1870, ses activités de journaliste sont nombreuses. Il fonde un journal, La Lanterne canadienne (1868-1869), inspiré directement de la Lanterne parisienne de Rochefort, puis un hebdomadaire à Québec, L’Indépendant (1870), deux journaux qui lui permettront de véhiculer ses idées anticléricales et libertaires. Il est ensuite chroniqueur pour plusieurs journaux, au Pays, à L’Opinion publique, à La Minerve, au National, et c’est par cette pratique qu’il expérimente une chronique d’une très grande variété : étude des moeurs politiques et sociales, chronique de voyage et de villégiature, billet d’humeur, flâneries urbaines[25]… Or, la chronique de Buies est ancrée dans le monde local aussi bien qu’américain et français, qu’elle retraduit dans un métadiscours typique du genre.
Dans sa chronique du National, parue le 23 novembre 1872, Buies confie rétrospectivement le récit de son séjour à Paris de la fin des années 1860, ses « illusions », ses ambitions, son échec[26] ; il va ainsi littéralement revivre le scénario balzacien des Illusions perdues et en proposer une forme transposée. Le chroniqueur plonge dans ses souvenirs et, significativement, cette petite fictionnalisation opère un dédoublement entre le narrateur, revenu amer de son expérience, et le « personnage » qu’il observe, encore plein d’illusions : « Paris ! c’est un nom qui donne le vertige et j’étais allé me jeter dans le gouffre. Force m’est ici de faire des révélations pathétiques. J’étais seul, sans appui, ignoré, ignorant le sombre et délicieux enfer où s’engloutissent tous les jours tant de vigoureuses espérances[27]. » Le chroniqueur a le désir de réussir, il est ambitieux, voudrait « étonner [s]es contemporains » et fuir un monde exigu où la littérature n’est pas reconnue, où la langue française elle-même est en voie de s’effacer : « Ne pouvant prétendre à aucune renommée littéraire dans un pays où disparaît de jour en jour la langue de France, je m’exilais, sans espoir de retour, à la recherche d’un nom dans la ville du monde où il est le plus difficile à conquérir[28]. » À cet échec français fera écho un échec américain, également narré par le chroniqueur : il s’agit d’un voyage que Buies effectue à San Francisco, donnant lieu à une série d’articles parus dans Le National en 1874[29]. Buies avait espéré en quittant Montréal pouvoir se faire engager cette fois comme journaliste au Courrier de San Francisco, « un journal qui a fait gagner quelques centaines de mille dollars à son propriétaire[30] ». Malgré l’échec de ce projet, le rayonnement du Courrier de San Francisco dit bien qu’il existait ainsi un possible médiatique et francophone en terre américaine, qui pouvait faire rêver un chroniqueur installé sur les rives du Saint-Laurent, et qui se prolongera plus tard au tournant du siècle dans les nombreux parcours des migrations canadiennes-françaises aux États-Unis[31]. L’expérience de Buies montre ainsi qu’un certain « imaginaire de la vie littéraire[32] » — des ambitions qui ne se réalisent pas, une amertume sur l’état des lettres au Canada — trouvait son lieu d’expression de prédilection dans la chronique et à travers une forme d’imaginaire « spatial » du genre.
Progressivement, comme c’est le cas en France et ailleurs, la chronique au Québec va dériver vers la pratique du reportage, ce dernier étant pourtant très peu connu des historiens et des littéraires[33]. On sentait déjà cette tentation du reportage chez Buies ; elle sera nettement assumée chez des praticiens plus tardifs. Or, là encore, quelques coups de sonde — en attendant une étude exhaustive sur le genre[34] — tendent à montrer que la naissance puis le développement du reportage au Québec se sont effectués en s’adossant à un vaste horizon francophone, dépassant les frontières de la province. L’attention de ce primo-reportage a en effet porté sur l’actualité des grandes zones francophones du continent, notamment la Nouvelle-Angleterre et les espaces de l’immigration canadienne-française, dans le centre et l’ouest du Canada ; et c’est également, on ne s’en étonnera pas, vers Paris et la France que le regard s’est tourné. À l’occasion de l’Exposition universelle de 1900 à Paris, La Patrie envoie Françoise (Robertine Barry, chroniqueuse à La Patrie depuis 1879) pour couvrir ce grand rendez-vous international, d’avril à septembre. La journaliste est chargée de représenter, outre son journal, les femmes canadiennes au sein du Conseil international des femmes, qui se réunit dans la capitale française[35]. Les « Lettres de Françoise » qu’elle rédige à cette occasion pour La Patrie tiennent tout à la fois de la chronique mondaine expatriée, de l’actualité culturelle, du récit de voyage et du reportage allant recueillir l’avis des Parisiens durant l’Exposition. Une telle hybridité entre chronique et reportage se répercute matériellement : les « Lettres » se présentent sans illustrations, publiées au coeur du journal sur deux ou trois colonnes ; elles ont tout de la chronique à cet égard. Mais à plusieurs reprises, le texte de Françoise est précédé de la mention « (Service spécial de « La Patrie ») », avec certaines variantes proches ; ce paratexte tire cette fois les articles vers le reportage. Pour Françoise, il s’agit bien d’une forme de libération du genre de la chronique qu’elle pratiquait jusque-là, une chronique essentiellement féminine, familiale, mondaine et souvent fictionnalisante. Le décentrement parisien engendre la constitution d’un regard immergé dans une étrange capitale cosmopolite, prise d’assaut par les délégations étrangères. En multipliant les découvertes, en arpentant les boulevards où elle relève les bruits de toutes ces voix exotiques, en présentant à ses lecteurs les étonnantes installations de l’exposition, Françoise pratique bien une forme de reportage qui nous semble neuve dans la presse québécoise.
Les États du Nord-Est américain sont également l’objet d’articles qui oscillent entre chronique sociale et grand reportage. C’est le cas de Jules Fournier, journaliste à La Presse à partir de 1903, puis reporter au Canada de 1904 à 1908, pour le compte duquel il effectue une série sur les francophones de la Nouvelle-Angleterre et leurs conditions de vie. Intitulée « Chez les Franco-Américains », la série paraît en dix-huit articles du 30 octobre 1905 au 18 janvier 1906. Fournier cherche à capter « l’existence journalière » de ces populations à travers « de longues interviews » effectuées sur place, insistant sur les « sources » et les « témoignages » récoltés, comme il l’indique dans le premier article. Le désir du journaliste d’aller au contact des réalités des Franco-Américains est bien l’un des traits essentiels du grand reportage. L’attention se tourne aussi vers l’ouest du Canada : jeune journaliste entré à La Presse en 1905, Gilbert Larue est envoyé en reportage, à partir du mois de juin 1910, auprès des communautés francophones de la Saskatchewan, du Manitoba et de l’Alberta. Intitulé « Nos francophones dans l’Ouest Canadien », le reportage jouit d’une place enviable dans le journal. Il est fréquemment publié en première page, au rythme d’une ou deux livraisons par semaine environ (sauf au tout début, où le rythme est plus rapide), et est toujours accompagné de nombreuses photographies. La Presse exploite ainsi l’ensemble du dispositif sémiotique caractéristique du genre : illustrations nombreuses, titres-bandeaux qui traversent la page, désignation du journaliste comme « envoyé spécial de La Presse au pays des Prairies », etc.
Des dépouillements plus approfondis devraient permettre de relever d’autres occurrences ; j’ai retracé de nombreux petits reportages sur les diverses réalités francophones nord-américaines dans la Revue moderne des années 1930[36], qui permettent ainsi d’établir un lien entre les premières expérimentations au début du siècle et les reportages qu’effectuera Gabrielle Roy dans les régions francophones du Canada[37]. Si le reportage, qu’elle pratique au tournant des années 1940, constitue bien un lieu d’expérimentation pour la romancière qu’elle deviendra bientôt avec Bonheur d’occasion (1945), il est néanmoins possible, on le voit, de rattacher la journaliste à un filon poétique oublié des genres journalistiques. Après son voyage en Europe et son installation à Montréal, la Franco-Manitobaine va ainsi explorer la vie des francophones de plusieurs régions du Canada pour le compte du Bulletin des agriculteurs et du quotidien Le Canada[38]. Ces reportages, qui la mènent de Saint-Boniface, petite ville francophone manitobaine de son enfance, jusqu’aux confins de l’Alaska, ne sont pas sans faire écho à « Nos francophones dans l’Ouest canadien » de Gilbert Larue. Dans « Les gens de chez nous[39] », elle retrouve, au fond de l’Alberta, dans des paroisses de paysans canadiens-français, la vitalité des communautés francophones, soudées autour de leurs journaux : « Là, les victoires sont gagnées, consolidées […] en hebdomadaires qui se nomment La Survivance ou La Liberté et le Patriote. » Des chroniques de voyage d’Arthur Buies aux articles de Gabrielle Roy, le grand reportage au Québec semble s’être développé en accordant une grande importance aux multiples facettes de la réalité francophone. Ce phénomène présente quelques éléments comparables aux reportages coloniaux que l’on pouvait lire à la même époque dans les presses française et anglaise, où certains grands reporters se muaient en « héros de l’Empire » et exploraient les contrées les plus lointaines afin d’y porter ou d’y retrouver les traces de la civilisation occidentale[40]. À une échelle bien entendu beaucoup plus réduite, le monde francophone — surtout au sein du mouvement colonial nord-américain — constituait, à partir du Québec, un petit « empire » francophone à explorer, permettant l’articulation dans les reportages de connivences historiques, culturelles et linguistiques.
DÉCLIN, OUBLI… ET RENAISSANCE NUMÉRIQUE
Les genres journalistiques au Québec se sont donc développés au coeur d’un écosystème médiatique francophone qui dépassait largement les frontières de la province. Un effet d’amnésie n’a pourtant pas manqué de se produire : comme nous l’avons montré en début d’article, l’étude de la presse francophone nord-américaine hors Québec apparaît généralement comme le parent pauvre des recherches en histoire culturelle et littéraire de la presse. Alors que les objets médiatiques étaient particulièrement mobiles au xixe siècle, les chercheurs sont en quelque sorte conditionnés à découper les corpus rétrospectivement en fonction de frontières qui n’avaient pas l’importance qu’elles ont désormais. Mais l’oubli provient aussi du déclin inexorable d’un système qui a fait peu à peu de Montréal la grande capitale médiatique en français du continent, et de Montréal et Paris les deux pôles incontournables sur l’axe atlantique. Alors qu’au milieu du siècle des villes comme New York (le Courrier des États-Unis) et La Nouvelle-Orléans (le Courrier de la Louisiane, L’Abeille de La Nouvelle-Orléans) constituaient des zones de transit majeures de l’information en français, elles ont subi une perte d’influence qui s’est confirmée au tournant du siècle. L’enquête de Réginald Hamel sur la Louisiane montre qu’à partir de 1860, la presse anglophone connaît un décollage foudroyant, tandis que stagnent la presse unilingue francophone et la presse bilingue, qui déclinent rapidement à partir de la fin du siècle[41]. Par ailleurs, les technologies modernes de communication — télégraphe, câbles, téléphone — sont aussi bien une occasion supplémentaire de lier les francophones entre eux que de diminuer leur importance stratégique dans un système interconnecté, où l’influence du monde anglophone est écrasante. Si le Courrier des États-Unis était incontournable au coeur du siècle, c’est qu’il cumulait des avantages stratégiques notables vis-à-vis du marché québécois (vitalité de la communauté francophone au sein d’une ville — New York — à l’économie en expansion, présence sur la façade atlantique qui ouvre directement au réseau transocéanique) qui ne seront plus aussi importants le siècle avançant en raison des liaisons maritimes plus régulières entre Montréal et l’Europe, du développement du marché québécois de l’information, des liaisons par télégraphes, etc. Le Courrier s’éteint en 1938 après avoir connu des années difficiles à partir du début du xxe siècle. En Nouvelle-Angleterre enfin, le pic migratoire est atteint autour de 1900[42]. Le Québec et le Canada connaissent depuis la fin du siècle précédent une phase d’expansion économique très importante, qui contribue à développer le marché intérieur et les exportations. Par contrecoup, les travailleurs québécois éprouvent beaucoup moins le besoin de partir aux États-Unis. Un autre mouvement migratoire aura lieu dans les années 1920, mais la crise économique de 1929 y mettra fin brutalement. Dans ce contexte, les journaux francophones ne disparaissent pas encore, mais ils ne se développent plus au même rythme qu’à la fin du xixe siècle. On constate alors un phénomène d’acculturation, qui va s’accélérant à partir de 1900 : les journaux francophones de la Nouvelle-Angleterre délaissent progressivement les nouvelles du Québec pour s’intéresser davantage à la réalité américaine. « Vers 1900, écrit Yves Roby, si ce n’était la langue, on pourrait parfois confondre certaines pages de la presse francophone de la Nouvelle-Angleterre avec les journaux américains[43]. » Pour les journaux francophones, cet intérêt pour les nouvelles locales constitue une stratégie afin de contrer la baisse du lectorat, moins intéressé par les actualités québécoises. Même si le déclin n’est pas soudain (il y a encore six journaux quotidiens dans les années 1920, puis cinq dans les années 1940[44]), Montréal et le Québec vont donc s’imposer dans le paysage médiatique francophone du continent. En 1914, les tirages totaux au Québec (périodicités quotidienne, hebdomadaire, bi- et trihebdomadaire confondues, titres anglais et français cumulés) sont d’un peu plus d’un million d’exemplaires pour une population qui dépasse deux millions d’habitants[45]. Au début des années 1930, La Presse tire à près de 160 000 exemplaires, Le Soleil à près de 50 000[46]. Des journaux comme La Presse et La Patrie sont pourvus de moyens inégalés dans le reste de la francophonie nord-américaine ; ce sont de véritables petites industries de l’information. Cela se ressent dans leur présentation matérielle : vers 1914, La Presse est un journal de 20 pages en semaine, de 36 pages le samedi[47]. Il n’y a pas d’équivalent ailleurs sur le continent.
Pour retracer cette histoire littéraire largement oubliée lorsque l’on sort du Québec et dans laquelle les genres médiatiques, on le voit, ont joué un rôle de structuration important, une chance est pourtant à notre portée : celle de la numérisation des collections de journaux que l’on voit se multiplier à travers le monde. Les grandes institutions de conservation ont entrepris de mettre sur pied des portails consacrés à la presse ancienne, qui est entrée dans une phase de patrimonialisation. Une page de Médias 19 réunit une grande partie des collections numériques disponibles sur différentes bibliothèques en ligne, classées par zones francophones[48] ; elle permet de prendre la mesure de l’importance du système de l’information en français au xixe siècle et de sa nouvelle accessibilité numérique. Nul doute que notre conception des poétiques journalistiques — et de l’étude des genres tout particulièrement —, des trajectoires de journalistes, de la mobilité des corpus, et même des découpages chronologiques traditionnels en histoire littéraire de la presse doit s’adapter à la « remédiatisation » de la presse ancienne à l’écran. De nouvelles questions de recherche émergent grâce aux outils numériques, et parmi elles celle, de toute première importance, de la mesure plus fine des déplacements de corpus (réimpressions et citations, et même phénomènes de « viralité » dans les circulations d’articles[49]). Il deviendra ainsi plus aisé de prendre en compte les proportions d’articles repris par exemple entre la presse new-yorkaise francophone du milieu du xixe siècle et la presse québécoise de la même époque. De cette étude qui permet aussi de réfléchir à la notion d’« auteur en réseau » (« network author[50] »), on peut espérer qu’elle corrige une distorsion typiquement littéraire dans la perception des corpus anciens (chercher à tout prix du nouveau) et qu’elle fasse émerger des figures d’auctorialité collectives dont la valeur sera à considérer. En effet, il n’est pas certain que la pratique du recopiage ait souffert à l’époque d’une image dégradante, tout tendant à montrer selon les travaux de Ryan Cordell que les contemporains appréciaient — comme c’est le cas aujourd’hui dans la culture numérique — cette « viralité » qui donnait à chacun l’assurance de se situer au coeur des flux de l’information. Sans préconception de ce qu’il faut chercher, sans recherche biaisée de mots-clés, les algorithmes peuvent laisser entrevoir de belles découvertes sur une culture de la réimpression/circulation dans le monde francophone. De même, les analyses de « topic modeling » laissent penser qu’on pourra, sur la question des genres médiatiques, obtenir des formes de modélisation de la page du journal à travers le temps : quels genres s’imposent dans les journaux, quelle place y occupent-ils, avec quels effets de popularité, de déclin, d’évolution[51] ? Il est difficile et laborieux de répondre rigoureusement et sur de longues périodes à de telles questions avec les méthodologies traditionnelles de dépouillement, mais la détection automatique des marqueurs génériques ouvre la voie à la récolte de données objectives qui viendront soutenir les analyses qualitatives. On le voit, l’analyse des corpus numérisés de la presse québécoise et francophone a de beaux jours devant elle, et elle relève d’une histoire générale de la mondialisation médiatique.
Parties annexes
Note biographique
GUILLAUME PINSON est professeur titulaire au Département des littératures de l’Université Laval et doyen de la Faculté des lettres et des sciences humaines. Ses recherches portent sur l’histoire de la culture médiatique en Europe et en Amérique du nord francophones et il codirige avec Marie-Ève Thérenty la plate-forme Médias 19 (www.medias19.org). Il dirige le projet « Le journalisme francophone des Amériques : imaginaires, acteurs et réseaux de circulation », subventionné par le CRSH, et collabore au projet CRSH « Le Canada de Jules Verne » (Maxime Prévost [dir.], Université d’Ottawa). Il a publié La culture médiatique francophone en Europe et en Amérique du Nord, de 1760 à la veille de la Seconde Guerre mondiale (Québec, PUL, 2016); L’imaginaire médiatique, histoire et fiction du journal au 19e siècle (Paris, Garnier, 2012); et Fiction du monde. De la presse mondaine à Marcel Proust (Montréal, PUM, 2008).
Notes
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[1]
Guillaume Pinson, La culture médiatique francophone en Europe et en Amérique du Nord, de 1760 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Cultures québécoises », 2016, 359 p.
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[2]
Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), Presse, nations et mondialisation au xixe siècle, Paris, Nouveau Monde, coll. « Culture-médias », 2010, 512 p. Pour une perspective historique, voir notamment Bruno Marnot, La mondialisation au xixe siècle, Paris, Armand Colin, coll. « U. Histoire », 2012, 288 p.
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[3]
Voir Alain Vaillant, « Romantisme et mondialisation », Romantisme, no 163, 2014, p. 3-13, et « Pour une histoire globale du romantisme », Alain Vaillant (dir.), Dictionnaire du romantisme, Paris, CNRS éditions, 2012, p. xiii-cix.
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[4]
Alain Vaillant, « Romantisme et mondialisation », p. 9.
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[5]
Comme l’a montré de manière convaincante Nova Doyon dans son étude comparée sur le Québec et le Brésil : Formation des cultures nationales dans les Amériques. Le rôle de la presse dans la constitution du littéraire au Bas-Canada et au Brésil au début du xixe siècle, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Américana », 2012, 366 p.
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[6]
Voir Claude Bellanger, Jacques Godechot, Pierre Guiral et Fernand Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française, Paris, Presses universitaires de France, 5 volumes, 1969-1976 ; Pierre Van den Dungen, Milieux de presse et journalistes en Belgique (1828-1914), Bruxelles, Académie royale de Belgique, coll. « Classe des lettres », 2005, 562 p. ; Jean-Pierre Chuard, Des journaux et des hommes. Aspects de l’histoire et de l’évolution de la presse en Suisse romande, Yens-sur-Morges, Cabédita, coll. « Archives vivantes », 1993, 318 p.
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[7]
Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au xixe siècle, Paris, Nouveau Monde, coll. « Opus magnum », 2011, 1762 p. ; voir aussi le dossier « Les écrivains-journalistes » dirigé par Paul Aron, Textyles, no 39, 2010, qui porte sur le cas belge avec une contribution sur la Suisse : Daniel Maggetti, « Presse et littérature en Suisse romande : terra incognita » (p. 109-121).
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[8]
Le Français Jules Helbronner, né à Paris et immigré à Montréal en 1874, deviendra journaliste à La Presse, signant des chroniques ouvrières de 1884 à 1908 ; voir Mélanie Méthot, « Jules Helbronner (1844-1921) : père de la conscience ouvrière montréalaise et intellectuel engagé », Mens. Revue d’histoire intellectuelle de l’Amérique française, vol. II, no 1, automne 2001, p. 67-104.
-
[9]
Né en France en 1857, collaborateur de L’Abeille de La Nouvelle-Orléans au début des années 1880, directeur du Trait d’union à Mexico en 1882, puis journaliste au Canada à partir de 1884, où il fut rédacteur en chef à La Patrie et rédacteur à La Presse ; voir Hans-Jürgen Lüsebrink, « Le livre aimé du peuple ». Les almanachs québécois de 1777 à nos jours, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Cultures québécoises », 2014, p. 93 et suivantes.
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[10]
Né en Suisse en 1812, Napoléon Aubin s’installe à Québec après un passage à New York ; il lance Le Fantasque en 1837, sur le modèle de la « petite presse » satirique et littéraire parisienne. Voir Louise Frappier, « Un théâtre de papier. Critique et parole dramatique dans Le Fantasque », Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), Presse, nations et mondialisation au xixe siècle, p. 263-276.
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[11]
Les travaux d’Yves Roby sont à cet égard incontournables : voir entre autres Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre : rêves et réalités, Québec, Septentrion, 2000, 526 p.
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[12]
Parmi les rares études — en général très ciblées —, citons Michel Lacroix et Nadia Zurek, « Une journaliste franco-américaine au seuil de l’avant-garde. L’espace des possibles d’Yvonne Le Maître (1876-1954) », Recherches féministes, vol. XXIV, no 1, 2011, p. 77-99.
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[13]
Alexandre Bélisle, Histoire de la presse franco-américaine, comprenant l’historique de l’émigration des Canadiens-Français aux États-Unis, leur développement, et leurs progrès, Worcester, L’Opinion publique, 1911.
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[14]
Voir Sathya Rao et Denis Lacroix, « Sur la piste de Magali Michelet, femme de lettres et chroniqueuse de l’Ouest canadien », Francophonies d’Amérique, no 34, automne 2012, p. 173-192.
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[15]
On se reportera à l’étude déjà ancienne de Réginald Hamel, La Louisiane créole littéraire, politique et sociale, 1762-1900, Outremont, Leméac, coll. « Francophonie vivante », 1984, 2 vol.
-
[16]
Voir Jacqueline Covo-Maurice, « Un grand journaliste français au Mexique au xixe siècle : René Masson et le Trait d’union », Caravelle, no 78, 2002, p. 105-125.
-
[17]
Dominique Kalifa et Marie-Ève Thérenty (dir.), Les Mystères urbains au xixe siècle. Circulations, transferts, appropriations, Médias 19, mis en ligne en 2013 : http://www.medias19.org/index.php?id=17039 (page consultée le 1er juin 2017).
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[18]
Marie-Ève Thérenty (dir.), Les Mystères urbains au prisme de l’identité nationale, Médias 19, mis en ligne en 2013 : http://www.medias19.org/index.php?id=13307 (page consultée le 1er juin 2017). Cinq articles de ce collectif portent sur les Mystères de Montréal. Voir également Adam M. Cutchin, The Mystères of Paris and Montreal. Crime, National Identity, and the City in Nineteenth-Century Urban Mysteries and the Popular Press, thèse de doctorat, Ann Arbor, University of Pennsylvania, 2016, 314 f.
-
[19]
Voir Anthony Grolleau-Fricard, Le Courrier des États-Unis entre France, États-Unis et Canada (1828-1851), thèse de doctorat, Paris, Université Paris I – Panthéon-Sorbonne, 2009, 643 f.
-
[20]
Voir Marie-Ève Thérenty, La littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au xixe siècle, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Poétique », 2007, p. 241 et suivantes.
-
[21]
Je me permets de renvoyer à mon ouvrage pour de plus amples renseignements à ce propos : Guillaume Pinson, La culture médiatique francophone en Europe et en Amérique du Nord, de 1760 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, en particulier au chapitre 4 : « La littérature-journal dans la francophonie », p. 171-244.
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[22]
Hector Fabre, « Chronique », Le Canadien, 19 février 1866, p. 2 ; nous soulignons. Le texte n’est pas signé, mais il est repris sous une forme remaniée dans le recueil que Fabre publie en 1877, depuis réédité : Chroniques, Montréal, Boréal, coll. « Boréal compact. Classique », 2007, p. 66-73. Nous citons la version du Canadien.
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[23]
Sur ces chroniqueurs, voir Maurice Lemire et Denis Saint-Jacques (dir.), La vie littéraire au Québec, t. IV : 1870-1894. Je me souviens, Québec, Presses de l’Université Laval, 1999, p. 265 et suivantes.
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[24]
Voir Chantal Savoie, Les femmes de lettres canadiennes-françaises au tournant du xxe siècle, Montréal, Nota bene, coll. « Essais critiques », 2014, 243 p.
-
[25]
Arthur Buies, Chroniques I et II, édition critique établie par Francis Parmentier, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Bibliothèque du Nouveau Monde », 2 volumes, 1986 et 1991.
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[26]
Arthur Buies, « Chronique du “National” », Chroniques I, p. 334-341.
-
[27]
Ibid., p. 335.
-
[28]
Ibid., p. 336.
-
[29]
Arthur Buies, « Deux mille deux cents lieues en chemin de fer », Chroniques II, p. 85 et suivantes.
-
[30]
Ibid., p. 180.
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[31]
Le cas d’Honoré Beaugrand est à cet égard exemplaire, lui qui commence sa carrière de journaliste aux États-Unis, la poursuit à Ottawa, puis à Montréal en fondant La Patrie en 1879. Voir Jean-Philippe Warren, Honoré Beaugrand. La plume et l’épée (1848-1906), Montréal, Boréal, 2015, 532 p.
-
[32]
Björn-Olav Dozo, Anthony Glinoer et Michel Lacroix (dir.), Imaginaires de la vie littéraire. Fiction, figuration, configuration, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », 2012, 376 p.
-
[33]
Pour une approche historique du passage au journalisme d’information, voir Jean de Bonville, La presse québécoise de 1884 à 1914. Genèse d’un média de masse, Québec, Presses de l’Université Laval, 1988, 416 p.
-
[34]
Étude en cours, sous forme de thèse de doctorat, menée par Charlotte Biron (cotutelle Université Laval/Université Paul-Valéry Montpellier 3), et qui portera sur le reportage au Québec, d’Arthur Buies à Gabrielle Roy.
-
[35]
Voir Chantal Savoie, « L’Exposition universelle de Paris (1900) et son influence sur les réseaux de femmes de lettres canadiennes », Études littéraires, vol. XXXVI, no 2, 2004, p. 17-30. Savoie donne les précisions sur la publication de chacune des chroniques-reportages de Françoise.
-
[36]
Guillaume Pinson, « Towards a History of Reportage in French Canada. From the Beginning of the Twentieth Century to Gabrielle Roy », Literary Journalism Studies, vol. VIII, no 2, automne 2016, p. 53-63.
-
[37]
Plusieurs de ces reportages ont été réédités dans Gabrielle Roy, Heureux les nomades et autres reportages, 1940-1945, édition préparée par Antoine Boisclair et François Ricard avec la collaboration de Jane Everett et Sophie Marcotte, Montréal, Boréal, coll. « Cahiers Gabrielle Roy », 2007, 439 p.
-
[38]
Voir François Ricard, Gabrielle Roy. Une vie, Montréal, Boréal, coll. « Boréal compact », 2000, 646 p. Sur l’ensemble de ces reportages et la période journalistique de Gabrielle Roy, voir le chapitre 6 et la bibliographie exhaustive en fin d’ouvrage.
-
[39]
Gabrielle Roy, Bulletin des agriculteurs, mai 1943.
-
[40]
Edward Berenson, Heroes of Empire. Five Charismatic Men and the Conquest of Africa, Berkeley, University of California Press, 2012, 376 p.
-
[41]
Réginald Hamel, La Louisiane créole littéraire, politique et sociale, 1762-1900, t. II, p. 638-639.
-
[42]
Voir Yves Frenette, Étienne Rivard et Marc St-Hilaire (dir.), La francophonie nord-américaine, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Atlas historique du Québec », 2012, p. 130.
-
[43]
Yves Roby, Les Franco-Américains de la Nouvelle-Angleterre : rêves et réalités, p. 113.
-
[44]
Ibid., p. 273 et p. 312.
-
[45]
Jean de Bonville, La presse québécoise de 1884 à 1914. Genèse d’un média de masse, p. 254.
-
[46]
Denis Saint-Jacques et Lucie Robert (dir.), La vie littéraire au Québec, t. VI : 1919-1933. Le nationaliste, l’individualiste et le marchand, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, p. 206.
-
[47]
Jean de Bonville, La presse québécoise de 1884 à 1914. Genèse d’un média de masse, p. 231.
-
[48]
Voir http://www.medias19.org/index.php?id=10575 (page consultée le 1er juin 2017).
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[49]
On pourra ici s’inspirer des travaux de Ryan Cordell sur la « viralité » dans la presse américaine du xixe siècle : voir le projet http://viraltexts.org (page consultée le 1er juin 2017).
-
[50]
Voir Ryan Cordell, « Reprinting, Circulation, and the Network Author in Antebellum Newspapers », American Literary History, vol. XXVII, no 3, automne 2015, p. 417-445.
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[51]
On trouvera une réflexion sur de telles perspectives scientifiques dans les travaux de Pierre-Carl Langlais ; voir notamment la synthèse qu’il propose sur le « topic modeling » dans la presse ancienne sur le blogue du projet Numapresse : https://numapresse.hypotheses.org (page consultée le 1er juin 2017).