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Franziska Humphreys, dir. Penser la traduction. Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Bibliothèque allemande », 2021, 363 p.

  • René Lemieux

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  • René Lemieux
    Université Concordia

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Couverture de Traduction et journalisme, Volume 36, numéro 1, 1er semestre 2023, p. 9-283, TTR

Résultant d’un programme de recherche sous la direction scientifique de Franziska Humphreys (aujourd’hui affiliée à l’Institut Goethe à Bruxelles), l’ouvrage collectif Penser la traduction rassemble les contributions des intervenants sur le thème « Penser en langues – In Sprachen denken » qui ont eu lieu entre 2015 et 2020. Bien que s’inscrivant résolument dans le champ encore trop peu exploré de la traduction des sciences humaines et sociales, c’est plus précisément vers la philosophie que tendent les textes réunis, surtout la philosophie qui s’est faite et continue de se faire entre l’Allemagne et la France. L’ouvrage ne manque pas de manier avec beaucoup de dextérité les deux pans de la relation entre « traduction » et « philosophie » puisqu’on y trouve autant des textes qui tentent de penser philosophiquement la traduction que des textes analysant ce qu’arrive à la philosophie en traduction. L’ouvrage représente une belle collaboration entre deux disciplines, la traductologie et la philosophie, où aucune des deux ne prétend dominer l’autre. On trouve ainsi dans cet ouvrage des contributions de philosophes et de traductologues, mais aussi d’écrivains et de traducteurs. Divisé en quatre parties qui sont autant d’approches épistémologiques, l’ouvrage laisse toujours une place à un texte liminaire, relevant parfois de la fiction, d’autres fois de nature plus poétique, qui, en quelque sorte, met en scène ce qu’on s’apprête à découvrir. La première partie, « Les langues de la traduction », s’intéresse au questionnement sur la langue maternelle, à savoir la relation entre langue et pensée. Il s’agit de se rappeler que les sciences humaines et sociales sont discursives; que faire leur histoire, c’est analyser leur origine dans le langage pour comprendre où et comment se sont formés leurs concepts. La traduction a ici une fonction, celle de diffuser les idées, de donner une vie d’après [afterlife] aux textes, mais aussi de participer à des créations conceptuelles, car la traduction « constitue la première interprétation d’un texte dans une langue étrangère » (p. 17). Outre le texte liminaire par Esther Kinsky (écrit en allemand, traduit par Olivier Le Lay), on y trouve les contributions d’Isabelle Alfandary, d’Arno Renken et de Marco Baschera. Isabelle Alfandary se propose dans « Philosopher en langue maternelle » d’interroger l’impensé qu’est la place de la langue maternelle en philosophie. S’appuyant notamment sur Jacques Derrida (qui, avec Barbara Cassin, est une référence commune à plusieurs contributions) et Hegel, elle développe l’idée d’une tierce langue, la « langue du pays » (langue vernaculaire) qui n’est ni langue universelle ni langue maternelle, une langue « qui viendrait littéralement faire tiers et compliquer toujours d’emblée les termes de la décision » (p. 33). Sa conclusion pourrait valoir pour plusieurs textes du recueil : Dans le deuxième texte de cette partie, intitulé « Traduire, relier : Pluralité des langues et langue maternelle chez Arendt », Arno Renken revient sur une interprétation de la langue maternelle faite par Hannah Arendt. Outre sa réponse bien connue à la question de Günter Grass à l’émission Zur Fern en 1964 (« Was bleibt? Es bleibt die Muttersprache [Que reste-t-il? Reste la langue maternelle] »), Renken revisite un passage moins connu de son Journal de pensée, où la philosophe avance que le fait qu’un objet puisse à la fois s’appeler « Tisch » ou « table » indique « que quelque chose de l’essence véritable des choses […] nous échappe » (p.  47; trad. Sylvie Courtine-Denamy). Pour Renken, cette affirmation montre que toute langue est hantée par l’absence des autres langues. La pluralité des langues vivantes est l’expression d’une interférence : « La pluralité n’est pas l’addition des langues …