Résumés
Résumé
Présente depuis longtemps dans le cinéma québécois, la relation père-enfant, et surtout père-fils, revient en force dans les années 2000. Grâce à l’analyse de six films, le présent article brosse un portrait de la représentation des pères et de la paternité, entre persistance des vieux schémas et images renouvelées. Il s’attarde tant aux promesses d’évolution — naissance d’une parole père-fils, images de réconciliation — qu’aux apories troublantes qui traversent le corpus (pères morts ou malades, mères marginalisées ou effacées, fils hésitant à devenir pères).
Abstract
Long a feature of Québec cinema, the father-child relationship returned in force during the 2000s. The present article analyzes six films to paint a portrait of the representation of fathers and fatherhood through the persistence of old schemas and renewed images. It dwells on the promises of evolution—the birth of a father-son speech, images of reconciliation—as well as the troubling aporias present throughout the corpus (sick or deceased fathers, marginalized or self-effacing mother, sons reluctant to become fathers).
Corps de l’article
Ce n’est pas d’hier que le cinéma québécois traite des pères et de la paternité. Mais les premières années de notre siècle voient un déferlement d’oeuvres et d’images. Le présent article porte sur six films récents : Les invasions barbares de Denys Arcand et Gaz Bar Blues de Louis Bélanger (tous deux de 2003), Mémoires affectives de Francis Leclerc (2004), C.r.a.z.y. de Jean-Marc Vallée, La vie avec mon père de Sébastien Rose et L’audition de Luc Picard (tous trois de 2005) [1]. Il explore quelques figures récurrentes dont la persistance suggère, selon le cas, des impasses ou des avenues nouvelles.
Pourquoi ce regain d’intérêt pour les relations père-enfant dans le cinéma québécois ? Bien qu’il soit particulièrement marquant ici et qu’il ait donné lieu à un vif débat critique dont il sera question plus bas, le phénomène ne nous est pas propre : dans la foulée du Festival des films du monde de Montréal en 1984, Marcel Jean notait déjà que les cinéastes du monde entier — États-Unis, Autriche, France, Australie, Hong Kong — mettaient en scène des pères qui n’avaient rien à offrir à leurs enfants et qu’on tenait pour les grands responsables des maux de la société actuelle [2]. De façon plus générale, cette attention portée à la figure paternelle est liée à une intense réflexion sur la masculinité qui a cours un peu partout en Occident. Alimentée en partie par le mouvement féministe, qui a remis en question le partage traditionnel des rôles sociaux et des valeurs symboliques entre les sexes, invitant entre autres les hommes à investir le rapport à l’enfant et le monde des émotions, cette réflexion est liée également au déclin du religieux et donc de l’autorité paternelle [3], aux changements survenus dans le monde du travail, à l’essor de l’individualisme et de l’intérêt pour la vie intime. Au Québec, la discussion prend une coloration particulière dans la mesure où il est question de l’impossibilité d’affirmer sa virilité dans un monde dominé par le pouvoir fédéral (et, selon certains discours, par des femmes trop « performantes ») : les « hommes ordinaires » peineraient donc à trouver leur place. C’est sur ce fond de questionnements et d’instabilité identitaire qu’il convient d’interroger nos films.
L’analyse des films débutera par l’évocation des membres de la famille qui brillent par leur absence : les filles et, souvent, les mères. Il sera question ensuite d’un motif central, la mort du père. Nous verrons que dans bien des cas, que le père meure ou non, nous avons affaire au schéma suivant : procès du père-pardon-réconciliation. Cette réconciliation s’accompagne souvent d’images du monde naturel dont nous verrons les significations possibles. Enfin, nous nous attarderons à quelques apories troublantes : des images omniprésentes de drogues et de violence, de maladie et de mort, signes d’une transmission problématique. Mais avant, il nous faut situer ces films contemporains dans leur contexte historique et dans le débat actuel, qui porte sur le rapport entre paternité, identité masculine et situation du Québec. À la fin de l’analyse, nous reviendrons sur ce débat en soulignant à la fois la nouveauté des films à l’étude et la persistance des troubles identitaires diagnostiqués par certains critiques.
Hommes, pères, virilité
Heinz Weinmann a lu certains films marquants à travers le prisme du « roman familial politique » des Québécois, faisant ainsi des rapprochements entre la maturité politique relative du Québec et les familles du grand écran [4]. André Loiselle voit Les invasions barbares et d’autres films de la même période comme des oeuvres empreintes de la nostalgie du passé qui marque un Québec vieillissant et en mal de son rêve national [5]. Pour Christian Poirier, l’une des thématiques récurrentes du cinéma québécois est le rôle problématique « du père et, plus largement, de l’homme québécois francophone [6] ». Entre les années 1975 et 2000, l’absence du père, qui caractérise de nombreux films, crée « un vide identitaire » et des relations difficiles entre les générations [7]. Poirier interprète lui aussi les films à la lumière de la situation politique du Québec : ainsi, par exemple, le grand nombre d’orphelins dans le cinéma québécois correspondrait à un pays « orphelin de son passé [8] ». Mathieu-Robert Sauvé énonce, sous sa forme la plus simple, cette lecture politique : « Si la France n’avait pas abandonné sa colonie, si les Patriotes avaient crié victoire, si un seul référendum avait été gagnant, peut-être verrions-nous aujourd’hui de grands hommes sur nos grands écrans [9]. » Pour suggestive qu’elle soit, une telle lecture n’indique en rien comment, sans l’indépendance, les choses pourraient changer ; elle passe sous silence la place des femmes et des filles dans le social (il est toujours question, selon cette lecture, de pères et de fils, et personne ne s’inquiète de savoir s’il y a « de grandes héroïnes sur nos grands écrans ») et ne peut expliquer les transformations récentes de la masculinité et de la paternité, survenues sans changement marquant de la situation politique du Québec.
La prolifération de films québécois sur le rapport père-fils a donné lieu à un échange de vues diamétralement opposées. Jean-Claude Marineau, optimiste, annonce la survenue d’une « nouvelle race de pères », des hommes dignes, courageux et « en pleine possession de leurs émotions ». Ces représentations du rapport père-fils seraient sans doute « en train de supplanter, mine de rien, l’un des lieux communs les plus tenaces hérités de nombre de films québécois des dernières décennies : ce sempiternel père absent ou incapable d’exprimer ses émotions ou emmuré dans son silence [10] ».
En réponse à l’article de Marineau, Mathieu-Robert Sauvé affirme qu’on a affaire non pas à de nouveaux pères mais à « d’authentiques descendants des losers qui ont marqué la cinématographie québécoise depuis La petite Aurore, l’enfant martyre, de Jean-Yves Bigras, en 1951 ». Le père de Gaz Bar Blues, par exemple, incarne à ses yeux « le repli sur soi et le misérabilisme » ; ce qui nous manque, c’est justement « un héros authentique qui aurait joué sans complexe son rôle de protecteur ou de père aimant et dévoué [11] ». Martin Bilodeau cite à ce propos Marcel Jean, selon qui « il serait impensable pour un cinéaste [québécois] même aujourd’hui, d’imaginer un scénario mettant en vedette un véritable héros masculin. Il serait pris d’un fou rire devant son ordinateur [12] ».
Justes à certains égards, ces deux articles polémiques manquent de nuances : celui de Marineau passe sous silence certaines impasses sur lesquelles nous reviendrons, celui de Sauvé sous-estime la nouveauté de certaines représentations. Tâchons donc, au moyen d’une lecture plus approfondie, de faire la part des choses.
Des absences significatives
Plutôt que de rapports père-enfants, il serait plus juste de parler de rapports père-fils dans les films de notre corpus, tous réalisés par des hommes [13]. Les invasions barbares : un fils, une fille, mais celle-ci n’est visible que par le biais d’une image informatisée satellite envoyée depuis le petit bateau à bord duquel elle fait un voyage solo en mer. Aventurière libre alors que le fils bourreau de travail est enfermé dans un bureau, puis rivé au chevet du père agonisant, elle ne joue cependant presque aucun rôle dans l’intrigue, qui tourne autour du couple père-fils (et, dans une moindre mesure, autour du réseau des vieux amis de Rémy). Gaz Bar Blues : trois fils et une fille ; celle-ci n’habite pas à la maison et paraît peu à l’écran, même si elle jouera un rôle important à la fin en consolant le père qui croit avoir failli à la tâche. Mémoires affectives : deux garçons (le héros a lui-même une fille déjà adulte, mais il ne s’en souvient pas : il est amnésique à la suite d’une agression). La vie avec mon père : deux garçons. L’audition : un garçon. C.r.a.z.y. remporte la palme avec cinq garçons, aucune fille. En somme, être père, dans le cinéma québécois, c’est avoir des fils ; vivre un rapport significatif avec son père, c’est être homme.
L’enfant, au cinéma québécois, est donc pour l’essentiel un fils. Fait plus troublant encore, pour parler du père, tout se passe comme s’il fallait éliminer la mère. Dans Gaz Bar Blues et La vie avec mon père, la mort de la mère est mentionnée d’emblée et il n’est plus question d’elle. Dans Mémoires affectives, il est dit seulement de la mère qu’elle est partie parce que le père buvait trop ; elle n’apparaît pas à l’écran. Dans la moitié des films de notre corpus, donc, la mère est totalement absente ; le protagoniste de L’audition ne fait jamais référence à ses parents et chez Arcand encore, la mère joue un rôle mineur (c’est elle toutefois qui a orchestré le retour de son fils à Montréal). Bien sûr, le cinéma devant, plus que le roman, concentrer ses effets, il est logique qu’on privilégie la relation avec un seul parent. De plus, s’il est vrai, comme l’affirme Christian Poirier, que l’absence du père, dans le cinéma québécois, tient aussi à la très forte présence de la mère, qui laisse rarement une place à son conjoint [14], il fallait peut-être inverser la situation, effacer la mère pour que le père devienne enfin visible. En effet, on dirait que le père ne peut se montrer tendre qu’en l’absence de la mère ; si elle était là, c’est elle qui serait au centre de la vie émotive de la famille. Le prix d’un rapprochement père-enfant semble donc être la disparition, voire la mort de la mère [15]. Elle paie de sa vie, ou du moins de son effacement narratif, le rapprochement père-enfant. Il arrive aussi que la mère tienne le père à distance de sa paternité, comme Suzie dans L’audition : comme elle ne trouve pas Louis, homme à bras à la solde d’un usurier, à la hauteur de la paternité, elle hésite longuement à lui annoncer sa grossesse. Il ne se saura donc père que peu de jours avant sa mort. Dans ce cas, le pouvoir maternel est franchement abusif. Il arrive que la mère joue un rôle plus positif que le père, dans C.r.a.z.y. par exemple, où, bien mieux et plus tôt que le père, elle accepte la « différence » de son fils homosexuel, ou dans Les invasions barbares, où elle raconte au fils la sollicitude qu’a eue envers lui son père lorsqu’il était tout petit. Mais en gros, mères et filles dans ces univers sont effacées ou subordonnées à la relation père-fils.
La mort du père
Qu’en est-il maintenant du père lui-même ? Premier constat : ces films racontent plus souvent qu’autrement sa mort [16]. Dans Mémoires affectives, histoire d’un amnésique, la grande énigme est justement celle du décès du géniteur, survenu lorsqu’il chassait en forêt avec ses deux fils alors tout jeunes : le père s’est noyé dans le lac et on n’a jamais retrouvé son corps. Les invasions barbares et La vie avec mon père racontent tous deux le déclin puis la mort du père, qui clôt le film. Et Louis Tremblay, dans L’audition, sera tué peu avant la naissance de son enfant par une jeune femme qui venge son propre père [17] : il ne vivra donc jamais la paternité, sinon de façon virtuelle (nous y reviendrons). Deux morts naturelles et deux meurtres « familiaux », soit un parricide et un acte de vengeance pour la mort du père : on le voit, la figure du père est au sein d’une constellation de mort, comme si, autour d’elle, il y avait une impossibilité, une condamnation. Mais pourquoi les pères meurent-ils autant ? Quels crimes expient-ils ainsi ?
Avant de nous attarder au procès que leur font subir les enfants, voyons quel type d’héritage laissent les pères de notre corpus. Rien de bon dans Mémoires affectives, où la cruauté du père a poussé un frère à changer de nom — de Tourneur, il est devenu Turner et s’est établi à Toronto [18] — et a privé l’autre de sa mémoire [19]. Le père de Gaz Bar Blues ferme son poste d’essence déficitaire et n’a pas grand-chose à léguer à ses enfants, sinon leur liberté. Le fils de Rémy dans Les invasions barbares, déjà bien plus riche que son père, hérite d’un appartement qu’il donne à son tour à une jeune femme dans le besoin : il a donc reçu du père en quelque sorte la capacité de donner. En revanche, le legs spirituel du père (sa bibliothèque d’histoire et de philosophie) n’intéresse en rien le fils. Le père dans La vie avec mon père n’a qu’une maison autrefois belle, maintenant presque en ruine [20], et quelques grands crus réchappés de l’inondation de la maison (la maison, symbole de l’autorité paternelle, « prend l’eau » de toutes parts). Cependant, cet homme, auteur d’un roman de jeunesse qui a connu un grand succès populaire et critique [21], a transmis à Paul, l’un de ses fils, son talent de romancier, puisque celui-ci lance, à la fin du film, un roman intitulé… La vie avec mon père ; de plus, il a favorisé une réconciliation entre ses fils et leur a appris à profiter pleinement de la vie qui passe [22]. Aucun héritage matériel dans C.r.a.z.y. puisque le père ne meurt pas, mais un grand cadeau pour le fils : l’acceptation, après dix ans de rupture, de son homosexualité. Dans un sens, c’est le père de L’audition, même s’il ne verra jamais son fils, qui lui laisse par hasard le plus beau des cadeaux : un enregistrement vidéo dans lequel il dit l’amour infini que lui inspire l’enfant. Enregistrement qui ne lui était pas destiné — il s’agit de l’audition que Louis a passée peu de temps avant sa mort —, mais cela, le fils ne le saura pas.
Le procès du père
Mais avant de transmettre quoi que ce soit, le père subit un procès en règle, intenté par lui-même ou par ses enfants. Tous ont été, semble-t-il, mauvais pères. Celui de Mémoires affectives était violent et abusif ; comme lui, son fils Alexandre, l’amnésique, boit trop et néglige sa fille (du moins selon une version des faits). Dans Les invasions barbares et dans La vie avec mon père, le père a poursuivi ses propres plaisirs — les voyages, le vin, les femmes — et négligé d’être présent à la maison [23]. Le second dira même : « Des fois je me dis que je suis devenu impuissant parce qu’il était temps que j’arrête de courir les femmes et que je m’occupe de mes fils » ; tant qu’il était « un homme », donc, il n’avait pas de temps pour eux. Les pères de Gaz Bar Blues et de C.r.a.z.y. dirigent leurs fils dans une voie qui n’est pas la leur, le premier en les obligeant à travailler au poste d’essence au détriment de leurs intérêts (l’un est musicien, l’autre photographe), le second en refusant d’accepter l’homosexualité de Zach : celui-ci, surpris par le père à l’âge de sept ans alors qu’il est habillé en fille, annonce en voix off qu’il vient « de lui déclarer la guerre ». Parfois, sans que les enfants l’accusent, le père s’en charge : celui de Gaz Bar Blues, par exemple, résume ses torts en voix off dès les premières images du film et revient à la charge à la fin : « La liste des fautes commises est longue », déclare-t-il. Fidèle à sa logique interne, selon laquelle, pour reprendre les mots du médecin de l’amnésique, « la vérité est une notion aussi abstraite que la mémoire », Mémoires affectives fait se côtoyer deux discours contrastés de la femme adulte sur son père. Lorsqu’il lui demande « J’ai été un bon père pour toi ? », elle répond en souriant, « Le meilleur papa du monde » et dit qu’elle le prenait pour un dieu en raison de ses capacités de guérisseur (il est vétérinaire) ; peu après, elle l’accuse d’avoir toujours été saoul et termine sa tirade ainsi : « T’as jamais été là pour moi. Ni pour personne d’autre d’ailleurs, sauf pour tes maudits animaux ». Seul le père de L’audition n’a aucun tort en tant que père, et pour cause : mort avant la naissance de son fils, il n’existe pour lui que par le biais d’une bande enregistrée, une belle image. En somme, le père est toujours mauvais, jamais là où il devrait être, toujours jugé. Signe que les films épousent, pour l’essentiel, le point de vue de l’enfant parfois devenu adulte [24].
Notons que les pères jugent aussi sévèrement les fils : ils sont irresponsables (Gaz Bar Blues, La vie avec mon père), pas assez virils (C.r.a.z.y., Mémoires affectives) ou sauvages et incultes (Les invasions barbares). Mais le procès le plus dur est celui que subissent les pères, sans doute puisque le sort des fils est en partie leur responsabilité tandis que l’inverse n’est pas vrai. Et alors qu’on insiste longuement sur leurs torts en tant que pères, aucun discours explicatif sur leur jeunesse ne vient atténuer leur culpabilité. Tout le mal a commencé avec eux, en somme, même s’il ne finira pas avec eux. Autre indice que la plupart de ces films endossent la perspective de l’enfant : le père n’est pas représenté jeune, en tant que fils fragile, mais seulement en adulte pleinement responsable de ses actes, comme s’il n’avait pas de passé, pas d’autre histoire que celle qui a commencé avec la naissance des fils.
Les retrouvailles père-fils
Mais le procès, s’il donne lieu à une forme de condamnation, totale ou atténuée, aboutit enfin à un pardon et à une réconciliation. Seule exception : Mémoires affectives, où le procès se solde par une véritable condamnation à mort (le fils abat le père et fait croire à une noyade) ; à la génération suivante, la fille de l’amnésique lui fait comme on l’a vu un accueil mitigé. Dans les autres films, la réconciliation survient soit à l’orée de la mort (Les invasions barbares, La vie avec mon père), soit après un traumatisme familial : dans Gaz Bar Blues, le père sauve son jeune fils lors d’un hold-up et dans C.r.a.z.y., le père a perdu un autre de ses fils et tient à se rapprocher de ceux qui restent. Les paroles apaisantes se prononcent enfin : dans Les invasions barbares, par exemple, le père, à qui le fils vient de lui dire qu’il l’aime, confirme ainsi la valeur de celui qu’il avait considéré jusque-là comme un barbare : « Tu sais ce que je te souhaite ? […] D’avoir un fils aussi bien que toi [25]. » Fait troublant, les explications et les belles paroles surviennent seulement en raison de l’imminence de la mort, comme s’il était trop dangereux, entre hommes, de se parler d’amour : dans Gaz Bar Blues, les mots de réconciliation sont plutôt prononcés par la fille et dans C.r.a.z.y., les retrouvailles avec le père font l’objet d’une ellipse narrative : on voit simplement, dans les dernières images du film, les deux hommes faire une balade en voiture ensemble comme autrefois.
Chose significative ici, c’est l’enfant qui, le plus souvent, rassure le père, et non l’inverse (sauf pour C.r.a.z.y., où toute l’intrigue tend vers l’acceptation de l’homosexualité du fils par le père). C’est lui qui a le pouvoir de consacrer ou de délégitimer le père [26]. Dans Gaz Bar Blues, nous l’avons vu, c’est la fille qui dit : « T’en as assez fait, papa. Arrête de t’en faire pour nous autres. » Le pouvoir de l’enfant-juge est à son comble dans Mémoires affectives, où la fille se joue du père amnésique en lui présentant des versions contradictoires de son passé. Signe des temps, donc, l’autorité paternelle — qui permettait au paterfamilias de conférer la légitimité ou de refuser la reconnaissance à son gré — est devenue un pouvoir de reconnaissance que possèdent les enfants. Notons aussi que le motif de la maladie du père prive celui-ci de tout pouvoir ou presque : il est de plus en plus faible, de plus en plus pris en charge par le fils qui le voit pleurer ou se salir comme un enfant [27]. Des pères donc très, voire trop humains.
Les retrouvailles avec le père (et parfois avec soi-même) donnent lieu dans presque tous les cas à de belles images du monde naturel, même si l’action des films s’est déroulée jusque-là en milieu fermé (l’hôpital chez Arcand, la maison décatie de La vie avec mon père). Seul La vie avec mon père se clôt dans un lieu créé par les humains : la salle où on lance le roman de Paul. Dans Les invasions barbares, Rémy, son fils et ses amis se retrouvent au bord d’un lac pour une fête ultime ; dans Gaz Bar Blues, plus modestement, il s’agit d’un jardinet où se promène, l’air un peu ahurie, une jolie oie blanche. Image de soleil et de verdure : père et fils se balancent, l’air en paix. À la fin de C.r.a.z.y., père et fils se trouvent un peu à l’extérieur de la ville par une belle journée d’été, où ils fêtent leur complicité chez « Norman, roi de la patate [28] ». Mémoires affectives représente un même lieu, le Lac à l’écluse, en deux temps : l’été du meurtre du père et l’hiver de la quête de la mémoire. À la toute fin, on voit apparaître un chasseur autochtone vêtu de peaux qui lance une flèche. Enfin, la scène initiale et finale de L’audition, c’est un père qui se promène main dans la main avec son fils, âgé de quatre ou cinq ans, dans une immense forêt lumineuse. La nature signale donc la réconciliation ou les retrouvailles (Gaz Bar Blues, C.r.a.z.y., L’audition), une sérénité nouvelle survenue à l’aube de la mort ou même après (Les invasions barbares, L’audition) ou encore, dans Mémoires affectives, à la fois la nature profonde des Québécois et la part authentique et « sauvage » en chacun de nous.
Quelques apories
Un constat curieux : le thème de la dépendance — drogue et alcool — traverse presque tous les films à l’étude. Dans Gaz Bar Blues, il s’agit surtout d’un mal évité, qui souligne la corruption du quartier et la rectitude de la petite famille. Le fils de Rémy, dans Les invasions barbares, engage la fille d’une amie du père, héroïnomane, pour piquer le père et alléger ses souffrances ; elle-même remet ainsi sa vie sur les rails. Nous avons déjà dit que le père et le fils, dans Mémoires affectives, ont ce que ce dernier appelle pudiquement « un problème de boisson ». Dans La vie avec mon père, Paul se drogue, se saoule avec son père et fait le commerce des médicaments volés. L’un des fils dans C.r.a.z.y. meurt d’une overdose. En somme, ces couples père-fils s’inscrivent facilement sous l’enseigne de la dépendance, de la perte de contrôle et du délire. Signe d’une faiblesse toute masculine, comme diraient certains critiques ? Symptôme, plutôt, d’une époque portée sur la gratification immédiate ? Manifestation de notre dénuement devant les émotions fortes ou devant la mort d’un parent, aimé ou non ?
Ce n’est que l’une des apories qui marquent les films à l’étude. Malgré la tendresse évidente qu’ils font ressortir — même le père de C.r.a.z.y., aux valeurs catholiques traditionnelles, est littéralement « fou » de ses fils, comme le suggère le titre du film [29] —, on ne peut manquer d’être frappé par l’omniprésence de la maladie et de la mort de la figure paternelle. Quatre pères, dans les six films de notre corpus, sont atteints d’une maladie grave : celui des Invasions barbares et de La vie avec mon père en mourront à la fin du film, sans parler de la maladie de Parkinson dont souffre le père de Gaz Bar Blues (ses mains tremblent tant qu’il est incapable de réaliser les gestes les plus simples) et de l’amnésie débilitante d’Alexandre dans Mémoires affectives. Quant aux pères en pleine santé, deux d’entre eux meurent assassinés (Mémoires affectives et L’audition). En fait, seul le père de C.r.a.z.y., à la fin, n’est ni mort ni malade. Autour du père, donc, c’est le champ de ruines, mais aussi, paradoxalement, la réconciliation in extremis. Pourquoi les films balancent-ils ainsi, entre dévastation et retrouvailles ? La relation père-enfant semble très difficile à établir, non pas à cause de l’omniprésence de la mère comme on l’a parfois suggéré, mais par la faute du père, qui a commis tous les crimes. Seul Louis, dans L’audition, échappe à la condamnation générale en mourant avant la naissance de son fils.
Cette faillite du père reflète-t-elle, comme on l’a suggéré, la situation politique du Québec ? L’explication, pour plausible qu’elle soit à certains égards, ne permet pas de rendre compte d’une importante évolution : père et fils se parlent, se rapprochent, se disent enfin leur tendresse, même si c’est de façon encore maladroite. Aussi bien l’ancien — la persistance de la mort du père — que le nouveau — l’émergence d’une tendresse jamais dite —, témoignent sans doute de l’époque de transition que nous vivons : l’identité masculine traditionnelle évolue vers des valeurs transformées [30]. Il n’est pas facile, entre hommes, de parler des émotions, mais les films de notre corpus semblent avancer sur cette voie. Le changement est anxiogène — d’où peut-être toutes ces images de mort, de déclin et de maladie —, mais il est aussi ardemment souhaité.
Mon père, ce zéro ?
Nous avons vu que pour Jean-Claude Marineau, les nouveaux pères sont déjà une réalité, alors que Mathieu-Robert Sauvé ne voit pas d’évolution dans la représentation cinématographique : les pères des films récents seraient eux aussi des losers. Le premier signale, à n’en pas douter, une tendance nouvelle, mais en surestime l’aboutissement : de nombreuses impossibilités et des motifs troublants demeurent. Pour Sauvé, la question du père est liée, plus généralement, à un prétendu manque de virilité chez l’homme québécois. Et il est vrai que les films de notre corpus font ressortir la vulnérabilité des pères : malades ou mourants, sans mémoire, déconcertés par leur progéniture et parfois dépassés par les événements. Mais vulnérabilité doit-elle forcément rimer avec nullité ? Si la faiblesse et les émotions — qui rendent tout le monde vulnérable — font partie de la condition humaine [31], ces pères qui disent leurs émotions sont plus humains que les silencieux d’autrefois, plus forts à leur manière que les surhommes blindés des films américains.
Sauvé insiste avec raison sur l’incapacité de François Brochu, le père dans Gaz Bar Blues, à comprendre ses fils et à les laisser faire leur chemin dans la vie — incapacité surmontée toutefois à la fin du film (ce que ne dit pas Sauvé) puisqu’il ferme le garage, libérant les fils du même coup —, mais il passe sous silence l’acte réellement héroïque qu’accomplit cet homme : lors d’un hold-up du garage, le voleur prend en otage le fils le plus jeune de Brochu, qui se substitue sans hésiter à lui : « Je vais prendre sa place […] on va prendre mon char, s’en aller tous les deux. » Donner sa vie pour en sauver une autre, n’est-ce pas là un acte héroïque ? Cela dit, il est vrai que les gestes d’éclat sont rares dans notre corpus [32]. Mais investir la paternité au quotidien, même avec ses faiblesses et ses défauts, est aussi un geste digne et courageux. Peut-être faut-il savourer le bonheur « ordinaire » que vivent parfois pères et fils lorsqu’ils passent du temps à manger, à trinquer et à parler ensemble (La vie avec mon père), se balancent dans le jardin par un beau jour d’été (Gaz Bar Blues) ou encore se rendent à la « roulotte de patates frites » (C.r.a.z.y.). Ces films laissent entendre qu’on n’a pas besoin d’être un héros pour se montrer bon père, alors que Sauvé fait comme s’il n’y avait pas de paternité quotidienne mais réussie, comme si, entre héros et zéro, les deux pôles évoqués par son texte, il n’y avait aucun moyen terme.
Paternité et absence
La mort du père traditionnel annoncerait-elle la venue du « père nouveau » de la génération montante, signalant la disparition de l’homme ancien au profit de valeurs nouvelles ? Il faudrait se garder d’une lecture trop optimiste, puisque les films de notre corpus nous montrent une paternité souvent toute virtuelle. Les pères mourants n’existent comme pères qu’à travers le discours de leurs enfants, rarement tendre : on n’a droit à aucun retour en arrière, à aucune représentation à l’écran de leur expérience de père. Alexandre, dans Mémoires affectives, n’a accès à sa vie de père qu’à travers la parole trompeuse de sa fille. Seuls Gaz Bar Blues et C.r.a.z.y. mettent en scène un père au jour le jour avec ses enfants, jeunes adultes dans le premier cas, enfants et adolescents dans le second ; dans tous les autres cas, la paternité active n’est pas représentée à l’écran. L’exemple le plus frappant de la paternité impossible à réaliser demeure L’audition. Deux scènes évoquent un rapport père-enfant merveilleusement tendre : la promenade en forêt et la cassette sur laquelle le père dit à l’enfant tout l’amour qu’il lui porte. Or ces deux scènes sont virtuelles. Le père ayant été tué avant la naissance du fils, la promenade en forêt n’a jamais eu lieu ; il s’agit plutôt d’un rêve, d’un fantasme tenace réitéré tout au long du film. Et la déclaration d’amour à l’enfant est tout aussi irréelle, puisqu’il s’agit de la cassette d’une audition passée par le père, aspirant acteur [33] ; nous avons déjà vu, au tout début du film, un autre acteur jouer la même scène. Au moment de l’audition, celui-ci ne sait pas encore que sa compagne est enceinte ; aucun enfant-destinataire, sinon imaginaire, n’existe dans son esprit. Malgré la qualité de son jeu, les mots qu’il prononce sont l’oeuvre d’un scénariste, ils ne lui appartiennent pas, tout comme ses gestes restent sans réelle valeur affective.
Le croisement de ces deux scènes attire l’attention sur une persistante aporie autour de la paternité dans L’audition : tant que l’homme est là, vivant et présent, il peut être géniteur (même s’il l’apprend très tard), mais non pas père présent et aimant ; une fois l’enfant né, le père est définitivement disparu. On ne peut donc, ici, être père dans la suite des jours, dans la chaleur du réel, mais seulement dans le rêve, le fantasme, le simulacre ou le virtuel. Le père est une image vidéo, une voix enregistrée, une tendresse inaccessible, un fantôme. Lui, qui a l’air si réel à l’écran de télévision du salon de sa veuve, n’existe déjà plus. Et c’est justement la conjugaison de cette volonté d’être là et de cette incapacité à l’être qui caractérise, à des degrés parfois moindres, plusieurs oeuvres de notre corpus. En revanche, de tous ces films, à part Mémoires affectives, ressort l’ampleur de l’amour père-fils, même vain, impossible à vivre ou du moins déchirant. Non seulement le père est-il essentiel pour les enfants représentés, mais pour plusieurs hommes du corpus, leur paternité est au centre de leur vie (ou du moins est reconnue à sa vraie valeur à la fin). Une dernière aporie toutefois : des fils adultes que montrent ces films, très peu ont eu des enfants : un amnésique (Mémoires affectives), un mort (L’audition) et un bourreau de travail en instance de divorce (La vie avec mon père). Des fils déjà adultes, en santé et en âge de procréer, presque aucun ne l’a fait [34]. Ce qui se transmet le plus difficilement, c’est peut-être la paternité elle-même.
Parties annexes
Note biographique
Lori Saint-Martin
Lori Saint-Martin est professeure titulaire au Département d’études littéraires de l’Université du Québec à Montréal et coordonnatrice de l’enseignement à l’Institut de recherches et d’études féministes de la même université. Ancienne directrice de la revue Voix et Images, elle a publié plusieurs essais sur la littérature québécoise au féminin, dont Le nom de la Mère. Mères, filles et écriture dans la littérature québécoise au féminin (Nota bene, 1999) et La voyageuse et la prisonnière. Gabrielle Roy et la critique au féminin (Boréal, 2003, prix Gabrielle-Roy et prix Raymond-Klibansky). Paraîtra sous peu Au-delà du nom. La question du père dans la littérature québécoise contemporaine. Avec Paul Gagné, elle a publié la traduction française d’une cinquantaine de romans et d’essais, surtout canadiens-anglais, et a remporté en 2000 et en 2007 le prix du Gouverneur général.
Notes
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[1]
Tous ces films, qui ont allié succès critique et populaire, mettent la relation père-fils au centre de la diégèse et la traitent dans une optique psychologique approfondie qui fait contraste avec des films plus populaires comme De père en flic (2009), d’Émile Gaudreault, qui emprunte à la comédie policière américaine.
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[2]
Marcel Jean, « L’impossibilité d’être père », L’analyste, no 8, hiver 1984-1985, p. 70-71.
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[3]
Traditionnellement, l’autorité de l’Église et celle du père de famille sont solidaires : Dieu est vu comme le père divin dont le père terrestre est le représentant.
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[4]
Voir Heinz Weinmann, Cinéma de l’imaginaire québécois. De La petite Aurore à Jésus de Montréal, Montréal, l’Hexagone, 1990.
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[5]
André Loiselle, Denys Arcand’s Le déclin de l’empire américain and Les invasions barbares, Toronto, University of Toronto Press, coll. « Canadian Cinema », no 2, 2008. p. 150.
-
[6]
Christian Poirier, Le cinéma québécois. À la recherche d’une identité ?, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2004, t. 1 (L’imaginaire filmique), p. 54.
-
[7]
Christian Poirier, Le cinéma québécois, ouvr. cité, t. 1, p. 169.
-
[8]
Christian Poirier, Le cinéma québécois, ouvr. cité, t. 1, p. 195.
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[9]
Mathieu-Robert Sauvé, « De nouveaux pères qui n’en sont pas », Le Devoir, 11 mars 2004, p. A7. Martin Bilodeau (« Notre père », Le Devoir, 23 décembre 2005, p. B3) cite un cinéaste, Bernard Émond, qui reprend à son compte cette lecture en décrivant le cinéma québécois comme « le fait d’une société immature, qui ne s’assume pas sur le plan politique ».
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[10]
Toutes les citations du paragraphe sont tirées de Jean-Claude Marineau, « La nouvelle race de pères du cinéma québécois », Le Devoir, 21 et 22 février 2004, p. A7.
-
[11]
Mathieu-Robert Sauvé, « De nouveaux pères qui n’en sont pas », art. cité, p. A7.
-
[12]
Martin Bilodeau, « Notre père », art. cité, p. B3.
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[13]
Certains films de femmes, par exemple Maman est chez le coiffeur de Léa Pool (2008), donnent plus de place au rapport père-fille.
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[14]
Christian Poirier, Le cinéma québécois, ouvr. cité, t. 1, p. 272. Ce commentaire s’appliquerait assez bien à la mère de C.r.a.z.y, aimante et compréhensive jusqu’à la complaisance, mais aussi surprotectrice et étouffante ; sans vouloir écarter le père (elle cherche au contraire à réconcilier père traditionnel et fils homosexuel), elle prend beaucoup de place.
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[15]
La même logique prévaut dans Maman est chez le coiffeur, où le père ne s’occupe des enfants qu’après le départ de la mère.
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[16]
Ce thème est important depuis longtemps dans le cinéma québécois. Voir Christian Poirier, Le cinéma québécois, ouvr. cité, t. 1, p. 167.
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[17]
Endetté auprès de l’usurier pour lequel travaille Louis et battu par celui-ci, le père de la jeune meurtrière s’est suicidé.
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[18]
Le fils serait donc une girouette (« Tourneur »), un vire-capot qui abandonne le pays au profit des Anglais, comme le fait le fils des Invasions barbares, désormais établi à Londres.
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[19]
L’enchaînement causal est complexe, mais l’agression qui fait perdre la mémoire à Alexandre est liée au lointain meurtre du père.
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[20]
Les premières images du film sont frappantes, qui opposent la vieille maison délabrée du père à l’immeuble à bureaux tout blanc et futuriste où travaille le fils. Le début des Invasions barbares installe le même contraste entre la somptueuse banque privée de Londres où travaille Sébastien, rasé de près et tiré à quatre épingles, et le lit de l’hôpital négligé et surchargé où repose Rémy. La puissance du fils et la déchéance du père en ressortent clairement.
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[21]
À un moment donné, on voit le roman flotter dans les eaux qui envahissent le salon : le Masculin singulier est à la dérive…
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[22]
Sur ce dernier point, voir Violaine Charest-Sigouin, « Père manquant, fils manqués », Ciné-bulles, vol. 23, no 1, hiver 2005, p. 8-9.
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[23]
Pour Marc-Yves Leclerc (« Lumière et ténèbres », Prisme, no 41, 2003, p. 136), le père des Invasions barbares est « l’archétype de cette génération baby-boomante. Il en a soustrait les bénéfices, n’a rien créé, il a simplement cueilli ».
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[24]
La vie secrète des gens heureux, film de Stéphane Lapointe (2006), met en scène un père contrôlant qui, non content de régir la vie universitaire et professionnelle du fils, engage une jolie fille pour sortir avec lui et faire semblant de l’aimer, puis vit lui-même avec elle une aventure torride.
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[25]
Denys Arcand, Les invasions barbares, Montréal, Boréal, 2003, p. 207.
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[26]
L’inversion du pouvoir père-enfant — c’est souvent celui-ci qui, aujourd’hui, déclare le père légitime — est un motif récurrent de la littérature québécoise contemporaine. Voir Lori Saint-Martin, Au-delà du nom. La question du père dans la littérature québécoise actuelle, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Nouvelles études québécoises », 2010.
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[27]
La scène de La vie avec mon père où les fils lavent le père sali de ses propres excréments rappelle le rituel christique et homoérotique de la fin d’Un zoo, la nuit.
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[28]
De façon à la fois tendre et dérisoire, la puissance paternelle (roi) est ainsi réactivée.
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[29]
Les lettres du mot C.r.a.z.y. correspondent à la première initiale du prénom de chaque fils ; le père les nomme ainsi en hommage à la chanson de Patsy Cline qui scande le film.
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[30]
Voir Christine Castelain-Meunier, La place des hommes et les métamorphoses de la famille, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Sociologie d’aujourd’hui », 2002.
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[31]
Jean-Claude Marineau (« La nouvelle race de pères du cinéma québécois », art. cité, p. A7), parle d’hommes « capables d’exposer leurs contradictions, leurs hésitations, leurs rêves plus ou moins aboutis ».
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[32]
Le père de L’audition est paré d’un grand prestige, mais c’est en raison de sa mort.
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[33]
Pourtant, puisque la cassette de l’audition a été renvoyée à la veuve et que l’enfant la découvre un jour par hasard, celui-ci finit par recevoir l’amour du père, mais en différé et grâce aux mots de l’auteur du monologue.
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[34]
On pensera aussi à Horloge biologique, de Ricardo Trogi (2005). Ce film est axé sur le refus de la paternité — un jeune homme écrase dans le jus d’orange matinal de sa compagne qui tente de tomber enceinte des pilules anticonceptionnelles — et le seul des trois amis à être père est peu à peu exclu de la bande d’amis machos et hédonistes. Selon Mathieu-Robert Sauvé, (« Une génération d’hommes crie “No future !” », Le Devoir, 12 septembre 2005, p. A7), ces hommes sont typiques de « la lignée d’homoncules qui dominent la dramaturgie, la littérature et la filmographie québécoises ».