Résumés
Résumé
À travers l’analyse didactique de Il Transilvano (1593-1609) de Girolamo Diruta, cet article se propose de déterminer et de décrire la nature des savoirs mis à l’étude pour la construction de l’expertise en improvisation au clavier. Dans le but de saisir le projet didactique sous-jacent à la méthode pédagogique de Diruta, il s’agira ici d’interroger la conduite de la progression mise en place par l’auteur pour la construction de ces savoirs. L’hypothèse posée est que les savoirs savants sous-jacents aux pratiques étaient construits autour d’un corpus restreint de contenus noyaux, notamment les notions de consonance et de dissonance, de diminution et de mouvements. Ce à travers l’organisation, par le maître, de dispositifs didactiques divers visant l’appropriation, par l’élève de contenus d’enseignement et l’installation d’une mémoire du système didactique (Centeno 1995) qui permette à l’élève de construire de nouveaux savoirs à partir de « savoirs en train de se faire » (Centeno 1995, 135). Il en résulte une progression des apprentissages caractérisée par des éléments de gradualité — en l’espèce, donnée par une complexification du milieu (Brousseau 1998) au fur et à mesure que l’on progresse dans le traité, ce qui induit une prise de responsabilité croissante de l’élève dans la construction de l’expertise en improvisation. En outre, cette progression fait l’objet d’introductions d’éléments complémentaires, porteurs de contradictions apparentes dans la réalisation de la tâche. Plus précisément, ces éléments complémentaires sont liés aux différents genres musicaux présentés par Diruta, qui exigent une modification de la stratégie de résolution sans que les savoirs savants soient toujours explicités à l’avance dans la définition de la tâche proposée par le maître.
Mots-clés :
- Il Transilvano,
- progression des apprentissages,
- mémoire didactique,
- didactique de la musique,
- savoirs experts,
- savoirs savants,
- Girolamo Diruta
Abstract
Through the didactic analysis of Girolamo Diruta’s Il Transilvano (1593/1609), this study aims to determine and describe the nature of the various types of knowledges involved in the construction of expertise in keyboard improvisation. In order to understand the didactic project underlying Diruta’s pedagogical method, the aim is to examine the learning progression set up by the author for the construction of the knowledges. The hypothesis that the scholarly knowledge underlying the practices was built around a restricted corpus of core contents, in particular the notions of consonance and dissonance, diminution and movements, is put forward. This was done through the organisation, by the teacher, of various didactic devices aimed at the appropriation, by the pupil, of teaching contents and the installation of a memory of the didactic system (Centeno 1995) which allowed the pupil to construct new knowledges from “knowledges in the process of being made” (Centeno 1995, 135). The result is a learning progression characterised by elements of graduality — in this instance, given by the increasing complexity of the milieu (Brousseau 1998) as we progress through the treatise, which leads to the student taking increasing responsibility for the construction of expertise in improvisation. In addition, the progression involves the introduction of complementary elements, which bring about apparent contradictions in the performance of the task. More precisely, these complementary elements are linked to the different musical genres presented by Diruta, which require a modification of the resolution strategy without the scholarly knowledge always being made explicit in advance in the definition of the task proposed by the teacher.
Keywords:
- Il Transilvano,
- progression of learning,
- didactic memory,
- didactics of music,
- expert knowledges,
- scholarly knowledges,
- Girolamo Diruta
Corps de l’article
Publié en deux parties entre 1593 et 1609 sous forme de dialogue pédagogique[1], Il Transilvano de Girolamo Diruta aborde les fondamentaux de la formation d’un organiste[2] en Italie à la fin du xvie et au début du xviie siècle. À partir de l’apprentissage de la lecture des notes jusqu’au contrepoint improvisé au clavier, en passant par la présentation du système de doigtés, la pratique de la diminution[3] et la transcription en tablature[4] de pièces polyphoniques, Diruta vise vraisemblablement à fournir au lectorat les outils nécessaires à la formation d’un organiste professionnel, à travers la présentation d’instructions, exercices et exemples extraits du répertoire.
Si la plupart des études sur Il Transilvano se sont penchées sur des questions de nature historique ou théorico-musicale (Brumana et Segoloni 2012), dans le cadre du récent foisonnement d’études musicologiques sur l’improvisation historique, certains auteurs n’ont pas manqué de s’interroger sur la valeur pédagogique de cette « méthode » pour apprendre à jouer des instruments à clavier et pour pratiquer l’improvisation (Guido 2012a, 2012b, 2017 ; Guido et Schubert 2014 ; Porto 2016). Selon Porto (2016, 81), l’observation de règles pratiques présentées par Diruta favorisait l’acquisition, par l’élève, de différents usages et artifices du contrepoint, et ce, avec une application pratique et directe à l’instrument, sans passer par l’écriture. Guido (2012a, 2), mettant en exergue le caractère éminemment pratique du traité de Diruta, affirme que l’élève, suivant les instructions pratiques du maître, pouvait acquérir les compétences nécessaires à la réalisation d’une improvisation à partir de l’étude de la technique de base de l’instrument à clavier, mais également en abordant d’autres aspects propres à la profession d’organiste, par exemple la pratique de la mise en tablature de pièces vocales. Ces auteurs conviennent qu’à travers l’observation d’un nombre restreint de règles pratiques, l’élève pouvait acquérir les compétences dont un organiste professionnel avait besoin pour remplir ses fonctions pendant les services religieux. Dans son étude sur le Fronimo de Galilei (1584 [1568]) — traité consacré à l’apprentissage de la mise en tablature au luth —, Canguilhem (2001, 215) souligne de multiples éléments de convergence entre le dialogue de Galilei et celui de Diruta, voire des citations textuelles par Diruta de certains passages de l’oeuvre de Galilei. Selon Canguilhem (2001, 218), les problèmes liés à la notation étant secondaires pour les instrumentistes de la Renaissance, il est possible de déduire de l’analyse de ces traités des éléments de la pratique qui reflètent les préoccupations des instrumentistes de l’époque, au-delà des spécificités instrumentales.
Le traité de Diruta est approuvé, du vivant de l’auteur, par le compositeur Claudio Merulo, premier organiste de la chapelle Saint-Marc à Venise, dont Diruta est considéré comme l’élève le plus représentatif (Segoloni 2012, 50). Diruta est mentionné par des auteurs tels que Banchieri (1609, 12 ; 1628, 33, 86‑87) et Zacconi (1622, 240). Le traité de Diruta est encore une référence dans la seconde moitié du xviie siècle, si l’on en croit le compositeur Giovanni Maria Bononcini, qui, en 1678, déclare se servir de ses enseignements (Bononcini 1678, 4). Encore en 1693, le frère modénais Giovanni Franchini, soulignant le caractère méthodique du traité, affirmait :
Diruta […] introduit un noble Transylvanien pour dialoguer avec lui sur le sujet [la manière de jouer de l’orgue] : il discute non seulement d’une manière excellente (aussi dans l’opinion des modernes) de l’essence de l’art, de l’ordre des règles et de leurs raisons, mais enseigne aussi comment utiliser les doigts pour jouer les tierces, les quintes, etc. avec toutes sortes d’autres observations plus minutieuses et raffinées, qui sont très utiles, nécessaires et employées par ceux qui professent enseigner méthodiquement et de manière fondée[5] [italique de l’auteur].
Franchini 1693, 346-347
Bien que le nombre important de réimpressions et de copies qui ont survécu jusqu’à nos jours constitue un indice du succès éditorial de l’ouvrage[6], il est très difficile de retracer l’identité des acquéreurs du traité de Diruta et, surtout, de connaître l’usage qui en a été fait. Si l’on tient compte du format du volume[7], on peut émettre l’hypothèse qu’il s’agissait vraisemblablement d’un objet destiné à un public aisé constitué de nobles, amateurs de musique[8]. Sur la base de ces éléments, il semblerait que Il Transilvano ne fut pas utilisé dans une pratique pédagogique quotidienne, mais qu’il s’agissait plutôt d’un ouvrage reflétant des pratiques pédagogiques en vigueur à Venise à la fin du xvie siècle et au début du xviie siècle.
Un ancrage théorique emprunté à la didactique
Les différents savoirs mis à l’étude
Dans le cadre de notre étude, une définition des différents savoirs impliqués dans l’apprentissage de l’improvisation au clavier s’avère nécessaire. Dans la pratique de l’improvisation, comme dans toute pratique instrumentale, les savoirs mobilisés renvoient autant à des éléments de la pratique — ce que Mauss appelle les « techniques du corps[9] » (Mauss 2021 [1935], 39) — qu’à des savoirs d’ordre théorique[10]. Dans le cadre de la théorie de la transposition didactique et à propos de savoirs mathématiques, Chevallard distingue le savoir enseigné — objet de transmission au sein du système didactique[11] — et le savoir savant, « celui des mathématiciens » (1991 [1985], 15). Selon Chevallard, « tout projet social d’enseignement et d’apprentissage se constitue dialectiquement avec l’identification et la désignation de contenus de savoirs comme contenus à enseigner [italique de Chevallard] » (1991 [1985], 39). Toujours selon l’auteur, un contenu de savoir désigné comme « savoir à enseigner » subit irrémédiablement des transformations qui le rendront apte à devenir un contenu d’enseignement. L’auteur appelle transposition didactique ce « “travail” qui d’un objet de savoir à enseigner fait un objet d’enseignement ». Chevallard emprunte et développe le concept de transposition didactique au sociologue Michel Verret (1975), qui se penche sur la manière dont « toute action humaine qui vise la transmission de savoirs est amenée à les apprêter, à les mettre en forme pour les rendre [...] susceptibles d’être appris » (Perrenoud 1998, 489). En même temps, Verret souligne les écarts entre les savoirs de référence et ceux désignés pour être enseignés[12] (Amade-Escot 1997, 17).
Dans le but de fournir un ancrage théorique à d’autres didactiques disciplinaires, Johsua a théorisé à partir des années 1990 l’existence d’autres savoirs, notamment les savoirs experts, qui puissent servir de référence dans la transmission de certains objets de savoirs. Johsua (1996) attribue au degré de reconnaissance sociale des institutions dans lesquelles vivent ces savoirs une première distinction entre savoirs savants et savoirs experts. Selon l’auteur, alors que les savoirs savants sont des savoirs qu’« une société donnée considère comme tels à un moment donné de son histoire », leur conférant « alors des attributs institutionnels visibles, académiques par exemple », les savoirs experts vivent « dans des institutions qui n’ont pas ce label mais qui n’en existent pas moins, définissant un réseau de relations interpersonnelles par lequel s’élaborent l’objet de la recherche et de la pratique, les méthodologies d’approche, les langages, etc. » (Johsua 1996, 67).
La notion de contrat didactique
Dans le sens que lui prête Brousseau (2009, 30), le contrat didactique se définit comme l’ensemble des attentes et des obligations réciproques qui, de manière essentiellement implicite, se nouent entre enseignant·e et enseigné·e dans une situation didactique spécifique[13]. La nature du contrat didactique, qui n’est pas à confondre avec un contrat juridique, est définie à la fois par les enjeux du savoir mis à l’étude et par les institutions (Durkheim 2007 [1894], xx) dans lesquelles l’interaction didactique se réalise (Amade‑Escot 2007, 33). Comprendre les attentes institutionnelles auxquelles étaient soumis les maîtres et les élèves, dans les lieux destinés à l’enseignement de la musique, permettra en même temps de mieux saisir les attentes, tant explicites qu’implicites, qui caractérisaient le contrat didactique entre les acteurs et de mettre en évidence les enjeux de savoirs spécifiques dans le contexte étudié.
Le rôle de la mémoire didactique dans la progression des apprentissages
[…] car aucune des choses d’un art ou d’une science ne fut commencée et dans le même temps parfaitement terminée, mais qu’on arrive à la perfection par étapes successives, par intervalles de temps, et par l’étude comme j’espère qu’il doive advenir à mon ouvrage, qui, une fois bien connu d’esprits éclairés, sera favorablement reçu et apprécié[14] [italique de l’auteur].
Diruta 1597, 4
La notion de progression implique à la fois la présence d’un « inventaire » (Cicuriel 2000, 104) de contenus d’enseignement et une répartition ordonnée dans le temps de ces mêmes contenus (Porquier 2000, 88), selon des critères qui peuvent être utilitaires, institutionnels ou d’acquisition[15]. La citation qui ouvre ce paragraphe souligne la valeur accordée par Diruta à une organisation des apprentissages en plusieurs « étapes » soumises au paramètre du temps, pour la construction d’une expertise[16] dans les arts comme dans la science[17]. L’agencement dans le temps des objets d’enseignement est une des conséquences du processus de transposition didactique ayant comme possible conséquence une textualisation du savoir, lequel, élémentarisé, devient ainsi objet de progression. Mais, l’agencement temporel de savoirs élémentarisés constitue-t-il un élément suffisant pour la mise en place d’une progression des apprentissages ? Sensevy (2011, 331) soulève la nécessité de différencier un « temps d’objet » d’un « temps de situations ». Le premier, relevant de la forme scolaire classique[18], renvoie à l’organisation discrète de contenus épistémiques dans une séquence d’enseignement excluant a priori tout « retour en arrière[19] » (Chevallard et Mercier 1987, 56), alors que le deuxième renvoie à l’expérience de l’apprenant dans le processus d’appropriation de ces savoirs, ce qui permet un retour sur l’expérience dans la construction de nouveaux savoirs. C’est ce retour sur l’expérience, le fait de pouvoir la revivre et la réinscrire, qui, selon Centeno (1995, 195), favorise chez l’élève la transformation des connaissances — et, en dernière analyse, une progression dans l’acquisition des apprentissages — à travers le recours à la mémoire de savoirs anciens, mais aussi des circonstances des apprentissages. Mais ceci n’est possible que si la construction de nouveaux savoirs se réalise par l’élève à travers l’adaptation à une situation didactique. Par opposition à une simple communication de savoirs, cette adaptation va de pair avec une personnalisation[20] et un sens attribué à la tâche. Une adaptation qui n’est possible qu’à la condition d’organiser le savoir dans le temps de manière individualisée[21], à travers l’expérience d’adaptation à un milieu[22] (Centeno 1995, 196). À travers des anticipations, des rappels, mais aussi des « transformations temporelles de la connaissance » (Centeno 1995, 195), le maître donne ainsi à l’élève « la possibilité de mobiliser un savoir qu’il ne possédait pas complètement, un savoir qu’il n’aurait pas pu utiliser tout seul et qui va lui permettre de donner du sens à la question dont il s’occupe » (Brousseau et Centeno 1991, 205).
« De l’ordre des règles et de leurs raisons »
Diruta consacre la première partie (1593) de son traité à la technique de l’orgue et du clavecin avec une attention particulière aux doigtés à employer lors de l’exécution de passages[23]. Le compositeur présente le système de doigtés en tant que prérequis indispensable pour l’apprentissage du genre de la toccata (Diruta 1597, 16). À cette fin, l’auteur propose plusieurs exercices dans lesquels l’élève est censé s’approprier le système de doigtés avant de s’engager dans le travail des toccatas issues du répertoire. Cependant, à la fin de la première partie, Diruta (1597, 62) affirme que les principes sous-jacents au système de doigtés ne sont pas toujours respectés lorsqu’il s’agit de les appliquer dans le cadre des toccatas. Dans d’autres cas, le choix de l’auteur d’introduire certains objets de savoir semble, à première vue, ne pas être cohérent avec les contenus d’enseignement en train d’être traités[24]. De ce fait, la logique sous-jacente à la progression des apprentissages conçue par Diruta n’est pas toujours facile à déduire. Elle se présente comme découlant d’une série d’introductions d’objets de savoirs dans le déroulement du temps didactique (Mercier 1985), mais dont la succession et la nature ne vont pas de soi[25].
Si le traité de Diruta est décrit non seulement comme une source d’exemples et d’exercices pour l’apprentissage d’un instrument à clavier, mais comme une méthode pédagogique cohérente qui devrait être employée par tous les maîtres « qui professent enseigner méthodiquement et de manière fondée » (Franchini 1693, 346-347), que peut-on déduire de l’analyse du traité de Diruta, quant à la conception de la progression mise en oeuvre dans celui-ci ? Une conception de la progression qu’il s’agit de dégager, en tenant compte des savoirs considérés par l’auteur comme nécessaires pour l’apprentissage de l’improvisation au clavier. Ces éléments soulèvent les questions de recherche suivantes.
À partir des indices de progression relevables dans Il Transilvano, est-il possible de sélectionner ceux qui s’inscrivent dans le projet didactique de Diruta, à savoir ceux qui concourent à la construction de savoirs nécessaires à la réalisation d’une improvisation au clavier ?
Quelle est la nature des savoirs mis à l’étude ?
Autour de quels contenus noyaux (Nonnon 2010, 11) la progression des apprentissages est-elle construite par Diruta ?
Est-ce qu’il y a lieu d’expliciter des savoirs savants qui sont implicites dans l’exercice de savoirs experts ?
Quelle est la singularité de Diruta quant à la conduite de la progression ?
La procéduralisation et l’automatisation[26] de contenus d’enseignement, par l’exercice de savoirs experts, constituaient vraisemblablement la première étape pour la construction, par l’élève, de son expertise en improvisation au clavier. On émet l’hypothèse que les contenus découlant de savoirs savants sous-jacents aux pratiques étaient construits autour d’un corpus restreint de contenus noyaux. Ceci non seulement à travers l’organisation, par le maître, de dispositifs didactiques (Weisser 2010, 292) divers visant l’appropriation par l’élève de contenus d’enseignement, mais aussi par l’emploi de stratégies d’apprentissage variées et la construction par l’élève de savoirs experts s’appuyant sur des savoirs savants qui sont implicites dans la résolution de la tâche. En outre, on émet l’hypothèse que des « aménagements fugitifs du savoir enseigné ou même du milieu » par l’introduction par le maître d’objets de savoirs « transitoires » (Brousseau et Centeno 1991, 174) avaient pour objectif l’installation d’une mémoire du système didactique (Centeno 1995) qui permettait à l’élève de construire de nouveaux savoirs à partir de « savoirs en train de se faire » (135).
Dans le but de saisir le projet didactique sous-jacent à la méthode pédagogique de Diruta, il s’agira d’interroger la conduite de la progression mise en place par l’auteur pour la construction de ces savoirs. Dans la première partie, à travers l’analyse didactique d’un corpus de sources historiques non pédagogiques[27] contemporaines de Il Transilvano, nous tenterons de déterminer la nature des contrats didactiques qui sous-tendent les instructions et les exemples de Diruta dans le contexte de leur parution et de leur diffusion. Dans la deuxième partie, nous présenterons Il Transilvano en identifiant les contenus d’enseignement déterminés par l’auteur. Par l’analyse conjointe des exemples, des instructions et des exercices présentés par Diruta, nous nous proposons de déduire et de décrire les dispositifs aménagés par le maître pour l’enseignement de l’improvisation au clavier. Dans la troisième partie, à travers l’analyse des indices relevables dans Il Transilvano, nous chercherons à déceler la nature de l’articulation entre l’exercice de savoirs experts et l’appropriation de contenus issus de savoirs savants dans l’apprentissage de l’improvisation au clavier. En outre, nous dégagerons la logique sous-jacente à la progression des apprentissages mise en place par Diruta, en essayant de mettre en lumière l’originalité de sa démarche.
Les rôles du maître et de l’élève
L’enseignement musical au sein des écoles rattachées aux églises
Aux xvie et xviie siècles, en Italie, l’enseignement de la musique était principalement dispensé par les écoles associées aux collégiales et aux cathédrales (Owens 1997, 12 ; Gambassi 1997, 53 ; Ciliberti 2003, 437 ; Vendrix 2012, 23 ; Canguilhem 2015, 102-103 ; Canguilhem 2017, 55). Les élèves, généralement des garçons âgés de huit à quinze ans, étaient sélectionnés par le biais d’un examen d’entrée, dont la réussite était sanctionnée par un contrat juridique[28]. Les élèves devaient fréquenter l’école tous les jours, matin et après-midi, et, en plus de l’accompagnement des chanoines dans les chants des heures liturgiques, ils devaient intégrer la chapelle musicale annexe à l’église[29] (Gambassi 1997, 60). Les obligations contractuelles des élèves et du maître[30] vis-à-vis de l’église avaient de fortes incidences sur le contrat didactique, qui se caractérisait par des attentes élevées vis-à-vis des élèves. Ces derniers étaient non seulement engagés dans des sessions collectives[31] d’apprentissage, probablement des répétitions, mais ils devaient également assister à des leçons individuelles plusieurs fois par jour[32]. Le contrat institutionnel avait de fortes incidences sur la nature même des apprentissages : afin de pouvoir offrir leurs services musicaux lors des offices liturgiques, les élèves devaient apprendre le chant figuré, le plain-chant et la psalmodie[33]. Les attentes envers les élèves comprenaient également la maîtrise de plusieurs instruments musicaux[34]. Malgré le jeune âge de beaucoup d’élèves, nous nous situons dans le cadre d’un enseignement professionnel, où l’apprentissage est conçu comme « un double processus d’élaboration-conception et de construction-développement de savoirs nécessaires à l’exercice d’un travail, d’un métier ou d’une profession » (Roger 2013, 37).
Compte tenu de la fréquence des leçons, les élèves devaient faire preuve d’endurance dans leurs études[35]. Cela semble être confirmé par la description de Bontempi (1695) d’une journée de travail auprès de l’école de Saint-Pierre de Rome autour des années trente du xviie siècle (Annexe 1). Il ressort du témoignage de Bontempi qu’en plus de l’étude du chant, les élèves devaient consacrer l’après-midi à l’apprentissage du contrepoint, du clavecin et de la composition. L’apprentissage du contrepoint semble être structuré en plusieurs activités articulant des moments de réception (« une demi-heure consacrée à l’enseignement théorique ») et des moments de production. Quant à ces derniers, qui occupent la plupart du temps scolaire de l’après-midi, il est possible de relever l’emploi par le maître de deux dispositifs didactiques : une partie de production écrite (« les exercices écrits de contrepoint ») et une partie de production vocale/instrumentale (« mettre en oeuvre les exercices écrits »). Bien qu’à partir des années 1520, le contrepoint soit défini comme l’ensemble des règles qui régissent une composition écrite (Canguilhem 2015, 38), il n’est pas exclu qu’une partie de l’apprentissage du contrepoint ait renvoyé à des pratiques de contrappunto alla mente, soit une improvisation extemporanée d’une ligne mélodique sur un cantus firmus donné[36] (« une autre demi-heure au contrepoint sur le plain-chant »). L’articulation entre dispositifs de production écrite et de production vocale dans l’enseignement du contrepoint[37] est relevable également dans l’extrait ci-dessous[38] :
Tous ceux que j’ai vus enseigner le chant et le contrepoint, tant dans cette ville qu’à Venise, font d’abord chanter les élèves un par un, puis en groupe jusqu’à ce qu’ils aient appris. Et on fait la même chose avec le contrepoint : on voit et on corrige d’abord la cartella[39] avec minutie, puis on fait chanter, et c’est la vraie façon d’enseigner[40].
Revenons à Bontempi, dont le récit dessine une organisation de l’enseignement musical qui, loin des nécessités actuelles de spécialisation disciplinaire (Balmori 2016, 152), semblerait répondre avant tout à des besoins de professionnalisation des élèves (Annexe 2).
Les « exercices hors de la maison » (« Gli esercizi fuori di Casa », voir Annexe 2) semblent constituer une composante importante pour la mise en place par le maître de situations dévolutives[41] permettant à l’élève de prendre en charge les apprentissages visés, notamment, par le développement d’une écoute analytique, envers les autres chanteurs mais aussi envers sa propre voix. Parallèlement, l’engagement de l’élève dans la pratique sociale de référence[42] favorisait la mise en place par le maître de situations adidactiques, avec pour conséquence souhaitée l’acquisition et la consolidation de savoirs en construction par leur exercice en contexte[43]. La transmission des savoirs se réalisait à travers un échange personnalisé entre les acteurs, dans lequel le rôle du maître semble consister principalement en l’institutionnalisation[44] des savoirs sur la base du compte rendu quotidien par l’élève de ses expériences extrascolaires (« les exercices hors de la maison »). Il est vraisemblable que la nature personnalisée[45] de la relation didactique entre maître et élève favorisait davantage le recours à une mémoire didactique partagée sur laquelle les acteurs pouvaient s’appuyer pour la construction de savoirs et que ceci avait de fortes incidences sur l’organisation des enseignements par le maître en vue d’une progression de l’élève dans la construction des apprentissages visés.
L’apprentissage de l’orgue
Si l’enseignement instrumental était en principe dispensé à tous les élèves des écoles dans le cadre de l’enseignement musical général, il semblerait que les élèves qui montraient une plus grande aptitude pour le jeu de l’orgue pouvaient bénéficier d’une formation plus spécifique[46]. Même en matière d’enseignement d’orgue, la fréquence des leçons, qui avaient lieu au moins deux fois par jour, suggère que les attentes vis-à-vis des élèves étaient importantes[47]. La fréquence des échanges entre maître et élève reflète, là encore, une relation didactique personnalisée[48] dans laquelle le maître pouvait en principe s’appuyer sur un passé didactique partagé pour l’organisation de ses enseignements[49].
L’apprentissage de l’orgue pouvait également se réaliser dans le cadre de leçons privées. Un contrat privé[50] établi en 1502 à Florence pour l’enseignement de l’orgue à un jeune élève est particulièrement révélateur quant aux contenus d’enseignement mentionnés (Annexe 3). Il ressort de ce contrat qu’à travers les enseignements dispensés par le maître, l’élève devait être capable de remplir ses obligations d’organiste pendant les offices religieux quotidiens, à savoir les messes et les vêpres. Quant aux contenus d’enseignement mentionnés, ce qui frappe, c’est l’apparente précision du répertoire qui constitue l’objet de l’enseignement. Ceci pourrait laisser supposer que les attentes vis-à-vis de l’élève concernent prioritairement la maîtrise de savoirs experts[51]. Cependant, si l’on tient compte du fait que la musique de l’ordinaire de la messe changeait selon les différents temps de l’année liturgique, les festivités et les célébrations ; que la musique du propre de la messe était tous les jours différente[52] ; que la pratique sociale de référence, soit le métier d’organiste, impliquait principalement l’improvisation de versets à partir des cantus firmi extraits du répertoire liturgique, ceci en alternance[53] avec le choeur, il est plausible de supposer que les morceaux mentionnés dans le contrat juridique constituaient des références à partir desquelles l’élève devait construire son expertise en matière d’improvisation, ce qui était indispensable pour assurer les services musicaux pendant la liturgie.
À la lumière de ces dernières considérations, les attentes implicites vis-à-vis de l’élève visaient et la maîtrise de savoirs experts nécessaires au jeu du répertoire mentionné et l’appropriation de contenus découlant de savoirs savants de l’ordre du contrepoint, permettant d’improviser des versets à partir de cantus firmi toujours différents, selon les jours et les périodes de l’année liturgique. Le contrat (Annexe 3) mentionne que le maître, outre l’ordinaire de trois messes, devait enseigner à l’élève trente canzoni[54]. La mention explicite de ces trente canzoni amène à présumer que l’élève devait développer des compétences en improvisation d’une canzona (ou d’un ricercare) en s’appuyant, en plus des exemples fournis par le maître et de l’exercice de savoirs experts, sur l’acquisition de contenus relevant de savoirs savants de l’ordre du contrepoint, de la diminution, de l’ornementation, de la forme et du style. On observe des similitudes entre le répertoire mentionné dans le contrat examiné et les épreuves du concours de 1579 pour le poste d’organiste auprès de la basilique de Saint-Antoine de Padoue. Parmi les concurrents au poste d’organiste on retrouve notamment Girolamo Diruta (Morelli 1998, 263) :
Que chacun improvise (soni di fantasia) avec brièveté ce qui lui plaît.
Que des versets soient improvisés en répons au Kyrie.
Qu’ils jouent en répons au Magnificat dans des tons différents.
Que chacun des Révérends et Magnifiques Présidents ait la liberté de donner à chacun desdits concurrents un hymne tiré du livre à un moment donné, sur lequel il doit jouer[55].
Les deuxième et troisième épreuves du concours — à savoir la pratique d’improviser des versets pour répondre au choeur pendant le Kyrie et le Magnificat — sembleraient correspondre à l’obligation du maître d’« enseigner l’orgue au susdit Raffaello di Michele tant et si bien que ledit Raffaello soit en mesure de jouer aux messes et aux vêpres ». Les première et quatrième épreuves du concours — c’est-à-dire savoir « jouer de fantaisie » en improvisant toutes les parties ou à partir d’un hymne donné — sembleraient correspondre à l’étude des canzoni et des hymnes.
Présentation de Il Transilvano
Diruta a l’ambition de proposer une « méthode » pour l’apprentissage des instruments à clavier qui soit « facile » et en même temps « nécessaire » (Diruta 1597, page titre) pour tout organiste qui veut apprendre la vraie manière de jouer. Les contenus abordés sont multiples et touchent à de nombreux aspects de la pratique instrumentale. Selon les sections, Diruta présente des contenus issus de savoirs experts de l’ordre de la technique, des contenus issus de savoirs savants de l’ordre de la théorie musicale et du contrepoint, mais aussi des contenus d’ordre esthétique[56] relatifs au caractère attribué aux différents tons[57] ou concernant l’utilisation des différents registres de l’orgue. Dans le cadre de cette étude, l’attention est portée sur la construction de contenus d’ordre technique et de contenus relevant de savoirs savants.
Contenus d’ordre technique
De la manière de s’asseoir à l’instrument à la position de la main, l’auteur expose des éléments d’ordre postural à prendre en compte pour jouer « correctement » d’un instrument à clavier (Diruta 1597, 10-12). Ces contenus, qui découlent de savoirs personnels de l’auteur, sont situés par lui dans une relation d’interdépendance avec certains éléments esthétiques et avec le type de répertoire joué. Selon Diruta, les différents types de sonorités, et même de caractères, sont le produit d’une technique spécifique. En outre, il s’avère nécessaire de différencier technique d’orgue et technique de clavecin afin de distinguer la musique de danse du répertoire liturgique.
Contenus découlant de savoirs savants
Diruta ouvre son traité avec des éléments de théorie musicale : le nom des notes et leur durée, les clefs et la technique de solmisation[58]. Dans le premier livre de la deuxième partie, consacré à la transcription en tablature, Diruta définit la notion de diminution, qu’il classe en cinq types : la diminution proprement dite (minuta), les groppi, les tremoli, les accenti et les clamationi. Dans le deuxième livre, consacré à la fantaisie — sommet dans l’art de l’improvisation —, l’auteur présente une « règle courte et facile de contrepoint ». Il consacre la quasi-totalité du livre au contrepoint à deux voix[59]. Après avoir introduit les notions de consonance (parfaite et imparfaite) et de dissonance, l’auteur présente les quatre mouvements pour enchaîner les consonances[60]. Diruta (1622, ii, 9-11) procède ensuite à la présentation des différents types de contrepoint : contrepoint note à note (contrapunto di nota contro nota), contrepoint en minimes avec consonances et dissonances (contrapunto di minime osservato), contrepoint de notes liées en consonances (contrapunto di note ligate con le consonanze), contrepoint de notes liées avec dissonances (contrapunto di note ligate di dissonanze) et contrepoint en notes noires[61] (contrapunto di note negre). Différents types de techniques de contrepoint sur un cantus firmus sont présentés : contrepoint au-dessus du cantus firmus et contrepoint au-dessous du cantus firmus. Dans le troisième livre, l’auteur présente les douze tons[62], leur construction et leur transposition. Enfin, dans le quatrième livre, l’auteur traite des terminaisons des hymnes et des Magnificats pour répondre au choeur, ainsi que de la façon d’utiliser les registres de l’orgue.
Des dispositifs didactiques
Diruta alterne les dispositifs suivants, qui visent vraisemblablement à favoriser l’appropriation par l’élève des contenus d’enseignement grâce à des situations didactiques[63] demandant la mobilisation de savoirs différents :
Exercices techniques : à travers l’exercice et la procéduralisation de savoirs experts, l’élève est censé s’approprier un contenu d’enseignement qui est présenté par l’auteur de manière décontextualisée. Dans la figure suivante, l’élève doit intégrer le doigté proposé par Diruta pour l’exécution d’une minuta (diminution) avec la main droite. Les lettres B et M indiquent respectivement l’emploi d’un bon (B) ou d’un mauvais (M) doigt (traduit par l’éditeur[64] de l’italien B, « buono » et C, « cattivo »).
Étude du répertoire : à la fin de chaque livre, Diruta présente des pièces issues du répertoire. L’étude du répertoire implique la mobilisation de savoirs experts pour l’appropriation de contenus contextualisés dans le cadre de pièces composées par l’auteur lui-même ou par des compositeurs contemporains de l’auteur, afin que l’élève puisse reconnaître ces objets de savoir en leur donnant du sens[65]. Le travail du répertoire vise également l’appropriation de contenus issus de savoirs savants à travers l’identification et l’analyse par l’élève d’objets de savoir préalablement rencontrés de manière décontextualisée[66]. Dans la figure suivante, une minuta est présentée dans le contexte d’une toccata.
Exercices de transcription musicale : l’élève est appelé à s’approprier non seulement la technique de transcription de toute composition polyphonique sur une tablature pour clavier, mais il doit aussi « diminuer » par écrit tout intervalle entre deux notes, ce qui contribue à la construction de savoirs de l’ordre du contrepoint — notamment l’alternance entre consonances et dissonances dans la réalisation d’un contrepoint fleuri —, en s’appuyant sur les exemples fournis par le maître[67]. Dans la figure suivante, réalisée par le maître, l’élève est censé « diminuer » les valeurs longues de la voix de soprano.
Exercices de contrepoint : bien que Diruta affirme que le contrepoint est à apprendre directement sur l’instrument, on peut déceler certains indices d’une mise en rapport avec une pratique écrite de l’apprentissage du contrepoint, parallèlement à la pratique instrumentale[68]. Dans la figure suivante, à partir d’un sujet donné, l’élève peut s’appuyer sur des savoirs acquis en matière de diminution pour la composition ou l’improvisation d’un contrepoint fleuri.
Analyse de la progression
À travers l’analyse didactique des échanges entre maître et disciple et des exemples présentés dans Il Transilvano, il s’agira maintenant de relever d’éventuels indices de progression afin de déceler la logique sous-jacente à l’ordre d’introduction et à l’évolution des objets de savoir mis à l’étude pour l’apprentissage de l’improvisation au clavier.
Le système de doigtés
Diruta affirme que pour pouvoir entreprendre l’étude des toccatas présentées à la fin de la première partie, il est indispensable que l’élève maîtrise le système de doigtés qu’il propose (Diruta 1597, 16). Ce système se base sur l’alternance de « bons » et de « mauvais » doigts dans la réalisation de traits, ce que Diruta, à ce stade de l’étude, appelle de manière générique « diminutions[69] ». L’auteur établit une correspondance entre les « bons » et « mauvais » doigts et les « bonnes » et « mauvaises » notes — le « bon » doigt joue la « bonne » note, alors que le « mauvais » doigt joue la « mauvaise » note. Cependant, il n’explicite ni la signification de cette correspondance ni les savoirs qui sous-tendent cette pratique. Aux xvie et xviie siècles, les qualitatifs bon et mauvais appliqués aux notes renvoient à deux logiques convergentes. D’abord, une logique « métrique » (Houle 1987, 84), selon laquelle la « bonne » note est celle qui tombe sur les temps forts (divisions et/ou subdivisions) de la mesure, puis la « mauvaise » note tombe sur les temps faibles. Une deuxième logique peut être nommée « harmonique[70] », renvoyant aux notions de consonance et de dissonance : dans le contrepoint rigoureux de notes noires, une des formes du contrepoint diminué, les divisions ou subdivisions fortes de la mesure (première et troisième noires dans une mesure à deux blanches) doivent être consonantes, puis les subdivisions faibles (deuxième et quatrième noires) peuvent être dissonantes[71].
À ce stade, l’élève est apparemment censé s’approprier un contenu technique, soit le système de doigtés, en s’adaptant à un milieu didactique constitué par la partition indiquant l’alternance des doigts par l’emploi de signes graphiques — B (bon, buono en italien) et C (mauvais, cattivo en italien) —, le maître montrant l’exemple sur le clavier[72] et les touches de l’instrument[73]. L’élève doit prendre en compte les contraintes imposées par le maître, notamment celle de commencer les traits avec un « bon doigt » et suivre avec une alternance de « bons » et de « mauvais » doigts[74].
Après avoir présenté le fonctionnement du doigté en contextes rythmiques différents (Figure 6), Diruta propose une série d’exercices dans lesquels l’élève est appelé à travailler le doigté de manière décontextualisée, notamment dans l’exécution de traits de notes conjointes et avec sauts[76].
Les exercices proposés ne comportent aucune indication de doigtés : c’est à l’élève de se souvenir et de respecter les contraintes imposées par le maître.
Mais s’agit-il pour l’élève de se saisir exclusivement d’un contenu d’ordre technique ? Il est possible d’émettre l’hypothèse qu’à travers l’étude des exemples proposés, l’élève est non seulement censé procéduraliser le doigté par l’exercice de savoirs experts, mais il doit aussi s’approprier, par incorporation[77], les logiques sous-jacentes aux notions de « bonne » et de « mauvaise » note. Si, en effet, dans la réalisation des gammes procédant par noires conjointes, l’élève ne doit commencer qu’avec un « bon » doigt et continuer avec l’alternance entre « bon » et « mauvais » doigt, il réalise néanmoins conjointement une autre tâche. En effet, Diruta ayant prévu que les doigtés coïncident avec l’activation de plusieurs paramètres, l’élève est amené à accomplir une tâche qui englobe cette pluralité de paramètres : division et subdivision d’une mesure avec l’alternance de temps fort et faible[78], eux-mêmes assortis d’un respect des consonances et dissonances propres à leur statut de « forts » ou de « faibles ». Dans la réalisation des gammes contenant des sauts — dans laquelle la séquence de notes est rompue —, c’est à l’élève de choisir le doigt à utiliser sur la deuxième note du saut, selon qu’il s’agisse d’une note sur un temps fort ou faible[79]. Dans ce sens, seulement à travers la mobilisation de ce savoir — l’alternance de temps forts et temps faibles dans la succession de croches —, l’élève peut réaliser correctement l’exercice[80].
La présentation des groppi et des tremoli suit les exercices sur les traits. Les exemples fournis par Diruta présentent des notes longues suivies de différents types de diminutions :
Le contrat didactique sous-jacent semble être en rupture avec le contrat relatif aux exercices et exemples précédemment explicités. Du fait que le maître présente les différents passages accompagnés par l’écriture non diminuée, il semblerait que l’élève soit non seulement tenu de jouer les diminutions proposées dans le but de perfectionner son expertise en matière de doigtés, mais qu’il doive en même temps associer à chaque note longue (ou groupe de notes longues) les manières possibles de les subdiviser en valeurs plus courtes. À ce stade de l’étude, l’élève est en principe dans une position de réception : il ne lui est pas demandé de produire de nouvelles diminutions, mais de comparer l’écriture simple et l’écriture diminuée et de jouer les diminutions en appliquant le doigté approprié. On peut poser l’hypothèse qu’à ce stade, le système de doigtés proposé par Diruta constitue un « ostensif gestuel[81]» (Matheron 2010) ayant la fonction d’« outil[82] » pour la construction de l’objet de savoir-diminution. Comment ? Par la logique du doigté, respectant l’alternance de temps forts et faibles, qui constitue un support gestuel fonctionnant comme un ostensif dans l’exécution de la tâche de diminution, c’est-à-dire dans la subdivision d’une valeur longue en plusieurs valeurs courtes[83]. À cet égard, il est significatif que dans le premier exemple (Figure 5), le système de doigté soit introduit de manière décontextualisée, l’alternance des lettres B (bon) et C (mauvais) n’étant associée à aucun exemple musical. Il est plausible de supposer que, par ce choix, l’auteur attire l’attention de l’élève sur le système de doigtés à la manière d’un ostensif renvoyant au principe sous-jacent à ce système, plutôt qu’à la seule fonction technique de résolution de passages sur l’instrument.
À la fin de la première partie de Il Transilvano, Diruta présente douze toccatas dans lesquelles l’élève est censé exercer le système de doigtés dans le contexte de compositions musicales. Diruta clôt la première partie de son traité par un échange entre maître et élève (Annexe 4). Dans cet extrait, l’élève affirme qu’en jouant les toccatas, il a souvent dû frapper de « mauvaises notes » avec un « bon » doigt, c’est-à-dire une dissonance sur une division de la mesure (Figure 10, dissonances marquées en rouge).
Le contenu consonance/dissonance, qui, jusqu’à ce moment, était présent seulement de manière implicite[84] dans les situations aménagées par le maître, endosse un statut de « connaissance formulée[85] ». Alors que, jusqu’à présent, l’objet de savoir-diminution a été présenté de manière élémentarisée et décontextualisée, en dehors de tout contexte harmonique ou contrapuntique, dans l’étude des toccatas, l’élève retrouve ce même objet dans le cadre d’une composition polyphonique. L’aménagement du milieu opéré par le maître semblerait viser à ce que l’élève relève d’autres éléments relatifs à l’objet de savoir-diminution, notamment l’alternance de consonances et de dissonances dans une séquence de croches, en l’espèce par rapport à des accords sous-jacents[86]. On peut poser l’hypothèse que Diruta établit une relation de « dépendance intentionnelle[87] » entre les deux apprentissages, à savoir l’alternance des temps forts et faibles, d’une part, et la succession des consonances et dissonances dans des traits de notes noires, d’autre part. Il procède de la sorte en vue d’apprentissages à venir, notamment le contrepoint de notes noires, où les deux paramètres, « métrique » et « harmonique », se superposent dans la plupart des cas.
À travers l’interaction avec le milieu didactique aménagé par le maître, et sur la base de ses acquis en termes de savoirs experts, l’élève est vraisemblablement appelé à relever une contradiction par rapport à la logique « harmonique » qui est sous-jacente au système de doigté, en l’espèce la présence de dissonances sur des temps forts de la mesure dans le contexte spécifique du genre toccata[88].
Tablature
Si, dans le cas d’une tablature dite « simple », il s’agit de transcrire fidèlement sur une partition de clavier contenant deux portées les différentes voix originairement notées en parties séparées sur plusieurs portées, dans le cas d’une tablature diminuée, en plus de transcrire les parties, l’élève doit diminuer par écrit les notes longues en utilisant des valeurs de notes plus courtes. Afin de réaliser une tablature, Diruta (1622, i, 2) suggère de noter sur une partition contenant deux lignes les parties séparées dans l’ordre suivant :
la partie de soprano sur la ligne supérieure ;
la partie de basse sur la ligne du bas ;
les parties internes (d’abord le ténor puis l’alto) sur la ligne supérieure ou inférieure, en fonction de leur tessiture et de la possibilité de rajouter des diminutions dans un deuxième temps.
Bien que Diruta présente ici la tablature « simple », l’élève est aussitôt invité à prendre en compte, lors de la transcription, la possibilité d’ajouter des diminutions plus tard. Pour cela, il faut d’abord que l’élève reconnaisse, dans les parties séparées, les points où des diminutions peuvent être réalisées, puis qu’il transcrive les parties séparées sur la ligne du haut ou du bas, afin que la main censée jouer les diminutions puisse réaliser avec plus d’aisance les traits de notes noires.
L’élève a préalablement rencontré le contenu-diminution dans les exercices sur les doigtés (Figure 9), par lesquels il devait s’approprier ce contenu par l’exercice de savoirs experts, mais aussi saisir la logique d’alternance de temps forts et faibles dans la subdivision d’une note longue. À la lumière des éléments relevés dans la première partie de cette étude concernant la nature personnalisée de la relation didactique, on peut supposer que pour la réalisation de cette nouvelle tâche — à savoir, reconnaître les points d’une ligne mélodique simple où une diminution peut être appliquée —, le maître peut rappeler l’expérience passée afin d’établir une « dépendance » (Centeno 1995, 20) entre les deux apprentissages[89]. Ceci fonctionne en même temps comme une variable didactique[90] pour l’acquisition de l’objet de savoir-diminution.
Dans les instructions, Diruta attire l’attention de l’élève sur le fait que la voix de ténor doit réaliser obligatoirement des intervalles consonants avec la partie de la basse, précisant qu’il s’agit d’intervalles d’unisson, de tierce, de quinte, de sixte ou d’octave. Dans ce contexte, cette précision est surprenante si l’on part de la prémisse selon laquelle l’élève est censé recopier fidèlement les parties séparées d’une composition préexistante. Cependant, si l’on considère le fait que les parties séparées ne prévoyaient pas l’utilisation de marques de mesure, un moyen possible pour l’élève de s’assurer de la correcte superposition des parties en tablature était vraisemblablement de vérifier les intervalles générés entre les parties internes, comme le suggère Diruta, en les comptant[91]. À notre avis, cette procédure permettait non seulement à l’élève de transcrire correctement un morceau originellement noté en parties séparées, mais elle permettait en même temps au maître de « [préparer] l’élève pour des apprentissages futurs » (Centeno 1995, 25). Ceci, en évoquant, sans encore les définir, des contenus découlant de savoirs contrapuntiques — en l’espèce, la manière d’employer les différents types de consonances dans un contrepoint à plusieurs voix — afin de construire une mémoire partagée dans laquelle puiser pour la définition de ce contenu, plus tard.
Pour la réalisation écrite d’une tablature diminuée, l’élève est mis en position de production écrite : à partir d’une composition polyphonique, il est appelé à réaliser les diminutions sur la base des instructions et des exemples fournis par le maître et tout en s’appuyant sur des savoirs en voie d’acquisition en matière de subdivision et de consonances. La règle principale prévoit qu’à chaque division de la mesure, qui coïncide normalement avec une superposition de consonances, on rebat « le plus souvent possible le début des consonances » (Diruta 1622, i, 14), c’est-à-dire qu’on passe par la note originale de la ligne mélodique donnée, qui est forcément une consonance (les notes soulignées en noir et blanc dans les exemples ci‑dessous). Dans les figures suivantes, une brève composition polyphonique est d’abord présentée sur partition (Figure 12) ; ensuite, la même composition est présentée en tablature, dont la partie du soprano est diminuée (Figure 13).
Diruta précise que la première et la dernière notes de la diminution doivent coïncider autant que possible, afin d’éviter les mouvements interdits des quintes et des octaves parallèles. Ce dernier contenu est introduit en tant que « modèle implicite d’action[92] ». À travers les instructions du maître — notamment, revenir à la fin de chaque diminution sur la note du début de celle-ci —, l’élève fait fonctionner ce savoir dans l’action, afin de résoudre le problème dont il s’occupe, mais qui n’est pas nécessairement reconnu, « ni comme objet d’étude, ni même comme outil » (Brousseau 1981, 44-46, cité par Centeno 1995, 32). Diruta définira les mouvements dans le livre suivant (1622, ii).
La modification du dispositif opérée par Diruta, fonctionnant comme une variable didactique, permet à l’élève de travailler sur un même contenu, en l’espèce la diminution d’une valeur longue, par la mobilisation de stratégies différentes de résolution de problèmes. Les notes de départ et d’arrivée de chaque diminution, soit les consonances, sont à ce stade données par le maître dans l’exemple non diminué, ainsi que la dernière note de chaque diminution, afin d’éviter les mouvements interdits. Cela favorise l’entrée de l’élève en phase de dévolution[93], par la gestion d’un seul paramètre : la subdivision d’une note longue en valeurs plus courtes. À l’aide de ses acquis — doigtés et exemples fournis par le maître réappropriés —, l’élève peut opérer des choix concernant la création de passages entre les accords, tout en s’adaptant à un milieu hautement étayé[94]. En outre, dans la réalisation d’une diminution d’un accord long d’une tablature diminuée, l’élève peut encore utiliser des dissonances sur la subdivision de la mesure (Figure 15), comme cela se produisait dans le cas des toccatas, ce qui lui permet d’explorer le contenu-diminution dans un contexte lui imposant moins de contraintes quant à ce contenu. Dans la figure qui suit, les consonances ont été cerclées en rouge et les dissonances, en bleu.
Comme nous le verrons, cela sera interdit dans la réalisation d’un contrepoint rigoureux en notes noires, où les dissonances peuvent être employées seulement en tant que notes de passage entre deux consonances, donc sur les subdivisions faibles.
Contrepoint diminué
Diruta ouvre le livre dédié à l’improvisation au clavier (« modo di far la fantasia sopra l’instrumento da tasti […] », Diruta 1622, ii, 1) avec la disposition des consonances sur le clavier. À cette fin, l’auteur ramène à la mémoire de l’élève un apprentissage passé, à savoir la disposition des notes sur le clavier : de même que les notes se succèdent sur le clavier d’octave en octave, « les mêmes consonances se répètent dans le grave et l’aigu, selon l’ordonnance des touches[95] » (Diruta 1622, ii, 2). Diruta définit les différents types de consonances[96] — à savoir parfaites (unisson, quinte et octave) et imparfaites (tierce et sixte) —, la manière de les compter à partir d’une note donnée et les mouvements entre consonances, selon leur classification.
La définition posée par le maître permet une décontextualisation de cet objet de savoir, qui jusqu’à présent avait fonctionné de manière contextualisée et personnalisée dans les situations d’enseignement passées. Le savoir-consonance assume ici un statut de « connaissance structurée » (Centeno 1995, 32) dans le sens qu’il est en principe explicitement mobilisable par l’élève pour la construction de nouveaux savoirs. À partir des notions de consonance parfaite et imparfaite, l’élève est notamment amené à s’approprier les quatre mouvements pour la réalisation d’un contrepoint rigoureux. Diruta définit le mouvement contraire, tandis que, dans la réalisation d’une tablature diminuée, ces savoirs restaient implicites dans la réalisation de la tâche. Alors que l’observation des contraintes imposées par le maître était susceptible de masquer une partie des règles contrapuntiques sous-jacentes[97], Diruta explicite ici les raisons de cette pratique, à savoir la formation des quintes et des octaves parallèles.
À cette fin, Diruta présente plusieurs exemples relatifs à chaque mouvement, faisant suivre chaque exemple d’un commentaire d’explication. L’auteur conclut cette section par un exemple contenant un contrepoint note à note, employant les mouvements entre consonances énoncés précédemment.
Après avoir exposé les règles du contrepoint en note contre note et en minimes, l’auteur procède à la présentation du contrepoint en notes noires, en croches et en doubles croches, c’est-à-dire le contrepoint diminué. Diruta affirme que, dans un contrepoint de notes noires, lorsqu’elles avancent de manière conjointe, il faut respecter l’alternance des « bonnes » et des « mauvaises » notes, afin que sur les temps forts — divisions et subdivisions de la mesure — on trouve toujours une « bonne note », soit une consonance[98].
Pour la transmission de ces contenus, Diruta semble mettre en scène une simple communication d’objets de savoir, en fournissant des exemples démonstratifs des règles annoncées comme étant à imiter. Cependant, à la lumière de ce qui a été relevé dans l’analyse des livres précédents, cette démarche semblerait constituer la phase finale, spécifiquement explicative, d’une ingénierie didactique[99] dont le but ultime est vraisemblablement l’attribution, par l’apprenant, d’un sens[100] aux savoirs mis à l’étude, avant qu’ils ne soient définis et institutionnalisés par le maître[101]. Ce processus se déploie à travers l’établissement par le maître de dépendances ou de connexions entre des savoirs en voie d’acquisition et des savoirs nouveaux.
Pour l’appropriation de ce contenu, l’élève peut en principe s’appuyer sur ses acquis en matière de doigtés, mais aussi sur les notions institutionnalisées de consonance, de dissonance et de mouvements. En même temps, il peut saisir l’emploi spécifique de ces contenus dans le cadre d’un contrepoint rigoureux, en observant les contraintes imposées par le maître. Si, dans le contexte d’une toccata ou d’une tablature diminuée, l’élève pouvait employer des dissonances sur des subdivisions fortes de la mesure, dans le cas d’un contrepoint diminué, toutes les subdivisions fortes doivent être obligatoirement consonantes, en établissant ainsi une pleine correspondance entre les « bons » doigts et les « bonnes » notes. La présentation des consonances et des dissonances dans le cadre de genres différents — toccata, chanson diminuée, fantaisie — permet l’introduction, par le maître, de variables didactiques qui visent vraisemblablement à ce que l’élève conjugue des éléments apparemment contradictoires dans la construction des savoirs sous-jacents : en l’espèce, les notions de consonance et de dissonance. Les différents genres induisent des comportements différents de l’élève par rapport aux savoirs savants, mais aussi par rapport aux savoirs experts mis à l’étude, en l’espèce l’emploi du doigté. Afin de résoudre ces contradictions, l’élève doit faire référence aux différents genres présentés par le maître. Cependant, il ne s’agit pas d’une simple adaptation de l’élève sur la base d’une définition préalable des genres mis à l’étude, mais d’un changement de règles, sans que les savoirs savants sous-jacents soient toujours explicités à l’avance par le maître.
Pour la réalisation d’un contrepoint en notes noires, à partir d’un cantus firmus donné, l’élève doit respecter la contrainte d’employer des consonances, parfaites ou imparfaites, sur les temps forts de la mesure et il doit respecter les mouvements obligatoires entre les parties. L’élève doit également remplir les intervalles entre deux intervalles consécutifs en alternant les « bonnes » et les « mauvaises » notes ou en employant des sauts dans lesquels toutes les notes sont « bonnes » (produisant des consonances). Cela laisse à l’élève de multiples choix de réalisation pour un même cantus firmus. Diruta présente plusieurs exemples de réalisation d’un contrepoint fleuri à partir d’un soggetto constitué d’une simple gamme.
S’appuyant sur les exemples fournis par le maître, l’élève peut s’approprier par imitation (Vygotski 1997 [1934], 352) plusieurs manières de réaliser un contrepoint diminué à partir d’un cantus firmus donné, tout en développant son propre répertoire de passages. À ce stade de l’étude, l’élève se positionne différemment face aux exemples fournis par le maître. En effet, dans la transcription en tablature diminuée (voir la Figure 6), l’élève ne pouvait s’en tenir qu’aux modèles proposés par le maître, ce qui lui permettait de franchir un premier pas dans la production de diminutions et la construction des savoirs savants sous-jacents. Dans la tâche d’improviser un contrepoint diminué, l’élève peut, en principe et à ce stade, compter sur des acquis en termes de savoirs experts et de contenus institutionnalisés découlant de savoirs savants qui lui permettent de se détacher du modèle du maître. Le cas échéant, il évite ainsi une copie servile des exemples, ce qui lui permet de développer son autonomie et son invention (Barry 1999, 63).
Après avoir présenté les règles nécessaires à la réalisation d’un contrepoint à deux parties, Diruta présente brièvement un contrepoint à trois et quatre parties. Dans cette présentation, Diruta affirme qu’il est nécessaire que les parties internes — soit le ténor et l’alto — créent entre elles et avec la basse et le soprano de « bons » accords, c’est-à-dire qu’elles créent des intervalles consonants sur les temps forts de la mesure. Diruta avait déjà introduit ce contenu lors de la transcription d’une pièce polyphonique en tablature simple : l’élève avait été invité à vérifier, par l’action de compter les intervalles, que les voix de ténor et de basse génèrent des consonances. Le maître peut en principe puiser dans le passé didactique pour la transmission de ce nouveau savoir. À son tour, pour s’approprier ce contenu, l’élève peut s’appuyer sur des savoirs désormais institutionnalisés[102] — les notions de consonance, de dissonance et les mouvements entre parties — ainsi que sur la mémoire des situations didactiques passées.
Conclusion
L’analyse de sources historiques non pédagogiques a permis de relever certaines des attentes entre maître et élève propres aux contrats didactiques dans le contexte d’un enseignement institutionnalisé, mais aussi dans le cas de l’enseignement privé de l’orgue. Il a été observé comment la nature hautement personnalisée de la relation didactique entre les acteurs était susceptible de favoriser la construction d’une mémoire didactique partagée, dans laquelle les acteurs pouvaient puiser pour la construction de nouveaux savoirs.
L’analyse des instructions et des exemples présentés dans Il Transilvano a permis de confirmer l’hypothèse initiale, à savoir que la progression des apprentissages était organisée par Diruta autour d’un nombre restreint de contenus, à savoir les notions de consonance, de dissonance, de diminution et de mouvements, tout en se basant sur une articulation étroite entre les différents savoirs mis à l’étude. Les allers et retours sur ces contenus, dans le déroulement du temps didactique et par la mise en place de différentes situations didactiques, favorisaient l’évolution du statut de ces connaissances dans le temps et permettaient en même temps à l’élève de saisir le fonctionnement de ces mêmes contenus dans des contextes de genres différents, et ce, par la mobilisation de diverses stratégies de réalisation de la tâche. Le choix opéré par Diruta concernant l’ordre selon lequel les différents genres sont présentés n’est pas fortuit : il permet non seulement la construction des savoirs mis à l’étude par l’adaptation de l’élève à des milieux qui exigent des degrés croissants de prise de responsabilité en ce qui concerne la tâche d’improvisation, mais aussi l’introduction par le maître de variables didactiques pour la construction des savoirs sous-jacents à la pratique. Alors que dans l’étude des toccatas, l’élève était placé en position de réception afin qu’il puisse saisir les logiques sous-jacentes au système de doigtés, dans la réalisation d’une tablature diminuée, le maître fait un premier pas dans la dévolution de la tâche de composition de nouvelles diminutions par l’aménagement d’un milieu avec un haut niveau d’étayage. C’est en effet dans la réalisation d’un contrepoint diminué qu’une plus grande autonomie est demandée à l’élève pour la réalisation de la tâche de composition et d’improvisation, selon qu’il s’agisse d’exercices écrits ou réalisés de manière extemporanée à l’instrument. Dans ces exercices, l’élève doit réaliser un contrepoint en noires à partir d’un cantusfirmus donné, s’adaptant à un milieu didactique dépouillé de tout support, ce qui impose à l’élève de mobiliser de manière autonome les savoirs en construction ou qu’il s’est appropriés précédemment. Il en résulte une progression des apprentissages caractérisée par des éléments de gradualité — en l’espèce, donnée par un silence progressif du milieu au fur et à mesure que l’on avance dans le traité, ce qui induit une prise de responsabilité croissante de l’élève dans la réalisation de la tâche d’improvisation. En outre, cette progression fait l’objet d’introductions d’éléments complémentaires, porteurs de contradictions apparentes dans la réalisation de la tâche d’improvisation. Plus précisément, ces éléments complémentaires sont liés aux différents genres présentés par Diruta, lesquels exigent une modification de la stratégie de résolution sans que les contenus relevant de savoirs savants soient toujours explicités à l’avance dans la définition de la tâche proposée par le maître, notamment au regard de l’emploi des intervalles dissonants dans une toccata, dans une tablature diminuée ou dans un contrepoint en notes noires.
À travers l’installation de situations didactiques différentes pour l’acquisition d’un même contenu, Diruta vise la construction par l’élève d’une expertise au sens de « capacité de produire différentes représentations de la même réalité, et d’agir sur ces représentations[103] » (Sensevy 2011, 321). En même temps, le maître ne vise vraisemblablement pas uniquement l’appropriation de contenus spécifiques en nombre limité — en l’occurence, les notions de consonance et de dissonance, les mouvements — mais aussi « une action [de l’élève] fondée sur la puissance d’agir spécifique dont le savoir pourvoit » (Sensevy 2011, 324), ce qui relève d’un enseignement « fonctionnel et pratique[104] » (Brousseau 2011, 102) qui favorise une « mise en tension de ce savoir avec d’autres, passés ou à venir » (Sensevy 2011, 324).
Parties annexes
Annexe
[1] « Les écoles de Rome obligeaient les élèves à passer chaque jour une heure à chanter des pièces difficiles, afin d’acquérir de l’expérience, une autre dans l’exercice du trille, une autre dans l’exercice des passages, une autre dans les études des lettres ; et une autre dans les exercices de chant, sous le contrôle d’un maître, et devant un miroir pour s’accoutumer à ce que rien ne bouge, ni le buste, ni le front, ni les sourcils, ni la bouche. Cela durant la matinée. L’après-midi on passait une demi-heure sur les exercices de théorie ; une autre demi-heure dans l’exercice du contrepoint sur une ligne de plain-chant ; une heure à écrire le contrepoint sur ardoise ; une autre dans l’étude des lettres. Le reste de la journée on travaillait sur le clavecin et composait quelque psaume ou motet ou canzonetta, ou tout autre air selon sa fantaisie personnelle[105] […]. » (Bontempi 1695, 170)
[2] « Les exercices pour l’extérieur étaient d’aller souvent chanter et écouter la réponse de l’écho hors de la Porta Angelica, du côté du Monte Mario, afin de juger par soi-même de son chant, mêler sa voix à tous les types de musiques exécutées dans les églises de Rome ; observer la manière de chanter de chacun des meilleurs chanteurs qui fleurissaient sous le pontificat d’Urbain viii ; travailler et mettre à profit ces expériences puis, de retour à la maison, en parler avec le maître. Celui-ci en discutait avec ses élèves afin d’imprimer davantage ses préceptes dans leurs esprits, puis il donnait les conseils nécessaires[106]. » (Bontempi 1695, 170)
[3] « Par la présente, le susdit Ser Mariotto aura enseigné et devra enseigner l’orgue au susdit Raffaello di Michele tant et si bien que ledit Raffaello soit en mesure de jouer aux messes et aux vêpres, et que ledit Ser Mariotto devra lui enseigner les choses suivantes : une messe dominicale, la messe festive, la messe de la Vierge, avec toutes les choses afférant à ces messes, c’est-à-dire le Kyrie, le Gloria, le Credo, le Sanctus, le Benedictus et l’AgnusDei. De plus, il devra lui enseigner au moins trente canzoni, à sa discrétion (et parmi lesquelles on ne compte pas les strambotti et les hymnes appartenant aux vêpres), c’est-à-dire l’hymne des apôtres, l’hymne d’un martyr, l’hymne de plusieurs martyrs, l’hymne des pontifes confesseurs, l’hymne de la Vierge. Après ceux-là, le Christe Redemptor omnium, pour l’Epiphanie, Hostis Herodes, pour la fête de Corpus Christi, le Pange lingua, pour l’Avent, Conditor alme, pour le Carême, Aures ad nostras, pour tous les dimanches de l’année, Lucis Creator ; puis le Benedicamus du dimanche, des fêtes et le Benedicamus pour les solennités majeures[107] […] ». Contrat d’apprentissage entre ser Mariotto di Michele di Giovanni (chapelain de S. Niccolò) et Michele di Meo di Godenzo (joueur de cornemuse), pour son fils (2 janvier 1504). A. S. Firenze, Notarile antecosimiano, C-409, fol. 76, not. Raffaello di Piero di Biagio dei Cerchi, publié dans Piattoli (1956-1957, 356-357).
[4] « Transilvano : Tout judicieusement. Mais je désirerais aussi savoir pourquoi on ne suit pas la règle des notes bonnes et mauvaises dans les diminutions, comme on le fait dans le contrepoint et la composition. J’ai dû en effet frapper quelquefois des notes mauvaises [dissonances], au début ou au milieu de la mesure [avec un « bon » doigt], et aussi parfois faire des notes qui sautent des notes mauvaises.
Diruta : Je réponds à cela qu’il est vrai que l’on n’observe pas cette règle lors des diminutions. Toutefois, là où il est possible de l’observer, c’est mieux. Les toccatas sont toutes faites de diminutions et il est vrai aussi qu’elles contiennent plus de mauvaises notes que de bonnes, mais la vitesse fait qu’on n’entend aucune chose mauvaise et même que les mauvaises notes donnent bien souvent de la grâce aux bonnes, puisque dans les diminutions, on s’attend plus à avoir de beaux et légers passages plutôt que l’observance que vous dites[108]. » (Diruta 1597, 62)
Note biographique
Fabio Antonio Falcone est membre de l’équipe de recherche en Didactique des Arts et du Mouvement (DAM) au sein de l’Université de Genève en tant qu’assistant postdoctoral et chargé d’enseignement. Titulaire d’un doctorat en Sciences de l’Éducation, sa thèse a porté sur l’individuation de systèmes didactiques et de pratiques d’enseignement de l’improvisation au clavier, en partant de l’analyse didactique de sources historiques et de méthodes anciennes datant des xvie, xviie et xviiie siècles. Ceci, avec une attention particulière portée à l’articulation entre savoirs savants et savoirs experts ainsi qu’aux modes de conduite de la progression des apprentissages dans la construction de l’expertise en improvisation au clavier. Fabio Antonio Falcone est aussi titulaire d’un Master en clavecin et basse continue du Conservatoire supérieur d’Amsterdam, d’un Master en interprétation musicale, spécialisé Musique médiévale et Renaissance, ainsi que d’un Master en Pédagogie musicale de la Haute École de Musique de Genève.
Notes
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[1]
Le genre littéraire du dialogue a connu un grand succès dans la production de traités musicaux en Italie au xvie siècle. Murray (2010, 304-305) déclare que « the outward conceit of a dialogue, of course, is that we are listening in on a conversation, which allows to us [sic] to watch the process of teaching and learning as it unfolds. The student attempts the challenges that the master presents and his successes (and even his failures) provide object lessons for the reader. »
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[2]
Dans cette étude, nous utiliserons l’écriture épicène pour nous référer à une situation générique d’enseignement. Nous n’utiliserons pas l’écriture épicène lorsqu’il s’agira de situations spécifiques à la période étudiée, par exemple les écoles rattachées aux cathédrales, où les élèves étaient exclusivement des garçons (Gambassi 1997, 58).
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[3]
« La diminution est, en général, l’art/la pratique (la manière) consistant à remplir les intervalles d’une mélodie par des figures plus ou moins virtuoses, considérées alors comme des diminutions (les Anglais disent divisions) rythmiques. Simplement dit, là où la partition montre une note, selon sa longueur, le joueur la divise, la fractionne, en diminue la valeur et en joue de 2 à 32 en mélangeant éventuellement les rythmes. Français et Italiens parlent volontiers de “passages”, les Espagnols de “Glosas”. » (Dongois 2017, 4)
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[4]
Dans ce contexte, le terme tablature (intavolatura) désigne la pratique consistant à transcrire sur deux portées, donc une partition pour clavier, un morceau polyphonique initialement noté sur plusieurs portées, de trois à cinq selon le nombre de parties.
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[5]
« Diruta […] introduce un nobile Transilvano à dialogizar seco della materia, che non solo quanto al midolloso dell’arte, ordine delle regole, e ragioni de’ fondamenti, li discorre ottimamente (anco à giudicio de’ moderni) mà insegna sino il modo d’usar le deta per terze, quinte &c. con ogni altra più minuta, e diligente osservazione, tutte però molto utili, necessarie, e praticate dà chi professa insegnare metodicamente, e con fondamento. »
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[6]
La première partie de Il Transilvano (1593) a été rééditée en 1597, 1612, 1625 et la deuxième partie (1609) a été rééditée en 1622. À ce jour, une trentaine d’exemplaires ont survécu, conservés dans diverses bibliothèques (24 exemplaires de la première partie et 16 de la seconde) (RISM A/1/2, p. 417).
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[7]
Le volume est imprimé en folio (315 x 210). Ce format était d’habitude employé pour des ouvrages savants, tels que les Institutioni Harmoniche de Zarlino (1558). Les textes destinés à un usage pratique étaient normalement imprimés en format de poche, tels que Scintille di musica de Lanfranco (1533) ou Opera intitulataFontegara de Ganassi (1535). Pour plus d’informations sur les pratiques d’impression musicale à Venise au xvie siècle, et les implications relatives aux formats employés et à leur utilisation, voir Bernstein (2001, 36 et suivantes). Nous tenons à remercier le Dr. Andrea Friggi pour son assistance codicologique.
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[8]
La dédicace adressée à un musicien amateur, le Prince de Transylvanie, suggère cette destination. Néanmoins, nous ne pouvons pas exclure que d’autres musiciens professionnels fussent intéressés à cet ouvrage, pour découvrir d’autres pratiques d’enseignement en vigueur dans d’autres villes de la péninsule italienne. Ceci semble être confirmé par les nombreuses citations d’exemples extraits du traité de Diruta dans des ouvrages contemporains de l’auteur.
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[9]
« Je dis bien les techniques du corps parce qu’on peut faire la théorie de la technique du corps à partir d’une étude, d’une exposition, d’une description pure et simple des techniques du corps. J’entends par ce mot les façons dont les hommes, société par société, d’une façon traditionnelle, savent se servir de leur corps ». (Mauss 2021 [1935], 39)
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[10]
Afin de formuler une première distinction entre les savoirs contribuant à la réalisation d’une improvisation, nous utilisons ici le terme théorique par opposition au terme pratique dans le sens donné par Barbier (1996). Selon cet auteur, « la théorie, c’est ce qui appartient à l’ordre de l’universel, de l’abstrait, des “hautes terres”, du déductif, de l’applicable, du transposable dans la pratique » (1996, 6).
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[11]
Le système didactique se caractérise par l’interaction de trois instances : un·e enseignant·e, un·e enseigné·e et un savoir (Chevallard 1985/1991, 14).
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[12]
Il semble pertinent de souligner que dans plusieurs traités de la deuxième moitié du xvie et du début du xviie siècle (pour n’en citer que quelques-uns : Artusi 1586 ; Tigrini 1588 ; Chiodino 1610), il est possible de déceler des éléments de transposition de savoirs de référence en savoirs aptes à être enseignés. Dans les pages de titre de ces ouvrages, les auteurs soulignent la nécessité non seulement de présenter certains contenus de manière facilitée, mais aussi d’avoir procédé à un choix parmi les différents contenus à traiter. Ce dernier aspect concerne spécifiquement la mise en texte des savoirs, qui est un trait caractéristique de la transposition didactique. Selon Chevallard (1991 [1985], 58), « […] par l’exigence d’explicitation discursive, la “textualisation” du savoir amène d’abord la délimitation de savoirs “partiels”, chacun s’exprimant dans un discours (fictivement) autonome ». La lettre aux lecteurs (Ai lettori) de Il Compendio della musica (1587) de Tigrini est particulièrement significative à cet égard : « Havendo io deliberato lettori miei humanissimi raccorre insieme tutte quelle cose le quali ho giudicato essere più utili e necessarieall’arte del contrappunto che appresso molti scrittori tanto diffuse e sparse si trovano, che malagevolmente comprendere si possano, mi è parso a proposito tra tutte quelle che dai più nobili e eccellenti Autori siano state dette, farne una sceltae con quella brevità maggiore che sia possibile ridurle insieme, acciò che quelli che desiderano imparare l’Arte meno s’affatichino in andare hora in questi, hora in quello Autore ricercando. Non è già stata mia intenzione di volere ogni cosa abbracciare: perché chi potrebbe mai in si piccolo fascio stringere quello che nel tempo adietro da tanti scrittori è stato detto? » [Italique de l’auteur] Trad. : « Ayant choisi, mes très aimables lecteurs, de rassembler toutes les choses que j’ai jugées les plus utiles et nécessaires à l’art du contrepoint, qui sont tellement répandues et dispersées chez de nombreux auteurs et qu’elles sont difficiles à comprendre, il m’a semblé judicieux, parmi toutes celles qui ont été dites par les auteurs les plus nobles et les plus excellents, d’en faire une sélection et de les réduire le plus brièvement possible, afin que ceux qui souhaitent apprendre l’Art puissent trouver moins fatigant d’aller à la recherche de tel ou tel auteur. Je n’ai pas eu l’intention de tout embrasser : en effet, qui pourrait mettre dans un si petit volume ce qui a été dit dans le passé par un si grand nombre d’auteurs ? » [Italique de l’auteur] Tigrini conclut sa lettre aux lecteurs par une liste d’auteurs anciens et modernes — d’Aristote à Zarlino — considérés à la fin du xvie siècle comme des références savantes dans le domaine de la théorie musicale et dont l’auteur extrait les objets de savoir présentés dans son propre compendium.
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[13]
« Nous appelons “contrat didactique” l’ensemble des comportements (spécifiques) du maître qui sont attendus de l’élève et l’ensemble des comportements de l’élève qui sont attendus du maître. Présent dans cette question, ce “contrat” régit les rapports du maître et de l’élève au sujet des projets, des objectifs, des décisions, des actions et des évaluations didactiques […] C’est lui qui fixe explicitement le rôle de la connaissance, de l’apprentissage, de la mémoire, etc. » (Brousseau 2009, 33)
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[14]
« Considerando che niuna cosa di qual si sia arte, ò scienza, fù inun medesimo tempo perfettamente cominciata, & compita; ma che per gradi, & per spatij di tempo, & di studio, s’arriva alla perfettione, come spero io che debba avenire, à questa mia nuova fatica, che da chiari intelleti ben conosciuta, sarà opportunement honorata et gradita. »
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[15]
Selon Nonnon (2010, 30) « pour les enseignants, la question de la progression renvoie donc à toutes les décisions et savoir-faire relatifs à la temporalité, composante cruciale et conflictuelle de leur expérience professionnelle. Les choix et les ajustements sont donc plus complexes qu’un ordonnancement dans le temps d’objets d’enseignement. Ils portent sur tous les aspects de la temporalité [italique de l’auteur] constitutifs du processus d’enseignement […]. »
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[16]
Le terme expertise est utilisé ici dans le sens que lui attribue Chevallard (1991) et qui est repris par Sensevy (2011, 320). Selon Chevallard (1991, 37), et à propos de savoirs mathématiques, « […] pour devenir “expert” […] il faut ne pas s’être contenté de savoir “résoudre le problème”. Il faut par exemple s’être demandé comment on pourrait encore résoudre telle équation que l’on sait déjà résoudre de telle ou telle manière. En d’autres termes, et pour le dire avec des mots empruntés à la sagesse populaire, il faut, cent fois, sur le métier, avoir remis son ouvrage. Il faut avoir longuement travaillé sa technique. » Chevallard ajoute que « […] là où l’élève se lance sans plus de façon dans ce qui est apparemment, pour lui, l’unique voie d’accès à la solution, notre expert envisage plusieurs voies, et opte pour celle qui lui apparaît la meilleure (d’où, ici, le fait qu’elle soit la meilleure). La différence structurale dont je parlais est alors celle-ci : l’expert n’ignore pas la voie que l’élève emprunte, mais au lieu de la parcourir, il en évoque le parcours, pour le comparer à d’autres parcours possibles. C’est un tel comportement que l’on ne voit pas normalement apparaître chez l’élève. Et c’est à cette absence que l’on reconnaîtra le signe d’un apprentissage non terminé [italique de Chevallard]. »
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[17]
Cette même préoccupation concernant l’organisation temporelle des enseignements est relevable dans d’autres traités musicaux contemporains de Il Transilvano. Dans son Melopeo y maestro, Cerone (1613, I.1., 75) déclare : « O quantos y quantos Maestros ay que al principio de sus liciones ponen las azeytunas, q vrian à la postre; mas por no tener otra cosa que dar, la fin ponen en el principio […] de modo que el enseñar destos tales tiene fin y no principio: Monstruo muy extraordinario, pues tiene cola y no cabeça. » Trad. : « Oh combien et combien de maîtres qui, au début de leurs leçons, mettent les olives (azeytunas), qui viendraient à la fin ; mais parce qu’ils n’ont rien d’autre à donner, ils mettent la fin au début […] de sorte que l’enseignement de tels que ceux-ci a une fin et non un commencement : un monstre très extraordinaire, parce qu’il a une queue et pas de tête. » En certaines régions de l’Espagne, le terme azeytunas, indiquant littérairement les olives, est une synecdoque désignant plus généralement le temps de la récolte des fruits mûrs. Je remercie le maître Marcos García Gutiérrez pour son aide précieuse dans la traduction de l’espagnol.
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[18]
Sensevy (2019, 95) définit la « forme scolaire classique » comme « la forme scolaire organiquement construite sur une certaine forme de textualisation du savoir ».
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[19]
« Telle est la fiction dont s’autorise le discours enseignant : le temps du savoir est linéaire, progressif, segmentaire, chaque difficulté peut être divisée en autant de parcelles qu’il serait requis pour mieux la résoudre. Les acquis semblent alors définitifs, aucun futur ne saurait les remettre en cause » (Mercier 1985, 14).
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[20]
« Le travail du professeur consiste donc à proposer à l’élève une situation d’apprentissage afin que l’élève produise ses connaissances comme réponse personnelle à une question et les fasse fonctionner ou les modifie comme réponses aux exigences du milieu et non à un désir du maître » (Brousseau 1998, 300).
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[21]
Dans ce sens, il ne s’agit pas d’une mémoire personnelle de l’élève, ou non seulement, mais d’une mémoire qui implique également le maître et qui laisse des traces dans l’ensemble du système didactique. La mémoire didactique devient pour le maître un instrument d’organisation et d’évolution des milieux visant l’avancement du temps didactique grâce à la réactivation de connaissances contextualisées qui ne sont pas encore disponibles en tant que savoirs institutionnalisés (Centeno 1989, 108-109).
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[22]
Brousseau (1998, 32) définit le milieu comme « tout ce qui agit sur l’élève ou ce sur quoi l’élève agit ». Le milieu didactique comprend l’ensemble des objets matériels et symboliques aménagés intentionnellement par l’enseignant·e afin de favoriser la construction et l’acquisition de savoirs chez l’élève.
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[23]
« In Italy from the late 16th century to the 18th, an improvised vocal or instrumental Division moving primarily by step. In early Baroque music the term may also refer to ornamentation in general, including semi-formulaic ornaments such as the trillo and gruppo (see Ornaments) as well as diminutions. Both meanings are evident in Rognoni’s Selva de varii passaggi (1620); Rousseau (Dictionnaire de musique, 1767) gave ‘passage’ as the equivalent French term but noted that the practice of inserting these divisions was more common among Italian than among French singers. » Michael Tilmouth, « Passagio (ii) », Grove Music Online: Oxford Music Online, doi : https://doi.org/10.1093/gmo/9781561592630.article.53864).
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[24]
À titre d’exemple, en présentant les règles de transcription en tablature, Diruta (1622, 2) introduit des éléments relevant de savoirs contrapuntiques nécessaires à la composition musicale — en l’espèce, les intervalles autorisés entre les lignes de ténor et de basse —, ce qui dépasse apparemment le cadre des apprentissages visés, c’est-à-dire des acquisitions pratiques directement applicables de transcription musicale. À ce stade, il s’agit pour l’élève de réécrire une pièce polyphonique notée à l’origine en parties séparées en une tablature pour clavier, c’est-à-dire une partition contenant deux portées de cinq et huit lignes respectivement.
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[25]
Bien qu’il s’agisse d’une fiction littéraire, la forme du dialogue pédagogique de la Renaissance permet de reconstruire une temporalité et une spatialité selon le principe de la vraisemblance. Selon Cristle Collins, « [m]usical treatises in dialogue format offer a special means of understanding the broader history of the dialogue and the role of spatiality and temporality in creating verisimilarity » (Collins 2008, 41). Elle poursuit plus loin: « I would suggest, music in dialogue insists on utterance and opens the possibility that the spatial becomes temporal, the visible audible, that the didactic becomes conversational, and the conversational, in turn, musical. » (Collins 2008, 72)
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[26]
Malglaive (1990, 172) définit une procédure comme « la série des actes opérants à produire. Ainsi, toute action se présente-t-elle comme l’articulation d’un processus, relatif à l’objet, et d’une procédure, relative aux actes opérants, déployés pour transformer l’objet. » Selon Malglaive (1990, 177), « les habitudes, ou automatismes résultent de deux formes de simplifications. La première consiste en l’occultation du processus de transformation de l’objet au profit des seuls actes opérants de la procédure. […] La deuxième simplification résulte d’une suppression plus ou moins radicale des contrôles au bénéfice, ici encore, des seuls actes opérants. »
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[27]
Sources qui n’ont pas comme objectif l’enseignement, la formation ou l’apprentissage.
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[28]
Les élèves devaient normalement offrir leurs services musicaux à l’église jusqu’à ce que leur voix mue en échange d’une instruction gratuite, la nourriture et parfois un logement (Gambassi 1997, 53-59).
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[29]
Padoan (1983, 112) souligne que la fondation de l’école des clercs associée à la basilique de Santa Maria Maggiore à Bergame avait, dès la seconde moitié du xvie siècle, pour objectif principal de préparer de nouveaux chanteurs et instrumentistes en vue de leur intégration dans la chapelle musicale de la basilique, afin de limiter le recours à des musiciens extérieurs. Normalement, la mue de la voix n’entraînait pas l’expulsion du jeune chanteur de la chapelle musicale, mais dans la plupart des cas, après une courte période pendant laquelle les jeunes chanteurs assuraient la partie de contralto, ils étaient engagés parmi les voix graves de la chapelle (Padoan 1983, 43). À Venise, à la fin du xvie siècle, les élèves du séminaire ducal de la basilique Saint-Marc — séminaire créé à partir de 1579 et distinct du séminaire diocésain — complétaient les effectifs de la cappella marciana pour le chant figuré lors des fêtes les plus solennelles de l’année (Torelli 2020, 245).
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[30]
Le maître de chapelle devait assurer en principe tous les aspects musicaux : de la formation des élèves jusqu’à leur direction lors des offices religieux, souvent y compris la composition du répertoire pour certains cultes. Dans les annales de la fondation de la cathédrale de Milan relatives au 30 juin 1572, on lit : « Che’l maestro di capella sia tenuto insegnar a’ putti due volte il giorno nel luogo deputato, cioé in Camposanto, al numero de’ putti solito; et non facendolo, sia punito all’arbitrio del capitolo […] Che’l maestro di capella sia tenuto ogni mese comporre una messa et uno Magnificat, et quelli inni che saranno necessarj, secondo gli sarà dato memoriale dal maestro di coro, et di tali sue compositione ne dia notitia alli provinciali della musica. » Trad. : « Que le maître de chapelle soit obligé d’enseigner deux fois par jour à l’endroit désigné, c’est-à-dire au Camposanto, au nombre habituel de putti; et s’il ne le fait pas, il sera puni à la discrétion du Chapitre […]. Que le maître de chapelle soit obligé de composer une messe et un Magnificat tous les mois, et les hymnes nécessaires, selon le mémorial que lui donnera le maître du choeur, et qu’il donne avis de ses compositions aux responsables de la musique. » Annali della Fabbrica del duomo di Milano, Regole da osservarsi dal maestro e da’cantori di cappella, Milan, Archivio capitolare, ms. oc. 13 f., 149 v. Une autre copie est présente à Milan, Archivio capitolare, 404, fasc. 2, n. 2, extrait publié dans Brigola (1895, 124).
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[31]
Le nombre des élèves changeait selon les cathédrales : de trois à Turin au moment de la création de l’école jusqu’à cinquante-trois à Florence. Gambassi affirme que, normalement, les élèves admis dans l’école étaient au nombre de douze (1997, 63).
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[32]
À cet égard, il semble pertinent de citer une déposition faite par un élève en 1566 dans le procès contre Pietro Pontio, maître de chapelle dans l’église de Santa Maria Maggiore de Bergame. Le maître était accusé de ne pas remplir pleinement ses obligations dans la formation musicale des clercs de l’école rattachée à l’église. La principale accusation portée contre Pietro Pontio résidait dans le fait qu’il ne consacrait pas suffisamment de temps à l’enseignement individuel de ses élèves : « Questo Maestro non me a mai fatto cantar solum ma tutti <gl’altri> li zorni mi fa cantar de compagnia ecetto gli sabati et le feste {che non andiamo a scola in tali zorni}. Et me acorzo che non imparo cantando cosi in compagnia. Et ben imparato da Nicolo clerico, qual e sta cassa, e dal Tenorino, quali mi facevano cantar solo qua nella scola di gramatica et anche in casa del Maestro di Capella et alle fiate anchora mi faceva cantar Piero Solzia quando et lui veniva alla scola. » L’auteur utilise les crochets pour indiquer les passages qui ont été rayés ou effacés dans l’original. Trad. : « Ce Maître ne m’a jamais fait chanter seul mais me fait chanter en compagnie tous les jours sauf les samedis et les vacances (où nous n’allons pas à l’école). Je me rends compte que je n’apprends pas en chantant en compagnie. En revanche, j’ai bien appris avec le clerc Nicolo, qui est avec nous à la maison, et avec le Tenorino, lesquels me faisaient chanter seul à l’école de grammaire et aussi dans la maison du maître de chapelle. Parfois même, Piero Solzia me faisait chanter seul lorsqu’il venait à l’école. » Processo contra prete Pietro Poncio, Bergamo, Biblioteca Civica Angelo Mai, Archivio della Misericordia Maggiore, ms. MIA 989, f. 9, publié dans Murray (1989, vol. 2, 36).
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[33]
Dans les annales du Séminaire Romain (Regole e consuetudini antiche e moderne) rédigées par Girolamo Nappi autour de 1640, on lit : « Deve il Mastro di Capella dar lettioni del figurato per un hora doppo pranzo nel luogo deputato. Dar lettione per mezz’ora di canto fermo, il tempo sarà [sic]. Far cantare ogni giorno in sala tre o quattro motetti. Cantare il canto fermo in commune. Cantare nelle feste alla casa Messa, Vespro, cioè le feste principali e le Domeniche, eccetto l’estate, quando non vi è lettione in chiesa si va a Trastevere alla Messa […]. » Trad. : « Le maître de chapelle doit donner des leçons de chant figuré pendant une heure après le déjeuner à l’endroit désigné et donner des leçons de plain-chant pendant une demi-heure. Il doit faire chanter trois ou quatre motets chaque jour dans la salle et le plain-chant tous ensemble. Le maître doit faire chanter la messe et les vêpres au séminaire, et ce, aux principales fêtes et tous les dimanches, sauf en été, lorsqu’il n’y a pas de leçons à l’église et on va à Trastevere pour la messe. » Annali del Seminario Romano, Archivio storico della Pontificia Università gregoriana, mn. APUG 2800, f. 30 v, extrait publié dans Casimiri (1935, 8).
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[34]
Dans les annales du Séminaire romain et relativement à l’année 1576, nous lisons : « Alcuni di questi musici insegnavano alle Camerate de’chierici quali tutti imparavano di Musica nell’hora di Ricreatione la mattina, e molti riuscirono buoni musici attendendosi di proposito tanto da Maestri quanto da Scolari. S’imparava anco di sonare Viole, e Violini con l’organo, e da quest’esercito riuscivono alcuni Mastri di Capella. » Trad. : « Certains de ces musiciens [les musiciens externes] enseignaient dans le collège des clercs, lesquels apprenaient tous la musique le matin à l’heure de la récréation, et beaucoup devinrent de bons musiciens, tirant leurs enseignements à la fois des maîtres et d’autres élèves (scolari). Ils apprenaient également à jouer de l’alto et du violon avec l’orgue, et de cette armée sont issus des maîtres de chapelle. » Annali del Seminario Romano, mn. APUG 2801, f. 221, extrait publié dans Casimiri (1935, 4).
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[35]
En plus des leçons quotidiennes, les élèves devaient être disponibles à tout moment de la journée pour des leçons individuelles extraordinaires, si le maître le jugeait nécessaire : « Ogni volta che vorrà essercitare li Soprani o altri Cantori in altro tempo lo porrà fare a beneplacito. Al tempo della repetitione potrà essercitar alcuni ch’a questo fine saranno essenti da quella ». Trad. : « Si le maître souhaite exercer les sopranos ou d’autres chanteurs à un autre moment, il le fera à sa discrétion. Au moment de la répétition d’ensemble, le maître peut faire travailler individuellement les élèves, qui seront exemptés de la répétition d’ensemble. » Annali del Seminario Romano, mn. APUG 2800, f. 65 v, extrait publié dans Casimiri (1935, 12). Il est à noter que dans la marge, Nappi précise qu’il s’agit d’une information extraite de cartes anciennes (« estratte da carte antiche »). Les élèves plus jeunes sont désignés par le terme « sopranos ». En raison de la qualité de leur voix, qui n’avait pas encore mué, les élèves chantaient dans le registre le plus aigu, soit celui de soprano.
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[36]
Dans l’introduction de Li Introiti fondati sopra il canto fermo del basso de Hippolito Chamaterò di Negri (1574, page de dédicace), on lit : « [S]apendo che [...], quando era al servitio del suo honorato Domo, non poco si dilettavano della Musica dell’introiti, & che gioivano à veder li miei scholari in choro nel far contraponti all’improviso [...] questa mia opera dell’introiti gli dedico & dono. » Trad. : « Sachant que [...] quand j’étais au service de votre cathédrale honorée vous vous délectiez de la musique des introïts et vous aviez plaisir à écouter mes élèves faire des contrepoints improvisés [...] je vous dédie mon oeuvre sur les introïts. » Selon Couleau (2015, 102) : « L’oeuvre d’Hippolito Chamaterò di Negri est manifestement composée en souvenir des introïts improvisés par ses élèves lorsqu’il était à Trévise. La musique écrite constitue ainsi une forme de réminiscence d’usages effectués dans le chant ex tempore, de telle manière que l’improvisation se présente bien, dans ce cas-là, comme une étape préparatoire à l’écriture. » Se basant sur l’analyse de sources musicales de la seconde moitié du xvie siècle, conservées à Coimbra et à Trévise (Archivio del Duomo di Treviso, mn. 7 et Biblioteca Geral da Universidade de Coimbra mn. MM6), dans lesquelles seule la voix de ténor est notée lorsque les trois autres voix (bassus, superius et altus) sont laissées vides, Couleau (2015, 104) émet l’hypothèse que les lignes laissées vides ne devaient être remplies qu’après que les chanteurs, improvisant sur le cantus firmus noté, aient réalisé une improvisation « achevée ».
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[37]
La question de l’articulation entre oralité et écriture dans la création polyphonique vocale à la Renaissance a été traitée de manière approfondie par Canguilhem (2011, 95-102 ; 2013, 21-23 ; 2015, 173-192). L’auteur souligne la complexité du sujet en pointant des différences substantielles, selon les aires géographiques. Si les nombreux écrits pédagogiques publiés dans la péninsule italique aux xvie et xviie siècles reflètent comment l’apprentissage du contrepoint oral était considéré comme propédeutique à la composition, il en va tout autrement dans la péninsule ibérique à la même époque (Canguilhem 2015, 38-40). Se référant aux traités de Vicente Lusitano (vers 1550), Ortiz (1553) et Bermudo (1555), Canguilhem (2013, 22) souligne comment, dans ce contexte, la composition n’était pas considérée comme le but ultime de la formation d’un chanteur, mais comme un outil permettant de progresser dans la pratique du contrepoint chanté. La différenciation entre contrepoint improvisé, contrepoint réfléchi (pensado) et composition proposée par Lusitano constitue, selon Canguilhem (2013, 23), un indice important de la complexité de l’articulation entre improvisation, contrepoint mental (alla mente) et écriture.
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[38]
Il s’agit de la déposition de Leonardo de Brixia, organiste dans l’église Santa Maria Maggiore de Bergame, appelé à témoigner lors du procès tenu en 1566 contre Pietro Pontio.
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[39]
Une cartella consistait en une tablette, généralement en pierre lisse, sur laquelle on pouvait facilement écrire et effacer. Elle servait d’outil de base pour l’apprentissage écrit de la musique, notamment dans les leçons de contrepoint (Owens 1997, 89).
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[40]
« [C]he ciaschuno qual ho visto a insegnare canto et contraponcto si in questa cita come in Venetia fanno prima cantar gli scolari ad uno ad uno et poi in compagnia sin tanto che hanno imparato. Et il medemo si fa del contraponcto si vede, et giusta prima la cartella con diligentia, et poi si fa cantare, et questo e il vero modo di insegnare. » Processo contra prete Pietro Poncio, Bergamo, Biblioteca Civica Angelo Mai, Archivio della Misericordia Maggiore, ms. MIA, 989, f. 16, publié dans Murray (1989, vol. 2, 47).
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[41]
La notion de dévolution, telle qu’introduite par Brousseau, constitue non seulement le fondement d’une situation didactique, mais aussi une condition indispensable au fonctionnement de tout contrat didactique. Selon l’auteur, afin que l’élève puisse mettre en oeuvre la connaissance visée par l’enseignant·e, ce·tte dernier·e doit « effectuer non la communication d’une connaissance, mais la dévolution du bon problème. Si cette dévolution s’opère, l’élève entre dans le jeu et s’il finit par gagner, l’apprentissage s’opère. » (Brousseau 1998, 61)
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[42]
Dans la définition de la notion de pratique sociale de référence, Martinand insiste sur quatre aspects : « - [I]l s’agit d’activités réelles, dans tous leurs aspects et pas seulement d’un savoir ou savoir-faire ; - il ne s’agit pas d’un rôle individuel, mais de la pratique d’un secteur social, qu’il faut analyser ; - la relation avec les activités didactiques ne consiste pas en une identité finale : il y a seulement référence pour comparaison ; - il existe plusieurs références possibles » (Martinand 2013, 86).
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[43]
Selon Brousseau (1998, 59), l’élève « n’aura véritablement acquis cette connaissance lorsqu’il sera capable de la mettre en oeuvre en dehors de tout contexte d’enseignement et en l’absence de toute indication intentionnelle. Une telle situation est appelée situation adidactique. »
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[44]
Selon Brousseau (1998, 92), « les deux types de jeux principaux du maître sont la dévolution et l’institutionnalisation. Dans la dévolution, le maître met l’élève en situation adidactique ou pseudo-adidactique. Dans l’institutionnalisation, il définit les rapports que peuvent avoir les comportements ou les productions “libres” de l’élève avec le savoir culturel ou scientifique et avec le projet didactique : il donne une lecture de ces activités et leur donne un statut. »
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[45]
En épousant la thèse de Balmori (2016), je pense que l’absence de textes de référence dans l’enseignement musical à la période examinée — le maître produisait lui-même, comme nous l’avons vu, le matériel pédagogique pour la progression de l’apprentissage — constitue un élément important dans la caractérisation de la relation didactique entre maître et élève. En ce qui concerne l’enseignement du chant, Balmori (2016, 31-35) attribue la transformation de la relation topogénétique entre maître et élève à l’institutionnalisation progressive des manuels et des méthodes à partir du début du xixe siècle, avec pour conséquence le déplacement de l’autorité du maître, qui lui était conférée par son « savoir-faire » et son « savoir transmettre », vers l’écrit.
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[46]
Dans le contrat d’embauche de l’organiste de la basilique de Saint-Antoine de Padoue en 1577, on peut lire qu’en plus d’assurer ses services musicaux pendant la liturgie, il devait « enseigner à ces élèves, qui seront aptes à apprendre » (« insegnar à quelli Fratini, che saranno atti ad imparare »). Padoue, Archivio dell’Arca di Sant’Antonio, ACTA 6, 1574-1578, ff. 207-208, publié dans Padoan (2012, 346).
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[47]
« Ogni mattina si trovarà alla Messa in Seminario. Dara lettione da sonare doppo la prima Tavola mattina e sera sin al fine della Ricreation e quando li sarà detto a quelli che doveranno imparare. » Trad. : « Tous les matins, il assistera à la messe au séminaire. Il donnera les leçons à ceux qui doivent apprendre après la première table, matin et soir jusqu’à la fin de la récréation et chaque fois qu’on le lui demandera. » Annali del Seminario Romano, Ordini per l’organista, 1576, mn. APUG 2800, f. 65-65v, extrait publié dans Casimiri (1935, 11).
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[48]
Dans un contrat privé d’enseignement de l’orgue conclu en 1524, on lit que l’élève devait séjourner chez le maître pendant une durée de 12 ans afin d’achever ses études musicales. Contrat d’apprentissage entre Giovanni Blundo (organiste) et Antonio lo Vecchio pour son fils Giovanni Antonio (23 janvier 1524). A. S. Palermo, Not. Antonio Occhipinti, vol. 3702, publié dans Piattoli (1956-57, 351-353).
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[49]
Dans son explication de la supériorité des maîtres de musique italiens sur les maîtres espagnols, Cerone (1613, i, 148-149) insiste précisément sur la diligence des maîtres et l’abnégation des élèves qui découlent du type de relation personnalisée qui caractérise l’enseignement en Italie.
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[50]
Contrat d’apprentissage entre ser Mariotto di Michele di Giovanni (chapelain de S. Niccolò) et Michele di Meo di Godenzo (joueur de cornemuse), pour son fils (2 janvier 1504). A. S. Firenze, Notarile antecosimiano, C-409, fol. 76, not. Raffaello di Piero di Biagio dei Cerchi, publié dans Piattoli (1556-57, 351-353) et dans Perina (2022).
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[51]
Si l’on considère littéralement ce qui est mentionné dans le contrat, l’élève devait être capable de jouer une messe dominicale, la messe festive et la messe de la Vierge, « avec toutes les choses afférant à ces messes », c’est-à-dire le répertoire de l’ordinaire.
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[52]
Les parties de l’Ordinaire comportent toujours le même texte et un nombre limité de mélodies qui varient en fonction de certaines catégories générales de fêtes. Les parties du propre, au contraire, sont à chaque messe différentes quant au texte et à la musique (Apel 1990, 17). Je tiens à remercier les professeurs Arnaldo Morelli et Rodobaldo Tibaldi pour les échanges concernant la structure de la messe selon les périodes de l’année liturgique dans la péninsule italienne au xvie siècle.
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[53]
« L’organista è obligato rispondere al choro et imitare quello che canta o sia canto figurato over canto fermo […] Trad. : « L’organiste est tenu de répondre au choeur et d’imiter ce qu’il chante, qu’il s’agisse d’un chant figuré ou de plain-chant. » (Diruta 1622, livre 1, 21)
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[54]
Par ce terme, on entend la canzona a solo, c’est-à-dire une réélaboration libre pour instrument polyphonique à partir d’une aria profane ou, comme dans le cas présent, d’un cantus firmus. Le contrat précise qu’il ne s’agit pas de canzoni profanes, mentionnant à titre d’exemple plusieurs hymnes du répertoire liturgique. Ces hymnes étaient normalement improvisées par l’organiste à partir de cantus firmi pendant le propre de messes festives comme spécifié dans le contrat lui-même (pour l’Epiphanie, Hostis Herodes, pour la fête de Corpus Christi, le Pange lingua, etc.), comme solos d’orgue pour remplacer la polyphonie vocale ou pour combler des moments de silence pendant la liturgie (Morelli 1996, 241).
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[55]
« 1. Che ciascuno soni di fantasia con brevita quello gli pare. 2. Che si faccia responsorio alli Kirie. 3. Che si soni in responsorio alla Magnificat in diversi tuoni. 4. Che sii in libertà di cadaun de R.di e Mag.ci presidenti de dar un canto fermo cavato all’improvviso del libro à ciascun di detti concorenti, sopra il qual habbi à sonare. » Padoue, Archivio dell’Arca di Sant’Antonio, ACTA 7, 1578-1582, ff. 52-52v, publié dans Padoan (2012, 295) et Morelli (1998, 263). Padoan (2012, 296) précise que le modèle défini pour le concours de 1579, est reproduit à l’identique dans le concours organisé à la basilique de Saint Antoine de Padoue le 7 juillet 1602 (Padoue, Basilica dell’Arca di Sant’Antonio, ACTA 12, 1600-1606, ff. 72v-73r). Pour plus de détails sur les concours d’orgue en Vénétie au xvie siècle, nous renvoyons à Morelli (1998).
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[56]
Le terme esthétique se réfère ici à « ce qui relie la musique au monde extra-musical » (Accaoui 2011, 9). Selon Accaoui, « il ne s’agit pas d’arracher les oeuvres à leur technicité, il s’agit de mettre en correspondance leur technicité avec le sens qui l’a commandé […] » (Accaoui 2011, 9).
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[57]
Dans ce contexte, le terme « ton » (tono) est synonyme de « mode ». Pour une définition de « ton » voir Wiering (2001, 69).
-
[58]
Diruta concilie un langage heptachordal avec le système de lecture à six syllabes, en éliminant l’hexacorde naturel et en étendant le nombre de syllabes sur toute la tessiture de l’instrument à clavier. Avec pour conséquence l’extension de l’ambitus en dessous de Gamma-ut dans le grave et au-dessus de E-la-mi dans l’aigu (Navarre 2020, xvi).
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[59]
« During the Renaissance and Baroque two-part music had an important role in didacticism. In fact it was used for all the necessary tasks in training both professional and amateur musicians » (Bornstein 2001, 1).
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[60]
Conformément aux règles du contrepoint en vigueur au début du xviie siècle, Diruta distingue quatre mouvements. Notamment, d’une consonance parfaite à une consonance parfaite on procède par mouvement contraire, d’une consonance imparfaite à une consonance imparfaite on peut procéder de n’importe quelle manière, tout comme on procède d’une consonance parfaite à une consonance imparfaite. Enfin, d’une consonance imparfaite à une consonance parfaite, on procède par le mouvement contraire et par le recours au demi-ton (Diruta 1622, ii, 2).
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[61]
L’expression « contrepoint en notes noires » désigne dans ce contexte le contrepoint en noires ou en croches.
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[62]
En ce qui concerne la définition des modes, Diruta, à l’instar de Zarlino (1558), opte pour le système de douze tons en commençant le classement à partir de la note ré.
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[63]
Dans une situation didactique, « un actant, un professeur, par exemple, organise un dispositif qui manifeste son intention de modifier ou de faire naître les connaissances d’un autre actant, un élève par exemple, et lui permet de s’exprimer en actions » (Brousseau 2010).
-
[64]
Tous les exemples musicaux présentés dans cette étude sont extraits de l’édition moderne de Il Transilvano réalisée par Navarre (2020).
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[65]
« L’enseignant fait d’abord le travail inverse : une recontextualisation et une repersonnalisation du savoir : il cherche des situations qui vont donner du sens aux connaissances à enseigner. » (Brousseau 1998, 299)
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[66]
Pour l’élève, il s’agit non seulement de jouer les pièces de répertoire, mais aussi de les analyser, en tant qu’exemples fournis par le maître. Tout au long de son traité, Diruta porte l’attention de l’élève sur l’importance de l’analyse des exemples pour l’acquisition des savoirs mis à l’étude.
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[67]
L’articulation entre le système de doigtés, la pratique d’une tablature diminuée et l’improvisation d’un contrepoint en notes noires au clavier a déjà été mise en évidence par Guido. L’auteur relève comment l’incorporation du système de doigtés proposé par Diruta permet à l’élève de construire des automatismes sur lesquels il peut s’appuyer pour l’improvisation non seulement d’une tablature diminuée, mais aussi d’un contrepoint fleuri en notes noires (Guido 2012, 69-71).
-
[68]
En clarifiant la différence entre le contrepoint rigoureux et le contrepoint commun, Diruta déclare que, si dans l’improvisation sur l’instrument, l’élève peut en principe ne pas observer certaines des règles mentionnées, dans le contrepoint écrit, il ne peut pas s’en abstenir (1622, 3).
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[69]
Plusieurs auteurs (Bellasich et collab. 2005, 253 ; Houle 1987, 81-84 ; Lindley et Boxall 2002, xiv), inférant du système de doigté de Diruta un type d’articulation inégale de notes liées deux à deux, mettent le système de doigté en relation avec des exigences de nature esthétique. Dans le cas spécifique du traité de Diruta, aucune relation de cause à effet entre le système de doigté et le type d’articulation n’est décelable. Au contraire, l’auteur ne semble envisager que l’articulation legato : « […] [L]es doigts doivent bien appuyer sur les touches, c’est-à-dire qu’il ne faut pas appuyer sur la touche suivante avant d’avoir levé le doigt de la précédente, mais qu’elle se lève et qu’elle s’abaisse en même temps. » (Diruta 1597, 16)
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[70]
Au sens de Zarlino (1573, 94) : « Armonia propria adunque è composizione o mescolanza de suoni gravi e de acuti tramezati o non tramezati, la qual percuote soavemente il senso; e nasce dalle parti di ciascuna cantilena, per il proceder che fanno accordandosi insieme, fin a tanto che siano pervenute al fine. » Trad. : « L’harmonie propre est donc une combinaison ou un mélange de sons graves et aigus, entrelacés ou non, qui affecte doucement le sens ; elle naît des parties de chaque chant, par la façon dont elles se déroulent en accord les unes avec les autres, jusqu’à ce qu’elles aient atteint la fin. »
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[71]
À cet égard, Penna (1679, 70) affirme : « [C]he facendosi note nere, delle quali ne passa una buona, e l’altra cattiva (che è l’istesso che dire, una consonanza, e l’altra dissonanza) […]. » Trad. : « [E]n faisant des notes noires, dont l’une est bonne, et l’autre mauvaise (ce qui revient à dire, une consonante, et l’autre, dissonante) […]. »
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[72]
L’utilisation de métaphores pour décrire certains contenus techniques et l’invitation du maître à imiter l’exemple suggèrent que la transmission de ces savoirs se faisait principalement par imitation de l’exemple proposé par le maître. Dans ce sens, les exemples du maître deviennent un élément important du milieu didactique pour la transmission de ces contenus d’ordre technique.
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[73]
Comme le souligne Diruta lui-même (1597, 13), la détermination des « bons » et des « mauvais » doigts dépend de la logique de l’instrument à clavier : la longueur réduite des touches chromatiques de l’instrument ne permet pas l’utilisation du pouce, c’est pourquoi l’auteur préfère le troisième doigt à la place. En ce sens, le clavier constitue un élément important du milieu didactique matériel dans l’acquisition de ces contenus techniques. Grâce à la rétroaction du milieu matériel (en l’espèce, la majeure difficulté de jouer une touche noire avec le pouce), l’élève peut d’abord être surpris par la difficulté technique, et ensuite recourir à un processus d’auto-régulation utilisant le troisième doigt à la place.
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[74]
Pour l’exécution des traits de notes noires, Diruta suggère de n’utiliser que le deuxième, le troisième et le quatrième doigts, à la droite comme à la gauche. Le résultat est une succession de patterns, chacun consistant en l’alternance de deux doigts :
Main droite : 2-3-4-3-4-3-4 en montant, et 4-3-2-3-2-3-2 en descendant ;
Main gauche : 4-3-2-3-2-3-2 en montant, et 2-3-2-3-2-3-2 en descendant.
-
[75]
Diruta présente seulement la succession de lettres.
-
[76]
L’auteur distingue deux types de saut : celui qui consiste à sauter d’une « mauvaise » note (subdivision faible) à une « bonne » note (subdivision fort) et celui qui consiste à sauter d’une « bonne » note (subdivision fort) à une « mauvaise » note (subdivision faible).
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[77]
Faure (2000) distingue deux processus d’incorporation. L’un des processus d’incorporation « tend à faire davantage appel à des modalités d’incorporation relevant de la reproduction d’un “modèle” (imitation spontanée ou différée) qui, lors d’une première phase d’apprentissage, n’engage pas nécessairement de réflexivité sur le mouvement à reproduire ; dans une seconde phase (les corrections), des procédures d’analyse et d’explicitation des erreurs sont différemment mises en oeuvre selon les types de pédagogie : ceux qui se rapprochent de la forme scolaire de socialisation tendent à introduire des modalités réflexives parce que l’apprentissage se déploie dans un contexte scolaire (ou quasi scolaire) » (2000, 110).
-
[78]
Diruta ne présente pas d’exemples contenant des mesures avec une subdivision ternaire.
-
[79]
Ceci est d’autant plus valable dans l’étude des toccatas, où les différents types de sauts sont mélangés.
-
[80]
Selon Brousseau (1998, 281) : « Chaque situation-problème appelle de la part de l’élève des comportements qui sont l’indice d’une connaissance. »
-
[81]
« L’intérêt des ostensifs tient en leur matérialité : ils peuvent être manipulés ou agis, si l’on veut bien étendre le sens de ces verbes pour les appliquer aux mots prononcés et aux regards adressés. […] Les manipulations ostensives sont […] réglées par les non ostensifs évoqués. Ainsi un élève qui, pour effectuer une multiplication, commencerait par comparer (ostensiblement) le nombre des chiffres du multiplicande et du multiplicateur se verrait-il rappeler à l’ordre à partir de l’évocation du non-ostensif associé […]. » (Matheron 2000, 73)
-
[82]
Au sens d’« objet engagé pour la réalisation d’une activité » (Matheron 2000, 72).
-
[83]
« Plus généralement, l’usage d’ostensifs (au sens de Matheron 2010) dans l’activité didactique prend nécessairement place dans un espace-temps dont la corporéité est une des composantes. Pour exemple, la numération en “base dix”, en mathématiques, n’est pas totalement étrangère au fait que nous soyons (la plupart du temps) pourvus de dix doigts... » (Mili et Leutenagger 2016, 8).
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[84]
Centeno (1995) définit ce statut du savoir comme « décor didactique » dans la mesure où « il s’agit d’un savoir qui est implicite dans le problème ou dans la situation que le maître fait vivre aux élèves dans un t1, mais qu’il n’évoque pas. Ce savoir est dans les intentions du maître qui sait qu’il pourra plus tard — dans un temps t2 — le rendre explicite et récupérer ainsi ce qui s’était passé. » (Centeno 1995, 31)
-
[85]
Centeno (1995, 31), dans le cadre de l’enseignement des mathématiques, définit une « connaissance formulée » comme « un apprentissage en cours que les élèves sont capables de formuler dans un langage plus ou moins adapté mais qui possède un sens dans le savoir officiel de la classe. Il existe un langage pour en parler et ceci permet au maître d’identifier l’objet et de le rendre explicite. Mais c’est encore une connaissance paramathématique : pas encore analysée et prouvée. »
-
[86]
Dans la fiction du dialogue, Diruta attribue à l’élève la reconnaissance des notes dissonantes sur les temps forts de la mesure. Cependant, il n’explicite pas sur quelles bases l’élève peut reconnaître de manière implicite qu’il s’agit d’une note dissonante par rapport à l’accord sous-jacent. Pour démontrer la nature de l’intervalle de quarte, que Diruta classe comme dissonant, le maître invite l’élève à en faire l’expérience « sur un instrument bien accordé ou avec des voix. De cette preuve, vous connaîtrez si la quarte est parfaite, imparfaite, si c’est une consonance mineure ou une dissonance. » (Diruta 1622, ii, 5) Sur la base de cet extrait, il est plausible de supposer que pour que l’élève établisse une première distinction entre les intervalles consonants et dissonants, il était invité à les expérimenter par l’écoute directement sur l’instrument.
-
[87]
Selon Centeno (1995, 25), il y a des dépendances intentionnelles « lorsque le maître veut un ordre dans l’enseignement de deux notions et qu’il a besoin de rappeler la première pour pouvoir faire la deuxième ». Centeno précise que certaines dépendances « seront non seulement utilisées comme moyen d’enseignement mais exigées comme objet d’enseignement. Il s’agit là de dépendances entre les savoirs, et les élèves doivent les apprendre. »
-
[88]
Il est nécessaire d’attirer l’attention sur le fait que le traité de Diruta s’adressait prioritairement à des élèves organistes qui étaient censés développer une expertise en matière d’improvisation afin de remplir leurs obligations musicales lors des services religieux. En raison de la nature même de l’orgue, qui permet de tenir une note dans toute sa longueur, l’élève était en principe plus à même de percevoir les dissonances générées par la superposition entre les diminutions et l’accord tenu en dessous que si celles-ci étaient jouées sur un instrument à cordes pincées.
-
[89]
Selon Centeno (1995, 20), les dépendances « vont constituer une partie du sens que l’élève donne aux connaissances exigibles dans la classe parce qu’elles ont été institutionnalisées par le maître ».
-
[90]
« Un champ de problèmes peut être engendré à partir d’une situation par la modification des valeurs de certaines variables qui, à leur tour, font changer les caractéristiques des stratégies de solution (coût, validité, complexité, etc.) […]. » (Brousseau 1982, cité par Rouchier et collab. 2001, 81)
-
[91]
Owens (1997, 55) affirme : « Once a piece was notated in separate parts, it was difficult to catch mistakes without having it sung or checking one voice against another. Perhaps as a result of these difficulties, during the second half of the century musicians began to employ scores to help them study polyphonic music. »
-
[92]
« Il s’agit d’un savoir qui doit fonctionner dans l’action que l’élève réalise pour résoudre le problème dont il s’occupe. Ce savoir est implicite et se montre par les choix qu’il lui permet de faire, mais l’élève n’a pas besoin d’en avoir conscience. » (Centeno 1995, 32)
-
[93]
« La dévolution consiste pour l’enseignant, non seulement à proposer à l’élève une situation qui doit susciter chez lui une activité non convenue, mais aussi à faire en sorte qu’il se sente responsable de l’obtention du résultat proposé, et qu’il accepte l’idée que la solution ne dépend que de l’exercice des connaissances qu’il possède déjà » (Brousseau 2010, 5).
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[94]
« Le traitement des propositions […], les prises de décision quant à ces propositions, les choix successifs menant au résultat final relèvent très largement d’une dévolution mixte, qui porte autant sur des processus que sur des éléments musicaux proprement dits. Dans une perspective de formation, il convient de mettre cela en évidence » (Mili 2012, 150).
-
[95]
« Nell’instrumento si replicano l’istesse consonanze nel grave, & nell’accuto, secondo che sono ordinate le tastature, si come havete inteso nel primo libro, che sopra il numero di sette havete l’istesso tasto, & l’istessa consonanza. »
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[96]
Diruta définit l’unisson, la tierce, la quinte et la sixte (1, 3, 5 et 6) comme des consonances principales. Transposées une octave plus haut par rapport à la note de la basse, ces mêmes consonances sont définies par Diruta comme des consonances du deuxième degré (8, 10, 12 et 13). Transposées deux octaves plus haut, elles sont définies comme des consonances du troisième degré (15, 17, 19 et 20).
-
[97]
Pour l’exercice de réalisation d’une tablature diminuée, en principe l’élève n’avait pas besoin de connaître les mouvements, puisqu’il était censé diminuer une ligne d’un morceau préexistant. Passer par la première note de la diminution lui permettait d’éviter d’introduire des erreurs dans la conduite des parties. Une fois les mouvements définis par le maître, on part du principe que l’élève peut revenir aux exercices en tablature et en comprendre les raisons sous-jacentes.
-
[98]
L’auteur présente aussi des exceptions à cette règle ainsi que le cas où les notes noires procèdent par saut, en précisant que dans ce cas, elles ne doivent être constituées que de « bonnes » notes.
-
[99]
Au sens de « systèmes de situations au sein desquelles les élèves font l’épreuve de la fonctionnalité des savoirs » (Sensevy 2011, 300).
-
[100]
L’élève peut attribuer un sens aux savoirs mis à l’étude grâce à l’adaptation à des situations didactiques proposant une « simulation correcte de la genèse des notions » (Brousseau 1998, 65).
-
[101]
« [I]l semblait utile d’étudier des dispositifs où le sens pourrait se manifester par des décisions avant d’être objet de formulations et d’explications. Créer les conditions qui provoquent chez l’élève des décisions dont la cause et la raison sont la connaissance à enseigner, donne à cette connaissance une existence concrète qui peut permettre ensuite de l’évoquer, de la communiquer et de l’expliquer […]. [Ces conditions] sont des simulations qui donnent aux connaissances le sens finalement retenu par les mathématiciens » (Brousseau 2010, cité par Sensevy 2011, 301).
-
[102]
Une connaissance institutionnalisée est « considérée comme acquise, et que l’on traite comme un outil. Si l’on revient sur cette connaissance, c’est pour l’appliquer à d’autres situations, différentes de celles dans lesquelles l’élève l’a apprise ou pour la prendre comme base de nouvelles conversions. » (Centeno 1995, 32)
-
[103]
Selon Chevallard (1991, 37), l’acquisition d’une expertise est étroitement dépendante d’un travail prolongé de la technique, ce « qui implique que, lorsque le problème a été résolu, il y a encore quelque chose à faire. Il y a encore à travailler le problème — à travailler sur le problème. Elle [l’idée de travailler sa technique] suppose que le problème ne soit pas un hapax dans la biographie didactique de l’élève, mais un thème de travail, une matière à travailler. L’objectif du travail, alors, n’est pas la résolution du problème, mais l’étude des manières de le résoudre. »
-
[104]
Selon Brousseau (2011, 102), et pour l’enseignement des mathématiques, pour rendre fonctionnelle une notion, il faut « lui donner un rôle visible dans une décision spécifique […]. Il faut aussi que des alternatives plausibles lui soient opposables et que son choix soit le résultat d’une anticipation possible. » En outre, « les conditions choisies pour présider à son apparition doivent laisser assez rapidement entrevoir l’intérêt de l’identifier à cause de la richesse du champ où elle promet d’être utile. »
-
[105]
« Le Scole di Roma obligavano i Discepoli ad impiegare ogni giorno un’hora nel cantar cose difficili e malagevoli, per l’acquisto della esperienza; un’altra, nell’esercizio del Trillo; un’altra in quello de’Passagi; un’altra negli studi delle Lettere; & un’altra negli ammaestramenti & esercizi del Canto, e sotto l’udito del Maestro; e davanti ad uno Specchio, per assuefarsi [prendere la abitudini] a non far moto alcuno inconveniente, ne di vita, ne di fronte, ne di ciglia, ne di bocca. E tutti questi erano gl’impieghi della mattina. Dopo il mezzo dì s’impiegava mezza hora negli ammaestramenti appartenenti alla Teorica: un’altra meza hora nel Contrapunto sopra il Canto fermo; un’hora nel ricevere e mettere in opera i documenti del Contrapunto sopra la Cartella; un’altra negli studi delle Lettere; & il rimanente del giorno nell’esercitarsi nel suono del Clavicembalo; nelle composizione di qualche Salmo, o Mottetto, o Canzonetta, o altra sorte di Cantilena, secondo il proprio genio. E questi erano gli esercizi ordinari di quel giorno nel quale i Discepoli non uscivano di Casa. »
-
[106]
« Gli esercizi poi fuori di Casa, erano l’andar spesse volte a cantare e sentire la risposta da un’Ecco fuori della Porta Angelica, verso Monte Mario, per farsi giudice da se stesso de ‘propri accenti, l’andare a cantar quasi in tutte le Musiche che si facevano nelle Chiese di Roma; e l’osservare le maniere del Canto di tanti Cantori insigni che fiorivano nel Pontificato di Urbano Ottavo; l’esercitarsi sopra quelle, & il renderne le ragioni al Maestro, quando si ritornava a Casa: il quale poi per maggiormente imprimerle nella mente de ‘Discepoli, vi faceva sopra i necessari discorsi, e ne dava i necessari avvertimenti. »
-
[107]
« Con ciò sia cosa che ser Mariotto soprascripto habbia insengnato et abbia a insengnare sonare l’orghano al soprascripto Raffaello di Michele sì et ‘n tal modo che detto Raffaello sia renpiente sonare le messe et vespri, et che detto ser Mariotto gli debba insengnare le infrascripte cose, cioè: una messa domenichale, la messa festiva, la messa della Donna, con sua cose apartenente a dette messe, cioè di chiri, grorie, credo, santus, beneditus et angnus Dei. Et di più gli debba insengnare trenta canzone o più, a sua discretione (et che non vi si intenda drento strambotti [sic] et inni appartenenti a vespri), cioè inno delgli apostoli, inno d’uno martire, inno di più martiri, inno de’ confessori pontefici, inno della Vergine. Di poi, apresso a questi, Criste redentor omnium, per la Befania Hostis Herodes, per corpo di Cristo Pange Lingua, per l’Avento Conditor alme, per la Quadragesima Aures ad nostras, per le domeniche di tutto l’anno Lucis creator. Apresso, benedichamus della domenicha, et benedichamus festivo, et benedicamus [sic] maggiore […]. »
-
[108]
« Il tutto con giuditio: ma desio anco sapere, perche non si osserua la Regola delle note buone, e cattiue nel diminuire, come si fa nel Contrapunto, e nel Comporre, essendomi stato necessario alcune uolte batter le note cattiue nel principio, ò mezo della battuta, & anco esser cattiue le note, che saltano. Diru. A questo ui dico, che è uero che nel Diminuire non si osserua questa Regola ma doue si può osseruare è meglio: le Toccate son tutte Diminutioni, & vero anco che u’entrano più cattive che buone; ma la velocità di esse fa sì chenon si senta cosa cattiua anzi che le cattiue danno bes spesso gratia alle buone : poi che nel Diminuire più s’attende à far passaggi vaghi, e legiadri, che all’osseruanza, che voi dite. »
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