Résumés
Résumé
Inscrit dans une longue tradition, le livre à système suscite un véritable engouement. La surprise de ces livres en volume a focalisé l’attention sur leur spatialisation au détriment de la question de la temporalité. En effet, les livres-objets, et plus particulièrement les pop-up, ont longtemps reposé sur une narration qui guidait la lecture du début à la fin de l’œuvre. Ce n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui. Certains ouvrages ne sont pas des ouvrages narratifs mais ils induisent pourtant une temporalité, celle de la découverte d’une forme, d’un chiffre ou encore d’une lettre et, peut-être aussi, un temps de la contemplation. La tourne de page et le déploiement du « système » à travers l’ouverture entière de la page instaurent également une nouvelle temporalité, en plus d’une nouvelle spatialité. La relecture d'un pop-up oblige enfin le lecteur à se confronter aux multiples temporalités de ses lectures, à son identité et à son corps, quand la texture de l'objet participe pleinement de l'inscription mémorielle.
Mots-clés :
- spatialité,
- temporalité,
- relire,
- livres imagés,
- livres pop-up
Abstract
Surprise is such a key component of three-dimensional books that they have been mostly analysed from a spatial point of view to the detriment of temporal perspectives. For a long time, pop-up books have relied on a narrative structure that guided the reader from beginning to end. Pop-up books that do not rely heavily on narrative induce a slow temporality, based on the discovery of a form, the enchantment of the unravelling of a page and, more generally, on a sense of wonder. Rereading a pop-up book forces the readers to review the multiple moments they discovered the text. Texture also invites them to reflect upon the interaction between their body, their identity and the book.
Keywords:
- spaciality,
- temporality,
- rereading,
- picture books,
- pop-up books
Corps de l’article
Inscrit dans une longue tradition, le livre à système connaît ces vingt dernières années un succès éditorial et public sans précédent, comme a pu le montrer Cécile Boulaire (2012). L’effet de surprise inhérent à ces livres en volume a focalisé l’attention sur leur spatialisation au détriment de la question de la temporalité. Pourtant cette dimension apparaît très souvent au détour d’interviews d’artistes, d’ingénieurs papier qui font des livres pop-up. Pour n’en citer qu’un, Andrew Baron décrit les pop-up comme des livres qui possèdent, contrairement aux livres à plat, « l’intrigante qualité d’être visuellement interactifs et donc de capter l’imagination du lecteur et d’allonger le temps de jeu et d’apprentissage » (Trebbi 2013, 89). Cette question de la temporalité est en effet très complexe à examiner, aussi faut-il en cerner les enjeux. Edmond Couchot ouvre un article de Littérature en affirmant que « l’image donne à vivre […] une expérience du temps » (1992, 65). Il distingue deux dimensions temporelles face à l’image : le temps du voir et le temps du faire où, dit-il, « les techniques figuratives […] sont des façons de percevoir le monde, l’espace, le temps et d’en offrir des représentations ». En prolongeant le propos, sans doute serait-il possible de décliner la temporalité selon quatre modalités, de la temporalité du livre à celle du lecteur en passant par celle du créateur, composée des divers moments où l’artisan du livre se consacre à sa réalisation — et enfin celle de la lecture. Le corpus de cet article se centre essentiellement sur des livres-objets non narratifs, sans exclure pourtant les pop-up narratifs, à titre de comparaison.
En effet, les livres-objets, et plus particulièrement les pop-up, ont longtemps reposé sur une narration qui guidait la lecture du début à la fin de l’œuvre. Jacques Desse rappelle que La Maison hantée de Jan Pienkowski « inaugure la période des livres à monstres florissante dans les années 1990 » (2013, 14). Ce n’est plus tout à fait vrai aujourd’hui. Est-ce une des raisons qui justifie leur succès intergénérationnel ? Les éditeurs l’ont en tout cas bien compris en visant un public très large et en donnant au livre la possibilité d’un lectorat évolutif. Gallimard jeunesse publie les ouvrages de David Carter en mentionnant en première de couverture, « un livre pop-up pour les enfants de tous âges ». Jean Perrot voit, dans ce qu’il appelle le « livre animé », le signe d’une « complicité esthétique entre les générations dans un partage de l’esprit d’enfance et des plaisirs de la pulsion ludique » (2011, 173). Certains ouvrages comme ceux de David Carter, de Marion Bataille ou de Květa Pacovská ne sont certes pas des ouvrages narratifs. Ils induisent pourtant une temporalité et un temps de lecture, ceux de la découverte d’une forme (point rouge, pastille noire), d’un chiffre ou encore d’une lettre.
C’est pourquoi la spécificité de la temporalité des livres à systèmes mérite d’être interrogée. Quels mécanismes sont à l’œuvre pour que le lecteur lise lentement ou rapidement les doubles pages ? Est-ce le texte, l’image ou le mécanisme qui incitent à la tourne de page ou à sa suspension, en dehors même de la volonté du lecteur ? Pour le dire autrement, peut-on programmer la tourne de page et la vitesse de lecture, voire la relecture pour ces ouvrages dont l’intérêt premier repose, semble-t-il, sur l’effet de surprise qu’offre chaque double page ? J’évoquerai donc le temps de la manipulation, le temps de la lecture spatialisée et celui du souvenir.
Pour amorcer la réflexion des temporalités de la lecture, je rapporterai une anecdote tout à fait personnelle. 2 Bleu (2006) de David Carter s’ouvre sur ce texte : « Arbustes en Boutons qui se croisent et un 2 bleu caché ». Les premières fois où j’ai lu/regardé ce pop-up, c’est le « pop », la surprise qui me suffisait, que Sabuda, célèbre designer papier, appelle l’effet « Waouh ! ». Je voulais savoir ce que le livre me réservait – en passant peut-être complètement à côté de ce qu’il me demandait. J’ai souvent regardé ce livre sans en lire le texte, en tout cas sans m’y arrêter, sans conscientiser ce qu’il me disait, à savoir qu’un 2 bleu était caché et que le livre m’invitait à le trouver. Le seul fait de poser les yeux sur la sculpture de papier ne suffit pas ici à voir ce 2 bleu. Je ne l’ai pas trouvé seule, sans doute parce que je n’abordais pas le pop-up de la bonne manière ou que mon attention était détournée par autre chose. Aussi, je pouvais manipuler le livre comme un livre classique en tournant les pages les unes après les autres, la main droite tenant le livre, la main gauche tournant les pages. Cette page représentait un instant précieux, relativement éphémère, celui de la floraison, qui anticipe la renaissance de la nature, un temps d’avant, qui correspondait bien à l’entrée dans le livre. J’admirais la finesse des branchages, l’entrecroisement des troncs, le jeu des couleurs. Puis, les lectures précédentes de David Carter, Un point rouge (Carter 2005) notamment, ont fait que j’ai aussi manipulé ce livre pour le regarder et parce que j’ai fini par me dire que ce 2 bleu était bien caché quelque part. Regarder le livre en plongée, de biais, par en dessous n’a pas suffi à faire apparaître le 2 bleu, sans qu’aucun sentiment de déception ne prenne pour autant le dessus. La manipulation s’arrêtait là, pour préserver l’intégrité du livre « fragile ».
Il a fallu que je lise ce livre avec mon fils, alors âgé de deux-trois ans, pour résoudre l’énigme. Je ne saurais dire à quelle énième lecture, à quel moment, mais néanmoins assez rapidement quand lui s’est pris au jeu de trouver le 2 bleu, et qu’il est revenu, rétrospectivement, à cette page après avoir identifié les autres 2 bleus du livre. Il ne s’est pas contenté d’une manipulation légère, mais il est entré dans le livre, il s’est emparé de ces découpes, comme l’y autorisaient sans doute les roues, les encoches suivantes. C’est lui, lecteur encore débutant, qui m’a montré qu’un 2 pouvait se glisser dans ce que je prenais pour une sur-épaisseur due au montage du livre, lui le novice de la lecture qui a osé tirer sur ce papier un peu résistant pour faire s’épanouir la fleur, ce qui en terme de rapport texte-image est extrêmement fort. Au-delà des temps de lecture et de relecture, la révélation du 2 convoque une autre temporalité, propre au récit, contenue dans le texte, et traduite dans la sculpture de papier, celui de l’éclosion de la fleur, du cycle de la nature, et de l’acte de lecture, projetant d’emblée le présent de l’image dans un passé et dans un futur, et avec elle son lecteur. Je finirai sur cette anecdote en disant que c’est seulement en préparant cette communication que j’ai vu que la couleur bleue d’une des branches à la faveur d’une orientation différente, vue du dessous, et sous la belle lumière du ciel de novembre, prenait des teintes de vert céladon, justifiant une nouvelle fois la nécessité de la lecture et reconfigurant mon interrogation sur la temporalité toujours en lien avec la spatialité du livre.
Je pourrais m’arrêter là, car sont en germe dans cette expérimentation toutes les temporalités possibles tant, pour reprendre la définition d’un pop-up réussi selon Jacques Desse, celui-ci « combine une idée, un graphisme, une animation de qualité et une édition très soignée » (2013, 15). J’aimerais regarder maintenant de plus près ces combinaisons et ces techniques sous l’angle du temps, d’autant que, toujours d’après Jacques Desse, une des spécificités de l’école française du pop-up consiste à envisager la technique non comme une fin en soi, mais comme un moyen au service d’une idée et d’une esthétique. Le mécanisme, côté créateur, et la manipulation, côté lecteur, participeraient alors pleinement d’une expérience narrative.
Le temps de la manipulation
Ces ouvrages imposent un temps nécessaire à leur manipulation, ce que désigne d’emblée leur appellation d’objets-livres ou livres-objets, préférée par Florence Gaiotti, Chantal Lapeyre-Desmaison et Brigitte Marin dans leur publication sur Les Nouveaux livres-objets (2014). Ces livres sollicitent le corps pour apprendre une posture de lecteur. Ils sont créés par des gens qui ne sont pas d’abord des auteurs-illustrateurs, mais des graphistes ou des designers qui font du livre l’objet de prédilection de leurs expérimentations. Ouvrir un pop-up de David Carter revient à élargir l’espace de la page en tournant autour du livre, à multiplier les points de vue sur des sculptures de papier par la manipulation, certes, mais aussi à croiser et alterner temps de pause et lecture exploratoire. Plus encore que dans les livres pop-up narratifs où l’intérêt pour l’histoire suscite un effet d’entraînement à la tourne de page[1], le pop-up non narratif privilégie le visuel au texte et provoque l’arrêt sur la sculpture de papier. Marthe Robert pointait, parmi d’autres, cet enjeu de lecture, entre texte et image : « Quoi qu’on fasse, la lecture va vite, le spectacle [ici comme objet à voir] prend du temps, il n’y a aucun moyen d’accorder leurs durées » (2000, 50). Dans ces pop-up, le texte, d’ordinaire court, accompagne la sculpture qui prime.
L’exploration du livre convoque le corps par les différents sens. Le dépliage des sculptures de papier dans l’ouvrage mobilise la vue. Le parcours se déploie dans l’espace et dans le temps. Chaque page offre une nouvelle forme d’exploration et, comme toute œuvre plastique, exige un nouveau mode d’appropriation. Comme un critique a pu le dire à propos des livres de Květa Pacovská, « c’est plus la relation intime avec la matière visuelle, sensuelle et tactile qui permet le cheminement de page en page qu’un fil narratif » (Merlot 2014, 109). Au-delà de la voix portée par le texte, notamment dans le cas d’une lecture d’adulte à destination d’un enfant, le corps du lecteur est inhabituellement sollicité, par l’ouïe, dans le cas de sculptures de papier très conséquentes, mais aussi dans Un point rouge de David A. Carter, qui reproduit le bruit de « six crécelles crissantes » (2005), qui, selon le rythme d’ouverture du livre, sonnent différemment. Plus l’ouverture est rapide, plus le bruit est prégnant. Le bruit du livre prend l’avantage sur le visuel, néanmoins réactivé par l’apparition progressive du point rouge à mesure du déploiement des crécelles. Dans 600 pastilles noires (Carter 2007), l’éventail d’herbes blanches invite au contact avec des petites bandelettes, dans un mouvement maintes fois réitéré, car toujours différent.
Ces dernières produisent leur petite musique, mais la fragilité apparente de ces « herbes » et l’univers mental qu’elles convoquent peuvent aussi donner envie de souffler sur le livre. Cette appropriation par la bouche, différente de l’articulation d’un texte et de celle des tout-petits enfants, grands dévoreurs de livres, au sens premier du terme, réitère cette lecture originelle et orale des livres. Elle participe d’une autre saisie corporelle du livre, dont la manipulation est sans cesse renouvelée en même temps que personnelle et simple. Le déploiement de ces quarante-cinq bandelettes scande le temps de la lecture, comme un sablier de papier ; il incite à manipuler et re-manipuler la même page. Le mécanisme, assez sommaire pourtant, suspend la lecture au bénéfice d’un mouvement expérimental et/ou comptable, notamment chez les enfants où le plaisir de compter les quatre-vingt-dix points démultiplie le pouvoir démiurgique qu’octroie le pop-up. La pluri-sensorialité naît du contact avec le papier.
La variation des matières, l’épaisseur des papiers, les creux, les trous, le vide et le plein de certaines structures exigent une approche sensible, voire sensuelle du livre. La lecture de ce genre d’ouvrages ne se réalise pleinement que par le toucher. Cette spécificité est d’ailleurs visible jusque dans l’usure du livre, qui garde ainsi des cicatrices des lectures antérieures, ce que n’offre pas la lecture numérique. Le pop-up a la réputation d’être fragile. D’après une enquête citée par Florence Leyat (Trebbi 2013, 76), le temps de vie d’un livre animé est de six semaines à six mois, néanmoins le nombre de manipulations étant largement supérieur à celui des albums traditionnels, le nombre de manipulations avant que le livre soit jeté est manifestement à peu près semblable à celui d’un album traditionnel.
Au-delà de la manipulation et du déploiement du livre, le lecteur peut se réserver du temps pour la contemplation de ces livres. En ce sens, certaines œuvres peuvent susciter une parole, mais aussi imposer le silence, comme le soulignait Isabelle Nières-Chevrel, notamment par le biais de l’image : « il est un temps pour lire l’absence de texte : l’image nous fait entendre le silence » (2000, 119). C’est sans doute particulièrement vrai dans des créations comme le livre de Marion Bataille, ABC3D (2008), dont les lettres ne font pas textes, mais images, par l’exploration de diverses techniques du pop-up, de pages drapeau, aux sliceforms, systèmes de tirettes, effets de transparence et de miroirs.
Ces ouvrages pencheraient-ils davantage du côté de l’esthétique sur laquelle serait fondée en partie (voire toute) leur séduction ? Anne Chassagnol rappelle leur changement de statut lorsqu’elle affirme que « le livre n’est plus simplement un objet à lire, il s’expose comme une œuvre d’art et aspire à être muséifié en tant qu’objet de conservation » (2014, 24). Cette affirmation pour vraie qu’elle soit mérite d’être complétée. L’admiration peut relever non seulement d’un plaisir esthétique, mais parallèlement ou successivement d’un engouement mécaniste et d’une volonté de savoir « comment ça fonctionne ». La lecture n’est pas unifiée et tend, selon les moments, vers des attitudes contrastées, sinon contradictoires, entre arrêt, prise de possession par la manipulation et la tourne de page, vers la fin ou le début, comme si le pop-up portait en lui une forme de circularité :
Le pop-up rend […] l’enfant acteur de sa lecture et lui permet, à travers tous les procédés créatifs mis en œuvre, d’être dans le théâtre des événements à chaque fois qu’il tourne la page et de s’approprier ainsi de manière ludique, la connaissance et le contenu du livre. À travers le jeu de la manipulation, il développe aussi chez l’enfant perception, sensibilité, langage et imaginaire. Le fait de jouer avec le papier dans le livre incite le lecteur à aller plus loin .
(Trebbi 2013, 76)
C’est en tout cas à lui-même que l’enfant est renvoyé : ainsi David Carter dans 600 pastilles noires superpose des carrés de plus en plus petits, agrémentés de trous, souvent ronds qui ne sont pas sans rappeler les livres de Tana Hoban Look Again ! (1971). Les évidements matérialisent un visage avec ses yeux, son nez, sa bouche jusqu’à un petit miroir qui réfléchit le visage du lecteur et suggère, à qui veut bien l’entendre, que le sujet principal du livre est le lecteur, en posture de voyeur, d’expérimentateur : un individu évoluant dans le temps.
Temps et espace
Par son côté spectaculaire, la spatialité des pop-up focalise l’attention des critiques. Pourtant, l’inscription dans l’espace n’est guère pensable sans l’inscription dans le temps, même si celle-ci semble moins évidente. La première double page — même si le terme n’est pas tout à fait juste ici — d’Alice au pays des merveilles réalisé par Robert Sabuda (2003; 2004) met en lumière cette relation complexe. La mise en espace domine. L’œil est d’abord attiré par le bouquet d’arbres et le début de l’aventure du personnage avec la représentation contrastée de la sœur, immobile, plongée dans sa lecture tandis qu’Alice court après le lapin blanc. Un mouvement est impulsé qui prend place dans un espace pourtant figé. Cette page condense plusieurs moments de l’histoire. Par le parcours de l’œil, la spatialité unique de la double page construit une multitemporalité qui correspond bien à la narration, entre rêve et réalité. L’intérêt vient également des deux rabats. Le premier portant une mention injonctive « ouvre-moi » puis « déplie-moi », à la manière des objets que croise Alice. Utilisant la technique du « livre tunnel », le pop-up gagne en profondeur pour symboliser le terrier où tombe Alice. Néanmoins la représentation d’Alice, sur transparent, en train de tomber, suggère l’image d’un temps en suspension, très fidèle au texte de Lewis Carroll. La chute substitue à un espace déroutant un temps interrompu, dont rend parfaitement compte le mécanisme, dès lors fidèle au texte : « Il faut croire que le puits était très profond, ou alors la chute d’Alice était très lente, car, en tombant, elle avait tout le temps de regarder autour d’elle. En observant les parois, elle s’aperçut qu’elles étaient recouvertes de placards et d’étagères ».
Quel est le chemin de l’œil sur cette page ? Le bandeau contenant le texte intégral d’Alice est situé à la gauche du livre, suscitant une circulation dans la page, entre progression et suspension, voire retour en arrière. L’œil parcourt d’abord l’image, suit Alice, revient à sa sœur, déplie probablement le bandeau de gauche, voit le lapin et peut-être les personnages dont les visages sont cachés dans les arbres, avant de découvrir le terrier où se glisse la fillette. Ce cheminement non linéaire imposé au lecteur est une habile manière de redoubler le désarroi d’Alice. Le pop-up permet alors par ses choix plastiques et techniques une entrée dans le sens[2] renouvelée sur des questions fondamentales, comme la temporalité. L’interrogation d’Alice sur le temps est vécu par le lecteur désorienté dans son sens de lecture traditionnel, d’autant qu’il peut aussi faire le choix de ne pas déployer les textes, mais seulement les images. La linéarité du récit et du cheminement oculaire du lecteur ne sont plus de mise. Ce dernier peut donc s’égarer sur la page et disposer de son temps de lecture différemment. La déconstruction de la page participe alors du brouillage temporel, du personnage comme du lecteur.
Dans l’album traditionnel, la pliure de page peut servir parfois à distinguer deux temps, et à créer une ellipse temporelle comme l’a noté Isabelle Nières-Chevrel (2000). Avec le pop-up, la tourne de page et le déploiement du « système », à travers l’ouverture entière de la page, fragmentent la temporalité, en plus d’instaurer une nouvelle spatialité, à l’intérieur d’une même double page. C’est particulièrement vrai avec Océano d’Anouck Boisrobert et Louis Rigaud (2013) qui au début de la tourne de page montre la vie des hommes à la surface de l’eau puis offre une plongée sous les mers. La tourne de page verticale est redoublée horizontalement par le déploiement du pop-up, imposant au lecteur un parcours de lecture et un cheminement de l’œil, réglé sur la main, qui détermine divers temps de lecture. Le texte inscrit en haut de la page se termine toujours par une question qui accentue la manipulation du livre afin de se concentrer sur le bas de la page — en réalité environ les deux tiers du livre — qui suscite un temps plus conséquent d’observation de ces espaces sous-marins. Hormis sous la dernière page qui substitue à la sobriété de la page de sable fin déserte une explosion de couleurs, Anouck Boisrobert et Louis Rigaud font le choix dans les pages précédentes de teintes monochromiques pour les espaces sous-marins qui enjoignent aussi un temps plus long d’observation pour distinguer la baleine des icebergs, aux mêmes traits blancs striés du bleu de la glace. De même, l’épave comme le dauphin sont difficilement décelables dans le noir de la mer d’encre.
Ainsi, le choix chromatique accentue ou provoque l’arrêt sur image, le temps suspendu, la stratification et la fragmentation du temps et justifie aussi l’accès à une spatialité peu accessible au lecteur d’ordinaire. Le temps en suspension est d’ailleurs présent-absent sur les couvertures. Première et quatrième de couvertures laissent entrevoir une partie des fonds marins, cependant le mouvement imprimé est celui d’un cercle doublement suspendu : suspendu en haut de l’image par la surface de l’océan, et suspendu dans les profondeurs par les corps tronqués, notamment celui de la baleine et de la pieuvre, hors couverture. Cette absence spatiale est aussi un hors temps. Au non-lieu, virtuellement présent, matériellement absent répond un temps de la contemplation du vide, de la potentialité de lieu, un temps de l’absence, un temps antérieur, qui préexiste au lecteur. Il ouvre une brèche dans la linéarité de la temporalité.
Le choix des fonds marins ne fait que doubler cette remarque, laissant place à un univers qui subit moins les affronts du temps et garde trace d’un passé, des épaves aux espèces animales millénaires. Cette rupture avec le temps réel proposée par un lieu n’est pas sans évoquer ce que Foucault définit comme les hétérotopies, « des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables » et leurs pendants, les hétérochronies. Le cimetière et la bibliothèque sont deux hétérotopies par excellence[3]. À la fois lieu de conservation des espèces maritimes, espace d’empilement des déchets d’une humanité inconsciente, les fonds sous-marins d’Océano incarnent bien cette rupture avec le temps et le lieu quotidiens. Le passage dans l’hétérotopie et l’hétérochronie ressort par les choix plastiques et techniques des auteurs. La tourne de page fait donc à la fois partie des éléments contraignants dans la conception du pop-up et dont les auteurs peuvent tirer partie, mais elle est très évidemment aussi liée à la réception, à un temps et un rythme qui échappent partiellement aux injonctions du livre, même si c’est de façon moindre pour des ouvrages narratifs, qui prennent d’abord du temps à la lecture, mais peut-être moins à la relecture, car le lecteur connaît les chemins qui lui ont été ménagés par le concepteur de l’ouvrage. Le temps de lecture et de relecture sont-ils foncièrement différents ?
Relire et se souvenir
Même s’il peut parfois se lire « lentement », l’album nécessite malgré tout une durée de lecture relativement brève. Cette durée limitée invite aux relectures multiples, les rend possibles. Dès lors, ce temps singulier de la lecture a des implications sur les modalités de lecture et plus précisément sur sa fréquence. C’est d’autant plus vrai chez un enfant qui exprime le désir de lire et de relire le même album, à peine le livre achevé, ou sur un temps très court, élisant pour quelques temps, un livre préféré. Cette itération brouille les partitions de la lecture adulte opposant une lecture naïve, tournée vers la fin du récit, à une lecture experte, trouvant dans les relectures une distanciation esthétique, voire un recul critique. A été évoqué le temps silencieux, celui de l’observation ou de la contemplation de l’image, autant de temps et de durée suggérés par l’architecture du livre, le choix de répartition du texte et des images dans les pages et les doubles pages. Cependant chaque lecteur peut aussi refuser d’être le lecteur modèle d’Eco, c’est peut-être encore plus vrai pour un lecteur en devenir, moins contraint par certaines conventions lectorales. Ainsi ce temps-là fait de rêverie, d’exploration, de contemplation, d’égarement volontaire sur l’espace de la page est sans doute peu quantifiable pourtant il va participer du rythme[4] de l’album, dans l’acte de lecture.
À une première lecture, relativement lente, voire suspendue, succéderaient des lectures plus hâtives, reposant sur le plaisir de la reconnaissance ou « la compulsion de répétition »[5], voire des lectures sélectives : telle était mon hypothèse, d’autant que les relectures d’enfants peuvent se jouer sur des durées très resserrées, mettant en revanche à mal l’affirmation de Frank Wagner selon laquelle « la relecture s’effectue toujours sur fond d’oubli » (2010, 59). Sans doute n’est-ce pas si simple : tout dépend de ce que le lecteur cherche à travers cette relecture, enfant comme adulte. Si l’on en croit Picard, la relecture serait « rigoureusement indispensable, en bonne logique, dans le courant même de la lecture ordinaire, pour la simple compréhension » (1986, 41) par les compétences qu’elle suppose. La relecture serait même programmée par des « embrayeurs de relecture », comme ce texte – presque – identique qui ouvre et ferme Dans la forêt du paresseux d’Anouck Boisrobert et Louis Rigaud : « Tout est vert, tout est vie dans la forêt du paresseux » fait écho au « dans la forêt du paresseux, tout est doux, tout est vie » (2011). Néanmoins, même dans les ouvrages non fictionnels, le plaisir de savoir où se cachent les points rouges de David Carter, la délectation du comptage, le goût de la manipulation participent d’un bonheur à s’immerger dans le même livre de façon répétée. Sans doute cette obsession du retour du même appartient davantage à l’enfance. Mais d’autres théoriciens considèrent que toute relecture est une nouvelle lecture, ainsi que le souligne Iser pour qui la nouvelle lecture n’est jamais strictement identique à la première. Le sens élaboré par la deuxième lecture ne se situe pas à côté du sens produit par la première, mais il est intégré à ce dernier.
Si l’on en croit Iser, ce qui résulte de notre lecture n’est jamais la reproduction d’un donné, mais le produit d’une création. En effet, l’œuvre littéraire posséderait deux pôles que l’on peut nommer le pôle artistique et le pôle esthétique : le premier étant le texte créé par l’auteur et le second désignant la « concrétisation » produite par le lecteur. Iser s’interroge finalement sur ce qui se passe chez le lecteur quand il entame sa lecture, au-delà d’un sens à trouver. Les phrases provoquent une attente. Quoi qu’il en soit, ce qui a été lu et qui a fait naître une attente, déçue ou non par la suite, prendra place dans le souvenir dès que commence une autre séquence, ce qu’Iser appelle la « dialectique entre protention et rétention » (1985, 205). Je fais l’hypothèse qu’il en est de même concernant les images et les sculptures de papiers.
Parler de temporalité de la lecture pose inévitablement la question de la mémoire du lecteur. Chaque lecture est unique, car chacun reçoit le texte avec son histoire et en s’inscrivant aussi dans le temps, comme le rappelle Brigitte Louichon pour qui « le souvenir de lecture est la manière dont la mémoire […] confère à une lecture passée un caractère d’événement qui a marqué le sujet » (2009, 143). En ouvrant 600 pastilles noires, le lecteur adulte ne peut s’empêcher de penser aux Cent mille milliards de poèmes (1993, 334) de Raymond Queneau dont la publication chez Gallimard en 1961 offrait quatorze bandelettes de papier par page et dix pages contenant chacune un sonnet permettant potentiellement de composer cent mille milliards de sonnets. C’est donc une temporalité impossible et une lecture « potentiellement » empêchée qui est ici convoquée et simulée, car comme le rappelait malicieusement Queneau dans sa préface à cet ouvrage : « En comptant 45 secondes pour lire un sonnet et 15 secondes pour changer les volets à 8 heures par jour, 200 jours par an, on a pour plus d’un million de siècles de lecture, et en lisant toute la journée 365 jours par an, pour 190 258 751 années plus quelques plombes et broquilles (sans tenir compte des années bissextiles et autres détails) »(1993, 334). Mais qu’en est-il pour l’enfant ? La réminiscence touche ses sens et convoque d’autres temps, mais pas nécessairement d’autres livres. Bien plus, la découverte éventuelle du livre de Queneau appellera peut-être le souvenir premier de Carter. La chronologie personnelle coïncide rarement avec la chronologie éditoriale :
La lecture s’inscrit toujours dans un temps beaucoup plus long que celui du livre que je tiens entre les mains. Chaque album est la réminiscence d’autres lectures, mais aussi de films, de tableaux, d’images que je convoque de manière précise — si l’auteur m’en donne la possibilité et si ma mémoire ne me fait pas défaut ou de façon confuse — dans la nébuleuse de ma bibliothèque mentale .
(Cognet 2011, 13)
Chaque livre offre alors la possibilité de se relire soi-même. En relisant, le lecteur convoque celui qu’il était lors de sa découverte du livre. La mesure du temps peut naître de ces pages revisitées. La relecture rapprochée n’est-elle pas également le rêve impossible, et touché du doigt pourtant, de se ressaisir de l’émotion première, à jamais inaccessible, mais re-convoquée à chaque nouvelle lecture : non plus le plaisir premier, mais le souvenir du plaisir de la découverte ? Baroni parle justement d’« émotion anticipatrice pour décrire cette “attente impatiente du retour du connu” où non seulement ces émotions ne sont pas entamées par la répétition, mais il semble même qu’elles soient partiellement générées par la réitération volontaire de certains “récits-cultes” » (2007, pp. 287-288). Le succès des pop-up souligne même qu’il n’est pas nécessairement besoin de récit pour que ces émotions soient ressenties et recherchées.
Que serait un pop-up réussi ? Un livre objet qui fait passer son regardeur au statut de lecteur et de relecteur par la mise en scène de l’acte de lecture, du cheminement qu’il induit. Beaucoup plus qu’un livre traditionnel, le pop-up fait sentir le poids de sa matérialité et influe sur le rythme de lecture par le choix de ses matières, le piège de ses formes et de sa palette chromatique et l’ouverture du mécanisme, autant d’éléments de la lecture haptique qui ralentissent la lecture. Faudrait-il aller jusqu’à parler d’une aspiration à la lenteur comme modèle de lecture ? Au temps long de la construction du livre répondrait la temporalité fragmentée du lecteur de pop-up, pris dans une gestualité du présent qui le projette vers un ailleurs et un futur, mais aussi vers son passé de lecteur. La relecture du pop-up, comme souvenir d’un moment partagé, complicité de l’enfant qui se construit comme lecteur, dans le geste démiurgique du déploiement attendu et réalisé avec l’adulte lecteur. Je citerai pour terminer Brigitte Louichon, qui rapproche deux lectures qu’on oppose généralement et qui se rejoignent dans la fascination du pop-up :
La relecture adulte, souvent professionnelle, source d’émotions esthétiques et intellectuelles, apanage en quelque sorte du vrai lecteur, et pratique éminemment distinctive, trouve peut-être son origine dans ce que la lecture peut avoir de plus enfantin, de plus banalement enfantin. Et sans doute garde-t-elle toujours, même dans ses actualisations les plus expertes, par son importance dans la constitution de l’identité littéraire, quelque chose de ce « parce qu’on s’y retrouve », cette fois plutôt au sens d’y « trouver son compte » .
(Louichon 2009, 147)
Parties annexes
Notes
-
[1]
Cet effet de tourne de page semble propre à tous les genres qui convoquent image et texte, en particulier l’album et la bande dessinée. Dans Un objet culturel non identifié, Thierry Groensteen cite l’exemple de Michel Melot qui pointe, à propos de la bande dessinée, « l’incompatibilité entre la force d’entraînement du récit (qu’il nomme « spectacle ») laquelle force pousse le lecteur à aller de l’avant, et l’arrêt que nécessite la contemplation de l’image ». (2006, 27).
-
[2]
Une expérimentation dans des classes d’Auxerre a amené les enseignants et chercheurs au même constat dans une construction du personnage par des élèves de CE1 beaucoup plus rapide et solide grâce au pop-up. Je remercie Valérie Ducrot d’avoir bien voulu évoquer avec moi ce projet.
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[3]
« Les hétérotopies sont liées, le plus souvent, à des découpages du temps, c’est-à-dire qu’elles ouvrent sur ce qu’on pourrait appeler, par pure symétrie, des hétérochronies ; l’hétérotopie se met à fonctionner à plein lorsque les hommes se trouvent dans une sorte de rupture absolue avec leur temps traditionnel ; on voit par là que le cimetière est bien un lieu hautement hétérotopique, puisque le cimetière commence avec cette étrange hétérochronie qu’est, pour un individu, la perte de la vie, et cette quasi éternité où il ne cesse pas de se dissoudre et de s’effacer » (Foucault 1994).
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[4]
Sur cette question complexe, voir le numéro 10 de la revue Strenae, Rythmes et temporalités de l’album pour la jeunesse dirigé par Eléonore Hamaide-Jager et Florence Gaiotti.
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[5]
Voir Frank Wagner, « Relire le temps (sur l’expérience de relecture) » (2010). Il précise d’ailleurs que « nombre de relectures concrètes s’effectuent en vertu de la quête d’un plaisir renouvelé : celui d’une immersion fictionnelle jugée à l’origine gratifiante. C’est précisément la capacité de réapparition de ce plaisir originel qui aboutit à l’élection de ce que l’on nomme un « livre de chevet ».
Bibliographie
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- Wagner, Frank. 2010. « Relire le temps (Sur l’expérience de relecture) ». A contrario 13 (1). https://doi.org/10.3917/aco.101.0050.