Résumés
Résumé
Notre article est divisé en deux parties. L’auteur de la première, Monika Zázrivcová, s’est proposée de réfléchir sur la tolérance en linguistique, en partant de la situation qui éveille actuellement en Slovaquie une vive discussion dans le milieu linguistique (elle est probablement inconnue au public francophone). L’auteur de la deuxième partie, Katarína Chovancová, a essayé de mettre en parallèle deux mesures législatives dans le domaine de la langue en Slovaquie et en France, la loi sur la langue et la loi Toubon, pour tenter une comparaison entre certains aspects des politiques linguistiques mises en place dans les deux pays. Au terme de l'analyse, elle nomme les institutions principales qui ont pour mission d’assurer la mise en place de ces politiques.
Corps de l’article
Notre article est divisé en deux parties. L’auteur de la première, Monika Zázrivcová, s’est proposée de réfléchir sur la tolérance en linguistique, en partant de la situation qui éveille actuellement en Slovaquie une vive discussion dans le milieu linguistique (elle est probablement inconnue au public francophone).
L’auteur de la deuxième partie, Katarína Chovancová, a essayé de mettre en parallèle deux mesures législatives dans le domaine de la langue en Slovaquie et en France, la loi sur la langue et la loi Toubon, pour tenter une comparaison entre certains aspects des politiques linguistiques mises en place dans les deux pays. Au terme de l’analyse, elle nomme les institutions principales qui ont pour mission d’assurer la mise en place de ces politiques.
Tolérance en linguistique, une querelle éternelle entre les « puristes » et les « sociolinguistes »?
Voici les questions que nous nous sommes posées au cours de la première partie de notre article - elles sont étroitement liées au titre de notre communication ainsi qu’au titre général du colloque (« tolérance et différence ») :
1. Dans l’histoire de la linguistique, en observant les évolutions de la réflexion sur la langue, peut-on observer des tendances propres à la tolérance ou à l’intolérance?
2. Peut-on observer ces tendances dans la situation linguistique actuelle en Slovaquie ?
3. Le purisme linguistique contemporain qu’accompagnent des tendances prescriptives et protectionnistes vis-à-vis de la langue slovaque, est-il justifié ? La langue slovaque, est-elle vraiment dans un état alarmant ?
4. La communauté des linguistes slovaques, divisée en deux camps opposés, restera-t-elle divisée à jamais ?
5. Faut-il approuver les opinions des puristes (conservateurs) ou bien celles des sociolinguistes (libéraux) ? N’est-il pas possible de trouver un juste milieu ?
6. Un sociolinguiste peut-il être directeur d’une institution qui est (par la tradition) chargée de veiller au bon usage de la langue slovaque ?
Ces questions nous ont été inspirées par la publication de L’Appel à la protection de la langue nationale dans le numéro 9-10 du bi-hebdomadaire slovaque Literárny týždenník (Hebdoma daire littéraire) du mois de mars 2006. Les signataires de cet Appel, certaines figures de proue de la vie culturelle slovaque - les linguistes (A. Kráľ, J. Kačala, J. Doruľa), les écrivains (M. Rúfus, L. Tažký), les acteurs (Eva Kristínová) et beaucoup d’ autres - s’adressent à toutes les institutions compétentes et à tous les citoyens pour qu’ils prêtent leur attention à l’usage (qui est alarmant) de la langue slovaque dans la sphère de la communication publique ainsi qu’à la culture linguistique en Slovaquie (qui est aujourd’hui en déclin).
Les raisons sont « en gros » les suivantes :
- l’anglais remplace inutilement le slovaque dans presque tous les domaines de la vie sociale (les inscriptions publiques, la publicité, les noms des institutions, les noms des produits, les médias) ; l’anglais est préféré aussi : dans la communication scientifique (l’emploi d’un anglicisme est préféré à l’emploi d’un terme slovaque formé d’après les régles conformes à la forme codifiée du slovaque) ; dans la communication courante - par exemple l’accord, le refus, l’excuse ne sont pas prononcés « à la slovaque », mais « à l’anglaise » ; dans les médias (à la télé - les émissions sportives, les programmes destinés à divertir) ;
- l’intonation de la phrase slovaque est déformée, fautive, contradictoire ;
- la messagerie électronique et les SMS déforment le bon usage de l’orthographe slovaque codifiée ;
- l’indifférence des organismes d’état et des institutions qui sont appelées à veiller sur le bon usage de la langue nationale (en particulier celle de L’Institut linguistique Ľudovít Štúr de l’Académie slovaque des sciences) mène à la non-application de la Loi sur la langue d’état.
En résumé, les signataires de l’Appel laissent entendre que le niveau de l’usage de la langue slovaque est catastrophique, qu’il peut entraîner la réduction considérable de l’éventail fonctionnel du slovaque et même la rupture des bases et de la stabilité de sa forme codifiée. La langue slovaque, comme le symbole le plus important de la nation slovaque et la valeur la plus précieuse de son patrimoine culturel, est donc menacée. Et pour cela, elle doit être protégée.
La publication de l’Appel a bien sûr de nouveau déclenché une discussion passionnée parmi les membres de la communauté linguistique slovaque qui se trouve partagée en deux camps opposés. Ce sont les points de vue différents sur la culture linguistique et sur l’évaluation du niveau de l’usage du slovaque standard qui sont à l’origine de ce fossé qui sépare les linguistes slovaques. Nombreux sont ceux qui se sont déjà prononcés pour ou contre l‘Appel sur les pages du même bi-hebdomadaire, et le débat paraît encore loin d’être achevé (nous avons trouvé au moins une réaction sur l’Appel dans chaque nouveau numéro du bi-hebdomadaire).
D’un côté, on peut observer le point de vue de ceux surnommés « intolérants », conservateurs, protectionnistes, puristes, prescripteurs, défenseurs de l’ordre, du système, de la stabilité, de la norme et de l’homogénéité : ils mettent l’accent sur le paramètre social de la langue. De l’autre côté, nous nous heurtons aux point de vue de ceux qui sont accusés d’être « trop tolérants », libéraux, démocrates, sociolinguistes, statisticiens, descripteurs, défenseurs du « laisser-aller », de la liberté sans bornes, de l’hétérogénéité, de la dynamique, de l’usage (pas d’ « une norme », mais « des normes », variées d’après la situation de communication concrète) : ils mettent l’accent sur le paramètre individuel de la langue. (Nous voudrions souligner que nous employons les noms-stéréotypes qui sont collés comme une étiquette sur le front des partisans d’un camp des linguistes par les partisans du camp opposé).
Rien de nouveau sous le soleil - l’ancienne querelle entre les analogistes et les anomalistes est revivifiée. Remontons au 17e siècle et nous voyons « qu’un partage se faisait entre les grammairiens qui estimaient que la langue a une tendance spontanée à l’analogie[1], à la régularité, à la symétrie[2] et les grammairiens qui pensaient au contraire que le langage était entièrement gouverné par l’usage et introduisait sans arrêt toutes sortes de fautes et d’irrégularités. »[3] Déjà les stoïciens à l’époque de l’Antiquité étaient sensibles aux exceptions, aux anomalies dans la langue. Les tendances à l’analogie ou à l’anomalie dans la langue réapparaissent au 20e siècle sous la forme des oppositions suivantes : langue - parole, social - individuel, compétence - performance, norme - usage, puristes - sociolinguistes.
Revenons au 21e siècle en Slovaquie et à ces deux camps opposés des linguistes mentionnés ci-dessus. Dans nos propos, nous essaierons de développer un peu plus la teneur des reproches que les membres du camp soutenant l’Appel adressent à ceux qui ne considèrent pas sa publication comme nécessaire et justifiée.[4]
a) Ce que les présumés « puristes, normativistes » (les gens regroupés autour des signataires de l’Appel, entre autres par exemple M. Ivanová-Šalingová, J. Zavarský, V. Šabík) reprochent aux présumés « trop libéraux, usagistes » (regroupés autour du sociolinguiste S. Ondrejovič, l’actuel directeur de L’Institut linguistique Ľudovít Štúr de l’Académie slovaque des sciences, je cite par exemple le nom de J. Dolník) :
- ils refusent l’importance de l’unification de la communication à la base de la langue standard codifiée ; ils refusent donc une seule norme obligatoire imposée aux usagers de la langue slovaque dans la sphère de la communication publique ;
- il attachent une très grande importance à tous les équivalents employés dans toute situation de communication par des locuteurs quelconques ; ils font leur recherche « dans la rue » et veulent faire parvenir à la norme toutes les variantes employés à l’usage - ils sont trop libéraux ;
- ils n’attachent pas de la valeur à la notion du système et à celle de sa stabilité ; ils laissent pénétrer dans la langue (dans tous ses subsystèmes) des éléments qui ne lui sont pas propres et naturels ; ils ne ressentent pas le besoin d’épurer la langue des influences étrangères qui la menacent ; ils ne voient pas les appels actuels à la protection de la langue nationale comme justifiés ; ils considèrent les efforts puristes et normativistes comme trop traditionnels, trop conservateurs, dépassés (en tout cas - pas modernes) ;
- les institutions appelées à agir dans le domaine de la protection de la langue nationale (parmi lesquelles notamment celle de l’Institut linguistique Ľudovít Štúr de l’Académie slovaque des sciences occupe par la traditon une place privilégiée) se montrent inactives ; l’Institut (avec un sociolinguiste à la tête) ne fait rien (ou presque rien) pour relever le niveau de la culture linguistique dans la sphère de la communication publique.
b) Voyons à présent les reproches des présumés « libéraux, usagistes » aux présumés « puristes, normativistes » :
- ils considèrent une seule norme - la norme codifiée de la langue slovaque - comme supérieure aux autres variantes de la langue ; ils ne parlent pas des normes, mais de la norme ;
- ils ont tendance de sous-estimer les résultats des recherches sociolinguistiques ; ils doutent de l’apport de ces recherches aux objectifs de la codification ;
- ils se mettent dans une position de juges, se permettant de juger et refuser tout écart de la norme fait par les usagers de la langue, au lieu de chercher les causes sociales et communicationnelles de ces écarts ;
- dans leur évaluation de l’usage, ils n’opèrent qu’avec la gamme binaire des qualificatifs : correct-incorrect, conforme ou pas conforme (à la norme), alors qu’il faudrait enrichir cette gamme par les qualificatifs comme : intéressant, surprenant, inventif, potentiellement acceptable ;
- ils ne prennent pas suffisamment en considération les usagers de la langue, plus concrètement :
- leur capacité de choix fonctionnel des moyens linguistiques (même s’il s’agit par exemple des anglicismes dont l’emploi correspond très bien à la situation de communication)
- leur intuition métalinguistique qui les aide à conserver la stabilité adéquate de la langue standard ;
- l’importance attachée à la notion du système et à celle de sa stabilité les fait mettre
de côté le caractère flexible et dynamique de la langue - le fait que la langue n’existe pas dans une communauté fermée, parfaitement cohérente et homogène, isolée des autres communautés ;
- ils considèrent les emprunts (aujourd’hui notamment ceux à l’anglais) sinon comme danger, du moins comme « innovations inutiles » auxquelles il faudrait préférer les mots déjà existants dans le système lexical slovaque (même si p.ex. le sens du mot proposé slovaque ne recouvre pas le sens du mot anglais) ; si l’équivalent slovaque du mot anglais n’existe pas, ils essaient de remplacer à tout prix « l’intrus étranger » nocif par le néologisme slovaque formé d’après les règles dérivationnelles slovaques (même si le résultat de leurs efforts est artificiel, parfois perturbant voire dérisoire) ;
- ils veulent protéger la langue nationale dans les conditions où ce n’est pas du tout nécessaire parce que le niveau de l’usage du slovaque standard à ce stade de son évolution n’est pas du tout critique, mais tout à fait normal. Pour l’exprimer par la pensée de J. Dolník (2006, p.11), le slovaque standard actuel est déjà à un certain degré de son évolution, il est suffisamment démocratisé (le nombre de ses usagers actifs correspond à la situation historique normale) et il peut remplir sans limites toutes ses fonctions (communicative, cognitive, représentative etc...).
Voilà en quelques phrases les images stéréotypées que les uns ont des autres. Qui a donc raison ? Les puristes et les sociolinguistes slovaques sont-ils prêts à mener un dialogue constructif ? Ont-ils la bonne volonté de s’écouter mutuellement pour aboutir à une solution adéquate en matière d’évaluation du niveau de l’usage de la langue dans la communication publique ? Si nous nous appuyons sur les réactions des uns et des autres publiées dans le bi-hebdomadaire Literárny týždenník (Hebdomadaire littéraire), nos prévisions seront plutôt pessimistes.
Ce qui manque à la plupart des participants de ce débat passionné, c’est justement la tolérance pour les avis différents, autres, une disposition à se détacher un peu de leurs fermes positions pour tenter d’approcher la vision des présumés « adversaires ». Nous sommes persuadés que la logique du « juste milieu » est toujours la mieux placée et la plus convenable. Le linguiste slovaque J. Findra (2006, p. 1, 10) raisonne en ce sens et nous sommes d’accord avec la plupart de ses arguments.
Premièrement : Le mentionné Appel à la protection de la langue nationale devrait être l’occasion d’une discussion tranquille, correcte, cultivée, fondée sur des arguments pertinents de deux côtés. Il n’existe rien de pire qu’une opinion formulée de façon catégorique, qui ne prévoit pas une réaction opposée ou considère celle-ci comme trahison de la langue et de la nation.
Deuxièmement : Comme nous ne pouvons pas séparer la langue de la parole, nous ne pouvons pas séparer le social de l’individuel et la norme de l’usage. La langue est un phénomène social, la propriété héritée d’une communauté linguistique et ce n’est que dans ce cadre-là que chaque locuteur peut se l’approprier à sa manière individuelle selon certaines « règles du jeu » qui gèrent les actes de parole en général. Quant à la norme et l’usage, nous ne pouvons pas non plus les séparer puisque rien n’est dans la langue en tant que système qui n’est pas d’abord passé par l’usage. Il y a une tension perpétuelle entre la norme et l’usage. Ján Horecký (1997, p. 61 - 64) dit que si la linguistique prescriptive se veut vraiment responsable dans toutes ses tâches, elle doit connaître et analyser la langue concrète, actuelle en toute sa totalité, et pas seulement sa forme codifiée. Il est vrai aussi que l’on ne peut pas évaluer l’usage actuel de la langue slovaque d’après les critères normatifs âgés de plusieurs décennies, comme le dit S. Ondrejovič (2006, p.9).
Troisièmement : La forme codifiée est effectivement la forme la plus prestigieuse de la langue nationale, celle qui devrait être utilisée par les locuteurs dans la sphère de la communication publique. Mais nous ne devons pas la favoriser comme étant la seule forme acceptable d’une communication culturelle et cultivée. L’objectif principal est que le locuteur sache changer de registre (les variantes) en fonction de la situation de communication. Respecter les règles de la culture linguistique ne revient pas à l’application stricte de la forme codifiée de la langue nationale. C’est-à-dire que même le choix fonctionnel d’un registre inférieur à la norme officielle peut être preuve du bon niveau de notre culture linguistique.
Quatrièmement : Il est vrai que la langue slovaque (son usage) est entre autre aussi envahie par les anglicismes. C’est tout à fait naturel si on prend en considération le fait que l’anglais est en voie de devenir la ”lingua franca" mondiale. D’un côté, il faut admettre que l’emploi de certains anglicismes dans certains contextes est fonctionnel et justifié, mais de l’autre côté, il vaut mieux les éviter si leur emploi résulte d’un complexe d’infériorité de certains ”petits Slovaques" qui se sentent trop ”provinciaux" ou d’une attitude disons ”snob" qui se veut être la marque de modernité, d’un certain prestige social et intellectuel.
Les anglicismes, en tant qu’éléments étrangers, ne peuvent-ils rompre la stabilité du système de notre langue nationale ? Certainement pas, car leur emploi touche avant tout son subsystème lexical qui est déjà par sa nature ouvert et instable. Les sous-systèmes syntaxique et morphologique sont beaucoup plus stables du point de vue historique. Comme tels, ils résisteront aussi à l’influence des anglicismes.
De ce point de vue, nous pensons (en accord avec J. Findra et certains sociolinguistes) que la langue slovaque n’est pas menacée et qu’elle se trouve plutôt dans son état normal.
La législation relative à la langue en Slovaquie et en France
Dans la suite nous tâcherons de mettre en parallèle des mesures législatives dans le domaine de la langue en Slovaquie et en France. Cette observation nous servira de base pour comparer certains aspects des politiques linguistiques mises en place par les deux pays.
La Loi sur la langue d’état de la République slovaque
L’article 6 de la Constitution de la République slovaque (entrée en vigueur le 1er janvier 2003) dit : « La langue slovaque est la langue d’état sur le territoire de la République slovaque. » [5] Ce cadre général résume les perspectives esquissées par la Loi sur la langue d’état de la République slovaque no. 270/1995 Rec.[6], qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1996.
En déclarant d’emblée que la langue slovaque est le symbole le plus important de la spécificité de la nation slovaque, la valeur la plus précieuse de son patrimoine culturel, ainsi que l’expression de la souveraineté de la République slovaque et le moyen général de communication de ses citoyens assurant leur liberté et leur égalité, les treize articles de la loi traitent de l’emploi du slovaque dans divers domaines. Il faut noter que cette loi ne concerne pas l’emploi des langues liturgiques (soumises à la réglementation des Églises et des communautés religieuses) ni les langues des minorités nationales et ethniques (leurs statuts sont traités par d’autres lois).
Les grands domaines traités par la Loi sur la langue d’état de la République slovaque sont : la protection de la langue, l’emploi de la langue dans l’administration, dans les écoles, dans les médias, dans les forces armées, devant les tribunaux et finalement dans l’économie, dans les services et dans la sphère des soins médicaux.
Dans le domaine de la protection de la langue, l’État s’engage à créer des conditions pour que chaque citoyen puisse maîtriser et utiliser la langue d’état. La République slovaque prend soin de la recherche linguistique, étymologique, dialectologique, de la codification et de la culture linguistique en général. La forme codifiée de la langue d’état est déclarée par le Ministère de la culture à la base des recommandations des institutions s’occupant de la recherche linguistique.
Tous les organismes de l’administration d’état utilisent la langue slovaque obligatoirement et sur tout le territoire. Le slovaque est utilisé pour la publication de tous les documents législatifs et administratifs, à l’exception des bulletins scolaires émis par des écoles où l’enseignement se fait en langue de minorité ou étrangère. Les noms des communes[7], des rues, les indications géographiques (et cartographiques), les chroniques des communes, ainsi que toute documentation émanant d’une autorité et d’une administration, et communiquée en public (registres, comptes-rendus, statistiques, etc.) sont en langue slovaque. Chaque citoyen a le droit à l’adaptation gratuite de son nom et prénom à l’orthographe slovaque[8].
L’article 4 traitant de l’utilisation de la langue dans les écoles indique que l’enseignement de la langue d’état est obligatoire dans toutes les institutions scolaires du primaire et du secondaire. L’utilisation d’une langue autre que le slovaque en tant que langue d’enseignement et de contrôle de connaissances fait objet d’autres mesures législatives. Les enseignants de tous les établissements scolaires sur le territoire de la République slovaque, à l’exception des enseignants étrangers, sont obligés de maîtriser la langue slovaque. La documentation pédagogique et les manuels utilisés dans l’enseignement sont publiés en langue slovaque[9]. Ces dispositions ne concernent cependant pas l’enseignement universitaire.
L’article suivant est lié à l’utilisation de la langue dans les médias, lors des événements culturels et des rassemblements en public. Les émissions de la radio et de la télévision sont faites en langue slovaque à l’exception des émissions sous-titrées en slovaque, des émissions destinées au public étranger et des cours de langue, des émissions musicales aux paroles en version originale. Les émissions destinées aux enfants de moins de 12 ans doivent être doublées en slovaque. La presse périodique et occasionnelle est publiée en langue slovaque ou avec une traduction en langue étrangère s’ajoutant à la version slovaque si besoin (la presse, tout comme les émissions radiophoniques et télévisées en langue de minorité sont sujets à une réglementation spécifique). Les mêmes dispositions sont valables pour la réalisation des événements culturels. Les participants aux rassemblements et aux conférences ont le droit à présenter leurs discours en langue d’état.
Les Forces Armées, le Corps Policier, le Service d’information slovaque, la Garde de justice, la Police ferroviaire et la police communale, ainsi que les tribunaux utilisent obligatoirement la langue d’état dans leurs activités et dans leur documentation[10].
L’article 8 traite de l’emploi de la langue dans divers secteurs de l’économie. L’utilisation de la langue slovaque est obligatoire dans : l’indication des produits et les modes d’emploi (ceci vaut avant tout pour les aliments et les médicaments), les garanties et d’autres informations pour le consommateur, les contrats écrits, la documentation technique et financière, les normes techniques slovaques, les actes constitutifs des associations, des partis politiques, des sociétés commerciales et autres, la documentation des établissements dispensant des soins médicaux. Les rapports entre le personnel des établissements médicaux et les patients se réalisent en langue nationale, dans le cas des patients étrangers dans la langue qui peut servir de moyen de communication. Les inscriptions publiques, la publicité, les annonces destinées à un large public sont obligatoirement faites en langue d’état. Elles peuvent être suivies d’une traduction, pourvu que celle-ci suive la version originale en caractères d’une grandeur égale.
Le contrôle du maintien des dispositions qui font partie de la Loi sur la langue d’état sont confiés au Ministère de la culture. Néanmoins, le texte de la mesure qui fait ici l’objet de notre attention n’oublie pas de préciser que l’utilisation des dénominations étrangères reçues, des termes spécialisés ou des noms des choses et des faits nouveaux pour lesquels il n’y a pas de mot, est exclue du domaine traité par la Loi.
La Loi sur la langue d’état de la République slovaque vient se substituer à la Loi sur la langue officielle de la République slovaque no. 428/1990.
La Loi Toubon
La Loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française (Loi Toubon) commence par déclarer que la langue de la République, en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. En plus d’être la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics, elle représente le lien privilégié des États constituant la communauté de la francophonie Cette loi, semblable dans ses objectifs et dans son contenu à la Loi sur la langue d’état en Slovaquie, couvre surtout le domaine de travail et de l’économie, celui de l’enseignement et des médias.
Dans la sphère de l’économie et du commerce (article 2), l’emploi de la langue française est obligatoire dans la désignation, l’offre, la présentation, le mode d’emploi, la description de la garantie d’un produit, dans les factures et quittances, ainsi que dans toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle. Ceci ne concerne par les appellations étrangères bien connues.
L’article 3 et 4 traitent des inscriptions publiques. La langue de la République doit être utilisée dans toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée à l’information du public (dérogation possible pour les transports internationaux). Si telles annonces sont accompagnées de traductions, la loi précise que la présentation en français doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langues étrangères.
Les articles 5, 8, 9 et 10 définissent les obligations de l’emploi de la langue dans les contrats et plus généralement dans tous les rapports de travail. Les contrats auxquels une personne morale de droit public ou une personne privée exécutant une mission de service public sont parties, sont rédigés en langue française. Ils ne peuvent contenir ni expression ni terme étrangers lorsqu’il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l’enrichissement de la langue française. Ceci ne regarde pas les contrats à exécuter entièrement hors du territoire national. Les contrats des personnes physiques, des salariés, sont également rédigés en français, sauf s’il s’agit d’un salarié étranger. Dans ce cas, une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier et les deux textes font également foi en justice. En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoqué contre ce dernier. La langue française est utilisé également dans les règlements intérieurs de travail, dans tout document comportant des obligations pour le salarié, ainsi que dans les conventions et accords collectifs de travail. Ces documents peuvent cependant être accompagnés d’un traduction.
Les dispositions de l’article 6 postulent que tout participant à une manifestation, un colloque ou un congrès organisé en France par des personnes physiques ou morales de nationalité française a le droit de s’exprimer en français. Les documents distribués, les programmes, les actes ou les comptes-rendus de travaux doivent être rédigés en français et peuvent comporter des traductions en une ou plusieurs langues étrangères. Dans le cas des documents originalement écrits en langues étrangères, ceux-ci doivent être accompagnés au moins d’un résumé français. Les dispositions similaires sont valables pour toute publication, revue et communication diffusée en France.
Dans le domaine de l’éducation, le français est la langue de l’enseignement, des examens et des concours, ainsi que des thèses et des mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement (sauf exceptions justifiées par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères, lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers, ou s’il s’agit d’écoles étrangères ou accueillant des élèves de nationalité étrangère).
Dans ces articles 12 et 14, la Loi revient à la publicité et aux marques. Elle postule l’emploi obligatoire du français dans l’ensemble des émissions et des messages publicitaires. L’exception est faite pour des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles en version originale, pour des oeuvres musicales dont le texte est, en tout ou en partie, rédigé en langue étrangère, pour des programmes à finalité d’apprentissage d’une langue et pour des retransmissions de cérémonies cultuelles.
La Loi Toubon contient un article concernant la position (désirée) de la langue en dehors du territoire nationale, dans le monde. L’article 13, qui modifie certaines dispositions de la Loi relative à la liberté de communication, en y ajoutant l’expression du souci du respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie.
A la différence de la loi slovaque, la loi française prévoit explicitement des modalités de contrôle du maintien des obligations imposées par la loi. Ce contrôle s’effectue par moyen d’agents de police judiciaire qui ont le droit de pénétrer dans les lieux et les véhicules, peuvent demander à consulter les documents nécessaires ou prélever un exemplaire des biens ou produits.
De manière générale, la loi slovaque et la loi française couvrent des domaines similaires. La période de leur création est à peu près la même. On ne peut pas exclure que - dans le procès de la préparation de la Loi sur la langue d’état, qui devait représenter un cadre général de politique linguistique - les législateurs slovaques se sont inspirés, parmi d’autres mesures existant en Europe, aussi de la Loi Toubon.
Á regarder ces deux lois de plus près, on constate néanmoins que la Loi Toubon entre en plus grand détail dans le domaine des rapports de travail. Elle est plus concrète également quant aux modalités de contrôle du maintien de ses dispositions ; elle va jusqu’à prévoir les compétences du personnel qui s’en chargera. Á la différence de la Loi Toubon, la loi slovaque consacre beaucoup plus d’attention à l’emploi de la langue dans l’administration d’état et dans ses organismes.
D’autres instruments de la politique linguistique slovaque et française
Les lois relatives aux langues en Slovaquie et en France constituent des points d’appui essentiels des politiques linguistiques des deux pays. Ceci dit, il faut constater que ces politiques se servent d’une variété beaucoup plus vaste de moyens. La Slovaquie, comme la France, a créé un certain cadre institutionnel pour sa réalisation. Celui-ci est formé d’organismes suivants :
- le département de la culture linguistique de la section du patrimoine culturel du Ministère de la culture
- l’Institut linguistique Ľudovít Štúr de l’Académie slovaque des sciences
- le Comité pour la préparation de Conception du développement de la langue d’état (15 membres - ministères et Institut linguistique)
- le Conseil linguistique central (16 membres - des scientifiques/linguistes) des comités terminologiques (chacun composé de linguistes et d’experts du domaine). Les comités terminologiques existaient déjà dans les années 50. Leur fonctionnement a été encadré plus tard par le département terminologique de l’Institut linguistique. Dans les années 80 l’activité des comités a cessé pour être reprise dans les années 90.
La Loi sur la langue d’état selon laquelle l’utilisation de la forme codifiée de la langue slovaque est obligatoire dans la sphère de la communication publique est suivie de la déclaration de la forme codifiée du slovaque. La plus récente codification de la langue d’état est entrée en vigueur le 1er décembre 2000. Cette codification se fonde sur quatre ouvrages normatifs de référence et les jugements de conformité ou de non conformité à la norme codifiée sont émis par l’Institut linguistique Ľudovít Štúr de l’Académie slovaque des sciences ou par le département de la culture linguistique de la section du patrimoine culturel du Ministère de la culture.
En 2001, le gouvernement a créé un comité d’experts pour la préparation de la conception du soin/développement de la langue d’état de la République slovaque. Le comité est composé de membres délégués par les différents Ministères, en relation avec l’Académie des sciences, la Court suprême et d’autres organismes publics. La Conception du développement de la langue d’état résume les objectifs majeurs de la politique linguistique de la République slovaque et les moyens pour les atteindre. Les objectifs se trouvent ensuite détaillés selon les domaines (enseignement, science et recherche, législation et droit, administration, forces armées, culture, Slovaques à l’étranger, média, et autres).
Les autres actions majeures de la politique et de la planification linguistique ont été : la construction du Corpus national de la langue slovaque dans les années 2002 - 2006 et la création du Système unifié et automatique des informations juridiques (Jednotný automatizovaný systém právnych informácií - JASPI) pour élargir les possibilités de la recherches et de l’analyse des documents.
En 1989, le gouvernement français a créé la Délégation générale à la langue française (DGLF), qui a succédé au Commissariat général à la langue française. Cet organisme a reçu pour mission "de promouvoir et de coordonner les actions des administrations et des organismes publics et privés qui concourent à la diffusion et au bon usage de la langue française". En 1993, la délégation à été mise à la disposition du ministre de la Culture et de la Francophonie.
La Délégation travaille en collaboration avec les organismes suivants :
- le Conseil supérieur de la langue française (une instance d’étude, de consultation et de proposition présidé par le premier ministre) ;
- les départements ministériels (l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, la recherche, l’industrie, la culture, les affaires étrangères, la coopération, la francophonie, etc.) ;
- les milieux professionnels concernés par les questions linguistiques (universités, laboratoires de recherche, entreprises, etc.) ;
- les associations qui oeuvrent pour soutenir le français ;
- un réseau de partenaires internationaux, pour une coopération avec le monde francophone et en particulier le Québec, ainsi qu’avec les États membres de l’Union européenne et les pays de langue latine.
Après la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le gouvernement français a transformé la DGLF en Délégation générale à la langue française et aux langues de France avec une mission de plus, celle de développer le plurilinguisme et de prendre en charge la valorisation des langues régionales de France.
La DGLF est donc chargée d’appliquer la politique linguistique du gouvernement français, laquelle est axée sur trois grands principes : assurer le rayonnement du français ; conserver au français son rôle de langue de communication internationale ; respecter la diversité linguistique et culturelle et promouvoir le plurilinguisme.
Bien évidemment, les objectifs principaux à long terme sont ceux de la gestion du rapport de la langue d’état aux langues de minorités, ainsi que la position de la langue et de l’identité au sein des institutions de l’Union européenne. Ces deux axes, communs aux politiques linguistiques slovaque et française, couvrent de domaines vastes et pourraient constituer des sujets des recherches à part.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Apparition dans une langue de nouvelles formes à partir de correspondances qui existent entre des termes d’une même classe.
-
[2]
Comme le montre par exemple l’alignement des conjugaisons
-
[3]
SIOUFFI, G. - VAN RAEMDONCK, D.: 100 fiches pour comprendre la linguistique. Rosny: Bréal, 1999. ISBN: 2 84291 453 8. p. 92-93.
-
[4]
Je m’appuie sur les opinions des représentants des deux « camps » qui ont été publiées : dans les numéros les plus récents (mars - septembre 2006) du bi-hebdomadaire Literárny týždenník (comme les réactions à l’Appel) ; dans le recueil intitulé Slovenčina na konci 20. storočia, jej normy a perspektívy (La langue slovaque à la fin du 20e siècle - ses normes et perspectives), publié en 1997.
-
[5]
”Na území Slovenskej republiky je štátnym jazykom slovenský jazyk." (Ústava Slovenskej republiky, čl. 6.)
-
[6]
Zákon o štátnom jazyku Slovenskej republiky č. 270/1995 Z. z.
-
[7]
L’utilisation des noms de communes en langues autres que le slovaque est traitée par la Loi sur la dénomination des communes en langue de minorité no. 191/1994 Rec.
-
[8]
Cette question est traitée aussi par la Loi sur le nom et le prénom no. 300/1993 Rec.
-
[9]
L’exception est faite pour les écoles où l’enseignement se fait en langue de minorité ou étrangère et les manuels destinés à l’enseignement des langues de minorités nationales ou ethniques et à l’enseignement des langues étrangères.
-
[10]
A l’exception de l’aviation et des activités internationales des forces armées.
Bibliographie
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- DORUĽA, J.: Jazyk a identita, jazyk a zákon. In: Slovenčina na konci 20. storočia, jej normy a prespektívy. Sociolinguistica slovaca. Editor: S. Ondrejovič. Bratislava: Veda, 1997, p.108 - 112, ISBN 80-224-0514-0.
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- IVANOVÁ-ŠALINGOVÁ, M.: Slovenčina v kolotoči letokruhov. In: Literárny týždenník 25-26, 2006, roč. XIX, p. 10.
- KAČALA, J.: Návod na modernú jazykovú kultúru? In: Literárny týždenník 19-20, 2006, roč. XIX, p. 10.
- KRÁĽ, A. a kol.: Výzva na ochranu národného jazyka. In: Literárny týždenník 9-10, 2006, roč. XIX, p. 1, 8.
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- ONDREJOVIČ, S.: Jazyk je farebnejší ako dúha. In: Literárny týždenník 15-16, 2006, roč. XIX, p. 9-10.
- ONDREJOVIČ, S.: Sociolingvistický versus ”normativistický" pohľad na jazyk. In: Slovenčina na konci 20. storočia, jej normy a prespektívy. Sociolinguistica slovaca. Editor: S. Ondrejovič. Bratislava: Veda, 1997, p.54 - 60, ISBN 80-224-0514-0.
- POVAŽAJ, M.: O norme a kodifikácii. In: Slovenčina na konci 20. storočia, jej normy a prespektívy. Sociolinguistica slovaca. Editor: S. Ondrejovič. Bratislava: Veda, 1997, p.1126 - 133, ISBN 80-224-0514-0.
- SIOUFFI, G. - VAN RAEMDONCK, D.: 100 fiches pour comprendre la linguistique.
- Rosny: Bréal, 1999. ISBN: 2 84291 453 8. p. 224.
- ŠABÍK, V.: Proti fľakom na farebnosti jazykovej dúhy slovenčiny. In: Literárny týždenník 19-20, 2006, roč. XIX, p. 11.
- ZAVARSKÝ, J.: Neodbytné otázky. In: Literárny týždenník 23-24, 2006, roč. XIX, p. 11.
- Ministère de la culture slovaque
- Loi Toubon, site du Sénat
- Site République slovaque
- Article : Bon usage ? Bon français ? Qui a le pouvoir de décider ?