Résumés
Résumé
Afin de comprendre la dynamique du groupe des managers de rayon des grandes surfaces alimentaires, cet article propose de comparer l’évolution des conditions de travail et d’emploi sur ses deux principaux segments professionnels et de saisir la relation qui en découle. Ces managers travaillent en effet soit dans une enseigne dite « intégrée », soit dans une enseigne dite « indépendante », structure juridique qui a une influence déterminante sur leurs conditions de travail et d’emploi. C’est particulièrement le cas depuis le tournant des années 2010 où les difficultés économiques croissantes des enseignes intégrées les poussent à réorganiser les rayons et le poste de manager. Chez les indépendants — qui phagocytent les parts de marchés de leurs concurrents —, la situation est tout autre et le poste de manager n’a que peu évolué depuis les années 2000. Ce qui interroge inévitablement sur l’évolution des relations entre les segments.
Mots-clés :
- travail,
- emploi,
- managers de rayon,
- organisation du travail,
- segments professionnels
Abstract
This article offers a new perspective to understand the dynamic of managerial groups. It compares the impact of the evolution of working conditions and employment on its two main professional sectors, seeking to capture the relationship at play. These managers work in either “integrated trade groups” or “independent groups.” Depending on their workplace, the legal structure plays a significant role in employees’ working conditions and employment. This is especially common since the 2010s, when integrated trade groups, facing growing economic strife, were prompted to reorganize their departments and managerial positions. For independent groups that tend to absorb their competitors’ market shares, the situation is completely different—manager positions have barely evolved since the 2000s. This inevitably raises questions about the evolution of the relationship between these two actors.
Keywords:
- Work,
- employment,
- superstore managers,
- organization of work,
- professional sectors
Resumen
Para comprender la dinámica del colectivo de jefes de sección en las grandes tiendas de alimentación, el presente artículo se propone comparar la evolución de las condiciones de trabajo y empleo en sus dos principales segmentos profesionales y descifrar la relación emergente. Estos jefes trabajan en una cadena “integrada” o en una cadena “independiente” —estructura jurídica que influye en forma decisiva en sus condiciones de trabajo y empleo. Esto es así particularmente desde el cambio de década en 2010, cuando las crecientes dificultades económicas de las cadenas integradas las obligaron a reorganizar sus secciones y el puesto de jefe. La situación es muy distinta en el caso de los minoristas independientes, que acaparan el segmento de mercado de sus competidores, y cuyos puestos de jefe han evolucionado muy poco desde los años 2000. Inevitablemente, esta situación plantea interrogantes sobre cómo están cambiando las relaciones entre los segmentos.
Palabras clave:
- Trabajo,
- empleo,
- jefes de sección,
- organización del trabajo,
- segmentos profesionales
Corps de l’article
introduction
Les grandes surfaces alimentaires (GSA) « traditionnelles » totalisent en France 2 158 hypermarchés et 6 183 supermarchés (chiffres de 2017)[1]. Un oligopole de 7 groupes[2] domine le commerce de détail alimentaire avec 64,8 % des parts de marché en valeur en 2018[3] (Carrefour, Auchan, Leclerc, Géant-Casino, Système U, Intermarché et Cora-Match). La branche comprend une très large majorité d’employés et d’ouvriers (87 %) et peu d’agents de maîtrise (6 %) et de cadres (7 %), d’où le qualificatif « d’industrie de main-d’oeuvre ». Les salariés, 11 ans d’ancienneté en moyenne, sont relativement jeunes : 29 % ont moins de 30 ans et seuls 3 % d’entre eux dépassent 60 ans. Avant que la crise des subprimes ne se répercute en France en 2009, le secteur compte encore 635 800 salariés à la fin de 2008. Un creux de 597 519 salariés est atteint en 2012 avant que les effectifs ne remontent progressivement jusqu’à 632 957 salariés à la fin de 2018, pas tout à fait le niveau d’avant la crise.
Au coeur de cette conjoncture économique fluctuante, certaines enseignes transforment radicalement l’organisation des rayons et le poste de manager, premier niveau d’encadrement en magasin chargé de piloter le travail de rayonnage des équipes d’employés (Racine, 2019, 2021a). Les managers de rayon sont au nombre de 47 136 (22 524 cadres et 24 612 agents de maîtrise), dont 36 % de femmes. Comme ailleurs depuis les années 1990, ces salariés ont été rebaptisés en « managers » au début des années 2000, terme qui désigne des cadres ou des professions intermédiaires placés en situation d’encadrement (Falcoz, 2003 ; Wolff, 2005) et dont le triple rôle est de faire coïncider travail réel et prescrit, de garantir une certaine harmonie des relations de travail et de relayer les problèmes des employés auprès de la hiérarchie (Martin, 2013). Qu’ils soient agents de maîtrise ou cadres de « première ligne », ils dirigent des petites équipes d’employés sous le contrôle du directeur du magasin : placés « à l’interface entre conception et exécution, entre cadres et opérateurs, entre entreprises, clients et fournisseurs » (Cadet et Guitton, 2013 : 20), ces managers de proximité se situent à la lisière entre cadres et professions intermédiaires. À la fois proches des employés (travail subalterne dans les rayons, proximité sociale) et distincts de ces derniers (dénomination, trajectoires d’ascension sociale, objectifs chiffrés, rhétorique du challenge, autonomie horaire), ils constituent un cas supplémentaire de brouillage des frontières de la hiérarchie (Gardes, 2021).
Deux principales raisons nous ont conduit à étudier cette population. Tout d’abord, les travaux en sociologie du travail et de l’emploi portent en majorité sur les hôtesses de caisse (Baret et Livian, 2002 ; Benquet, 2009, 2015 ; Bernard, 2005, 2012b, 2014 ; Bué et al., 2013 ; Fache et Waelli, 2013 ; Prunier-Poulmaire, 2000). On trouve quelques textes sur les employés de rayon et aux caisses (Benquet, 2010), les employés de rayon (Julhe, 2006), les employés et managers des rayons (Bernard, 2012a ; Debril et Dubuisson-Quellier, 2005), et enfin quelques études transversales où l’on parle succinctement des managers (Askenazy et al., 2009a ; Bernard, 2016 ; Barel et Frémeaux, 2009). Par contre, aucun article — mis à part nos récents travaux (Racine, 2020, 2021a, 2021b) — ne porte exclusivement sur les managers de rayon[4]. La seconde raison est la suivante : les articles qui portent sur les salariés des GSA s’intéressent quasi exclusivement aux magasins des groupes intégrés (Auchan, Carrefour, Cora et Géant-Casino) et quasiment jamais à ceux des groupements d’indépendants (Leclerc, Intermarché et Groupe U). C’est plutôt étonnant quand on sait l’importance que les managers y ont eux-mêmes attachée lors des entretiens, notamment en termes de conditions de travail et d’emploi depuis le tournant des années 2010. Nous pensons pour notre part que la structure juridique de l’enseigne délimite les deux principaux « segments professionnels » (Bücher et Strauss, 1992) chez les managers appréhendés comme un groupe professionnel (Demazière et Gadéa, 2009 : 20).
Notre but, dans cet article, est d’esquisser la dynamique actuelle du groupe professionnel des managers de rayon. Nous émettons deux hypothèses. La première est qu’il existe deux segments professionnels chez les managers de rayon qui sont délimités par la structure juridique de leur enseigne : ils travaillent dans des magasins appartenant soit à un groupe intégré, soit à un groupement d’indépendants. La seconde est que ces deux segments s’éloignent du fait des changements organisationnels opérés après le tournant les années 2010 par les intégrés pour faire face à une conjoncture économique défavorable.
Le premier point justifie notre approche en termes de segments professionnels et présente la méthodologie mobilisée pour les appréhender. Nous détaillons ensuite le processus de centralisation-décentralisation des tâches des managers qui est différencié selon leur appartenance à un groupe intégré ou à un groupement d’indépendants. Puis nous montrons que le changement de politique des ressources humaines a surtout touché les enseignes intégrées. Une discussion porte enfin sur une analyse en termes de marchés du travail primaire et secondaire.
1. éléments de méthodologie
Dessiner les contours des segments professionnels nous a conduit à mobiliser une méthodologie quelque peu différente des habituelles monographies.
1.1 Groupes intégrés vs groupements d’indépendants
Les auteurs écrivant sur les GSA en sociologie ne déclinent pas systématiquement l’influence de la structure juridique des magasins sur leurs thèmes de recherche, et ce, même quand ils souhaitent explicitement produire une étude sectorielle (Askenazy et al., 2009b ; Hocquelet, 2012).
Dans le commerce de détail, de nombreux points de vente (magasins, établissements) peuvent appartenir à une même entreprise, la tête de réseau. C’est le cas de 95 % des supermarchés et 97 % des hypermarchés dans le secteur des GSA. On isole ainsi trois entités : les groupes intégrés, les groupements d’indépendants organisés et les indépendants isolés (extrêmement minoritaires, ces magasins affiliés à aucun réseau n’apparaîtront pas dans cette recherche).
Les groupes intégrés ou succursalistes (Carrefour, Auchan-Simply Market, Géant-Casino et Cora-Match) sont majoritaires dans le secteur : les magasins appartiennent à l’entreprise tête de réseau, ils sont ses succursales ou ses filiales et les travailleurs sont tous salariés (voir Laïb, 2018 : 2). Leur spécialisation dans les grands hypermarchés, dont les clients se détournent au profit des plus petits formats, explique en partie leurs difficultés économiques actuelles[5]. Le marché du travail des managers est immédiatement national car les supermarchés et hypermarchés d’un groupe appartiennent tous à une même entité.
Les groupements d’indépendants organisés (Leclerc, Groupe U et Intermarché) se définissent comme suit : les « adhérents à un groupement sont des magasins de sociétés juridiquement et financièrement indépendantes qui se regroupent souvent sous forme de coopérative, autour d’une centrale d’achat » (Solard, 2011 : 25). Ces groupements réalisent des économies d’échelle en mutualisant les achats, les services et les fonctions transversales. Chaque magasin appartient à un chef d’entreprise dénommé « adhérent » ou « président-directeur général (P.D.G.) », propriétaire des murs et du fonds de commerce du magasin : il est patron de sa PME (petite et moyenne entreprise de moins de 250 salariés) et les autres travailleurs sont ses salariés. Du fait d’une spécialisation dans les formats plébiscités par les consommateurs, c’est-à-dire les supermarchés et les petits hypermarchés, ces groupements gagnent des parts de marché. Le marché du travail des managers est local car limité au seul supermarché ou hypermarché dans lequel ils travaillent (même si quelques rares PDG possèdent plusieurs magasins). Le Tableau 1 donne une idée des forces en présence :
Les indépendants organisés dépassant aujourd’hui les intégrés en termes de chiffre d’affaires, ils ne peuvent continuer à être négligés : en janvier 2022, ils représentent en effet 49,6 % de parts de marché du secteur contre 39,4 % pour les intégrés. Leclerc est d’ailleurs leader en France devant Carrefour[6]. Confirmant la tendance de fond, les enseignes intégrées ont à nouveau vu leurs parts de marché reculer durant l’année 2021, à l’opposé des indépendants. Nous retiendrons que les managers travaillent soit chez un groupe intégré, soit chez un groupement d’indépendants.
1.2 La question des segments professionnels du groupe
Le métier de manager de rayon ne correspond pas aux professions dont l’approche fonctionnaliste (Carr-Saunders, 1928 ; Carr-Saunders et Wilson, 1933 ; Parsons, 1951) a mis en exergue l’unité autour de traits spécifiques (formation longue, réglementation de l’activité, autocontrôle déontologique, autonomie, valeurs communes, etc.). Loin d’être des « professions établies » (médecins, avocats, architectes, etc.), les managers correspondent plutôt aux occupations étudiées par les interactionnistes (Becker et Strauss, 1956 ; Hughes, 1996 ; Strauss, 1992). Nos managers constituent l’un des « petits métiers » décrits par la sociologie des groupes professionnels comme « des ensembles flous soumis à des changements continus, caractérisés à la fois par des contours évolutifs et une hétérogénéité interne » (Demazière et Gadéa, 2009 : 20). Ces groupes professionnels agrégeant des « segments professionnels » en compétition (Bücher et Strauss, [1992] 1961) et marqués par la diversité des pratiques locales sont en reconstruction permanente. Comme on le verra en effet dans les parties suivantes, les conditions de travail et d’emploi ne sont pas les mêmes dans les magasins des groupes intégrés et dans ceux des groupements d’indépendants, surtout après le tournant des années 2010, lorsque la conjoncture économique de récession touche plus durement les intégrés, qui lancent alors de grands changements organisationnels.
Plus récemment, des auteurs ont tenté de concilier les héritages fonctionnalistes et interactionnistes autour d’études de cas portant sur des professions caractérisées par un haut niveau de diplôme et dont les membres appartiennent aux classes moyennes supérieures, à savoir les architectes (Champy, 2011), les architectes d’intérieur (Ollivier, 2012) et les conservateurs de musée (Hénaut et Poulard, 2018). Ceci dit, ces cas sont plutôt éloignés de nos managers de rayon qui ne constituent pas une « profession à pratique prudentielle » (Champy, 2011), ne sont pas non plus des indépendants qui vendent un service sur un marché de services (Ollivier, 2012) et encore moins des hauts fonctionnaires ayant accès aux ministères pour influencer les décisions qui les concernent (Hénaut et Poulard, 2018).
1.3 Appréhender les segments en comparant des postes
Afin d’appréhender au mieux les segments du groupe, nous avons mobilisé une approche multiscalaire combinant trois échelles d’analyse[7].
De nombreux entretiens
L’échelle microsociologique qui repose principalement sur les entretiens permet de décrire les conditions de travail et d’emploi des salariés dans chaque magasin visité. Nous avons réalisé une centaine d’entretiens, semi-directifs approfondis entre 2014 et 2017, dans une quinzaine de magasins en France : 37 managers de rayon en poste (25 hommes et 12 femmes, 32 ans en moyenne, 8 ans d’ancienneté en moyenne), 25 étudiants apprentis managers, 14 employés de rayon, 13 membres des directions des magasins, 7 membres des directions régionales ou nationales, 13 personnes diverses (responsables de licence, jury des comités de sélection, etc.). Tous furent enregistrés sur dictaphone et retranscrits. Une vingtaine d’entretiens complémentaires ont eu lieu au courant de 2021 avec des salariés déjà interrogés ou non afin d’observer l’évolution la plus récente des conditions de travail et d’emploi : les managers de rayon, sur les transformations du travail et de l’emploi consécutives aux changements du poste ; leurs n+1 (manager secteur) et n+2 (directeur), pour connaître leurs interactions ; les équipes d’employés sous leurs ordres, en insistant sur les conditions de travail et la façon d’encadrer ; les étudiants en alternance qui apprennent le métier de manager, sur leur formation et leurs stratégies de carrière ; enfin, des membres des directions régionales et nationales, sur les stratégies des enseignes en matière de gestion des ressources humaines.
Les conseils distillés dans le classique de Beaud et Weber (voir 2010 [1997] : 96-109) nous permirent de pénétrer ce secteur difficile d’accès et réputé hostile aux journalistes, sociologues et autres « intellectuels » : ne pas utiliser le terme « enquête » mais celui de « travail d’étudiant », dire qu’on débute et qu’on a plein de choses à apprendre, se rendre systématiquement sur place au lieu de téléphoner, savoir perdre son temps, chercher des alliés, saisir des occasions, participer aux activités du groupe, etc. Dans la mesure où les directions des magasins refusaient souvent nos demandes d’entretien avec des managers et des employés ou choisissaient elles-mêmes qui nous devions rencontrer, nous avons mis en oeuvre une stratégie d’approche des salariés en deux temps. Nous nous rendions tout d’abord dans les rayons comme un client lambda faisant ses courses et nous demandions un rendez-vous avec les salariés croisés sans nous faire remarquer par la direction. Après avoir « épuisé » un magasin par cette méthode, nous nous présentions à l’accueil du magasin afin de demander à rencontrer un membre de la direction. Les entretiens avec les directions ont eu lieu au sein du magasin. Les managers de rayon, qui ne disposent pas toujours d’un bureau où s’isoler, ont parfois préféré les rencontres à l’insu de leur hiérarchie. Par souci de confidentialité, les employés ont souvent choisi les rencontres à l’extérieur du magasin.
Les observations participantes sont difficiles à réaliser sur un poste où l’on ne peut pas se faire embaucher sans diplôme : nous avons donc effectué une courte observation de deux semaines au poste d’employé de rayon dans un hypermarché Leclerc en août 2015, recourant au stage sans dévoiler notre véritable but. Nous avons ainsi pu effectuer le travail de rayonnage que les managers réalisent parfois et éprouver leurs pratiques managériales vis-à-vis des employés.
Une comparaison des postes des managers
L’échelle mésosociologique qui repose sur la comparaison des postes des managers permet de dégager les caractéristiques des segments professionnels. Elle se nourrit des entretiens : nous avons interrogé des managers de chaque segment, soit des managers et ex-managers des quatre enseignes intégrées (11 chez Carrefour, 8 chez Géant-Casino, 8 chez Cora-Match et 10 chez Auchan) et des trois enseignes indépendantes (8 chez Leclerc, 6 chez Intermarché et 6 chez Groupe U). Nous leur avons demandé quels étaient les points communs et les différences entre leur poste et celui des autres managers de leur magasin, des autres magasins du groupe, et des magasins des autres enseignes. Les retranscriptions furent classées pour analyse dans des tableaux thématiques, facilitant la mise au jour de points communs et de différences.
Comprendre le secteur
L’échelle macrosociologique repose principalement sur les écrits scientifiques économiques et historiques portant sur le secteur de la distribution. Nous avons également utilisé des journaux spécialisés (Libre-Service Actualités, Rayon boissons, Linéaires et Points de vente) et des articles de presse généraliste (Le Monde) et économique (Les Échos et La Tribune). Quelques sites Internet spécialisés (« Distrijob.fr » et « jebosseengrandedistribution.com ») ont permis de poser des questions techniques à des managers partout en France. Le réseau professionnel LinkedIn servit à retrouver des contacts. Cette échelle permet de comprendre la structure du secteur, l’impact de la conjoncture économique sur les stratégies des enseignes et les mutations consécutives du métier de manager.
2. un processus différencié de centralisation-décentralisation des tâches
Pour faire face à la crise économique qui les touche de plein fouet, les enseignes intégrées ont profondément transformé le poste de manager de rayon. Les indépendants, qui au contraire gagnent des parts de marché, n’ont pas procédé à de tels bouleversements.
2.1 Un processus avancé chez les intégrés
Informatisation, centralisation et réorganisation des rayons
Jusqu’à la fin des années 1990, ceux qu’on appelle encore les « chefs » de rayon achètent les produits adaptés à leur clientèle au meilleur prix à leurs fournisseurs afin de les revendre avec le maximum de marge. Face à l’érosion progressive de leurs parts de marché, les groupes intégrés transforment ce poste en centralisant ces tâches, réduisant d’autant leurs marges de manoeuvre sur les produits vendus (voir Moati et Volle, 2011 : 114-116).
Ce processus qui s’étale sur deux décennies passe par différents canaux. Depuis le début des années 2000 tout d’abord, les enseignes retirent aux managers la négociation du prix des produits et le choix des produits proposés dans le but d’harmoniser les magasins sur le plan national (voir Daumas, 2006 : 74-75 ; voir aussi Lhermie, 2001 : 126). Les directions des enseignes chargent ensuite leur service marketing de définir un plan unique d’agencement des produits dans les rayons que chaque magasin doit respecter, ce qui leur retire de nombreuses tâches : la fixation du prix de revente et donc la marge réalisée sur chaque produit ; le choix des dates des promotions ; et le merchandising (présentation des articles dans les linéaires). La dernière transformation du poste est la plus radicale. Elle est liée aux répercussions en France de la crise financière des subprimes qui provoque à partir de 2009 une crise économique et réduit le pouvoir d’achat des ménages (Cases et Massicot, 2015). Cette conjoncture de récession économique fait chuter le chiffre d’affaires des groupes intégrés et met au jour la crise sectorielle dont ils souffrent depuis la fin de leur « âge d’or » dans les années 1990 (Moati, 2001, 2011, 2016) : désaffectation des consommateurs pour les grands hypermarchés en périphérie des villes dont ils sont les principaux promoteurs ; attrait des supermarchés et des petits hypermarchés de centre-ville détenus par les indépendants ; épuisement du potentiel de croissance ; montée du e-commerce ; concurrence du hard-discount et des enseignes spécialisées menant à une « guerre des prix » ; échecs d’implantation à l’étranger ; financiarisation les soumettant aux soubresauts des marchés financiers ; etc. Le phénomène n’est pas particulier à la France et les observateurs internationaux s’accordent pour dater au début de la décennie 2010 la crise structurelle de la grande distribution et son entrée dans un nouveau modèle (Lewis et Dart, 2010 ; Stephens, 2013).
Les groupes intégrés réagissent rapidement en opérant des tournants majeurs (réinventer l’hypermarché, développer le drive, investir dans les centres-villes, etc.) dont l’un concerne spécifiquement l’organisation des rayons : dès 2009 pour Carrefour et 2012 pour Auchan et Casino, ces groupes déploient des logiciels de précommande. Ces logiciels retirent aux managers une très grande partie de la gestion des commandes et des stocks en proposant les commandes à passer pour le lendemain et en passant automatiquement certaines commandes. Ils libèrent ainsi énormément de temps qui est réaffecté à la réorganisation des rayons en plus grands périmètres. Concrètement, on confie à chaque manager davantage de rayons (de 1 ou 2 à 8 à 10 rayons) et de personnel (équipes de 2 ou 3 employés à 8 à 12 employés) :
Avant, un manager de rayon pouvait avoir un seul employé, donc il était tout le temps sur le terrain. Là, ils revalorisent le métier avec plus de rayons et de collabos à gérer, comme ça tu t’éloignes du terrain et tu ne sens pas les absences !
Stéphane, manager de rayon, hypermarché Auchan, 35 ans
Ils doivent désormais gérer des centaines de références de produits supplémentaires qu’ils ne peuvent plus entièrement connaître :
Le manager n’est pas expert de ses marchandises car il contrôle trop de marchés d’un coup… on ne peut plus tout connaître. On s’éloigne du terrain mais avec une vision plus globale sur plusieurs rayons.
Sébastien, alternant manager de rayon, hypermarché Auchan, 22 ans
Le résultat est clair : on a besoin de moins de managers. Les enseignes suppriment donc 20 % de l’encadrement durant la décennie (Cases et Massicot, 2015 ; Kranklader, 2014). Chez Auchan par exemple, la direction décide en 2014 de faire partir entre 800 et 1 100 managers des hypermarchés en s’appuyant sur un plan d’aide au départ[8]. Les ruptures conventionnelles permettent de vider certains magasins de plus de la moitié de leur encadrement. La réduction des effectifs concerne tous les intégrés : 17 % chez Carrefour entre 2006 et 2011 ; 2 500 chez Cora entre 2008 et 2010 ; un quart des postes chez Casino entre 2008 et 2012 (voir Benquet et al., 2016 : 30).
Par l’informatisation progressive des magasins qui permet aux enseignes de centraliser de nombreuses tâches, les « chefs » devenus « managers » s’éloignent de la gestion des produits (Racine, 2020). Leur retirer des compétences commerciales sur les achats/fournisseurs et les commandes/stocks va permettre de les recentrer sur les compétences managériales/en ressources humaines.
Décentralisation des tâches managériales et en ressources humaines
Autre tournant majeur de la décennie 2010 : les services administratifs des magasins (comptables, assistants des ressources humaines, secrétaires, etc.) sont centralisés dans des pôles régionaux, débouchant là encore sur des suppressions de postes. Entre 2015 et 2017 chez Cora, la restructuration du service comptabilité des hypermarchés coûte 513 postes. Au cours de 2017, le service après-vente comptant 543 postes lui aussi disparaît[9]. En 2018, chez Carrefour, 5 000 emplois sont supprimés au moyen d’un plan de préretraite et d’un plan de départs volontaires. L’année suivante, l’entreprise négocie un accord de rupture conventionnelle collective visant 1 229 postes dans les hypermarchés[10]. Cette réorganisation n’épargne pas non plus les salariés de Géant :
Après la crise et surtout depuis 2-3 ans, on a tout changé car Géant a voulu faire la guerre des prix à Leclerc. On centralise à fond la gestion administrative en virant les gens ici car tout se fait au siège régional maintenant.
William, manager de rayon, hypermarché Géant, 35 ans
Certaines de ces compétences sont transférées directement aux managers de rayon qui doivent désormais recruter, établir les contrats de travail et former leurs équipes. C’est le cas par exemple chez Auchan :
Entre 2012 et 2014, ils ont attaqué les employés avec un plan de transformation : ils ont viré plein de vendeurs, les comptables et les secrétaires en magasin. Ils ont centralisé à fond ou alors ils ont rajouté des tâches aux managers qui n’en veulent pas !
Jean-Marc, employé et délégué syndical CFDT, hypermarché Auchan, 37 ans
2.2 De moindres transformations chez les indépendants
La situation est tout autre chez les indépendants qui, moins touchés par la conjoncture défavorable, n’ont pas procédé à de tels changements organisationnels. Ces enseignes sont donc toujours focalisées sur la fonction « achat » visant à obtenir les prix les plus bas.
Par conséquent, elles octroient encore de nombreuses libertés à leurs managers de rayon : la centralisation des tâches commerciales n’est pas très poussée et ces derniers possèdent peu de compétences managériales et en ressources humaines. Concernant l’achat des produits et les négociations avec les fournisseurs, les centrales d’achats laissent aux managers le choix des fournisseurs, des produits et la possibilité de négocier le prix :
Le métier est beaucoup plus complet chez les indépendants : ils font tout, les mecs, ils passent les commandes, ils choisissent les assortiments, les têtes de gondole, l’allée centrale…alors que le métier est juste centré sur le management chez les intégrés.
Luc, ex-manager de rayon, hypermarché U, 26 ans
Concernant ensuite la gestion des commandes et des stocks, le logiciel de précommande se généralise chez Intermarché, groupement d’indépendants le plus centralisé. Mais contrairement aux intégrés, les managers choisissent encore de nombreux produits ainsi que leur quantité et la date de livraison :
Je préfère être ici qu’à Auchan ou Carrefour car j’ai beaucoup plus d’indépendance et de liberté qu’un manager de là-bas. Regarde, même avec le logiciel de préco j’ai des marges, contrairement à Carrefour où ils reçoivent des quantités prédéterminées. Nous on est encore les chefs d’entreprise de nos rayons.
Brice, responsable adjoint, supermarché Intermarché, 38 ans
En outre, on en trouve encore très peu chez Leclerc ou le Groupe U, de nombreux indépendants préférant en rester au simple logiciel de commande (ou cadencier), à la fois par mesure d’économie et pour s’ajuster plus facilement à la demande locale :
Chaque Leclerc est différent. Ici, il n’y a pas de logiciel de préco, tout se fait à la main, on a énormément de responsabilités, genre les prix et les produits choisis. En plus, ça permet d’avoir un gars en plus dans les rayons.
Yohan, manager secteur, hypermarché Leclerc, 40 ans
Concernant enfin la revente des produits, il n’existe pas non plus de plan merchandising national : chaque adhérent/PDG décide de l’organisation des rayons et laisse ses managers choisir l’emplacement des produits. Les dates des promotions et les produits à promouvoir sont encore largement de leur ressort : il n’existe pas de promotions obligatoires :
Pas de logiciel de préco ici, ils choisissent tous les produits, leurs prospectus ne sont pas nationaux comme Carrefour et tout, c’est le directeur qui décide si on se met dans des promos régionales ou pas.
Bernadette, manager de rayon, hypermarché Leclerc, 52 ans
Plutôt qu’un véritable « manager », on trouve encore chez les indépendants le profil du « chef » centré sur les produits, gérant des petites équipes de 2 ou 3 employés et faisant encore lui-même du rayonnage.
3. un changement différencié de politique des ressources humaines
Les groupes intégrés ayant profondément transformé le poste de manager, ils ont dû recruter des profils différents des anciens « chefs » de rayon, ce qui n’est pas le cas chez les indépendants.
3.1 Le besoin d’un nouveau profil chez les intégrés
Jusqu’à la fin des années 1990, les chefs de rayon sont encore d’anciens employés peu diplômés gravissant les échelons au bout de longues années de rayonnage. Carrefour assume par exemple sa préférence pour la promotion interne de jeunes peu diplômés et d’autodidactes formés sur le tas faisant leurs preuves sur le terrain (voir Lhermie, 2001 : 119-120). Si le recrutement au niveau bac +2 s’impose progressivement à partir du début des années 2000 (ibid. : 126), c’est au tournant des années 2010 que la politique de recrutement évolue radicalement afin d’accompagner la redéfinition du poste.
Face aux changements d’organisation et de compétences nécessaires pour être manager de rayon, les enseignes abandonnent en effet la politique de promotion interne au profit du recrutement de jeunes d’une vingtaine d’années diplômés d’un bac +2 ou davantage (Bernard, 2012a). Certaines enseignes invitent les anciens chefs de rayon à démissionner afin de recruter massivement ces diplômés censés déjà posséder les nouvelles compétences requises en informatique, management et gestion. En parallèle, des formations spécifiques en management sont proposées aux anciens :
On apprend à reformuler les phrases, à faire des tournures pour faire passer les messages moins difficilement. Ça leur apprend à détourner l’attention des employés des choses problématiques…
Roland, ex-responsable régional, hypermarchés Carrefour, 58 ans
Des formations en « savoir-être » sont mises en place afin d’apprendre à gérer les équipes plus nombreuses :
Je viens de faire la formation « Les énergies de l’excellence » : c’est de la sophrologie pour apprendre à respirer et tout, gérer le stress qui augmente avec des périmètres plus grands.
Stéphane, manager de rayon, hypermarché Auchan, 35 ans
Dernièrement, la mobilité devient obligatoire : chaque manager doit désormais changer de poste et de magasin tous les 2 ou 3 ans, obligation matérialisée par la clause de mobilité géographique nationale du contrat de travail[11].
Les managers ici ne sont pas de la région. C’est à cause de la mobilité obligatoire quand on a une promotion. C’est dans leur contrat, ils ne peuvent pas refuser.
Bernard, employé et délégué syndical CFDT, hypermarché Carrefour, 50 ans
Les enseignes organisent de cette façon un turnover permanent dans leurs magasins en attendant que les managers quittent d’eux-mêmes ce poste vers 30 ans au maximum pour occuper des fonctions de direction. Chaque directeur de magasin peut chercher le profil de manager qui lui convient sur un moteur de recherche interne à l’enseigne, outil informatique de planification rationnelle des carrières sur le plan national.
Rieucau et Salognon (voir 2013 : 62-65) constatent également la priorité donnée à l’externe pour le recrutement des cadres des GSA chez les groupes intégrés : à cause du recours aux jeunes diplômés de l’université, seulement 7 % des employés sont promus. La tendance est effectivement à l’élévation du niveau de diplôme lors du premier recrutement (on compte déjà 20 % de diplômés du premier cycle universitaire et 8 % du second cycle). Les formations de niveau bac +2 les plus courantes sont le brevet de technicien supérieur (BTS) Management des unités commerciales, le BTS Négociation et digitalisation de la relation client et le diplôme universitaire de technologie Techniques de commercialisation. Toutes comportent une période de stage (et plus rarement la possibilité de l’alternance). La formation de niveau bac +3 qui fait office de référence dans le secteur est la Licence professionnelle DistriSup, animée par un réseau de 19 universités alliées à 14 enseignes (dont Auchan, Carrefour, Casino, Monoprix, etc.). Sous l’égide de la Fédération du commerce et de la distribution et du ministère de l’Éducation nationale, cette formation en alternance se veut particulièrement adaptée aux besoins de la branche.
Manager de rayon n’est plus un poste où l’on peut « faire carrière » : c’est devenu un poste « tremplin » sur lequel on reste quelques années — de façon mobile dans toute la France — avant d’assumer des responsabilités supérieures.
3.2 Le profil du « chef » toujours présent chez les indépendants
Les rayons n’ayant pas été réorganisés, les indépendants n’ont pas procédé au changement du profil de leurs managers.
Un métier encore tourné vers les produits
L’ancien métier du « chef » de rayon focalisé sur la fonction « achat » et qui n’encadre que quelques employés subsiste encore dans la plupart des magasins indépendants : c’est d’ailleurs cette dénomination qu’ils emploient eux-mêmes pour se qualifier.
Par conséquent, parvenir à ce poste centré sur les compétences commerciales nécessite toujours un long apprentissage des caractéristiques des produits durant plusieurs années au poste d’employé de rayon. La promotion interne est une nécessité jouant encore son rôle de mobilisation d’employés peu diplômés. Contrairement aux intégrés, les managers ne bénéficient pas d’un marché interne qui s’étend sur le territoire national : leurs possibilités se réduisent à leur seul magasin, où ils sont en concurrence avec leurs collègues pour l’obtention de davantage de rayons. Dans cette configuration, ils peuvent rester de nombreuses années dans leur magasin et y faire carrière :
C’est beau de progresser tout le temps dans le même magasin, on le connaît par coeur, pourquoi changer de magasin ? Ici, jamais on ne trouve une personne de 20 ans dire à une personne de 50 ans : « Tu dois faire ça. »
Bernadette, manager de rayon, hypermarché Leclerc, 52 ans
La rémunération des managers chez les indépendants (qui sont des PME) est en moyenne beaucoup plus faible que chez les intégrés car les primes collectives et les mécanismes de participation ou d’intéressement sont inexistants :
Il n’y a pas d’augmentation de salaire avec l’ancienneté… on reste au SMIC toute l’année… moi comme manager j’ai 1 500 net.
Albert, manager de rayon, hypermarché Leclerc, 31 ans
Il n’existe généralement que des primes individuelles que les managers peuvent toucher en atteignant leurs objectifs. Mais celles-ci ne dépendent que du « bon vouloir » de l’adhérent/PDG du magasin quand elles sont octroyées « de la main à la main », c’est-à-dire sans inscription sur les comptes de l’entreprise :
Il n’y a jamais eu trop de primes ici. Le 13e mois, c’est la prime de résultat si t’as rempli tes objectifs.
Isabelle, manager de rayon, supermarché Intermarché, 28 ans
Cela les amène à justifier leur présence dans ces magasins par l’affection qu’ils éprouvent envers leurs clients ou par « l’amour du travail bien fait » :
C’est parce qu’on aime notre boulot. Une semaine où on fait du positif, on est content. Quand on fait du négatif, on se dit qu’il va falloir améliorer ça. C’est comme si on avait notre propre commerce.
Claudine, manager de rayon poissonnerie, supermarché Intermarché, 55 ans
Quant à la formation interne, les indépendants y consacrent peu de moyens pour au moins deux raisons. La première est que le recrutement se fait surtout par promotion interne : l’apprentissage du métier se déroule sur le tas durant plusieurs années de rayonnage. La seconde est que l’absence d’un manager a un impact immédiat sur les résultats du magasin. Les adhérents/PDG des magasins ne tiennent pas à se priver d’un salarié trop longtemps :
On m’a formée vite fait sur l’hygiène quand je suis passée cheffe de rayon et puis un peu sur la négociation avec le fournisseur.
Marie, manager de rayon, hypermarché Leclerc, 35 ans
C’est pourquoi ces groupes ont une préférence pour la promotion interne d’employés de rayon ou pour le recrutement externe de managers déjà formés ailleurs. Les rares formations délivrées ne durent pas plus de quelques jours consécutifs et peuvent être réalisées pendant les congés :
Personne ne demande à se former car les formations se font le jour de repos.
Isabelle, manager de rayon, supermarché Intermarché, 28 ans
Des pratiques de recrutement particulières
La principale façon de recruter des indépendants est toujours la voie de la promotion interne, nuançant l’idée de sa fin annoncée (Bernard, 2012a). Comme chez les intégrés avant les réorganisations du tournant des années 2010, les employés sont encouragés à progresser dans la hiérarchie. C’est d’ailleurs une nécessité en raison de la durée d’apprentissage des caractéristiques des produits vendus et des habitudes de la clientèle locale. Mais cette voie est lente à cause du nombre limité de postes de managers dans chaque magasin :
Personne n’est arrivé dans le magasin en tant que manager directement. Il faut une longue démonstration de sa motivation.
Marie, manager de rayon, hypermarché Leclerc, 35 ans
Elle est également difficile car l’on doit encadrer ses anciens collègues restés employés. Afin d’éviter le risque de « copinage », les promus doivent d’emblée « choisir leur camp » et pratiquer un management qui se veut directif :
Le souci, c’est l’affinité… c’est ce qu’on m’a dit quand je suis passé manager… toute l’affinité que t’avais avec les mecs… maintenant faut que tu montres que tu es un dur à cuire et que tu es là pour…
Albert, manager de rayon, hypermarché Leclerc, 31 ans
Les indépendants pourraient tout comme les intégrés former des jeunes diplômés en alternance avant de les recruter. Pourtant, ce n’est pas ce qu’on constate sur le terrain. Les adhérents/PDG considèrent en effet cette pratique comme trop risquée en termes de coûts financiers car l’étudiant formé des mois durant peut quitter le magasin une fois son diplôme en poche.
En cas de besoin urgent ou de manque de candidats en interne, les indépendants recourent au recrutement externe sur le marché du travail. En nous inspirant des termes utilisés dans les GSA pour les désigner, nous distinguons sommairement trois profils de managers empruntant la voie du recrutement externe. Le premier est celui des « repêchés débutants » : ce sont de jeunes diplômés qui viennent d’être formés chez un intégré mais qui n’ont pas été recrutés à l’issue de leur période d’alternance ou de stage. On les fait démarrer au poste d’employé pour s’assurer de leur docilité envers le magasin qui les sort du chômage et leur offre une deuxième chance de travailler plus tard au poste de manager. Le deuxième profil est celui des « repêchés expérimentés » : ce sont des managers qui ont quitté leur enseigne contre leur gré (démission forcée ou licenciement) et sont également au chômage. Présentant les mêmes avantages que le profil précédent en termes de docilité, ils débutent parfois directement comme manager grâce à leur maîtrise du poste. Le dernier profil est celui des « sauveurs » : ce sont des managers expérimentés arrivés après un débauchage auprès d’un magasin concurrent. Cette pratique est vitale pour les indépendants quand ils sont confrontés à un problème crucial, par exemple lorsqu’un rayon est depuis trop longtemps déficitaire et fait perdre d’importants revenus au magasin. L’adhérent/PDG, qui perd lui aussi des revenus quand son magasin est déficitaire, propose alors carte blanche au nouvel arrivant et lui offre un salaire élevé.
4. des relations divergentes entre les segments ?
Les profonds changements que connaissent les groupes intégrés risquent de raréfier les allers-retours des managers avec les groupements d’indépendants qui étaient jusqu’à peu encore possibles.
4.1 Un marché primaire vs un marché secondaire
On peut tenter d’interpréter le marché du travail des GSA en faisant référence au dualisme ou à la segmentation du marché du travail (Doeringer et Piore, 1971 ; Piore, 1972).
Les groupes intégrés, par leur taille qui les classe parmi les grandes entreprises (chaque enseigne compte des dizaines de milliers de salariés), constituent un « marché primaire ». Les salariés peuvent en effet évoluer à l’intérieur de leur magasin mais également dans tous les magasins appartenant à l’enseigne partout en France par le biais d’une mobilité géographique. Un marché primaire est divisé en deux compartiments : le compartiment supérieur concerne les salariés très qualifiés pouvant accélérer leur carrière en jouant sur la mobilité interne ou externe ; le compartiment inférieur concerne les salariés peu qualifiés ne disposant que de la promotion interne (Amossé et al., 2011). Avant le tournant des années 2010, le poste d’employé de rayon était un « port d’entrée » vers le poste de manager, voire des responsabilités supérieures. C’est désormais le poste de manager de rayon qui est devenu un « port d’entrée » vers des carrières intéressantes sur le marché interne du groupe (c’est-à-dire au siège de l’enseigne). Cela entraîne deux conséquences. Les managers de rayon peu ou pas diplômés qui ne peuvent pas valoriser leur diplôme sur le marché du travail sont cantonnés dans le marché primaire inférieur et seront probablement perdants en cas de mobilité externe (chômage ou poste moins intéressant). Les jeunes diplômés débutant directement comme managers peuvent se positionner sur le marché primaire supérieur et accélérer leur carrière en jouant sur la mobilité interne ou externe, les directions des enseignes les utilisant comme des salariés footloose (sans attache) qui se déplacent partout en France pour combler des vacances de postes (Racine, 2021b).
Les indépendants constituent quant à eux un « marché secondaire ». Si la voie de la promotion interne y est prégnante, il n’existe pas de marché interne à proprement parler dans ces groupes constitués d’une multitude de PME indépendantes les unes des autres. La plupart ne comptent effectivement que quelques dizaines de salariés. À cause de leur taille réduite due à une spécialisation dans les petits formats — des supermarchés ou des petits hypermarchés —, il existe trop peu de possibilités d’évolution dans chacun de ces magasins. Les indépendants restent en outre très ouverts au marché externe en raison, pêle-mêle, des licenciements fréquents à la discrétion de l’adhérent/PDG, de la concurrence d’autres managers provenant du marché du travail, des rémunérations très basses et de l’absence de syndicats.
4.2 Des allers-retours moins fréquents ?
Avant la lente transformation du poste chez les groupes intégrés au cours de la décennie 2000 — et en particulier la rupture du tournant des années 2010 —, le marché du travail sectoriel des GSA rendait possibles les allers-retours entre groupes intégrés et groupements d’indépendants. Les tâches effectuées étaient comparables (focalisation sur la connaissance des produits et des habitudes locales des clients) et les managers étaient encore majoritairement des « petits chefs » montés par la promotion interne et encadrant tout au plus quelques employés. Cependant, l’accroissement de l’écart des compétences requises pour être manager chez les intégrés (perte de compétences sur les produits et délégation de compétences managériales et en ressources humaines) et le changement conséquent de profils recrutés (jeunes diplômés de l’université mobiles partout en France) ont creusé un fossé entre les groupes.
Dans un point précédent, nous avons présenté sommairement trois types de profils de managers passant d’un intégré à un indépendant : les « repêchés débutants » qui sont de jeunes diplômés qui viennent d’être formés chez un intégré mais qui n’ont pas été recrutés à l’issue de leur période d’alternance ou de stage ; les « repêchés expérimentés » qui sont des managers qui ont quitté leur enseigne contre leur gré et sont également au chômage ; et les « sauveurs » qui sont des managers expérimentés arrivés après un débauchage auprès d’un magasin concurrent. Néanmoins, ces managers des intégrés qui viennent chez les indépendants le font généralement sous la contrainte. Les indépendants offrent en effet des conditions de travail et d’emploi moins attrayantes : des salaires plus bas, de moindres possibilités d’évolution et un métier plus complet qu’il faut en partie réapprendre :
Pour moi, ça serait en quelque sorte un recul dans ma carrière car j’aurais un salaire moins élevé pour un temps de travail supérieur. Et puis ils n’ont pas de primes.
Stéphane, manager de rayon, hypermarché Auchan, 35 ans
Quitte à partir, je préfère aller dans un secteur rémunérateur comme la banque ou l’assurance, c’est des managers comme nous sauf qu’ils vendent des contrats, mais normalement quand tu sais vendre un produit tu sais tout vendre, et le management, c’est pareil partout.
Cédric, managers de rayon, hypermarché Carrefour, 25 ans
Le flux inverse des indépendants vers les intégrés s’est tari. Les groupes intégrés n’ont aucun besoin de managers venant des indépendants car ils forment chaque année de nombreux étudiants en alternance disposant déjà des nouvelles compétences requises. Les étudiants non embauchés à l’issue de leur année d’apprentissage postulent d’ailleurs chez les indépendants : les intégrés, avec leur puissance financière et leurs liens avec les universités, servent ainsi de « centre de formation » pour tout le secteur. Quant à eux, les managers des indépendants savent pertinemment qu’ils ont peu de chances d’être embauchés chez un intégré à cause de leur manque de compétences managériales et en ressources humaines. Beaucoup évoquent également la marge de manoeuvre réduite qui « appauvrit » le métier :
J’aurais moins de marge de manoeuvre là-bas avec leur informatisation à tous les étages et, en plus, je n’ai pas envie d’avoir une équipe de 10 employés. Ce n’est pas le même boulot quand tu y penses…
Marie, manager de rayon, hypermarché Leclerc, 35 ans
La question, c’est de savoir s’ils voudraient de moi, je n’ai jamais encadré d’équipe et, niveau diplôme, je n’en ai pas. Mais après je connais tous mes produits. Ce n’est plus le même métier.
Gérard, manager de rayon, supermarché Intermarché, 48 ans
Plus de vingt ans après la parution d’un célèbre article portant sur le remplacement d’anciens contremaîtres âgés et peu diplômés de l’industrie par de jeunes diplômés de niveau bac +2 (Trouvé, 1996), on retrouve, en comparant les managers des intégrés à ceux des indépendants, la même dichotomie entre « petits chefs » issus de la base et pouvant difficilement quitter « l’entreprise qui les a faits », d’une part, et jeunes diplômés valant avant tout par leur diplôme et pouvant le monnayer sur le marché du travail (voir Germe, 2001 : 140), d’autre part. Cette dichotomie confirme par ailleurs les critères de sélection des encadrants de proximité appartenant aux professions intermédiaires (Cadet et Mahlaoui, 2021), à savoir le niveau de diplôme (chez les intégrés) et les signaux comportementaux d’employés agissant déjà comme des encadrants (chez les indépendants).
conclusion
Un premier apport de l’article concerne l’évolution différenciée des conditions de travail et d’emploi des managers des groupes intégrés et des groupements d’indépendants. Avec leurs compétences managériales et en ressources humaines et l’exigence de diplôme universitaire et de mobilité partout en France, les managers des intégrés sont devenus des managers footloose devant se déplacer partout en France pour combler des vacances de postes. Les transformations de l’organisation du travail et de la politique de recrutement de ces groupes ont des conséquences plus profondes encore : elles les ont transformés en ces « managers de proximité » interchangeables que l’on trouve dans les autres secteurs économiques. Contraints par une conjoncture économique qui leur est défavorable, les intégrés ont en effet mis en oeuvre au cours de la décennie 2010 les mêmes transformations de leur encadrement de proximité débutées ailleurs dès le début de la décennie 2000. Les travaux datant de cette période établissent des constats qu’on pourrait reprendre à notre compte, comme lorsqu’ils avancent que les « petits chefs » peu diplômés sont tiraillés entre leurs anciennes fonctions techniques et les changements organisationnels exigeant de mobiliser des compétences managériales (Buscatto, 2002 ; Gillet, 2004). On retrouve des conclusions similaires dans des secteurs qui se sont réorganisés plus récemment, comme par exemple la Société nationale des chemins de fer (Alber, 2015) où les cadres expérimentés montés par la promotion interne possèdent une « culture technique » qui s’oppose aux jeunes cadres davantage centrés sur le commerce et le management. Les managers des groupements d’indépendants, quant à eux, n’ont pas connu de tels changements : leur carrière passe encore par la promotion interne nécessaire à la connaissance fine des produits et des habitudes de consommation locale des clients, et ils n’ont pas non plus la responsabilité d’une équipe nombreuse. Aujourd’hui les acteurs les plus importants des GSA en termes de parts de marché, les indépendants n’ont pas eu besoin de faire évoluer ce poste.
Deuxième apport de l’article, cette évolution différenciée rend de moins en moins probables les allers-retours des managers entre intégrés et indépendants. On l’a vu, les managers des groupes intégrés sont devenus des managers de proximité interchangeables : dépourvus des compétences propres aux GSA détenues par les anciens « chefs de rayon » et aujourd’hui encore par les managers des indépendants, ils sont formés au management à l’université et passent d’un poste à un autre avec la volonté de devenir des cadres de niveau supérieur. Ils sont également de moins en moins nombreux en raison de l’informatisation des magasins, en attendant leur possible robotisation comme c’est déjà le cas dans les magasins sans salariés d’Amazon où les caisses sont automatisées et des robots remplissent les rayons[12]. Dernier phénomène en date : à cause des multiples confinements dus à l’épidémie de COVID-19, les achats en magasin poursuivent leur déclin en 2020 et 2021 tandis que les commandes en drive s’accélèrent. Le manager du drive, qui capte les parts de marché des autres managers de son magasin, est ainsi devenu le plus important en termes de chiffre d’affaires et de nombre d’employés[13].
Tout comme les architectes d’intérieur ayant connu des configurations professionnelles stables puis des accélérations brutales dans la carrière de leur groupe (voir Ollivier, 2012 : 229-230), le tournant des années 2010 en constitue également un pour nos managers. Mais si « l’unité des groupes professionnels peut aussi advenir par leur diversité » chez les conservateurs de musée (Hénaut et Poulard, p. 279), nos managers ne sont pas pourvus d’une unité entendue comme capacité collective à agir et ne peuvent s’opposer à la disparition progressive de l’un de leurs segments. Éloignés des connaissances propres aux métiers originels des rayons, moins nombreux parce que remplacés par des logiciels ou des robots, concurrencés par les managers des drives, les managers de rayon des intégrés sont menacés de disparition. Il ne s’agit pas de la « mort » d’un groupe professionnel dans son ensemble (Gadéa et Grelon, 2009) mais plutôt de la disparition de l’un de ses segments, celui des intégrés, qui s’est fondu dans la catégorie générique des « managers de proximité ».
À la suite de cette étude, nous pouvons affirmer que les managers de rayon correspondent tout à fait à la définition des groupes professionnels comme ensembles hétérogènes et flous en constante évolution (voir Demazière et Gadéa, 2009 : 20) et agrégeant des segments en reconstruction permanente (Bücher et Strauss, [1992] 1961). Ce qui signifie que l’histoire ne s’arrête évidemment pas là… Si un segment disparaît, gageons que le processus toujours en cours de recomposition de la segmentation mettra en exergue des distinctions jugées jusqu’ici moins déterminantes que la structure juridique de l’enseigne, comme par exemple la localisation géographique (zones urbaines vs des zones rurales) et le format (supermarchés vs hypermarchés) des magasins ou encore le secteur de spécialité des rayons (alimentaires vs non alimentaires).
Parties annexes
Notes
-
[1]
Quand la source n’est pas signalée, nous utilisons dans ce paragraphe les données issues du dernier rapport de branche publié : Repères et Tendances, Observatoire prospectif du commerce, édition 2018. Il concerne les entreprises d’au moins onze salariés appliquant la convention collective n° 3305 « Commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ».
-
[2]
Parmi les 9 groupes qui dominent le secteur, nous écartons les deux enseignes de hard-discount (Lidl, Aldi) car elles comprennent principalement des supérettes de moins de 10 salariés. Ce format (le plus petit existant) ne fait pas partie des GSA qui sont composées de formats plus grands (supermarchés et hypermarchés).
-
[3]
Insee, 2020, Parts de marché du commerce de détail selon la forme de vente, Tableaux de l’économie française, coll. « Insee Références », p. 177.
-
[4]
Afin d’alléger la bibliographie, nous citons ici uniquement des travaux publiés après 2000.
-
[5]
Escande, P. et C. Prudhomme (2019), « L’hypermarché est un format déclinant », Le Monde, 21 février ; Prudhomme, C. (2019), « Symbole de la crise de la distribution, Auchan plonge dans le rouge », Le Monde, 8 mars.
-
[6]
Si Carrefour est n° 2 mondial derrière Walmart au début des années 2000, il est relégué au 9e rang des distributeurs mondiaux dès 2016. Voir Leclerc, M. (2018), « Découvrez en intégralité le Top 250 du commerce mondial », LSA, 16 janvier.
-
[7]
Eu égard aux contraintes propres à la rédaction d’un court article, il ne pourra être mis en oeuvre qu’un aperçu de cette méthodologie développée plus largement dans une thèse.
-
[8]
Bertrand, P. (2014), « Auchan veut moins de cadres et plus d’employés dans ses hypers », Les Echos, 3 février.
-
[9]
AFP/Le Point (2018), « Chez Cora, la restructuration discrète du service après-vente laisse les salariés amers », 28 janvier.
-
[10]
Prudhomme, C. (2019), « Chez Carrefour, des syndicats vent debout contre le projet de la direction », Le Monde, 17 avril.
-
[11]
Cf. Fiche pratique « Clause de mobilité », Service-Public.fr, www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31576, consulté le 12 mars 2021.
-
[12]
Le 22 janvier 2018, Amazon ouvre à Seattle un supermarché « Amazon Go » entièrement numérisé et sans personnel. Le même jour, Carrefour annonce la suppression de 2 400 emplois et un investissement de 2,8 milliards d’euros dans le numérique. Cf. PRUNIER-POULMAIRE, S. (2018), « Humaniser le travail pour enrayer le chômage », Le Monde « Eco & entreprise », 7 février.
-
[13]
Le drive combine l’hypermarché et le e-commerce : on achète des produits en ligne et on les récupère dans un magasin (drive picking), un entrepôt accolé au magasin (drive accolé) ou isolé (drive déporté).
Bibliographie
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