Corps de l’article

Introduction

Les banques de données médico-administratives fournissent des informations utiles et fiables pour soutenir la planification et l’organisation des services de santé. Elles contiennent des renseignements sociodémographiques et des données sur les morbidités, l’utilisation des services, la consommation de médicaments et les décès. Les données administratives peuvent constituer une source inestimable pour la recherche et générer des connaissances complémentaires à celles des enquêtes épidémiologiques et des essais randomisés contrôlés1. Elles permettent de faire un suivi longitudinal des individus, à moindre coût dans un minimum de temps. Le système canadien de surveillance des maladies chroniques (SCSMC), qui forme un réseau de collaboration de systèmes provinciaux et territoriaux de surveillance, renferme des informations médico-administratives obtenues à partir des réclamations de facturation des médecins et des congés des patients des hôpitaux, jumelés aux registres de l’assurance–maladie2. Il couvre 97 % de la population admissible au régime d’assurance maladie provincial et territorial (Ibid). Une identification de cas effectuée dans ces banques de données jumelées permet de développer et de produire des indicateurs de surveillance pour plusieurs groupes de maladies chroniques, dont le trouble du spectre de l’autisme (TSA).

Le TSA est une condition neurodéveloppementale qui se traduit par un déficit dans les interactions sociales, un développement inhabituel de la communication sociale, ainsi que par un caractère restreint et répétitif des comportements, intérêts et activités3. Dans le DSM-5, le TSA englobe les trois diagnostics précédents du DSM-4 qui sont : le trouble autistique, le syndrome d’Asperger et le trouble envahissant du développement non spécifié. Le TSA s’observe dès les premières années de vie de l’enfant et les symptômes sont souvent constatés par les parents avant l’âge de trois ans. Les garçons semblent être davantage affectés que les filles (ratio de 4 à 5 garçons pour 1 fille selon les études)4. Les causes du TSA sont encore mal connues malgré la découverte de cette condition depuis plusieurs décennies. Le TSA s’accompagne souvent de nombreuses conditions médicales et psychiatriques5-10. Des enquêtes sur la prévalence de ce trouble montrent des augmentations constantes de celle-ci. Aux États-Unis, le programme de suivi épidémiologique (Autism and Developmental Disabilities Monitoring, ADDM) des centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) estime la prévalence du TSA en 2014 à 16,8/1 000 chez les enfants âgés de huit ans11. Au Canada, la prévalence est établie à 15,2/1 000 chez les enfants âgés de 5 à 17 ans pour l’année 201512. Au Québec, les estimations obtenues à partir de données médico-administratives jumelées du Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec (SISMACQ) indiquent une prévalence à vie du TSA à 12/1 000 chez les enfants de 1 à 17 ans en 201 513, 14. Le taux d’incidence suit la même tendance d’accroissement dans le temps que la prévalence. Une recherche réalisée à partir des données cliniques et des données du Janeway Children’s Health and Rehabilitation Centre (St. John’s) à Terre-Neuve-et-Labrador a indiqué que l’incidence du TSA est passée de 1,0/1 000 enfants en 2006 à 1,67/1 000 enfants en 201015.

L’objectif de cet article est d’estimer la prévalence et le taux d’incidence du TSA diagnostiqué chez les enfants et les adolescents à partir des bases de données médico-administratives jumelées de quatre provinces canadiennes. Un objectif secondaire est de comparer les résultats obtenus afin d’établir si les bases de données médico-administratives peuvent servir de système d’information pour la surveillance du TSA au Canada. Les mesures obtenues serviront, non seulement à identifier les personnes diagnostiquées avec TSA dans les différentes provinces, mais aussi à adapter l’offre de service en fonction de l’évolution temporelle de ce trouble. Cette recherche permettra également de se questionner sur les limites de l’exploitation de données administratives, tout en présentant des solutions qui aideront à surmonter les défis actuels.

La présente étude fait partie d’une recherche plus large effectuée dans le cadre d’une subvention de recherche obtenue avec des chercheurs canadiens, Canada Crazy for our children and youth mental health, dans le but de conduire des analyses pour établir la faisabilité, dans les différentes juridictions canadiennes, de mesurer des indicateurs des maladies mentales chez les enfants et adolescents. Les provinces participantes (Ontario, Québec, Manitoba et Nouvelle-Écosse) collaborent toutes au SCSMC.

Méthodologie

Population à l’étude et sources de données

La population à l’étude est composée de tous les résidents âgés de 24 ans et moins admissibles au régime d’assurance maladie en vertu de la loi provinciale entre 1999 à 2012. Les estimations sont produites à partir des fichiers médico-administratifs des quatre juridictions. Les fichiers de la facturation des médecins renseignent sur la date du service, le diagnostic et la spécialité du médecin consulté16. Tandis que les données sur les hospitalisations obtenues à partir des fichiers administratifs des congés des patients des hôpitaux (soit, le fichier des hospitalisations MED-ÉCHO (Maintenance et exploitation des données pour l’étude de la clientèle hospitalière) du Québec, les bases de données de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) dans les trois autres provinces, ainsi que le Système d’information ontarien sur la santé mentale (SIOSM)) renseignent sur les diagnostics associés à une admission hospitalière. Les codes de la CIM-9 sont utilisés pour la codification des diagnostics dans le fichier de la facturation pour toute la période d’observation ainsi que dans les fichiers MED-ÉCHO (jusqu’en 2006) et ICIS (jusqu’en 2002), et ceux de la 10e révision (CIM-10-CA) sont utilisés par la suite.

Définition de cas

Pour être considéré comme ayant le TSA, l’individu doit avoir eu au moins une visite médicale ou une hospitalisation avec un diagnostic principal de TSA (codes 299,0 à 299,9 de la CIM-9 ou leurs équivalents CIM-10-CA, F84.0 à F84.9). Les diagnostics retrouvés dans les fichiers peuvent être posés par des omnipraticiens, des pédiatres, des psychiatres ou d’autres médecins spécialistes. Les estimations ont été obtenues à partir d’un suivi longitudinal. La période de couverture des données débute au 1er avril 1995 pour les provinces de l’Ontario, du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse et au 1er janvier 1996 pour le Québec. Les données du Manitoba sont absentes pour l’année 2005-2006.

En ce qui concerne la qualité des données utilisées, au Québec par exemple, il a été observé que les psychiatres et les pédiatres ont saisi le code de la CIM-9 dans les dossiers de facturation dans 95 % des cas et le code de diagnostic de la médecine interne a été indiqué dans 94 % des demandes. Le taux de couverture concernant les services rémunérés à l’acte se situe entre 96 % et 98 % selon l’année17.

Analyses

La prévalence a été calculée annuellement pour les années financières de 1999 à 2012, en Ontario, au Québec et au Manitoba et de 1999 à 2011 pour la Nouvelle-Écosse. Les taux d’incidence sont présentés pour l’Ontario et le Québec seulement. En raison du faible nombre de cas incidents observés au Manitoba et en Nouvelle-Écosse, les résultats n’ont pu être diffusés par respect des règles de confidentialité des données en vigueur. La prévalence annuelle correspond à la proportion de personnes qui ont reçu un diagnostic principal de TSA au fichier des services médicaux ou au fichier des hospitalisations dans une année donnée. La mesure de l’incidence annuelle des TSA fait référence à la proportion de nouveaux cas de TSA ayant reçu le diagnostic durant l’année et qui ne l’ont jamais reçu auparavant au cours de la période à l’étude (1999-2012). Par exemple, le même cas diagnostiqué au cours des exercices 2005-2006 et 2010-2011 serait identifié comme un cas incident et prévalent en 2005-2006 et comme un cas prévalent en 2010-2011.

Les comparaisons dans le temps sont effectuées au moyen de mesures ajustées pour l’âge. L’âge a été attribué à la fin de chaque année financière, soit le 31 mars. Les tranches d’âge considérées sont : 1-4 ans ; 5-9 ans ; 10-14 ans ; 15-17 ans ; et 18-24 ans. Les analyses pour le groupe d’âge 18-24 ans sont ajoutées dans le but de montrer l’évolution des troubles après 17 ans.

Éthique

Le projet a été approuvé par l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Dans toutes les provinces, une autorisation de l’organisme provincial de protection des données a été obtenue, ainsi qu’une autorisation d’utilisation appropriée des définitions de cas à des fins de surveillance et de recherche. Les informations fournies par les provinces sont des données agrégées avec des règles de divulgation similaires à celles utilisées par le SNSMC de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC).

Résultats

Prévalence annuelle

La prévalence annuelle du TSA diagnostiqué chez les personnes âgées de 1 à 17 ans a connu une forte progression dans les quatre provinces (figure 1). Cependant, la prévalence varie d’une province à l’autre, allant de 2,7/1 000 au Manitoba à 5,4/1 000 en Ontario, en 2011-2012. Les garçons sont plus touchés que les filles (soit, un ratio de 4 garçons pour 1 fille dans chaque province) (figure 2).

La figure 3 indique une différence entre les provinces dans l’évolution de la prévalence selon le groupe d’âge. Au Québec, en 2011-2012, la prévalence du TSA diagnostiqué est plus élevée chez les enfants de 5 à 9 ans (4,3/1 000 ; IC à 95 % : 4,1 à 4,5) suivis de ceux de 10 à 14 ans (3,3/1 000 ; IC à 95 % : 3,1 à 3,5) (figure 3A). En Ontario, les enfants de 5 à 9 ans (7,2/1 000 ; IC à 95 % : 7,0 à 7,4) sont suivis par ceux de 1 à 4 ans (5,4/1 000 ; IC à 95 % : 5,2 à 5,6) (figure 3B). Alors qu’au Manitoba, l’évolution de la prévalence pour les enfants de 1 à 4 ans (3,1/1 000 ; IC à 95 % : 2,7 à 3,6) et de 5 à 9 ans (3,0/1 000 ; IC à 95 % : 2,7 à 3,4) est semblable (figure 3C). De même qu’en Nouvelle-Écosse, la prévalence annuelle en 2010-2011 chez les enfants de 5 à 9 ans (5,9/1 000 ; IC à 95 % : 5,2 à 6,6) est comparable à celle des enfants de 1 à 4 ans (5,2/1 000 ; IC à 95 % : 4,5 à 6,0) (figure 3D). La proportion de personnes avec TSA est plus faible après 17 ans dans toutes les provinces.

Figure 1

Prévalence annuelle du TSA diagnostiqué chez les 1-17 ans selon la province, par année, 1999-2000 à 2011-2012

Prévalence annuelle du TSA diagnostiqué chez les 1-17 ans selon la province, par année, 1999-2000 à 2011-2012

-> Voir la liste des figures

Figure 2

Prévalence annuelle du TSA diagnostiqué chez les 1-17 ans selon la province, par année, et par sexe, 1999-2000 à 2011-2012

Prévalence annuelle du TSA diagnostiqué chez les 1-17 ans selon la province, par année, et par sexe, 1999-2000 à 2011-2012

-> Voir la liste des figures

Figure 3

Prévalence annuelle du TSA diagnostiqué chez les 1-24 ans, selon la province, par année et par groupe d’âge, 1999-2000 à 2011-2012

A

QUÉBEC

QUÉBEC

B

ONTARIO

ONTARIO

C

MANITOBA

MANITOBA

D

NOUVELLE-ÉCOSSE

NOUVELLE-ÉCOSSE

-> Voir la liste des figures

Figure 4

Taux d’incidence du TSA diagnostiqué, selon la province, l’année et groupe d’âge, 1999-2000 à 2011-2012

A

INCIDENCE DU TSA CHEZ LES 1-17 ANS

INCIDENCE DU TSA CHEZ LES 1-17 ANS

Incidence par année et province

B

INCIDENCE DU TSA CHEZ LES 1-17 ANS

INCIDENCE DU TSA CHEZ LES 1-17 ANS

Incidence par année, province et sexe

C

INCIDENCE DU TSA CHEZ LES 1-24 ANS

INCIDENCE DU TSA CHEZ LES 1-24 ANS

Incidence en Ontario selon l’âge

D

INCIDENCE DU TSA CHEZ LES 1-24 ANS

INCIDENCE DU TSA CHEZ LES 1-24 ANS

Incidence au Québec selon l’âge

-> Voir la liste des figures

Taux d’incidence

Les provinces de l’Ontario et du Québec comptent, respectivement, 5 690 (taux d’incidence = 2,0 pour 1 000) et 1 765 (taux d’incidence = 1,2/1 000) nouveaux cas de TSA diagnostiqués en 2011-2012 (figure 4A). Les garçons sont plus diagnostiqués que les filles (figure 4B). Le taux d’incidence augmente dans tous les groupes d’âge. Les nouveaux cas de TSA sont pour la plupart identifiés avant l’âge de 10 ans que ce soit en Ontario ou au Québec (figures 4 C et 4D).

Le premier diagnostic est le plus souvent posé par les pédiatres suivis des médecins de famille en Ontario, tandis qu’au Québec ce sont les psychiatres qui occupent la deuxième place (figure 5).

Figure 5

Proportion de cas incidents selon la province et la spécialité du médecin posant le premier diagnostic, 2011-2012

Proportion de cas incidents selon la province et la spécialité du médecin posant le premier diagnostic, 2011-2012

-> Voir la liste des figures

Discussion

Les estimations obtenues à partir des bases de données médico-administratives des quatre provinces indiquent une prévalence annuelle du TSA plus élevée en Ontario (4,8/1 000) et Nouvelle-Écosse (4,2/1 000) comparativement au Québec (3,0/1 000) et Manitoba (2,5/1 000), chez les enfants de 1 à 17 en 2011. La prévalence a considérablement augmenté entre 1999 et 2012 dans toutes les provinces. Le Québec et l’Ontario ont indiqué les plus fortes augmentations au fil du temps atteignant, respectivement, cinq fois et plus de quatre fois la prévalence observée en 1999. Cette hausse de la prévalence est cohérente avec les données de l’ADDM des CDC américains pour lesquelles la prévalence à vie est passée de 6,7/1 000 pour l’année 2000 à 16,8/1 00018 pour l’année 201411 chez les enfants âgés de huit ans. Le ratio de cas entre les garçons et les filles, 4 garçons pour 1 fille, observé dans cette étude est tout à fait conforme avec les connaissances sur ce trouble4,11. Le taux d’incidence suit la même tendance d’accroissement dans le temps et s’élevait à 2,0/1 000 en Ontario et 1,2/1 000 au Québec, en 2011-2012. La majorité des cas nouvellement diagnostiqués surviennent chez les enfants âgés de moins de 10 ans. Les diagnostics sont posés majoritairement par des pédiatres (42,0 % au Québec et 69,8 % en Ontario) suivis des psychiatres au Québec (36,8 %) et des médecins de famille en Ontario (17,1 %) ; il apparaît que le plus grand nombre de cas de TSA est diagnostiqué par des médecins spécialistes du développement de l’enfant.

L’accroissement de la prévalence du TSA au fil des ans, ainsi que les variations selon les provinces doivent être interprétés avec prudence pour éviter d’attribuer à des facteurs étiologiques environnementaux physiques ou sociaux, ce qui, à notre avis, reflète d’abord une identification accrue. L’augmentation croissante peut s’expliquer, en partie, par une meilleure distinction du diagnostic, une meilleure sensibilisation de la population et des professionnels à la problématique du TSA, ainsi qu’à de meilleures approches de détection et de services19-24. Certains de ces éléments vont fluctuer selon le milieu géographique, de sorte que le nombre de cas diagnostiqués varie non pas parce qu’il y a moins ou plus d’enfants avec le TSA, mais parce qu’ils ne sont pas identifiés, et probablement parce que des services scolaires adaptés ne sont pas déployés. Selon le déploiement des services scolaires adaptés, les parents pourraient rechercher un diagnostic de leur médecin pédiatre pour y inscrire leur enfant. Ces services connaissent une croissance fulgurante et l’incidence croissante des diagnostics posés en témoigne. Par ailleurs, certaines hypothèses reliées à des facteurs environnementaux comme la vaccination visant à expliquer l’origine du TSA ont été réfutées25, toutefois les facteurs environnementaux physiques et sociaux ne peuvent être complètement écartés dans la survenue du TSA et font l’objet de recherches constantes.

Les diagnostics répertoriés dans les banques de données médico-administratives des provinces, reflètent-elles ceux posés par les médecins ?

Les estimations de la prévalence et de l’incidence du TSA des quatre provinces canadiennes présentées dans cette étude sont basées sur des fichiers de données administratives dans lesquelles sont enregistrées les demandes de remboursement des médecins. Ces provinces ont un système public de santé avec un modèle de « paiement à l’acte », donc presque tous les services médicaux rendus à la population sont rapportés dans ces banques de données.

Les données peuvent donc servir d’outils de surveillance fournissant des informations utiles sur l’état de santé des populations. Toutefois, certains médecins ne sont pas rémunérés à l’acte, ce qui pourrait entraîner une sous-estimation des services reçus et une diminution de la sensibilité de ces fichiers de données. Les banques médico-administratives du Canada excluent les personnes couvertes par des programmes de santé fédéraux, celles qui ont été vues par un médecin salarié ou à forfait (qui ne code pas les diagnostics des patients) ou qui ont sollicité des soins de santé auprès d’un professionnel autre que des médecins, en clinique communautaire ou privée ou encore en milieu scolaire, ainsi que les patients qui ont utilisé des services de santé sans recevoir de code diagnostique et, enfin, les individus qui n’ont pas utilisé de services de santé du tout. Toutefois, une étude de validation effectuée en Alberta a montré que les plans de paiement des médecins (rémunération à l’acte par rapport à d’autres modes de paiement) n’affecteraient pas l’exactitude des diagnostics déclarés dans les bases de données administratives26. Néanmoins, en tant que fichiers de données médico-administratives conçus pour répondre à des besoins d’ordre administratif (soit, certains renseignements utiles pour la recherche peuvent être absents)27, l’interprétation des estimations provinciales doit tenir compte de la proportion de médecins non rémunérés à l’acte dans chaque province, ainsi que de la fiabilité et la validité des diagnostics déclarés lors des consultations avec les médecins.

Il n’y a pas eu d’études de validation pour le TSA en particulier, mais il y a des recherches montrant en général que le diagnostic inscrit au dossier médical correspond très bien à celui relevé pour les banques de données administratives pour d’autres maladies28, 29. De plus, une étude réalisée à l’Institut national de santé du Québec (INSPQ) sur la qualité des données du SISMACQ indique que les psychiatres et les pédiatres inscrivent (car non obligatoire) le code CIM-9 au fichier de facturation dans 95 % des cas, tandis qu’en médecine interne le code diagnostic est présent dans 94 % des réclamations pour l’année financière 2011-201217. Le TSA étant très majoritairement diagnostiqué par ces spécialités, l’analyse de ces codes devrait bien représenter la réalité observée dans la pratique clinique médicale.

Enfin, la définition de cas dans notre étude ne prend en compte que le diagnostic principal ; en procédant ainsi, nous avons probablement manqué certains cas de TSA codés dans le champ réservé au diagnostic secondaire. Ce phénomène pourrait entraîner une sous-estimation de la prévalence et du taux d’incidence du TSA. Toutefois, une étude réalisée sur l’utilisation des données administratives à des fins de surveillance des maladies mentales dans cinq provinces canadiennes a montré que l’ajout de diagnostics secondaires à la définition de cas avait un impact négligeable sur les estimations obtenues (une augmentation de moins de 0,5 % de la prévalence)16.

Autres potentiels des données médico-administratives pour la recherche sur le TSA

Les banques de données médico-administratives peuvent fournir d’autres informations qui pourraient être utiles pour soutenir la planification et l’organisation des services pour le TSA dans les différentes provinces canadiennes. Premièrement, au regard de l’importante comorbidité non seulement mentale, mais aussi physique, les issues parfois mortelles ou la discrimination dans les soins des patients psychiatriques, un examen des trajectoires de soins physiques et mentaux pourrait être mené, et rapporté par province, par groupe d’âge et par genre. Deuxièmement, des déterminants socio-économiques pourraient influencer l’incidence du TSA, et ces derniers pourraient ainsi expliquer une partie des différences observées entre les provinces. Troisièmement, la hiérarchisation et la séquence des interventions de services de soins primaires (les pédiatres et médecins généralistes) et celles des médecins spécialistes (psychiatres), ainsi que le recours à l’hospitalisation ou aux soins hospitaliers de longue durée, pourraient être examinés et rapportés.

Conclusion

La présente recherche confirme l’augmentation au fil des années de la prévalence et du taux d’incidence du TSA diagnostiqué. Cependant, cet accroissement dans le temps, entre 1999 et 2012, est variable d’une province à l’autre. Cette étude démontre également la capacité qu’ont les banques de données médico-administratives provinciales (qui collaborent toutes au SCSMC) dans la surveillance du TSA diagnostiqué. Les estimations obtenues permettent de dresser un portrait du TSA dans les provinces canadiennes.

Bien que cette recherche apporte quelques réponses, elle soulève également de nouvelles questions qui pourraient être répondues grâce à l’utilisation des fichiers médico-administratifs à leur plein potentiel. Nos résultats fournissent de nombreuses pistes pour de futures recherches. Il s’agit notamment d’explorer l’étiologie du TSA, la surmortalité observée avec ce trouble, ainsi que d’étudier l’association entre les variations de la disponibilité des services de santé et la prévalence du TSA en comparant les provinces canadiennes entre elles. Nous estimons qu’une surveillance plus approfondie pourrait aider à déterminer si le TSA est sous ou sur diagnostiqué et apprécier la santé, la qualité de vie des personnes avec ce trouble, ainsi que les conséquences sociales associées au TSA.