Résumés
Résumé
Certaines personnes atteintes de troubles mentaux présentent des problèmes d’itinérance, de toxicomanie ou de prostitution, surtout en milieu urbain. Le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont établi un protocole d’entente afin de mieux intervenir auprès de cette clientèle et d’éviter des conséquences malheureuses liées à la violence. Les défis sont toutefois nombreux. Santé mentale au Québec a rencontré M- Sandra D’Auteuil, adjointe au directeur des services professionnels et directeur adjoint aux affaires médicales et académiques du CHUM et Geneviève Gonthier, agente sociocommunautaire du SPVM.
Abstract
Some people with mental illnesses are also homeless, addicted to drugs or involved in prostitution, especially in urban areas. That is why the Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) and the Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) have established a memorandum of understanding in order to better intervene with this clientele, and to avoid the unfortunate consequences of violence. However, there are many challenges. Santé mentale au Québec met with Sandra D’Auteuil, assistant director of Professional Services and assistant director of Medical Affairs and Academic and Geneviève Gonthier, SPVM community relations officer.
Corps de l’article
Dans cet entretien, Sandra D’Auteuil et Geneviève Gonthier discutent de l’importance d’une étroite collaboration entre les intervenants en santé mentale, les forces policières et les agents du système judiciaire dans leur intervention auprès des personnes avec des troubles mentaux. Les deux intervenantes présentent le cas de personnes qui illustrent la nécessité de bien coordonner les interventions auprès de cette clientèle.
Santé mentale au Québec (S.M.Q.) : Madame D’Auteuil, est-il exagéré d’affirmer que les personnes atteintes de maladie mentale sont violentes ?
Sandra D’Auteuil (S.D.) : La très grande majorité (90 %) des personnes atteintes de maladie mentale ne sont pas violentes. Au Canada, les individus souffrant de maladie mentale seraient responsables de moins de 3 % de la violence dans notre société. En fait, les personnes vivant avec un problème de santé mentale sont 15 fois plus susceptibles d’être victimes qu’auteures de violence. Toutefois, Friedman (2006) rapporte que les personnes atteintes de troubles mentaux graves (schizophrénie, dépression majeure, maladie affective bipolaire) sont deux ou trois fois plus susceptibles d’être violentes physiquement que les autres personnes.
S.M.Q. : Quels facteurs peuvent amener les personnes souffrant de maladie mentale à être violentes ?
S.D. : Avant 1960, les personnes qui présentaient des troubles mentaux se trouvaient désavantagées quant aux options qui s’offraient à elles. Essentiellement, ces personnes n’avaient que deux possibilités : la prison ou l’asile. La désinstitutionnalisation des années 1990 a permis à ces personnes de retrouver leur place au sein de la communauté. Cependant, plusieurs études empiriques (Brink et al, 2001 ; Kelly, 2004) font état des conséquences néfastes de cette vague de désinstitutionnalisation sur les patients et le réseau de la santé (augmentation de l’itinérance, problèmes d’abus, dépendance à l’alcool et aux drogues).
Pour répondre plus précisément à votre question, le lien entre les problèmes de santé mentale et certains comportements violents est influencé par plusieurs facteurs, dont la toxicomanie, les conditions de vie précaires et parfois certains symptômes de la maladie mentale elle-même. Dans une étude effectuée auprès de 802 adultes affectés d’un trouble psychotique ou d’une maladie affective majeure, Friedman (2006) a trouvé une corrélation entre la violence et plusieurs facteurs de risque, y compris l’abus de substances, le fait d’avoir été victime de violence, l’itinérance et la mauvaise santé physique.
Malgré les efforts du réseau de la santé et les nombreux programmes de réadaptation mis en place, certains individus avec des troubles mentaux ne parviennent pas à s’adapter à la vie en société et présentent des comportements qui interfèrent avec le traitement : non-adhésion au traitement pharmacologique et au suivi thérapeutique, autorégulation des symptômes avec des substances illicites, marginalité et parfois délits et criminalité. Récemment, le Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada (2005) a affirmé que la proportion des offenses commises par des personnes atteintes de troubles mentaux a plus que doublé au cours de la dernière décennie.
Depuis quelques années, un amendement au Code criminel canadien permet à la Cour de désigner un centre hospitalier pour une détention, une évaluation et un traitement pour une personne accusée qui a reçu une ordonnance d’évaluation ou de placement. En réalité, une personne déclarée non responsable en raison de troubles mentaux n’est pas libérée et retournée chez elle ; elle est presque systématiquement détenue dans une institution de santé mentale. Anne Crocker (2001) mentionne qu’au Québec, les personnes jugées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux sont détenues plus longtemps en milieu hospitalier que si elles avaient été trouvées coupables et condamnées à la prison pour le même délit.
S.M.Q. : Selon vous, Mesdames, la situation géographique du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) a-t-elle une influence sur les comportements des patients aux prises avec une maladie mentale ?
Geneviève Gonthier (G.G.) : Le CHUM est situé au centre-ville de Montréal. Il est au coeur de la vie urbaine, près de l’action des bars, de la prostitution et des revendeurs de drogue. Les transports en commun sont omniprésents ; les déplacements faciles. Pour les personnes consommatrices de drogues, le secteur est attrayant en raison de l’accessibilité permanente à des substances de toutes sortes.
S.D. : Les patients hospitalisés au CHUM savent qu’ils peuvent se procurer des produits illicites sur le terrain même du centre hospitalier. Il n’est pas rare de voir un patient du service interne de psychiatrie revenir d’une permission de sortie dans un état de désorganisation secondaire à une consommation d’alcool ou de drogues. La situation géographique et le contexte populationnel exigent aussi une plus grande vigilance de la part de l’équipe traitante, et un encadrement plus serré des permissions de sortie lorsque l’entente entre le patient et l’équipe soignante n’est pas respectée.
S.D. : Ce genre de situation inconfortable peut certainement se voir ailleurs, mais l’emplacement du CHUM entraîne une certaine répétition des problématiques liées à la présence de la prostitution, des bars et des revendeurs de drogue dans le secteur. Malgré la vigilance des professionnels et la collaboration du Service de sécurité, certaines situations nous « échappent » et entraînent des communications fréquentes avec le Service de police.
S.M.Q. : Quelle est la réalité hospitalière du Programme Psychiatrie/ Santé mentale et de la médecine des toxicomanies du CHUM ?
S.D. : La mission principale du Programme Psychiatrie/Santé mentale est d’évaluer le traitement des patients présentant un problème de santé mentale grave et d’intervenir, si nécessaire. Les services cliniques comprennent trois volets.
Psychiatrie générale : spécialiste dans le traitement des patients qui souffrent de troubles affectifs ou psychotiques.
Psychiatrie médicale (consultation-liaison) : spécialiste dans le traitement des patients qui souffrent de troubles mentaux associés à des pathologies médicales.
Comorbidité psychiatrie et toxicomanie : collaboration entre les équipes du département de psychiatrie et du service de médecine des toxicomanies pour le traitement de patients qui présentent un diagnostic mixte. Des psychiatres et des professionnels spécialisés en troubles concomitants poursuivent des activités cliniques, d’enseignement et de recherche au sein même du programme de médecine des toxicomanies.
Pour être hospitalisés sur les unités de soins en psychiatrie, les patients doivent nécessairement avoir un diagnostic à l’axe 1 ou à l’axe 2 ainsi qu’une symptomatologie aiguë. La réalité démontre que bon nombre de ces patients souffrent de diverses problématiques concomitantes : maladie physique, abus de substances, stresseurs psychosociaux, isolement, et problèmes judiciaires. Cette réalité peut diminuer l’adhésion au traitement ; être associée à des comportements nuisibles ou dangereux et, de façon générale, compliquer le suivi et le traitement. Les patients peuvent être admis avec ou sans leur consentement, s’ils représentent un risque imminent pour eux ou pour les autres. Actuellement, 12 civières d’urgence psychiatrique, 6 lits de soins intensifs psychiatriques et 56 lits d’hospitalisation sont disponibles pour une population d’environ 150 000 personnes. Le portrait des deux dernières années permet de dégager certains constats.
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Près de la moitié (45 %) des lits sont occupés en permanence par des patients qui ont l’obligation légale d’être à l’hôpital, soit pour répondre à une ordonnance :
d’évaluation psychiatrique ;
de garde en établissement ;
de traitement ou d’hébergement ;
de détention émise par le Tribunal administratif du Québec.
Certains patients sont soumis à plusieurs contraintes légales à la fois ;
La fréquence des audiences du Tribunal administratif du Québec ne permet pas de faire évoluer les dossiers selon l’état clinique des patients ;
Les six lits de soins intensifs psychiatriques ne permettent pas d’accueillir tous les patients du programme qui sont considérés comme à risque ou gardés contre leur gré ;
Le manque de ressources d’hébergement ne permet pas de donner un congé définitif aux patients dont l’état mental est stabilisé ;
Le manque de ressources spécialisées en psychiatrie-justice rend presque impossible la tâche de placer un patient qui a commis des délits ou des gestes criminels, dans une ressource d’hébergement ;
Le manque de motivation des patients à cesser leur consommation de drogues ferme plusieurs portes dans les ressources spécialisées en toxicomanie ou en hébergement, puisque la plupart d’entre elles exigent souvent un engagement clair et volontaire de la personne ;
Les patients qui sont gardés contre leur gré ou soumis à des contraintes légales pendant plus de 21 jours sont plus enclins à s’enfuir ;
Il est difficile de diriger les patients reconnus non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux, mais potentiellement dangereux vers un centre spécialisé en psychiatrie médicolégale en raison du nombre limité de lits disponibles ;
Les psychiatres du programme ont de plus en plus recours à l’ordonnance de traitement ou d’hébergement pour les patients qui n’adhèrent pas au traitement, et qui multiplient les visites à l’urgence ou les admissions dans les unités de soins.
Le département de psychiatrie/santé mentale n’est pas un centre de détention ; c’est un milieu de soins. Il n’a pas les ressources humaines et financières nécessaires, de même que l’environnement physique adéquat, pour offrir des services de qualité aux patients qui présentent une dangerosité criminelle. Toutefois, étant dans la nécessité de le faire, il a mis en place une structure qui permet, non sans failles, d’offrir le meilleur environnement thérapeutique possible pour la population psychiatrie-justice. La mission de protéger les patients momentanément dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres (épisode maniaque ou dépressif, psychose, état suicidaire, etc.) est une priorité.
S.M.Q. : Comment parvenez-vous à faire respecter les droits des patients mis sous garde à l’hôpital contre leur gré ?
S.D. : Quand un patient est mis sous garde contre son gré à l’hôpital, l’équipe soignante lui remet, dès son arrivée, un dépliant l’informant de ses droits et de ses recours. Elle lui explique aussi les modalités de contestation de sa garde. En tout temps, le patient a le droit de communiquer avec son avocat et les groupes communautaires de défense des droits des usagers. Le contentieux du CHUM travaille étroitement avec les médecins et les professionnels afin que le respect des droits des deux parties soit assuré, et que les cliniciens soient guidés dans leurs décisions.
La commissaire locale aux plaintes et à la qualité des services du CHUM s’assure de répondre diligemment aux plaintes formulées par les patients. Elle contribue à l’évaluation de la plainte et à son règlement. L’équipe soignante remet les coordonnées de la commissaire et le dépliant explicatif du service à tous les patients qui disent se sentir lésés ou qui sont insatisfaits des soins.
S.M.Q. : Quelles sont les ressources en santé mentale sur votre territoire ?
S.D. : Selon le Plan d’action en santé mentale 2005-2010, les Centres de Santé et de Services sociaux (CSSS) ont l’obligation de desservir la population de leur territoire. Sur l’île de Montréal, 14 centres sont désignés pour accueillir les personnes judiciarisées qui présentent des troubles mentaux.
Institut universitaire de santé mentale Douglas
Hôpital Louis-H. Lafontaine
Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal
Hôpital Fleury
Hôpital Rivière-des-Prairies
Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine
Hôpital général du Lakeshore
Hôpital général juif
Centre hospitalier de St. Mary
Centre universitaire de santé McGill
Centre hospitalier de l’Université de Montréal
Hôpital Jean-Talon
Institut Philippe-Pinel de Montréal
Seulement un de ces 14 centres, l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, admet une clientèle jugée dangereuse et a le mandat supra-régional d’évaluer la responsabilité criminelle des personnes. Le nombre de lits y étant nettement insuffisant (292), les autres centres doivent composer avec une clientèle à risque qui nécessite un encadrement particulier.
Il est important de mentionner que ce n’est pas parce que les patients proviennent du système judiciaire qu’ils reçoivent des soins spécialisés. En fait, à l’exception de l’Institut Philippe-Pinel de Montréal, peu de département de psychiatrie n’ont de professionnels et de médecins spécialisés en psychiatrie médicolégale. Pour la population desservie par le CSSS Jeanne-Mance, seul le CHUM peut accueillir la clientèle présentant des troubles mentaux.
Malgré la pénurie de ressources en psychiatrie-justice, le territoire du CSSS Jeanne-Mance et du CHUM est riche en ressources communautaires. De plus, notre organisation peut compter sur plusieurs partenaires pour nous aider à mieux préparer les patients à prendre leur vie en mains. Nos partenaires sont :
le Service de police de la Ville de Montréal ;
le Réseau correctionnel de Montréal ;
l’Agence de la Santé et des Services sociaux de Montréal ;
l’Institut Philippe-Pinel de Montréal (psychiatrie médicolégale) ;
l’Urgence psychosociale-justice (intervention dans la communauté auprès de la clientèle atteinte de troubles mentaux qui a commis ou qui s’apprête à commettre un geste criminel) ;
le Centre Dollard-Cormier (centre de réadaptation en toxicomanie) ;
la Clinique Cormier-Lafontaine (clinique spécialisée en santé mentale et toxicomanie) ;
la Fondation des maladies mentales ;
la Société québécoise de la schizophrénie ;
la Cour municipale de Montréal ;
le Service de la sécurité publique ;
le Centre d’hébergement l’Entre-Toit (hébergement psychiatrie-justice).
S.M.Q. : Quels sont vos liens avec les autres programmes du CHUM (urgences physiques, unités de soins médecine-chirurgie, etc.) ?
S.D. : Les patients atteints de troubles mentaux ne se retrouvent pas tous en psychiatrie. Souvent, ils consultent à l’urgence pour un autre problème de santé. Parfois, ils peuvent aussi contracter des maladies aiguës ou chroniques qui nécessitent une hospitalisation ou un suivi dans une autre spécialité. Les liens avec les autres programmes du CHUM sont serrés, et nous partageons notre expertise en psychiatrie afin de soutenir nos collègues dans la dispensation des soins aux patients.
Plus précisément, les médecins et professionnels du programme psychiatrie/santé mentale et médecine des toxicomanies du CHUM s’assurent de compléter l’évaluation physique et mentale, l’évaluation des risques (de suicide, d’homicide, de délirium, de fugue, d’interférence au traitement) et l’aptitude des patients à consentir aux soins. Puis, il suggère des pistes d’interventions, tant sur le plan de l’approche et de la sécurité des lieux physiques que du traitement lui-même.
Finalement, il arrive que l’on doive avoir recours à un service privé pour assurer la sécurité des patients. L’équipe collabore étroitement avec les équipes soignantes et les conseillères en soins infirmiers des autres spécialités, afin d’établir et d’adapter le plan de soins et les modalités de surveillance nécessaires au besoin de chaque patient hospitalisé au CHUM.
S.M.Q. : Quel est le rôle du Service de sécurité du CHUM ?
S.D. : Le Service de sécurité du CHUM est responsable d’assurer la sécurité des personnes et de l’environnement dans l’hôpital et sur son terrain. Les agents de sécurité évaluent chaque situation et décident de communiquer ou non avec les services d’urgence (pompiers, policiers ou ambulanciers). Ils sont les premiers à intervenir auprès des patients dans certaines situations, comme :
le non-respect du règlement (ex. : loi antitabac) ;
le vol ou le bris de matériel ;
les évacuations ;
les disparitions ;
les comportements perturbateurs ;
les agressions.
S.M.Q. : Madame Gonthier, quel est le rôle du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ? Pouvez-vous donner quelques statistiques pour dresser un portrait clair de la situation ?
G.G. : Le SPVM dessert tout le territoire de l’île de Montréal, ce qui représente une superficie de 496 km2 et quelque 1 800 000 habitants. Il est le deuxième service de police municipal en importance au Canada. Le SPVM est un répondant de première ligne auprès de la collectivité. Il a pour responsabilité de protéger la vie et les biens des citoyens ; de maintenir la paix et la sécurité publique ; de prévenir et de combattre le crime et de faire respecter les lois et le règlement en vigueur.
Le SPVM est divisé en 33 postes de quartier (PDQ). Les PDQ 21, 22 et 38 sont responsables d’assurer la sécurité sur le territoire du CHUM. Selon les statistiques du SPVM, 126 991 délits et infractions au Code criminel ont été rapportés à Montréal en 2009.
Les PDQ 21, 22 et 38 se démarquent par le nombre d’infractions concernant :
les voies de fait ;
les vols simples ;
la prostitution ;
les infractions contre l’administration de la loi et de la justice ;
les infractions par rapport à la loi sur les aliments et les drogues.
S.M.Q. : Pourquoi avoir établi un protocole d’entente avec le CHUM ?
G.G. : Le Protocole d’entente CHUM-SPVM est le premier du genre entre un service de police et un centre hospitalier. Le CHUM a été priorisé en raison de sa réalité urbaine, de sa population et de ses statistiques sur le nombre de disparitions, de fugues et de départs sans autorisation médicale, d’appels et de demandes d’intervention et de tentatives de suicide.
S.M.Q. : Pourriez-vous nous expliquer l’utilité d’un tel protocole ?
G.G. : Le protocole d’entente vise à établir les modalités de collaboration entre le SPVM et le CHUM, puis à clarifier les rôles et les responsabilités des deux parties signataires par rapport à plusieurs situations comme
l’intervention auprès d’une personne présentant des problèmes de santé mentale ;
les ordonnances de traitement et d’hébergement ;
l’intervention auprès d’une personne détenue ;
la disparition d’un patient ;
l’intervention auprès des patients détenus selon l’ordonnance du Tribunal administratif du Québec ;
la dénonciation de gestes criminels ;
et le non-respect de la Loi Anastasia (Loi no 9) sur la sécurité des personnes dans certains lieux.
La collaboration prévue dans le protocole doit se faire dans le respect de la clientèle hospitalière (patients et visiteurs) ainsi que du personnel, des politiques et des procédures des organisations concernées [2].
Au départ, les parties étaient sur la défensive, puisque les professionnels des deux organisations étaient de culture organisationnelle opposée (Crocker, 2009).
S.M.Q. : Les interventions policières sont-elles plus nombreuses auprès des personnes avec une maladie mentale ?
G.G. : Selon une étude sur les interventions policières à Montréal (Crocker et al. 2009), il est estimé que 4,1 % des interventions policières seraient réalisées auprès de personnes présentant un problème de santé mentale. Cela dit, la durée de ces interventions est généralement plus longue que les autres types d’intervention.
S.M.Q. : Quand les forces policières interviennent-elles ?
G.G. : Plusieurs situations peuvent amener les policiers à collaborer avec le CHUM. Par exemple, lorsqu’une personne soumise à une ordonnance de traitement ou d’hébergement y contrevient, les services policiers peuvent être appelés à intervenir.
S.D. : Cette modalité concerne une grande partie des patients, qui sont alors tenus de se présenter à leurs rendez-vous en consultation externe régulièrement et assidûment afin de recevoir une médication antipsychotique injectable.
S.D. : Lorsque l’état de santé physique ou mentale d’un détenu est précaire et nécessite des soins médicaux, celui-ci est transporté à un établissement hospitalier. L’aide des policiers est aussi sollicitée dans les cas de disparition.
S.M.Q. : Quel est le rôle du responsable de l’équipe de suivi ?
S.D. : Le responsable de l’équipe de suivi doit s’assurer que l’accusé se conforme à la décision de la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM). Dans le cas du non respect des conditions, il se peut qu’une intervention policière soit nécessaire.
S.M.Q. : Les policiers interviennent-ils de la même manière à l’intérieur qu’à l’extérieur des murs du centre hospitalier ?
G.G. : Un acte jugé répréhensible à l’extérieur de l’hôpital l’est tout autant lorsqu’il se produit à l’intérieur de celui-ci. Ainsi, le policier appelé à intervenir auprès d’un patient hospitalisé agit de la même façon que si la personne s’était trouvée hors de l’établissement.
S.M.Q. : Qu’exige la Loi Anastasia (loi no 9) des professionnels de la santé ?
G.G. : Les professionnels de la santé et des services sociaux dont les médecins, les infirmières ou infirmiers et les travailleurs sociaux qui, dans le cadre de l’exercice de leur profession, ont un motif raisonnable de croire qu’une personne a un comportement susceptible de compromettre sa sécurité ou celle d’autrui avec une arme à feu, sont autorisés à signaler ce comportement aux autorités policières.
S.M.Q. : Comment se vit le protocole au quotidien ?
S.D. : La coordination est essentielle et les acteurs responsables des deux établissements doivent nécessairement maintenir une communication fluide et régulière. Comme la plupart des disparitions ont lieu dans les unités de soins en psychiatrie, l’infirmier-chef du Programme Psychiatrie/Santé mentale, l’adjointe au directeur des services professionnels et l’agent responsable du protocole au SPVM sont les gardiens du protocole.
S.M.Q. : Le protocole a certainement de bons effets, mais y avez-vous trouvé quelques failles ?
S.D. : Les constats, deux ans après l’implantation du protocole, ont permis de déceler de bons coups, mais aussi quelques difficultés.
Les disparitions demeurent nombreuses en santé mentale, mais elles se produisent aussi dans les départements de médecine, dont l’urgence physique et certaines unités de soins (gériatrie, neurologie).
Le protocole est inconnu de certaines unités de soins de médecine-chirurgie ; cette ignorance engendre des malentendus entre les soignants et le SPVM.
Une sortie médiatique à la suite de soi-disant commentaires d’un policier a exagéré la problématique des fugues de l’unité de psychiatrie.
Certains employés du CHUM hésitent à transmettre l’information pertinente sur l’état de santé du patient, information qui faciliterait pourtant le travail des policiers. Toutefois, ils peuvent se référer à la politique de confidentialité du CHUM et au protocole CHUM-SPVM pour répondre à leurs questionnements et favoriser une meilleure collaboration.
S.M.Q. : En conclusion, quelle est la retombée la plus positive du protocole ?
S.D. : La retombée la plus positive du protocole et du partenariat CHUM-SPVM réside dans une plus grande connaissance des cultures des deux organisations, et dans l’amélioration des liens avec les partenaires. Les professionnels soulignent en grande majorité que le protocole a amélioré la qualité des pratiques d’intervention pour les patients qui présentent la double problématique psychiatrie-justice. L’application du protocole a permis l’acquisition de nouvelles connaissances et une pratique d’intervention favorisant la solidification des liens avec les partenaires du SPVM. Les discussions avec le SPVM, lors des rencontres du comité de travail, ont aussi permis de constater les failles de notre milieu et de notre organisation de travail. Plusieurs correctifs ont été apportés depuis deux ans à l’environnement physique (visibilité, caméras, système d’appel à l’aide, mécanismes de fermeture et limitation de l’accès des ascenseurs et des cages d’escaliers) et à l’organisation du travail (évaluation systématique des risques par les infirmières, plan thérapeutique infirmier et plan de soins en lien avec les risques réels/potentiels, tournées plus fréquentes par le personnel, sorties autorisées à des heures régulières, limitation des déplacements pendant les périodes où la surveillance est moindre, accompagnement par les bénévoles pour les permissions de sortie, présence d’un membre du personnel au poste en tout temps et interventions précoces selon l’évaluation des risques).
Concernant l’augmentation des cas de psychiatrie-justice au sein de notre organisation, il nous apparaît évident que certains patients nécessiteraient un lit dans une unité spéciale de psychiatrie médicolégale. Comme décrites dans le rapport Vers un réseau intégré (Tremblay, 2008), les stratégies que nous gardons en tête pour mieux répondre aux difficultés de la criminalisation des personnes avec des problèmes de santé mentale sont :
Accentuer la prévention ;
Augmenter les ressources du logement et contrer l’itinérance ;
Travailler en partenariat avec les différents secteurs (justice, santé, communauté) ;
Adapter le traitement et proposer des modalités de traitement intégrées (par exemple : toxicomanie/santé mentale) ;
Favoriser la réadaptation ;
Sensibiliser le grand public ;
Transférer les connaissances entre la recherche et la clinique.
Parties annexes
Notes
Bibliographie
- Brink, J. H., Doherty, D., Boer, A., 2001, Mental disorder in federal offenders : A Canadian prevalence study, International Journal of Law and Psychiatry, vol. 24, 339-356.
- Bureau de l’Enquêteur correctionnel du Canada, 2005, Rapport annuel 2004-2005, Ottawa.
- CHUM-SPVM, 2006, Protocole d’entente CHUM-SPVM, Montréal.
- Crocker, A., 2011, La Presse, Version WEB, 29 mars 2011.
- Crocker, A., Charette, Y., Billette, I., 2009, The judicious judicial disposition juggle : Characteristics, disposition and duration of interventions for calls made police service regarding persons with mental illness, Canadian Journal of Psychiatry, vol. 56, no 11, 677-685.
- Friedman, R. A., 2006, Violence and mental illness : how strong is the link ?, New England Journal of Medicine, vol. 335, no 20, 2064-2066.
- Institut canadien d’information sur la santé, 2008, Améliorer la santé des Canadiens : Santé mentale, délinquance et activité criminelle, ICIS, Ottawa.
- Kelly, C. A., 2004, Challenges in the management of mentally disturbed offenders on psychotropic medication, Perspectives on Canadian Drug Policy, vol. 2, 79-91.
- Tremblay, J., 2008, Towards an Integrated Network : Working Together to Avoid Criminalization of People with Mental Health Problems, St. Leonard’s Society and Canadian Criminal Justice Association, Ottawa.
- SPVM, 2009, Bilan annuel, Montréal, www.spvm.qc.ca