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Introduction[2]

Durant l’été 1851, à la suite de la publication de The Scarlet Letter (1850) et de The House of the Seven Gables (1851), Hawthorne s’accorde un répit. Il n’est cependant pas inactif sur le plan littéraire puisqu’il se consacre, pour un temps, à la littérature jeunesse. Il a décidé de se faire plaisir et de faire plaisir à ses enfants en reprenant un projet imaginé en 1838 avec son ami Henry Wadsworth Longfellow et qui consiste à rédiger deux volumes de contes mythologiques pour les enfants : A Wonder-Book for Girls and Boys et Tanglewood Tales. Ce projet est, en fait, pour l’auteur, une façon de concrétiser son engagement auprès de la jeunesse, l’éducation de cette dernière étant, avec l’esclavage, l’une des deux préoccupations majeures des Américains de l’époque. Il s’agit également d’un retour aux sources, car l’auteur a déjà publié, plus de dix ans auparavant, un manuel scolaire pour l’enseignement de l’histoire au primaire[3] et quatre volumes destinés à la jeunesse[4]. Il s’écoule néanmoins presque deux ans entre le moment où Hawthorne se met au travail et la publication du deuxième volume de contes, car, après avoir commencé à rédiger le premier, il s’est aussi remis à écrire pour les adultes[5].

L’intérêt de A Wonder-Book for Girls and Boys et de Tanglewood Tales réside dans le fait que ces livres sont bien plus que des recueils de contes mythologiques pour la jeunesse américaine, car Hawthorne a créé des histoires autour des contes. Il a imaginé, pour assurer leur réception favorable, qu’ils seraient racontés par un conteur, Eustace Bright, à un auditoire composé d’une douzaine d’enfants. Ces frères, soeurs, cousins, cousines et amis ont des noms de fleurs américaines, car, comme l’auteur le précise dans son introduction au premier conte, il craint les conséquences que pourrait entraîner l’utilisation de vrais prénoms :

I am afraid to tell you their names, or even to give them any names which other children have ever been called by; because, to my certain knowledge, authors sometimes get themselves into great trouble by accidentally giving the names of real persons to the characters in their books.

Hawthorne, 1852, p. 8-9

Cette prise de position n’est certainement pas étrangère aux événements ayant découlé de la publication de The Scarlet Letter[6].

Traduire les surnoms de ces personnages c’est traduire des anthroponymes que l’auteur a sciemment choisis pour ne pas s’attirer de problèmes, mais c’est bien plus ; c’est également traduire des anthroponymes qui ont été choisis pour leurs valeurs éducative et didactique, et, peut-être, afin d’éviter la problématique liée aux noms propres et communs, problématique sur laquelle un certain nombre d’auteurs et de théoriciens se sont depuis exprimés. Rappelons quelques propos clef, en commençant par ceux de Marcel Proust.

Les mots [ou les noms communs] nous présentent des choses une petite image claire et usuelle comme celle que l’on suspend aux murs des écoles pour donner aux enfants l’exemple de ce qu’est un établi, un oiseau, une fourmilière, choses conçues comme pareilles à toutes celles de même sorte. Mais les noms [ou les noms propres] présentent des personnes – et des villes qu’ils nous habituent à croire individuelles, uniques comme des personnes – une image confuse qui tire d’eux, de leur sonorité éclatante ou sombre, la couleur dont elle est peinte uniformément.

Proust, 1919, p. 351

Cette célèbre citation de À la recherche du temps perdu (du côté de chez Swann) trouve écho chez Gérard Genette pour qui :

[…] l’« image » que le commun présente de la chose est « claire et usuelle », elle est neutre, transparente, inactive, et n’affecte en rien la représentation mentale, le concept d’oiseau, d’établi ou de fourmilière ; au contraire, l’image présentée par le nom propre est confuse […] au sens d’indistincte, […] mais elle est aussi confuse au sens de complexe […].

Genette, 1976, p. 315

Quant à John Searle, sa réponse à la question « Est-ce qu’un nom propre a un sens ? » abonde dans le sens de Proust et de Genette.

Si l’on demande par là si les noms propres servent ou non à décrire ou à spécifier les caractères des objets, la réponse est « non ». Mais si l’on demande si les noms propres sont ou non reliés logiquement aux caractères des objets qu’ils désignent, la réponse est « oui, d’une manière imprécise ».

Searle, 1976, p. 109

Ces citations permettent de conclure que bien que les anthroponymes choisis par Hawthorne soient des noms communs, ils fonctionnent comme des noms propres et leur traduction n’est pas simple, car, selon Derrida, « tout signifié dont le signifiant ne peut pas varier ni se laisser traduire dans un autre signifiant sans perte de signification induit un effet de nom propre » (Derrida, 1982, p. 125). Pendant une table ronde mémorable qui a lieu à Montréal durant les années 1980, il étaye davantage sa pensée en expliquant le double bind auquel la traduction du nom propre est confrontée :

[…] tout nom propre est travaillé par ce désir, traduis-moi, ne me traduis pas. Ne me traduis pas, c’est-à-dire, respecte-moi comme nom propre, respecte ma loi de nom propre qui est au-dessus de toutes langues et traduis-moi, c’est-à-dire comprends-moi, conserve-moi en langue universelle, suis ma loi, etc.

Derrida, 1982, p. 135-136

Puis, un peu plus tard, il précise que « chaque fois qu’il y a nom propre, cela se sacralise » (Derrida, 1982, p. 195). En d’autres mots, le traducteur est face à l’intraduisible. Mais en même temps, il semble possible d’envisager que les surnoms de Hawthorne se laissent devenir des noms communs et qu’ils échappent à la sacralisation et à l’intraductibilité. Quoiqu’il en soit, ces surnoms comportent aussi une charge affective certaine qui semble placer les personnages sur un pied d’égalité puisqu’il est difficile d’imaginer des luttes de pouvoir ou une concurrence entre des fleurs.

Dans le cadre de cet article, il s’agit d’étudier les différentes traductions françaises des anthroponymes choisis par l’auteur américain dans A Wonder-Book for Girls and Boys et Tanglewood Tales et les descriptions des personnages auxquels ils se rapportent. Il sera plus particulièrement question de dénotation, de connotation et d’ancrage socio-culturel en langues source et cible, ces éléments semblant jouer un rôle de premier plan dans la traduction du réseau onomastique créé par Hawthorne.

1. A Wonder-Book for Girls and Boys et Tanglewood Tales, et leurs traductions françaises

1.1 A Wonder-Book for Girls and Boys et Tanglewood Tales

Chaque conte de A Wonder-Book for Girls and Boys est mis en scène, c’est-à-dire chaque conte est précédé, puis suivi d’une mise en contexte où le lecteur en apprend toujours un peu plus sur le conteur et la douzaine d’enfants, sur l’environnement dans lequel ils évoluent et sur l’histoire qui est sur le point d’être racontée ou qui vient de l’être. Par contre, ces introductions et ces conclusions disparaissent de Tanglewood Tales, et elles sont, en quelque sorte, remplacées par une introduction où l’auteur donne des nouvelles du conteur et des enfants. Hawthorne n’explique pas les raisons qui ont mené à ce choix ; néanmoins, il semble possible de croire qu’elles pourraient être de nature éditoriale, c’est-à-dire les contes de Tanglewood Tales étant plus longs que ceux de A Wonder-Book for Girls and Boys, l’éditeur a peut-être jugé qu’il valait mieux éviter de rallonger le livre avec des introductions et des conclusions aux contes.

1.2 Traductions françaises de A Wonder-Book for Girls and Boys et de Tanglewood Tales

En France, quatre traducteurs assurent, durant plus d’un siècle, la traduction des contes mythologiques de Hawthorne.

1.2.1 Traductions de Léonce Rabillon[7]

  • Hawthorne, N. (1858a). Le Livre des merveilles (première partie). Trad. L. Rabillon. Paris : Hachette.

  • Hawthorne, N. (1858b). Le Livre des merveilles (seconde partie). Trad. L. Rabillon. Paris : Hachette.

  • Hawthorne, N. (1865a). Le Livre des merveilles (première partie). Trad. L. Rabillon. Paris : Hachette.

  • Hawthorne, N. (1865b). Le Livre des merveilles (seconde partie). Trad. L. Rabillon. Paris : Hachette.

  • Hawthorne, N. (1885). Le Livre des merveilles (première partie). Trad. L. Rabillon. Paris : Hachette.

  • Hawthorne, N. (1882). Le Livre des merveilles (seconde partie). Trad. L. Rabillon. Paris : Hachette.

1.2.2 Traductions d’Henry Borjane[8]

  • Hawthorne, N. (1928). De Merveilleuses histoires. Trad. H. Borjane. Paris : Georges-Célestin Crès Éditeur.

  • Hawthorne, N. (1939a). Les Contes prodigieux. Trad. H. Borjane. Paris : Éditions de l’écureuil.

  • Hawthorne, N. (1939b). La Toison d’or. Trad. H. Borjane. Paris : Éditions de l’écureuil.

  • Hawthorne, N. (1955a). De Merveilleuses histoires. Trad. H. Borjane. Paris : Éditions de l’écureuil.

  • Hawthorne, N. (1955b). Les Contes prodigieux. Trad. H. Borjane. Paris : Éditions de l’écureuil.

1.2.3 Traductions et adaptations de Pierre Leyris[9]

  • Hawthorne, N. (1951). Le Livre des merveilles. Adapt. et ill. P. et É. Leyris. Paris : Mame.

  • Hawthorne, N. (1952). Le Livre des merveilles. Adapt. et ill. P. et É. Leyris. Paris : Mame.

  • Hawthorne, N. (1954). Contes du Minotaure. Adapt. P. Leyris. Paris : Mame.

  • Hawthorne, N. (1957). Le Livre des merveilles. Adapt. P. Leyris. Paris : Mame et Compagnie des libraires et éditeurs associés.

  • Hawthorne, N. (1979). Le Premier livre des merveilles. Adapt. P. Leyris. Paris : Bordas.

  • Hawthorne, N. (1996a). Le Premier livre des merveilles. Trad. P. Leyris. Paris : Pocket.

  • Hawthorne, N. (1996b). Le Second livre des merveilles. Trad. P. Leyris. Paris : Pocket.

  • Hawthorne, N. (1999a). Le Premier livre des merveilles. Trad. P. Leyris. Paris : Pocket.

  • Hawthorne, N. (1999b). Le Second livre des merveilles. Trad. P. Leyris. Paris : Pocket.

  • Hawthorne, N. (2003a). Le Premier livre des merveilles. (Trad. P. Leyris. Paris : Livre de poche.

  • Hawthorne, N. (2003c). Le Second livre des merveilles. Trad. P. Leyris. Paris : Livre de poche.

  • Hawthorne, N. (2003d). Les Héros de la mythologie grecque. Trad. P. Leyris. Paris : Pocket.

1.2.4 Traductions de Frédérique Revuz[10]

  • Hawthorne, N. (2001). Les Trois pommes d’or. Trad. F. Revuz. Paris : Hachette.

  • Hawthorne, N. (2003b). Le Premier livre des merveilles. Trad. F. Revuz. Paris : Hachette.

  • Hawthorne, N. (2007). Le Premier livre des merveilles. Trad. F. Revuz. Paris : Livre de poche.

Il semble raisonnable de se demander si ces traductions sont de « vraies » traductions, car, outre le fait que les versions de Leyris portent différentes appellations selon les rééditions, il n’y a que le premier traducteur, Léonce Rabillon, qui maintient le palimpseste imaginé par Hawthorne[*]. En effet, les introductions et les conclusions aux contes de A Wonder-Book for Girls and Boys et l’introduction à Tanglewood Tales sont évacuées des traductions de Borjane, de Leyris et de Revuz et ce, malgré le fait qu’elles comptent pour environ un sixième du nombre total de pages des deux ouvrages[11]. Cependant, ce choix n’est peut-être pas celui des traducteurs, mais celui des éditeurs et il pourrait être dû à des contraintes éditoriales et trouver pour justification le fait que le retrait de ces textes secondaires par rapport aux contes ne nuit en rien à la compréhension de ces derniers.

2. Les surnoms proposés par Rabillon

Même si, en anglais, il est possible d’associer un sexe aux fleurs, au sens où elles sont toutes connotées de façon masculine ou féminine, il n’est pas dit que l’association faite par les lecteurs est toujours judicieuse. Et Hawthorne ne leur facilite pas la tâche en ne précisant pas le sexe de huit de ses personnages. Une telle situation n’est pas sans compliquer le travail du traducteur qui, en plus de s’assurer que le nom choisi est celui d’une fleur poussant sur le territoire français et connue des lecteurs, comme c’est le cas dans la version originale, doit également faire face au problème du genre des fleurs.

La comparaison des surnoms des personnages des textes source et cible permet de faire trois observations (tableau 1).

  1. Les personnages du texte cible ont un nom de fleur connu des lecteurs, comme c’est le cas pour le texte source.

  2. Le surnom français n’est pas toujours une traduction littérale du surnom anglais.

    1. Sweet Fern → Joli-Bois

      La traduction française de Sweet Fern s’avérant un choix impossible, car trop scientifique, le choix du traducteur paraît adéquat, même s’il n’est plus question d’une fougère, mais d’un arbrisseau ; le joli-bois est une fleur connue des lecteurs et le genre est préservé.

    2. Blue Eye → Bluet

      Le « baby blue eyes » est une fleur américaine certainement inconnue en France au XIXe siècle qui, de surcroît, a un nom français qui n’est pas très convivial. Par contre, « Bluet » (ancienne orthographe de bleuet) est une excellente solution car cette fleur est connue des lecteurs et sa couleur et son genre sont préservés.

    3. Clover → Marguerite

      Le choix de rendre Clover par « Marguerite » paraît étonnant, car le trèfle est familier au lecteur, mais ce choix peut s’expliquer par le fait que ce personnage est identifié comme féminin par l’auteur. Ainsi, la solution proposée par le traducteur se comprend.

    4. Huckleberry → Églantine

      Il semble possible de penser que le traducteur ait opté pour « Églantine » pour traduire Huckleberry, car il a pensé que « Myrtille » évoquerait le fruit plutôt que la fleur chez le lecteur.

    5. Squash-blossom → Fleur-des-Pois

      La traduction de Squash-blossom par « Fleur-des-Pois » s’explique par le fait que, au XIXe siècle, la courgette n’est cultivée que dans le Sud de la France et que, par conséquent, elle est inconnue de beaucoup de Français, alors que les pois, grâce aux pois de Clamart, sont connus sur tout le territoire.

    6. Milk-Weed → Pâquerette

      Les traductions françaises de Milk-Weed ont certainement été jugés trop scientifiques ou trop familières et, dans ce dernier cas, elles peuvent porter à confusion. Ainsi, le traducteur a préféré s’éloigner du sens pour opter pour une fleur bien connue de ses lecteurs.

  3. Le sexe des personnages du texte cible ne correspond pas toujours à celui des personnages du texte source.

    1. Dandelion → Dent-de-Lion

      En choisissant de traduire Dandelion par sa forme plus ancienne et plus proche de l’anglais, le traducteur change néanmoins le sexe du personnage, ce qui n’aurait pas été le cas s’il avait opté pour « Pissenlit », solution dont la connotation est néanmoins moins favorable et moins masculine que celle de « Dent-de-lion ».

    2. Huckleberry → Églantine

      Le changement de sexe entraîné par le fait de rendre Huckleberry par « Églantine » est inopportun et il aurait pu être évité ; d’autres solutions étaient envisageables.

    3. Plantain → Plantain

      Le choix de rendre Plantain par « Plantain » semble reposer sur le désir du traducteur de préserver le plus grand nombre possible de noms de fleurs et sur le fait que ce personnage est très secondaire.

Tableau 1

Surnoms et sexe des personnages de Hawthorne et de Rabillon

Surnoms et sexe des personnages de Hawthorne et de Rabillon

Tableau 1 (suite)

Surnoms et sexe des personnages de Hawthorne et de Rabillon

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3. L’analyse contrastive[12]

L’analyse contrastive qui a été menée repose sur la comparaison des introductions et des conclusions de A Wonder-Book for Girls and Boys avec celles de la première partie du Livre des merveilles et sur la comparaison de l’introduction de Tanglewood Tales à celle de la seconde partie du Livre des merveilles. Les résultats ont été classés selon trois catégories : la mention du surnom des personnages, la description d’un personnage accompagnée de son surnom et la description d’un personnage sans mention de son surnom.

Tableau 2

Résultats de l’analyse contrastive

Résultats de l’analyse contrastive

Tableau 2 (suite)

Résultats de l’analyse contrastive

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Un rapide coup d’oeil au tableau 2 permet de constater que Primrose semble être le personnage le plus important ; que viennent ensuite Sweet-Fern et Periwinkle ; puis Cowslip, Dandelion, Squash-blossom et Clover, et enfin Butter-cup, Blue Eye, Huckleberry, Milk-weed et Plantain. Il apparaît aussi que le traducteur a omis peu d’éléments, mais qu’il s’est permis un certain nombre de modifications qui touchent tous les personnages.

3.1 La mention du nom des personnages

L’analyse révèle que le traducteur rend presque toutes les mentions des noms des personnages et que celles qui sont omises ou qui subissent des modifications sont peu nombreuses. Cependant, le fait qu’il remplace les noms de quelques personnages par ceux d’autres personnages est plutôt déroutant. Peut-être le fait-il dans le but de donner un peu plus d’importance ou de visibilité à certains personnages, ce qui en désavantage néanmoins d’autres, mais peut-être cela est-il simplement le résultat d’une certaine inattention. Toutefois, aucun élément ne permet de confirmer l’une ou l’autre de ces hypothèses.

3.2 Les modifications des descriptions des personnages

Les résultats comptabilisés dans le tableau 2 permettent de constater que presque toutes les descriptions subissent des modifications. Examinons maintenant la portée de ces modifications en se basant sur les résultats de l’analyse contrastive. Afin d’alléger leur interprétation, des recoupements ont été faits où il a été jugé possible de le faire.

3.2.1 « Primrose »

Primrose est le plus riche des personnages de la petite bande imaginée par Hawthorne. Cette jeune fille, qui a douze ans au début du récit et qui s’est presque transformée en jeune femme à sa fin, a beaucoup de caractère. Ce fort caractère, qui est tout à fait en accord avec les valeurs américaines, réelles et littéraires, de l’époque, s’exprime par les adjectifs qualificatifs « naughty » (Hawthorne, 1852, p. 11, p. 12, p. 13 et p. 89) et « saucy » (Hawthorne, 1852, p. 89, p. 213 et p. 255 ; Hawthorne, 1853, p. 16).

En traduction, ces adjectifs ne font pas l’objet de répétitions, comme c’est le cas en anglais. En effet, chacun d’eux est omis une fois et « naughty » devient tour à tour « méchante » (Hawthorne, 1858a, p. 8), « maligne » (Hawthorne, 1858a, p. 8) et « bon » (Hawthorne, 1858a, p. 85), alors que « saucy » est rendu deux fois par « maligne » (Hawthorne, 1858a, p. 85 ; Hawthorne, 1858b, p. X) et une fois par « espiègle » (Hawthorne, 1858a, p. 212). Ces traductions font disparaître l’insistance du traducteur sur deux traits de caractère valorisés dans la société source et qui désormais se confondent plus ou moins dans le texte cible.

Le traducteur accentue également différentes facettes de la personnalité de Primrose (tableau 3).

Ajoutons à cela le passage du tutoiement au vouvoiement, qui est une façon d’élever le niveau de langue (tableau 4).

Tableau 3

Accentuation de différentes facettes de la personnalité de Primrose

Accentuation de différentes facettes de la personnalité de Primrose

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Tableau 4

Passage du tutoiement au vouvoiement (Primrose)

Passage du tutoiement au vouvoiement (Primrose)

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3.2.2 « Periwinkle »

Periwinkle est une petite fille de dix ans au début récit, qui, à sa fin, a tellement grandi qu’elle devra bientôt ranger ses jouets. Cependant, il semble que le passage de l’enfance à l’adolescence ne se fait pas exactement de la même façon aux États-Unis et en France.

La traduction sous-entend que les petites filles françaises font plus que jouer à la poupée et que lorsqu’elles passent de l’enfance à l’adolescence, c’est de façon définitive (tableau 5). En outre, le verbe « abandonner » a une connotation plus forte que le verbe anglais.

Tableau 5

Rangement des jouets de Periwinkle

Rangement des jouets de Periwinkle

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Le traducteur élève aussi le niveau de langue à un endroit lorsqu’il la décrit (tableau 6).

Tableau 6

Élévation du niveau de langue de Periwinkle

Élévation du niveau de langue de Periwinkle

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3.2.3 « Sweet Fern »

L’auteur souligne deux fois que Sweet Fern est un bon petit garçon – « good little boy » (Hawthorne, 1852, p. 91 et p. 169) –, mais le traducteur ne le traduit qu’une fois – « gentil petit garçon » (Hawthorne, 1858a, p. 86). À la fin du récit, il vient d’apprendre à lire et écrire, et il porte dorénavant des vêtements qui ne sont plus ceux d’un petit. Par contre, les vêtements qu’il porte dans les textes source et cible ne sont pas tout à fait les mêmes (tableau 7).

Tableau 7

Vêtements de Sweet Fern

Vêtements de Sweet Fern

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La jaquette est plus officielle que la veste et elle fait référence à un milieu social très aisé. En outre, dans la traduction, le choix de porter une jaquette et un pantalon a été imposé à Joli-Bois, ce qui n’est pas le cas dans le texte source.

3.2.4 « Cowslip »

Trois des cinq descriptions de Cowslip incluent l’adjectif qualificatif « little », ce que le traducteur rend dans chacune d’entre elles par « petit », mais il ajoute également l’adjectif dans une quatrième description. Bien entendu, ce n’est pas catastrophique, mais la situation laisse tout de même entrevoir une certaine liberté de traitement du texte source de la part du traducteur. En outre, il omet la seule description substantielle du personnage – « Cowslip, during the autumn, had either the measles, or some eruption that looked very much like it, but was hardly sick a day » (Hawthorne, 1853, p. 17). L’omission paraît être une faute d’inattention, car aucun autre passage de cette importance n’a été omis.

3.2.5 « Clover »

L’auteur et le traducteur s’entendent sur le fait que Clover a perdu ses dents de lait et que cela a entraîné une perte de poids et un mauvais caractère. Toutefois, ils ne s’entendent pas tout à fait sur le reste de la seule description du personnage, Rabillon élevant encore le niveau de langue (tableau 8).

Tableau 8

Élévation du niveau de langue de Clover

Élévation du niveau de langue de Clover

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3.2.6 « Dandelion », « Huckleberry », « Squash-blossom » et « Milk-weed »

L’auteur décrit Dandelion (deux mentions), Huckleberry (une mention) et Squash-blossom (une mention) comme étant petits – respectivement « little Dandelion » (Hawthorne, 1852, p. 13), « little Dandelion » (Hawthorne, 1852, p. 92), « Huckleberry, a mischievous little elf » (Hawthorne, 1852, p. 10) et « little Squash-blossom » (Hawthorne, 1852, p. 129) – mais le traducteur accole l’adjectif qualificatif uniquement au personnage d’Églantine – « Églantine, en vrai petit lutin » (Hawthorne, 1858a, p. 7). L’importance de cette omission réside dans le fait que Hawthorne fournit très peu d’informations sur ces personnages. Rabillon rend également le personnage d’Églantine plus innocent puisque « mischievous little elf » (Hawthorne, 1852, p. 10) devient « vrai petit lutin » (Hawthorne, 1858a, p. 7). Néanmoins, tout comme l’auteur, il communique au lecteur le fait que les quatre personnages ont eu la coqueluche et qu’ils l’ont bravement supportée.

3.2.7 « Blue Eye », « Plantain » et « Butter-cup »

L’auteur et le traducteur expliquent que Blue Eye, Plantain et Butter-cup ont eu la scarlatine. Par contre, Hawthorne dit qu’ils s’en sont facilement – « easily » (Hawthorne, 1853, p. 17) – tirés, alors que pour Rabillon, ils s’en sont « heureusement » (Hawthorne, 1858b, p. XI) tirés. La différence entre les deux adverbes est substantielle et elle semble s’expliquer par le fait que, à cette époque, la maladie infantile a fait davantage de ravages en France qu’aux États-Unis.

Conclusion

Les noms de fleurs choisis par Rabillon pour « traduire » ceux de Hawthorne montrent que le traducteur a été sensible aux intentions de l’auteur et aux besoins de ses lecteurs. Ainsi, il a opté pour la traduction littérale lorsqu’il l’a jugée possible, mais il n’a pas hésité à se tourner vers l’adaptation lorsqu’il l’a crue nécessaire. Cependant, il semble que ses choix n’ont pas toujours un résultat qui se qualifie de satisfaisant.

L’analyse contrastive des descriptions des douze personnages créés par Hawthorne permet de tirer une conclusion : le contexte socio-culturel est un facteur déterminant de la traduction de Rabillon. À l’évidence, celui-ci n’est pas le même aux États-Unis qu’en France et c’est pour cette raison que Periwinkle et Pervenche n’ont pas les mêmes jouets, que Sweet Fern et Joli-Bois portent des vêtements différents, et que Bluet, Plantain et Bouton-d’Or ont eu la scarlatine et s’en sont « heureusement tirés ». Ainsi, le traducteur a apporté des modifications dans le but d’assurer la bonne réception des oeuvres (tableau 9).

Tableau 9

Traductions des anthroponymes par Rabillon

Traductions des anthroponymes par Rabillon

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Par contre, le traducteur ne s’est pas aussi bien tiré d’affaire pour ce qui touche aux valeurs américaines associées à l’enfance. Les différences dans la façon de décrire Primrose, le passage du tutoiement au vouvoiement dans les échanges entre Eustache et Primrose, l’élévation du niveau de langue pour les descriptions de Periwinkle et de Clover, l’omission du qualificatif « good » décrivant Sweet Fern et le fait que ce dernier est « mis en jaquette et en pantalon » (Hawthorne, 1858b, p. X-XI) en sont la preuve. Il semble que le traducteur ignore que, jusqu’aux environs de la première moitié du XIXe siècle, les Américains valorisent l’autonomie des enfants : « Autonomy is the characteristic shared by the moral child of early children’s fiction, the assertive child of the foreigner’s accounts, and the working child of the autobiographies » (MacLeod, 1994, p. 136). Cette valorisation de l’autonomie s’explique en grande partie par le fait que les enfants sont, en quelque sorte, les égaux des adultes : « [e]ven as adults began to see a difference between childhood and adulthood, however, children were considered more or less like small adults » (Oittinen, 2000, p. 42). Même Alexis de Tocqueville observe le phénomène et le rapporte lorsqu’il écrit « A species of equality prevails around the domestic hearth » (MacLeod, 1994, p. 137).

Si l’importance du contexte socio-culturel est un enjeu que Rabillon n’a pas toujours été en mesure de saisir lorsqu’il a été question des descriptions des personnages de la petite bande d’enfants aux noms de fleurs inventés par Hawthorne, il a néanmoins été en mesure d’en saisir l’importance pour la traduction des anthroponymes. En effet, il s’est assuré de maintenir le réseau onomastique imaginé par l’auteur et de donner à chacun de ses éléments le nom d’une fleur que tout lecteur français peut reconnaître. Cette contrainte signifie que chaque fois que le traducteur n’a pu envisager la traduction littérale, en raison du fait que le nom français est trop scientifique ou que la fleur est inconnue des lecteurs français, il s’est assuré de choisir une fleur répondant à ses critères. Par contre, l’analyse a également démontré que la connotation masculine ou féminine des fleurs semble avoir été ignorée. Ainsi, les résultats de la traduction des appellations étudiées ne sont pas toujours heureux en vue des différents facteurs considérés.