Corps de l’article

Cette note de recherche propose une réflexion sociologique sur la santé cardiovasculaire, la pauvreté et l’occupation professionnelle des hommes socio-économiquement défavorisés. Elle est alimentée principalement par l’approche socioculturelle de Pierre Bourdieu et par l’étude du rapport au corps de 11 hommes qui souffrent de maladies cardiaques et qui occupent des métiers de la route. Les résultats de cette analyse permettent de mieux comprendre l’impact des conditions socioéconomiques et du genre sur les pratiques de santé et approfondissent les connaissances sur les obstacles à la réadaptation cardiaque qui peuvent être engendrés par l’occupation professionnelle. Ils rappellent aussi l’importance des politiques de santé en milieu de travail adaptées aux caractéristiques personnelles des travailleurs et à leurs exigences professionnelles spécifiques.

La santé des hommes

L’intérêt pour la santé des hommes prend de plus en plus d’ampleur à mesure que les enquêtes nationales font état de l’espérance de vie plus courte des hommes par rapport à celle des femmes, et leurs styles de vie plus nocifs à la santé. Cependant, s’il semble y avoir actuellement un certain engouement pour cette thématique, davantage d’études sur les facteurs de risque de maladies et sur les méthodes de recherche pertinentes sont nécessaires afin d’améliorer la qualité de vie des hommes.

Au Canada, comme ailleurs, les évidences statistiques soutiennent le fait que la santé des hommes est doublement déterminée par le genre (masculinité) et le statut socioéconomique. D’une part, les statistiques nationales sur les taux de décès normalisés en fonction de l’âge dépassent celle des femmes pour presque toutes les causes majeures de décès à l’exception des maladies propre à un sexe. Par exemple, selon les taux de mortalité, les hommes meurent 1,4 fois plus du cancer que les femmes, 1,7 fois plus du cancer du poumon, 1,5 fois plus du diabète, 1,8 fois plus des maladies du coeur, 2,4 fois plus d’accidents, et 3,3 fois plus de suicides (Statistique Canada, 2010). D’autre part, les taux de mortalité ventilés en fonction du niveau socioéconomique démontrent aussi de fortes inégalités sociales en santé. Selon un rapport de Statistique Canada (Greenberg et Normandin, 2011), la santé des hommes du quintile inférieur de revenu est particulièrement préoccupante : leur espérance de vie à la naissance (75,6 ans) est de 6,1 années inférieure à celle des femmes de leur quintile de revenu, 8,4 années inférieure à celle des femmes du quintile supérieur et 4,7 années inférieure aux hommes de ce même quintile.

Beaucoup de problèmes de santé chez les hommes des classes populaires peuvent être liés à leurs difficultés à répondre aux pressions de la vie moderne et aux fortes exigences professionnelles de toutes sortes qui leur sont imposées au quotidien. Par exemple, l’expérience des conditions de travail défavorables nuit à la santé mentale et physique en engendrant des comportements à risque et en diminuant la taille de leurs réseaux de soutien social (Bartley, Ferrie et Montgomery, 2006 ; Kasl, Rodriguez et Lasch, 1998).

Les métiers de la route et la santé cardiovasculaire

Depuis le début des études de Whitehall dans les années 1960, les études épidémiologiques ont bien documenté la surmortalité due aux maladies cardiovasculaires chez les hommes en contexte de défavorisation. Ce constat n’est pas étranger aux études qui traitent des problèmes de santé chez les hommes qui occupent des métiers de la route (Apostolopoulos et al., 2010 ; Singleton et Beaumont, 1987 ; Murphy, 1991 ; Wilkinson, 1992 ; Kaplan et al., 1996 ; Wilkins et al., 2002 ; Pampalon et al., 2008) puisque plus de 85 % des emplois y sont occupés par des hommes (Johansson et al., 2012), puisque les piètres conditions de travail liées à ces occupations professionnelles ont été directement ciblées comme des facteurs de risque des maladies cardiovasculaires (Tse, Flin et Mearns, 2007) et puisque la sédentarité et l’alimentation malsaine seraient particulièrement ciblées comme facteurs de risque de ces maladies dans ce type de profession (Apostolopoulos et al., 2012).

Le risque de contracter ce type de maladies chez les travailleurs de la route est beaucoup plus élevé que chez l’ensemble des travailleurs. Dans une étude qui compare 440 conducteurs professionnels à un groupe-contrôle de 1000 sujets, Hedberg et al., (1993) ont établi que le groupe de conducteurs avait des taux de maladies cardiovasculaires 2,34 fois plus élevés que le groupe contrôle. Dans une autre étude sur la santé de 4929 camionneurs, Robinson et Burnett (2005) ont effectué un recensement des décès aux États-Unis pour la période de 1979 à 1990 et ont signalé eux aussi des taux de décès dus aux maladies cardiovasculaires significativement plus élevés chez ces derniers que pour l’ensemble des hommes, toutes occupations confondues. Ensuite, dans une étude comparative entre l’état de santé de 1761 conducteurs d’autobus et 536 autres travailleurs spécialisés, Wang et Lin (2001) ont trouvé que le groupe des conducteurs souffrait plus de maladies cardiaques (1,7 % comparativement à 0,9 %), d’hypertension (56 % comparativement à 30,6 %) et d’obésité (9,6 % comparativement à 4.6 %) et d’hypertriglycémie (69,4 % comparativement à 30,6 %).

Comment expliquer ces profils de santé ? Si l’on exclut les caractéristiques sociodémographiques des travailleurs, les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires qui sont associés à ces emplois sont nombreux : les horaires de travail variables et incertains, les exigences physiques et psychologiques élevées, le haut niveau de stress et le faible contrôle sur les obligations professionnelles, les environnements peu propices à l’adoption de saines habitudes de vie (activité physique et alimentation), le faible soutien des gestionnaires, et l’isolement social (Bigert et al., 2003 ; Alfredsson, Karasek et Theorell, 1982 ; Taylor et Dorn, 2006 ; Duffy et McGoldrick, 1990 ; Johansson et Evans, 1998).

Trois études importantes ont fait appel à des enquêtes pour obtenir les perceptions des conducteurs sur leurs conditions de travail. Les résultats de leurs analyses convergent dans la mesure où elles notent toutes des niveaux de stress élevés chez les conducteurs par rapport aux autres travailleurs. À l’aide d’un questionnaire, Bigert et al. (2003) ont enquêté 1067 conducteurs et ont identifié le nombre d’années d’expérience comme conducteur et le peu de moyens disponibles pour la réalisation de leurs objectifs professionnels comme sources principales d’épuisement professionnel. Pour leur part, l’étude de Tse, Flin et Mearns (2007) évalué le niveau de stress de 186 conducteurs en fonction de 39 indicateurs. Pour eux, le stress élevé des conducteurs proviendrait surtout de la charge de travail élevée, du manque de soutien de leurs gestionnaires, de l’inconfort du véhicule, des conditions de la route défavorables et du comportement des autres usagers de la route. Dans leur recension des écrits, Taylor et Dorn (2005) évoquent aussi le stress des conducteurs et son lien avec les problèmes de santé cardiovasculaires. Pour ces chercheurs, les demandes d’attention continue, la charge de travail élevée, la pression liée aux exigences de production, les longues heures de travail, l’isolement social, les clients difficiles, les horaires de travail irréguliers et les problèmes domestiques liés aux horaires atypiques seraient parmi les déterminants les plus importants du stress.

Si ces études quantitatives permettent d’identifier les problèmes de santé et des facteurs de risque pour les maladies cardiovasculaires, elles ont toutefois des limites importantes lorsqu’il s’agit d’obtenir un regard plus approfondi sur les déterminants de santé des conducteurs et sur l’influence des facteurs socioculturels sur leurs styles de vie et pratiques de santé.

La pertinence de l’approche socioculturelle

L’approche socioculturelle de Pierre Bourdieu a été maintes fois citée comme cadre d’analyse pour comprendre la variation sociale des styles de vie et des pratiques de santé (William, 1995). Dans son ouvrage canonique, La Distinction (1979), son concept de rapport au corps a été central à ses analyses sur le gout et les pratiques corporelles des classes sociales. Ce concept a été défini comme l’ensemble de schèmes de dispositions, de perceptions et d’appréciation qui s’appliquent au corps qui oriente nos choix face à un ensemble de « possibles » auxquels nous sommes exposés (Bourdieu, 1979). Plus spécifiquement, le rapport au corps instrumental a été utilisé pour mieux saisir la culture et les pratiques corporelles distinctives des classes populaires masculines, qui selon lui, sont caractérisées par une valorisation des aspects fonctionnels (force, endurance, efficacité) et utilitaires du corps (production, fiabilité), une grande tolérance à la douleur et de faibles réactions aux signes avant-coureurs de la maladie.

Une analyse plus fine du rapport au corps révèle en quoi la classe sociale interagit avec d’autres facteurs structurants des styles de vie. Ainsi, toujours selon Pierre Bourdieu (1999), le genre – la masculinité et la féminité – serait lui aussi un de ses déterminants importants. Dans cette optique, ce cadre d’analyse a donné lieu à l’émergence d’approches théoriques centrées sur le métissage entre la classe sociale et le genre (Fowler, 2003). Par exemple, dans un ouvrage sur les liens entre la masculinité et la santé, Dumas et Bournival (2011) ont référé à des « réactions hypermasculines aux inégalités sociales » pour mieux comprendre le manque de conformité aux normes de santé des hommes moins bien nantis.

L’approche socioculturelle permet de concevoir les différents styles de vie des groupes sociaux comme étant le résultat d’une hiérarchisation des pratiques et des goûts qui est façonnée principalement par leurs conditions d’existence (matérielles, familiales et sociales) plutôt que par le seul résultat d’un calcul rationnel ou d’attributs personnels (Wacquant, 1992 ; Morgan, 2005).

Contexte et méthodologie

Cette note de recherche renvoie à une analyse secondaire de données survenue dans la foulée d’un projet de recherche plus vaste sur la réadaptation cardiaque chez des hommes souffrant de maladies cardiovasculaires. Cette étude plus large vise à identifier les facteurs sociaux influençant la réadaptation cardiaque et à cerner les normes et valeurs en ce qui a trait à la façon de traiter et d’entretenir le corps. Après l’analyse qualitative de 60 entrevues, nous avons retenu un sous-échantillon de 11 participants occupant divers métiers de conducteurs.

Ce sous-échantillon a été découvert de manière fortuite puisqu’au départ notre devis de recherche tenait seulement compte de la classe sociale. C’est lors de l’analyse des entrevues que l’occupation professionnelle s’est révélée significative pour plusieurs participants en tant que fardeau à leur réadaptation cardiaque.

Ce groupe est composé d’hommes de 44 à 84 ans (âge moyen de 64 ans), francophones de la région de l’Outaouais urbain, habitant des quartiers socio-économiquement défavorisés (revenu médian de moins de 20 000 $ par habitant), ayant subi un incident cardiovasculaire nécessitant une intervention médicale et requérant une hospitalisation, ainsi qu’ayant occupé un métier de la route (tout métier dont l’activité principale implique la conduite) pendant la majeure partie de leur vie.

Les 11 participants ont été recrutés à l’aide d’affiches posées sur les babillards de commerces (restaurants, dépanneurs), d’un court article informatif publié dans un journal de quartier, ainsi que pendant des présentations orales offertes dans des centres communautaires (soupes populaires, banques alimentaires). Tous les participants peuvent être identifiés au sous-prolétariat, un groupe caractérisé par la défavorisation matérielle et sociale, une faible scolarisation, des emplois précaires et une fréquentation occasionnelle de services caritatifs. S’ils ont travaillé comme conducteur, ils ont aussi vécu des périodes de chômage ou d’arrêts de travail temporaires. La grande majorité d’entre eux ont souffert d’expériences de vie difficiles (abus dans l’enfance, incarcération, problèmes familiaux). Bien qu’ils étaient conscients des styles de vie à adopter pour améliorer leur santé, aucun d’entre eux ne s’était imposé un régime conforme aux recommandations de leur médecin dans les périodes qui précédaient et qui suivaient leur incident cardiaque.

L’approche méthodologique, le recrutement des participants ainsi que les méthodes de collecte et d’analyse des données sont décrits en détail dans l’article de Bergeron, Dumas et Savage dans ce numéro.

Une analyse partielle des données a été publiée antérieurement et a identifié trois raisons qui expliquent pourquoi les hommes moins bien nantis, sans égard à leur profession, adoptent peu de pratiques de santé après avoir subi une intervention au coeur (Dumas, 2011) :

  • Leur priorité est accordée à la stabilité financière plutôt qu’à la santé. Ainsi, leur préoccupation pour les urgences de la vie quotidienne supplante celle liée à la prévention des maladies.

  • Leur méfiance d’autrui engendre une résistance à l’imposition d’un régime de santé et un scepticisme envers les conseils prodigués par les professionnels de santé. Souvent, les styles de vie recommandés ne correspondent pas aux possibilités offertes par leurs conditions de vie.

  • Leur perception d’un faible contrôle sur leur propre vie se traduit par un défaitisme devant l’amélioration de leur santé et une résignation devant la maladie.

La section suivante poursuit cette analyse en approfondissant l’impact de la dimension professionnelle (le métier de conducteur) en tant que déterminant social important de la santé.

Résultats

Environnements de travail et horaires peu propices à un mode de vie sain

Dans cet univers de conducteurs et de petits salariés, les conditions de travail ainsi que les obligations financières et familiales augmentent le niveau de stress, génèrent un climat familial tendu, accentuent la pression à travailler des heures supplémentaires, et accroissent le nombre d’absences prolongées. Il n’est donc pas étonnant que les conducteurs professionnels soient plus hypertendus que les autres travailleurs (Johansson et al., 2012) et deux fois plus à risque de souffrir de stress au travail (Hedberg, 1993). Comme le souligne un des interviewés : « Le métier de camion, c’est très dur. Le monde tough pas longtemps là-dessus ! » (George, 84 ans, ex-camionneur)[2].

Faisant écho au modèle de « job strain » de Theorell et Karasek (1996), les conditions propices à un environnement de travail stressant ont été réunies ici lorsque les fortes exigences professionnelles des participants (livraisons rapides, horaires flexibles, heures de travail supplémentaires) sont confrontées à des impondérables de production (densité de la circulation, conditions climatiques, bris d’équipements mécaniques, accidents de la route). À l’image de la citation suivante, le thème du stress a souvent été discuté dans les entrevues en tant qu’indicateur des conditions de travail difficiles et comme justification du choix de comportements nocifs pour la santé cardiovasculaire. Comme nous l’a confié Paul : « Mon stress, je le mange, puis je le fume!… L’emploi que je faisais, oui c’est stressant parce que tu es prévu pour être là, à telle heure et à telle place. Il faut que tu sois là… tu n’as pas de temps ! » (Paul, 48 ans, ex-déménageur et camionneur).

Pour la plupart des hommes interrogés, le souci causé par leurs conditions précaires l’emporte sur leurs problèmes de santé. À de nombreuses occasions, ils ont exprimé l’importance que prend l’incertitude financière dans leur préoccupation : « Ça [l’argent], je vais te dire, oui ça m’énerve. Ça m’énerve bien plus que de m’en aller six pieds sous la terre. » (Pierre-Luc, 57 ans, camionneur). Un autre participant a mentionné : « Il y a bien des soirs que je me couche et puis je me dis : « s’il fallait que le téléphone sonne et puis que mes créanciers soient au bout ». Ce n’est pas du tout dans mes priorités [la maladie cardiaque]…Oui, mes problèmes financiers sont pires. » (Claude, 55 ans)

Des routines difficiles à maintenir

La gestion du temps et la planification des activités sont des éléments importants pour l’acquisition d’un régime de santé équilibré et pour la prévention des maladies (Brown, 2011). Cependant l’intégration d’une structure dans les saines habitudes de vie est fortement compromise par les horaires de travail irréguliers (Duffy et McGoldrick, 1990, Lowden et al., 2010). L’analyse des données suggère clairement que les horaires et les quarts de travail des conducteurs sont exigeants et imprévisibles ; ils réduisent la possibilité de planifier les repas et d’adopter un mode vie actif. Leurs horaires variables – soit pendant le jour, le soir et la nuit, pendant les jours de semaine, de fin de semaine ou les jours fériés, ou soit pour pourvoir les remplacements ponctuels – entraînent de nombreuses conséquences sur leur style de vie. Plusieurs participants ont décrit cette inconstance de leurs quarts de travail et leurs séjours fréquents à l’extérieur du domicile : « La moitié du temps, je n’étais pas chez nous. J’étais toujours parti. Des fois, j’arrivais à la maison pour une ou deux journées. Après je repartais. Joseph, 79 ans, ex-déménageur ; « Des fois, j’avais un rendez-vous à 9 h 00 le matin…et ensuite, j’arrivais chez nous à 23 h 00, minuit le soir…» (Albert, 73 ans, ex-livreur et ex-courtier d’assurances). Cette instabilité, accompagnée de journées de travail chargées, faisait obstacle à un régime alimentaire équilibré et les incitait, par commodité, à opter souvent pour les services de restauration rapide.

Mon ouvrage m’apportait à manger toutes sortes de cochonneries. […] Même le matin, avant de déjeuner... Tu avais tout le temps de l’ouvrage à faire. Des fois tu déjeunais à 9 h 00, à 10 h 00. Tu étais debout depuis 4 h 00 du matin… Ça fait que là, tu avais faim ! Tu manges vite fait. Parce qu’il y en a un autre client qui t’attend. 

Fortier, 71 ans, ex-chauffeur de taxi

Da manière semblable aux pratiques alimentaires, l’incapacité de se doter d’une stabilité ainsi que la fatigue qui accompagne leur vie professionnelle offrent peu d’espace à une pratique régulière d’activités physiques :

…Bien tu sais, tu n’as pas le choix. Tu manges au volant... tu viens qu’à la longue tu n’y penses même pas… On me dit qu’il faut que je fasse de l’activité physique. Écoute. Je me lève à 5 h 00 du matin. Je pars d’ici à 6 h 00. Je travaille jusqu’à 10 h 00… Puis 2 heures après je retourne et puis je finis à 16 h 30. À 16 h 30 j’arrête l’autobus. Là il faut que je fasse son entretien. Je reviens à la maison. Il est 18 h 00. Le soir, je m’assois ici. Ouf ! Là je suis rendu chez nous.

Claude, 55 ans, ex-chauffeur d’autobus

Leurs difficultés de vivre à un rythme de vie qui est aux antipodes de celui de leur famille ont également été soulignées comme sources d’instabilité. Ces complications de la conciliation travail-famille font clairement obstacle à de saines habitudes de vie. L’exemple de Max est très éloquent. Cet ex-remorqueur a décrit en quoi ses absences répétées sur presque deux décennies étaient compensées par des petites attentions et gâteries envers sa conjointe et ses enfants :

En 18 ans de towing… je n’ai jamais fait une commande à l’épicerie. Déjeuner, dîner, souper au restaurant, et les collations… Mes 18 ans de towing m’ont couté cher monétairement et sur ma santé…Le déjeuner au restaurant, avec ma femme et mes deux petits … c’était trois oeufs, bacon, bien cuits… Deux ou trois cafés. Ça dépendait si le beeper ou le téléphone sonnait ou ne sonnait pas. Ensuite, je partais faire ma journée de travail. Le midi, je me ramassais chez St-Hubert. Je disais à la fille au comptoir : « trois Spéciaux du chef livrés chez nous s.v.p. ». Je payais tout de suite, et elle les faisait livrer aux autres. Pour moi le midi, c’était plus vite chez Harveys. Le soir, je soupais au restaurant ou j’arrivais avec de la pizza ou du chinois.

Max, 44 ans, ex-remorqueur

La difficulté d’obtenir des aliments sains lors des heures de travail a été abordée de manière homogène dans tous les entretiens. Même s’il existe parfois des temps alloués aux pauses, les espaces alimentaires offerts aux camionneurs, livreurs et chauffeurs de taxi constituent des « déserts alimentaires ». Ceux-ci contribuent à réduire l’accès aux aliments non transformés et à augmenter leurs risques de rechutes après leur incident cardiaque.

J’ai essayé de m’améliorer. Essaye-toi de t’améliorer dans un truck-stop ! Dans les truckstop, c’est la seule affaire que tu as [la malbouffe]. Il n’y a rien que ça. Il n’y a pas un McDonald ou un Scores qui va t’accepter avec un truck comme le mien [camion semi-remorque]. Ça fait que ça te prend un espace pour le camion.

Pierre-Luc, 57 ans, camionneur

Des obstacles à la convalescence 

C’est en approfondissant les raisons des faibles investissements en santé que s’est révélé le rôle que jouent les conditions de travail après leur séjour d’hospitalisation. Beaucoup de participants étaient non syndiqués, payés à la commission, et travaillaient « au noir ». Leur manque d’indemnisations pour des absences prolongées, leurs difficultés d’obtenir un retour progressif au travail et l’absence d’une période de convalescence rémunérée nuisent au prompt rétablissement et aux suivis médicaux prescrits dans les périodes qui suivent leur hospitalisation. Une charge de travail allégée n’est pas une option envisageable, ou du moins ne l’est pas sans être associée à une baisse de leur revenu, ce qui fragiliserait davantage leur situation. La plupart d’entre eux ont donc continué à effectuer le même emploi avec une intensité soutenue, malgré les recommandations du personnel soignant :

Moi, je suis un gars qui travaillait trop… je n’avais pas le temps à perdre du temps, d’aller voir un cardiologue et des choses de même… Il fallait que ça roule. La vie continue ! … J’ai recommencé sur le towing 3h après que je suis sorti de l’hôpital… C’est ça, work, work, work.

Max, 44 ans, ex-remorqueur

Le manque de soutien financier et psychologique de l’employeur lors des périodes suivant l’incident cardiaque a aussi été noté chez quelques participants. Lors d’une discussion sur ses conditions salariales, Claude, un chauffeur d’autobus pour personnes handicapées, a longuement discuté de son sentiment d’infériorisation lorsqu’il a essuyé un refus de son patron après une demande de soutien financier pendant sa convalescence : « Ça voulait tout dire. Tu es chauffeur d’autobus, bien tu es un trou de cul ! » (Claude, 55 ans, ex-chauffeur d’autobus).

Masculinité et santé

Les représentations populaires de la masculinité ont souvent participé à miner la santé des hommes en les repoussant d’adopter un style de vie bénéfique à leur santé cardiovasculaire (Courtenay, 2000). Selon Aiach (2003), les origines sociales des inégalités de santé entre les sexes proviendraient entre autres de dispositions du rapport au corps qui sont plus compétitives, davantage orientées vers la prise de risque, moins axées vers la prévention et ultimement plus nocives pour la santé des hommes. Par exemple, leurs faibles réactions aux signes avant-coureurs de la maladie ainsi que leur manque d’empressement à recevoir des soins de santé illustrent cette socialisation de genre :

J’étais à Chicago. Je suis sorti du restaurant puis je suis tombé à genoux. J’ai manqué de souffle. Je me suis couché dans mon truck pour une demi-heure. Je me suis ensuite rendu à London Ontario... Je suis rentré manger en dedans puis là je suis retombé encore. J’ai rembarqué dans mon truck pour dormir deux heures puis j’ai embrayé pour Ottawa. Sans savoir qu’est-ce qui m’arrivait. Je pensais c’état juste c’était des brûlements d’estomac, une mauvaise grippe ou de la fatigue… Ça fait que là je me suis dit : « Bien là mon gars, tu as peut-être besoin d’un break ! ». Je suis arrivé à Ottawa et j’ai dépiné ma remorque et puis je n’étais plus capable d’utiliser mon dolly. J’étais trop faible. Il y a une femme qui m’a vu et m’a dit : « Es-tu correct ? ». J’ai dit : « Non, je ne suis plus capable de mettre mes deux mains sur mon esti de dolly ». Elle m’a aidé et m’a dit : « va donc chez vous. ». Ça fait que là j’ai raconté ça à ma soeur le lendemain matin. Elle m’a dit : « tabarnak ! Embarque, on s’en va chez le docteur ! ». Puis là je conte ça au docteur et puis il me dit : « va-t’en à hôpital ! J’appelle l’urgence tout de suite et va-t’en ! Est-ce que ta soeur est avec toi ? ». J’ai dit : « Oui ». Il me dit : « Allez-vous-en ! ». Puis paf. Ils m’ont débloqué. C’est sûr que j’ai passé par-dessus tout le monde au triage. Ça a pris 3 jours après mes douleurs.

Pierre-Luc, 57 ans, camionneur

Les métiers de la route sont généralement perçus comme des occupations typiquement masculines. Comme il en ressort de l’analyse, ils sont aussi associés à une masculinité dite « traditionnelle » qui valorise robustesse, vigueur, force physique, endurance, tolérance à la douleur et autonomie. La sauvegarde de la dignité et la crainte du déshonneur sont entretenues par des attitudes et comportements « hypermasculins » potentiellement nocifs pour la santé. Par exemple, plusieurs participants ont minimisé la sévérité de leur maladie, poursuivi des activités à risque, atténué l’importance de la convalescence et des suivis médicaux et rejeté le soutien d’êtres chers afin de ne pas exposer leur vulnérabilité ou de perdre leur statut de pourvoyeur.

J’ai perdu connaissance. C’est pareil comme si tu m’avais coupé les deux jambes ! Je me suis reposé un petit peu, je me suis relevé et puis je n’ai pas été à l’hôpital. Bien non. Moi je ne veux pas aller à l’hôpital pour rien. Je ne ressentais pas le besoin d’y aller. Je suis tough. Je n’aurais peut-être pas dû faire ça mais je ne suis pas un plaignard.

Albert, 73 ans, ex-livreur et ex-courtier d’assurances

Comme Charlesworth (2000) le décrit, les hommes socio-économiquement défavorisés occupant des emplois précaires et dévalorisés souffrent d’un déficit de capital symbolique. Sous ces conditions, ils doivent donc trouver le prestige où ils le peuvent et défendre leur honneur avec les moyens qui leur sont accessibles. C’est donc sans surprise que plusieurs participants de l’étude ont tenté de préserver leur dignité en puisant dans le large répertoire de pratiques dites « masculines », parfois au détriment de leur propre santé. Pour ceux qui s’identifiaient beaucoup à leur travail, la maladie agissait comme menace sérieuse à leurs valeurs. Ils couraient des risques élevés en tolérant les douleurs et en repoussant les consultations médicales afin de ménager leur identité masculine (un élément devenu indissociable de leur estime de soi) et de maintenir l’image qu’ils projettent dans leur environnement social.

J’ai eu des consignes très sévères des médecins qui disaient que je n’avais pas le droit de lever plus que 15 kilos… que je devais prendre beaucoup de repos, changer mon alimentation, arrêter de fumer, puis changer complètement mon mode de vie… Je suis très orgueilleux... Pas orgueilleux sur ma personne… mais orgueilleux dans mes valeurs d’homme. Je suis un homme, donc un homme s’est fait pour travailler, s’est fait pour forcer… C’est l’entêtement… le fait de ne pas accepter que ton physique ne puisse pas fournir la commande... Le patron m’a dit : « ben regarde, il va falloir que tu fasses attention… J’ai dit : « Non ! Je ne veux pas retourner dans le bureau ». Ça fait que je suis resté sur le camion. Puis ça a toujours fonctionné de même, jusqu’au temps où je fasse mon 4e et 5e infarctus… J’étais encore sur la job. Ç’a été mon dernier emploi

Paul, 48 ans, ex-déménageur

Discussion et conclusion

Cette note de recherche présente deux résultats principaux : (a) les styles de vie des conducteurs sont liés à leur statut socioéconomique et à leur culture de genre, et (b) leurs conditions de travail compromettent leur convalescence après un avoir subi un incident cardiovasculaire. Si l’on tient compte de leurs pratiques (par exemple, alimentation malsaine, mode de vie sédentaire, faible utilisation des services médicaux) et de leurs attitudes (par exemple, faible souci pour la prévention des maladies, approche pessimiste devant l’amélioration de leur santé, faibles réponses aux signes avant-coureurs de la maladie), force est de reconnaitre que la socialisation qui s’est opérée dans leur environnement social, le peu de pouvoir que leur procurent leurs capitaux (économique, social et culturel) et les contraintes diverses que leur imposent leurs professions engendrent des styles de vie qui contrastent avec les normes promulguées par les institutions de santé publique.

L’analyse des entrevues permet aussi de répondre indirectement aux questions suivantes : qu’est-ce qu’une occupation professionnelle et comment la conçoit-on dans un devis de recherche qui porte sur la santé d’un groupe socio-économiquement défavorisé ? Elle est un espace où convergent des groupes sociaux qui partagent des caractéristiques sociales et où agissent et s’expriment les individus en fonction des contraintes et des conditions de possibilités qui leur sont offertes par leur emploi. Autrement dit, il nous a été impossible de séparer les caractéristiques des conducteurs de celles de leur emploi puisqu’elles constituaient toutes des conditions d’existences structurantes.

Les participants ont adopté une hiérarchie des priorités qui est ajustée à leurs conditions de vie. Contraints par de l’instabilité financière, par leurs conditions de travail et par leur souci de préserver leurs identités masculines, ces hommes ont développé un rapport au corps qui est peu conforme à un mode de vie axé sur la prévention des maladies. L’adoption d’un régime de réadaptation cardiaque, tel qu’il leur a été proposé, était donc peu « pratique » pour eux et difficilement intégrable aux activités de leur vie quotidienne. Selon plusieurs participants, de telles pratiques ont le potentiel d’accroitre leur instabilité économique, psychologique et sociale. Ils préfèrent donc s’en remettre à une vie leur offrant plus de stabilité et de confort dans l’immédiat, au risque d’en subir les conséquences néfastes pour leur santé.

Tous les participants de cette étude partagent trois caractéristiques communes : ils vivent des conditions de vie précaires, détiennent une identité masculine dite « traditionnelle » et ont oeuvré dans un métier de la route la majeure partie de leur vie adulte. On pourrait conclure que ces trois conditions leur imposent un triple fardeau lorsqu’il s’agit de modifier leurs habitudes de vie en vue d’améliorer leur santé après leur incident cardiaque.

Peu d’études se sont penchées sur la classe sociale et la masculinité en vue de déterminer leurs effets sur les habitudes de vie et, à notre connaissance, aucune d’entre elles ne s’est attardée explicitement à la santé cardiovasculaire d’individus occupant une activité occupationnelle spécifique. L’approche socioculturelle de Pierre Bourdieu nous a permis d’aller au-delà des approches classiques, en incluant non seulement les conditions de travail des conducteurs, mais aussi leurs caractéristiques personnelles (classe socioéconomique, masculinité, situation familiale). Le concept de « rapport au corps instrumental » (Bourdieu, 1979) s’est avéré être un outil indispensable afin d’obtenir une compréhension profonde des facteurs contribuant à l’adhésion à un régime de santé. En observant le lien entre les conditions d’existence et la culture de classe, ce concept a permis d’expliquer comment l’intériorisation de normes et de valeurs peut engendrer des pratiques néfastes pour la santé et en quoi ces facteurs contraignent l’adoption d’un régime pour les individus souffrant de maladies cardiaques.

Sur le plan méthodologique, cette approche qualitative a permis de mettre en garde l’usage indiscriminé de certains concepts. Par exemple, certains aprioris tels que la prise en charge individuelle et le contrôle sur sa vie – deux caractéristiques souvent perçues comme fondamentales à une bonne santé – ont été à l’origine de comportements à risque pour la santé dans ce contexte de la masculinité. Les actions des hommes moins bien nantis visent davantage à améliorer leur stabilité financière et leur bien-être psychologique, que de prévenir des maladies potentielles ; mieux « vivre », en investissant dans sa qualité de vie immédiate, que de « survivre » plus longtemps, sans garanties quant à la satisfaction.

En se penchant sur la volonté et la capacité d’agir des individus, ce type d’analyse permet de relativiser certaines approches en promotion de la santé qui sont principalement centrées sur le choix rationnel des individus comme une composante sin qua non du maintien d’un régime de santé ; par exemple, l’ensemble des témoignages exposent en quoi le « choix » de pratiques dépend beaucoup du stress et de l’environnement social qui découlent de la défavorisation.

Par ailleurs, le type d’emploi et les conditions de travail ont été fréquemment identifiés comme des facteurs explicatifs de la santé des hommes. Tel que présentées dans cet article, les caractéristiques des emplois de la route (forte intensité du travail, horaires irréguliers, échéanciers serrés, espaces physiques malsains) constituent des freins à un style de vie sain (alimentation saine, pratique régulière d’activités physiques, suivis médicaux, repos). Les politiques, interventions et programmes visant à améliorer la santé en milieu de travail ont eu des résultats probants sur les habitudes de vie des travailleurs (Edington, 2009). En ce qui a trait au métier de la route, des programmes de santé ciblés et supervisés par des professionnels de la santé ont aussi eu des résultats positifs sur l’état de santé des travailleurs (Kruger et al., 2007). Dans un examen critique des écrits sur cette question, Apostolopoulos et al. (2010) identifient plusieurs types d’interventions prometteuses à cet égard : la présence accrue d’infirmières spécialisées en promotion de la santé, la création d’incitatifs économiques favorisant l’adhésion à des centres d’entrainement physique, la promotion de la vente de produits alimentaires sains dans les lieux fréquentés par les travailleurs de la route et l’amélioration des conditions de travail. Cependant, de tels efforts ont eu des résultats mitigés lorsqu’il s’agit de modifications durables des habitudes de vie (Poulsen, 2004). Si les dirigeants d’associations professionnelles reconnaissent les problèmes de santé de leurs travailleurs de la route, peu d’entre eux se considèrent directement responsables des habitudes de vie de leurs employés, limitant ainsi la possibilité de réformes sociosanitaires (Apostolopoulos et al., 2010).

Si chaque profession présente des défis en matière de santé des travailleurs, ceux des métiers de la route sembleraient difficiles à relever indépendamment d’une politique de santé ayant été le fruit d’efforts concertés entre les institutions de santé publique et associations professionnelles (employeur et travailleurs). Ce type de coordination n’est pas illusoire si l’on tient compte de leurs retombées positives sur le bien-être des travailleurs (Dogdill et al., 2008) et sur l’amélioration de la productivité des entreprises (Edington et Schultz, 2008).

D’un point de vue sociétal, il y a aussi lieu d’intégrer les politiques publiques, de main-d’oeuvre et de santé afin d’atteindre les conditions de vie minimales que requiert le souci personnel de sa propre santé. Tel que l’a suggéré Denis Raphael (2002), les stratégies en promotion de la santé qui placent uniquement leur accent sur les styles de vie des individus sont insuffisantes si elles ne considèrent pas leurs facteurs sociopolitiques.

Les constats présentés dans cette étude renforcent la notion de la vulnérabilité des certains groupes de travailleurs et de l’importance de préserver nos institutions de protections sociales. Avec l’érosion progressive de l’État providence, de la sécurité du revenu et des divers services sociaux, il est fort probable que ce sont les personnes les plus vulnérables de la société, hommes ou femmes, qui souffriront le plus, faute de moyens adéquats pour adopter un style de vie en fonction des normes de santé recommandées par nos institutions (Dumas et Turner, 2009).

La méthodologie employée dans cette étude atteste de l’importance des partenariats avec les organismes communautaires et gouvernementaux (Centre de réadaptation cardiaque du CSSSG et Office municipal de l’habitation) pour le recrutement des populations socio-économiquement défavorisées. L’identification des populations à risque et l’accès aux sites fréquentés par les populations vulnérables ont permis à l’équipe de recherche de recruter un nombre adéquat de participants. Sans la collaboration de ces organismes, le recrutement des participants aurait été très difficile.

Quelques précisions doivent être apportées quant aux limites de notre étude. L’échantillon est composé de 11 hommes de milieux moins bien nantis occupant des métiers de la route non spécialisés, ce qui exclut fort probablement les expériences de vie d’autres conducteurs mieux nantis et plus spécialisés qui pourraient avoir de meilleures conditions de travail. Une analyse plus pointue des différentes conditions d’existence aurait pu montrer une plus grande hétérogénéité des styles de vie. La grande variation de l’âge des participants (44 à 84 ans) est aussi un facteur à considérer puisqu’elle ouvre la porte à une variation générationnelle des conditions de travail des conducteurs. Par exemple, de nouveaux emplois plus spécialisés dans le domaine de la conduite pourraient être plus fortement balisés par des syndicats professionnels, ce qui aurait certainement des impacts sur la qualité de vie des travailleurs. Il faut donc faire preuve de prudence dans l’application de ces données à d’autres contextes, ceux-ci pouvant modifier considérablement le style de vie des hommes vivant dans des milieux comparables à celui de notre étude.

En conclusion, il y a de bonnes raisons de croire que la santé des hommes occupera l’avant-scène des politiques de santé au Canada dans les années à venir. La mise sur pied en 2000 de l’Institut de la santé des femmes et des hommes ainsi que la présence de nombreux organismes voués à la santé des hommes sont des faits porteurs d’avenir. Au Québec, l’intérêt pour la santé des hommes semble être exprimé plus vivement depuis quelques années. Le Ministère de la Santé et des Services sociaux a publié un rapport intitulé « Les hommes : s’ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins », visant à évaluer les besoins et à définir les paramètres d’une politique sur la santé des hommes (Gagnon, Rondeau et Mercier, 2004). Selon le ministre de la Santé de l’époque, Philippe Couillard, ce rapport marquait un tournant puisqu’il déclarait, pour la première fois, la santé masculine comme une priorité gouvernementale. Cette tendance nationale n’est pas isolée puisque la plupart des gouvernements des pays industrialisés s’apprêtent à établir les bases d’un mouvement pour la santé des hommes (Robertson et al., 2009).