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“Je devrais sans doute m’interroger d’abord sur les raisons qui ont pu incliner le Collège de France à recevoir un sujet incertain, dans lequel chaque attribut est en quelque sorte combattu par son contraire [...] Et s’il est vrai encore que j’ai lié très tôt ma recherche à la naissance et au développement de la sémiotique, il est vrai aussi que j’ai peu de droits à la représenter, tant j’ai été enclin à en déplacer la définition.”

Roland Barthes, Leçon (1977)

L’intense activité de recherche théorique qui anima les années 1960 vit notamment l’éclosion de la sémiologie, science générale des signes dont l’existence prospective, postulée quelque cinquante ans plus tôt par Ferdinand de Saussure dans son Cours de linguistique générale (1916), était restée jusqu’alors lettre morte. Roland Barthes fut certainement l’un des premiers à se soucier du développement de cette nouvelle science humaine dont l’élaboration fit l’objet d’abord des “Éléments de sémiologie” (1964) et de son Système de la mode (1967), dans le but d’établir un protocole d’analyse sur la base d’une terminologie pertinente et objective et d’un corps de postulats, de codes et de conventions.

Les “Éléments de sémiologie” sont un texte didactique émanant d’un enseignement à l’École Pratique des Hautes Études et paru en 1964 dans le numéro 4 de la revue Communications. Dès l’introduction Barthes souligne le fait que confronté à des codes, à des ensembles signifiants où s’affiche une profondeur sociale, on rencontre nécessairement le langage, et que, pour prendre l’exemple du cinéma, de la publicité, de la bande dessinée et de la photographie de presse,nous sommes, bien plus qu’autrefois et en dépit de l’envahissement des images, une civilisation de l’écriture” (Barthes 1970 : 80). Ce recours à la langue exigé par les images, si envahissantes soient-elles, fonderait donc dans l’écriture les communications de masse. Dans cette perspective Barthes envisage l’avènement de la sémiologie comme celui d’une trans-linguistique (“Éléments” : 81), c’est-à-dire d’une science du langage dont l’unité de base ne serait simplement plus le phonème et qui, renversant la proposition saussurienne, ferait de la sémiologie une partie intégrante de la linguistique même (ibid. : 81), renversement d’autant plus justifiable à ses yeux que la sémiologie reste encore à constituer, un système en devenir sous réserve ou bénéfice d’inventaire, ce qui est encore affirmer d’une autre façon la primauté du langage. Mais comment être sûr que tout ce qui est nommé est porteur de signification, et ce qui ne l’est pas insignifiant?

Ce faisant les “Éléments” se donnent pour objectif de dégager de la linguistique quelques concepts généraux et opératoires susceptibles de favoriser et de conforter la recherche sémiologique, sans chercher à leur assigner une valeur dogmatique mais à les considérer plutôt en tant que supports heuristiques. L’entreprise barthésienne va ainsi centrer ses analyses sur les concepts dichotomiques que sont langue/parole, signifiant/signifié, syntagme/système, donc trois couples conceptuels saussuriens, et sur un dernier couple emprunté aux Essais linguistiques du danois Louis Hjelmslev, dénotation/connotation. Barthes se rallie à la conception du langage comme forme, c’est-à-dire comme système de relations oppositives. Ainsi entendu, le système se construit selon des rapports entre unités discrètes, point de vue qui est à la base de la phonologie de Jakobson, et dont le partage binaire est en accord avec la tendance fondamentale de la pensée structurale.

Considérant le système culturel et social de la nourriture Barthes y distingue un niveau de parole constitué par la variété des choix et des combinaisons de mets, et un niveau de langue qui définit les tabous, les règles de l’association des aliments, de ce qui, pour une société donnée, peut être ou non assorti et consommé et de l’ordre de l’assortiment. Un menu de restaurant est tout à fait représentatif de cette interaction entre langue et parole. Il présente à la fois une ordonnance syntagmatique, celle des potages, des entrées, des plats, des salades, des fromages et des desserts, et une disposition paradigmatique qui consiste en la possibilité d’un choix à l’intérieur de chacune de ces catégories. Barthes estime dès lors qu’il existe une relation langue/parole extensive à tous les systèmes de signification, même si la substance de ces systèmes n’est pas toujours verbale. Le vêtement, le mobilier, l’architecture seraient ainsi redevables de ce même genre de description. D’autre part, selon lui, “l’avenir est sans doute à une linguistique de la connotation, car la société développe sans cesse, à partir du système premier que lui fournit le langage humain, des systèmes de sens seconds et cette élaboration, tantôt affichée, tantôt masquée, rationalisée, touche de très près à une véritable anthropologie historique” (164). S’appuyant sur les travaux de Hjelmslev qui remplace la terminologie saussurienne du signifiant et du signifié par celle de l’expression, du contenu et de la relation entre les deux plans (ERC), Barthes distingue entre connotation où un premier signe (ERC) vient occuper le poste de l’expression d’un second signe, et métalangage où un premier signe (ERC) vient occuper cette fois le poste du contenu d’un second signe. Déjà dansLe mythe aujourd’hui”, postface de Mythologies (1957) il avait relevé un fonctionnement connotatif de ce type et l’illustrait par le commentaire d’une photo empruntée à un numéro de Paris Match qui montrait un soldat noir en uniforme français saluant le drapeau tricolore (201). Si la photographie avait un premier sens, celui du soldat faisant le salut, elle signifiait, en second lieu, que la France est un grand Empire, que chacun de ses fils sert, sans distinction de race et de couleur, réfutant ainsi l’accusation de colonialisme.

Système de la mode, conçu et rédigé entre 1957 et 1963, mais plublié seulement en 1967,est l’analyse structurale du vêtement féminin tel qu’il est aujourd’hui décrit par les journaux de Mode; la méthode en a été originairement inspirée par la science générale des signes, que Saussure avait postulée sous le nom de sémiologie” (Système de la mode : 3). L’adhésion scientifique du projet et son appartenance saussurienne sont donc toujours alléguées, même si dans le second cas des aménagements se révèlent nécessaires dans la mesure où la mode fait intervenir au moins trois systèmes : le vêtement écrit c’est-à-dire décrit par un journal de mode où la langue existerait à l’état pur sans parole, ce qui est contraire à la conception saussurienne, mais rendu possible ici en tant que code généré par un groupe de décision et non par la masse parlante; le vêtement photographié où la langue toujours issue du fashion-group n’est accompagnée que d’une parole figée, privée de toute liberté combinatoire du fait de la présence d’un mannequin “normatif”; le vêtement porté (ou réel) qui lui seul possède à la fois une langue et une parole, une langue qui fait alterner selon des règles impératives pièces et empiècements, et une parole qui combine ceux-ci au gré du goût. Si Barthes visait initialement la mode portée, il dut se contenter d’analyser la mode écrite, n’accédant qu’à du discours, à des fragments, à des notes explicatives, à des légendes recueillies au fil des pages des magazines. Le projet sémiologique s’en trouva singulièrement contrarié et amoindri aux yeux de l’auteur lui-même qui dans l’Avant-propos de son livre qualifie celui-ci de daté et de naïf. La déconvenue conduit Barthes à une position de retrait lors d’un entretien qui suit de près la parution de l’ouvrage, au point d’en modifier l’ambition première.Je dirai qu’on peut concevoir Système de la mode comme un projet poétique, qui consiste précisément à constituer un objet intellectuel avec rien, ou avec très peu de choses […]. De telle sorte que l’on puisse se dire (cela aurait été l’idéal, si le livre était réussi) : au début, il n’y a rien, le vêtement de mode n’existe pas, c’est une chose extrêmement futile et sans importance, et à la fin il y a un objet nouveau qui existe, et c’est l’analyse qui l’a constitué” (Barthes 2002 : 1320). Ce n’est pas dire pour autant que Système de la mode est un livre sans profondeur théorique même si sa contribution à la sémiologie naissante reste peu convaincante, tout au moins en fonction de son horizon d’attente et de ses objets affichés.

L’“Introduction à l’analyse structurale des récits” (1966) est l’occasion de se demander si le choix de ce nouvel objet de recherche représente une seconde déviation par rapport aux objectifs attendus de la sémiologie, ou plus exactement un rétrécissement de perspective, puisqu’il s’agit là, avant tout, d’une réflexion de caractère narratologique. Adhérant aux principes du structuralisme Barthes définit la critique comme l’activitéde se donner pour fin morale, non de déchiffrer le sens de l’oeuvre étudiée, mais de reconstituer les règles et contraintes d’élaboration de ce sens [...] la littérature n’est bien qu’un langage, c’est-à-dire un système de signes : son être n’est pas dans son message, mais dans ce “système”, le critique n’ayant pas à reconstituer le message de l’oeuvre, mais seulement son système, tout comme le linguiste n’est pas tenu de déchiffrer le sens d’une phrase, mais à en établir la structure formelle qui permet au sens d’être transmis (Essais critiques : 256-257). Reconnaissant que depuis la postface des Mythologies, il s’intéresse moins aux thèmes qu’aux systèmes de signification entendus comme système formels, Barthes ajoute :Je me suis trouvé engagé dans une série d’analyses structurales, qui visent toutes à définir un certain nombre de “langages” extra-linguistiques : autant de “langages”, à vrai dire, qu’il y a d’objets culturels (quelle que soit leur origine réelle), que la société a dotés d’un pouvoir de signification”, et il donne pour exemples la nourriture, le vêtement, les images, le cinéma, la mode, la littérature (Essais critiques : 155). Ces mises au point sont on ne peut plus claires : la littérature est un objet culturel parmi d’autres, donc susceptible elle aussi d’une approche sémiologique.

Dans les années soixante le structuralisme triomphe comme méthodologie et épistémologie généralisée, la marque “structural” garantissant le caractère scientifique et systématique d’une recherche fondée à l’encontre de l’impressionnisme associé à une approche descriptive, subjective et interprétative. La psychanalyse lacanienne est ainsi qualifiée de “structurale”, tout comme l’anthropologie de Lévi-Strauss, la philosophie de Foucault, la linguistique de Benveniste et la sémiotique de Greimas. L’intérêt des structuralistes pour le récit est manifeste, comme le montrent les travaux de Dumézil et de Lévi-Strauss sur les mythes, et ceux de Greimas lui-même qui publiera sur le mythe lithuanien et sur une nouvelle de Maupassant. La redécouverte de la Morphologie du conte de Propp est à l’origine d’une réflexion théorique portant sur le statut du narratif, et en particulier sur la notion de syntaxe narrative envisagée comme une succession canonique de fonctions définies comme des programmes d’action. C’est dans le cadre de ce mouvement de pensée que s’inscrit l’“Introduction à l’analyse structurale des récits” qui, comme son titre l’indique, sert très précisément d’exorde aux articles réunis dans le numéro 8 de la revue Communications, qui regroupe de manière très oecuménique, outre le nom de Barthes, ceux notamment de Greimas, Bremond, Eco, Metz, Todorov et Genette. Tout en dotant son article d’une visée promotionnelle, Barthes de son propre aveu y occupe une position en retrait, quasiment de préfacier, de présentateur ayant le soucide gêner le moins possible les recherches en cours” (1966 : 12, note 1). Il s’agit là à la fois d’un texte heuristique, ouvert, mais aussi d’un texte freiné, provisoire et qui se reconnaît comme tel. L’apport proprement barthésien dans l’“Introduction” réside essentiellement dans la structure globale de l’argument qui s’appuie sur la théorie des trois niveaux d’Émile Benveniste et sur l’extension au récit des pratiques de la dystaxie et de l’intégration empruntées à la linguistique. La notion de séquence est timidement introduite en fin d’article et aurait mérité un plus long développement que Barthes malheureusement ne se souciera pas d’approfondir par la suite.

Si l’“Introduction” trouve sa place au sein de la démarche structuraliste et sémiologique, la caution linguistique de Saussure et de Benveniste en assurant la volonté de scientificité, les procédures d’analyse utilisées dans S/Z (1970) relèvent déjà d’une tout autre perspective théorique et critique qui met la science à l’écart car celle-ci n’évalue pas (Barthes, 1970 : 10), se contentant de poser sur le récit quel qu’il soit un regard indifférent à sa valeur. Ce qui est désormais favorisé c’est l’interprétation telle que Nietzsche l’entend, c’est-à-dire l’examen du sens envisagé dans sa pluralité. Les enjeux ont soudain changé, le retournement est spectaculaire, Barthes oublie le système au profit du sens, rejette le recours à la scientificité qui corsetait ses essais sémiologiques de 1957 à 1966. Cette sémiologie-là, linguistique, scientifique, systématique, n’aurait donc été qu’une phase de son évolution intellectuelle et de ses projets de chercheur (Barthes 1975 : 148).Ainsi, pensait-il, c’est faute d’avoir su s’emporter, que la science sémiologique n’avait pas trop bien tourné : elle n’était souvent qu’un murmure de travaux indifférents, dont chacun indifférenciait l’objet, le texte, le corps. Comment oublier, pourtant, que la sémiologie a quelque rapport avec la passion du sens” (1975 : 163). Le chercheur s’est subitement dégagé de sonrêve euphorique de scientificité dont Système de la mode et les “Éléments de sémiologie” sont les résidus” (Barthes, “Réponses”, OC III, 197 : 1032).

Modèle central et générateur, l’interprétation fait appel à des concepts opératoires tels les cinq codes qui se révèlent à l’usage d’un emploi plus métaphorique que scientifique.

J’aimerais travaillez sur les contributions proprement sémiologiques de Barthes, en particulier celles qui sont réunies dans L’ Aventure sémiologique, et relever les points suivants :

  • ces contributions ont soit une visée promotionnelle s’appuyant pour une bonne part sur les travaux de théoriciens contemporains (“Éléments de sémiologie”, “Introduction à l’analyse structurale des récits”), soit restent en-deçà des pistes d’analyse suggérées qui sont rarement mises à l’épreuve ou exploitées dans toute leur potentialité, à l’encontre de ce que font d’autres théoriciens (Greimas, Genette). Barthes s’arrête court, en reste aux préliminaires, et tourne son intérêt vers d’autres propos. Un cas probant serait celui de la séquence mentionnée plus haut;

  • si la sémiologie repose largement sur les principes de l’analyse structurale, Barthes n’hésite pas à faire de sérieuses entorses à celle-ci, faisant appel à d’autres modèles explicatifs, tels par exemple ceux de la psychanalyse. Ce n’est pas dire que sa pratique des textes n’est pas souvent brillante, mais sa méthodologie fait bonne figure à l’hétérogène, et reste personnelle plus que scientifique, ce qui peut étonner de la part d’un théoricien qui a décrété par ailleurs la mort de l’auteur;

  • quels sont la part et le rôle de la métaphore dans la conceptualisation barthésienne?

  • ce qui débouche sur un choix d’écriture qui met en relief le style de l’auteur, selon le sens que Barthes lui-même donne à ces deux termes, et qui se manifeste par un discours quasiment liturgique, cérémonial, par la célébration du langage, par le baptême du mot que le geste officiant de la nomination consacre et qui apparaît comme l’objectif critique privilégié et essentiel. L’article pourrait s’intituler : “Roland Barthes : une sémiologie en attente”.

La science traditionnelle est, selon Barthes, idéologique parce que, comme le “mythe”, elle escamote sa propre nature discursive. Elle se présente comme une activité neutre qui dévoile la Vérité, et s’exprime de façon pure à l’aide d’un métalangage objectif. La littérature, par contre, nous montre que tout discours est une “pratique” bien spécifique, une “pratique” qui définit ses propres règles d’énonciation et qui produit sa propre vérité. Pour Barthes, le discours esthétique fonctionne comme un supplément critique de la science : il montre ce que la science traditionnelle doit ignorer, à savoir que sa Vérité n’est nullement dégagée du langage mais qu’elle n’est que l’effet d’une opération de mise en discours. Toutefois, il nous semble que dans sa polémique contre la science traditionnelle Barthes tend à la représenter comme beaucoup plus homogène qu’elle ne l’est en réalité. De façon systématique il dénonce le réalisme de la science, tandis qu’il n’est point certain que toutes les sciences soient complètement indifférentes à leur propre nature discursive. Nous ne pouvons donc que souscrire à la critique de Calvino qui, dans un entretien à propos du rapport entre science et littérature, s’en prend à Barthes et aux telqueliens pour avoir méconnu la créativité formelle de certaines disciplines scientifiques telles que les mathématiques modernes :

Mais la science d’aujourd’hui peut-elle vraiment être définie par pareille confiance en un code référentiel absolu? N’est-elle pas plutôt désormais une continuelle mise en cause de ses propres conventions linguistiques? Dans sa polémique contre la science, Barthes semble juger la science comme beaucoup plus compacte et plus sûre d’elle-même qu’elle ne l’est en réalité. Et –au moins pour ce qui regarde la mathématique–nous nous trouvons moins confrontés à la prétention de fonder un discours sur une vérité extérieure, que devant une science qui ne se refuse pas à jouer avec son propre processus de formalisation.

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Cela étant, qu’en est-il de la littérature dans l’oeuvre de Barthes? Quel est le prix de la promotion spectaculaire dont elle fait l’objet pendant les années 70? À notre avis, le primat que Barthes accorde à la littérature dans l’architectonique des savoirs et des discours repose sur un paradoxe étrange : d’une part, il affirme sans cesse que l’“écriture littéraire” est radicalement intransitive et autotélique, d’autre part, il souligne l’utilité d’une telle “écriture” dans le combat contre l’idéologie. En dernière instance et malgré l’autonomie absolue qu’il accorde à la sphère littéraire, il semble donc que Barthes juge de la légimité ou de l’illégimité des différents types d’“écritures” selon des critères autres qu’esthétiques. Si, dans les textes des années 70, il valorise des écrivains tels que Sade, Fourier ou Flaubert, c’est qu’ils permettent au critique d’anticiper sur l’avènement d’une société meilleure, d’une société où le sens oppressif cédera à la libre production des signifiants (cf. infra). Pas plus que Macherey, Barthes n’accorde à la littérature l’autonomie qu’elle réclame depuis la fin du siècle précédent. Il nous semble, en effet, que l’appréciation barthésienne de la littérature est surdétérminée par des a priori politiques et éthiques au point même où il doit condamner certaines formes littéraires traditionnelles, celles qui se plient moins facilement aux exigences de son projet critique. Elles sont évacuées de la sphère “esthétique” - de ce qu’il en reste après que le critique a séparé le bon grain de l’ivraie - sous prétexte qu’elles se conforment trop à l’idéologie de la “Doxa” et de la représentation cf. infra.

Dès lors, Barthes, dès ses “Éléments de sémiologie”, ne se consacre plus à l’analyse sémiologique des messages linguistiques ou non-linguistiques, mais à la défense de cette nouvelle conception du littéraire, qu’il tâche d’inscrire et de distiller dans chacune de ses contributions. À la fin deL’ ancienne rhétorique [aide-mémoire]”, texte publié en 1970, mais qui est la transcription du séminaire de 1964-1965 à l’EPHE, Barthes insère une conclusion qui appelle[à] faire tomber la Rhétorique au rang d’un objet pleinement et simplement historique, [à] revendiquer, sous le nom de texte, d’écriture, une nouvelle pratique du langage, et [à] ne jamais se séparer de la science révolutionnaire […]” (73). La rhétorique, si elle s’est avérée être un outil puissant pour le décodage des messages dans une perspective structurale de la sémiologie des premières heures, doit désormais être dépassée et Barthes incite alors à seconfronter à une nouvelle sémiotique de l’écriture”.

Si la littérature est, aux yeux de Barthes, le lieu préférentiel de la textualité, le Texte peut néanmoins être présent partout, et notamment dans le discours théorique. Dans son introduction au n° 19 de Communications, où sont publiés des textes dejeunes chercheurs”, on peut lire quele travail sémiotique accompli en France depuis une quinzaine d’années a en effet mis au premier plan une notion nouvelle qu’il faut peu à peu substituer à la notion d’oeuvre : c’est le Texte” (75). Fruit d’une sémiologie qui a suivile cheminement de la linguistique”, passant d’unsaussurisme qui se consacrait principalement au classement et à l’analyse des signes” (76) et, sous l’influence conjointe de Chomsky et Benveniste, àune étude des mécanismes de production qui génèrent le texte”, la notion de Texte trouve alors à s’exprimer partout, même dans le discours scientifique.