Résumés
Résumé
Nombreuses sont les personnes exposées à une concentration excessive de fluor dans l’eau qu'ils boivent. C’est le cas de la population vivant dans le sud algérien. L'excès de fluor provoque des affections invalidantes : la fluorose dentaire, la fluorose osseuse. L’objectif principal de ce travail est d’étudier l’effet de la pression et de la concentration des sels sur leur rétention par nanofiltration. Pour cela, nous avons déterminé les paramètres de performance de flux et de rétention vis-à-vis des solutés ioniques NaF, NaBr, NaCl et NaI par la membrane de nanofiltration NF 270. Cette présente étude examine aussi la défluoruration d’eaux saumâtres réelles du sud algérien. Des essais en nanofiltration ont montré que la rétention des anions se fait dans l’ordre suivant : F‑ > Cl‑ > Br‑ > I‑. La membrane NF 270 retient mieux les ions à une pression de 10 bar. Au-delà de cette dernière, la rétention des ions monovalents se stabilise aux différents pH étudiés puis diminue. À faible concentration (10‑3 M) la rétention limite des solutés étudiés est plus élevée qu’à plus forte concentration (10‑2 M). Il a été démontré que les ions fluorures peuvent être retenus sélectivement d’une eau naturelle saumâtre hyperfluorée à pH naturel à plus de 82 % en présence d'autres ions.
Mots-clés :
- Nanofiltration,
- sels monovalents,
- membrane,
- défluoruration,
- eau saumâtre
Abstract
Many people are exposed to excessive fluoride in their drinking water. This is the case of the population living in southern Algeria. Excess fluoride causes disabling conditions: dental and skeletal fluorosis. The main objective of this work is to study the effect of pressure and solute concentration of salts on their retention by nanofiltration. In a first step, we determined flow and retention performance parameters for the ionic solutes NaF, NaBr, NaCl and NaI using the nanofiltration membrane NF 270. Secondly, defluorination of natural brackish waters from southern Algeria was carried out. The nanofiltration tests show that the retention of anions following the order: F‑ > Cl‑ > Br‑ > I‑. The NF 270 membrane retains the ions better at a pressure of 10 bar. Beyond this value, the retention of ions leveled off at the different studied pH values and then decreased. At low concentrations (10‑3 M), the retention limit of the solutes studied was greater than that at a higher concentration (10‑2 M). It was finally shown that fluoride ions can be selectively retained from hyper-fluorinated natural brackish water (at a rate over 82%) in the presence of other ions.
Keywords:
- Nanofiltration,
- monovalent salts,
- membrane,
- defluoridation,
- brackish water
Corps de l’article
1. Introduction
Le procédé de la nanofiltration (NF) est en général apprécié pour sa faible consommation énergétique, sa bonne sélectivité et son faible coût (MU et al., 2012, SANGHATNA et TANVIR, 2015). Cette technique est une opération membranaire placée entre l’osmose inverse et l’ultrafiltration. Elle s’est développée grâce à l’avènement des membranes asymétriques/composites et aux nanotechnologies (ABOUZAID et al., 2003, SAIDANI et al., 2010). La NF implique deux mécanismes de transfert de matière : la convection forcée et la diffusion (BEJAOUI et al., 2014, ABOUZAID et al., 2003). Actuellement, la nanofiltration connaît une expansion importante pour le traitement des eaux et remplace l’osmose inverse dans certains de ses domaines réservés comme les eaux saumâtres (PONTIE et al., 2008, KELEWOU et al., 2011). L'originalité de ce travail est de comparer la réjection des sels monovalents (NaF, NaBr, NaCl et NaI) dans différentes conditions opératoires et de réaliser la défluoruration d’une eau saumâtre du Sud-Est algérien (Kouinine) par la membrane NF 270.
2. Matériels et méthodes
2.1. Protocole opératoire
La membrane de nanofiltration utilisée est une membrane organique spiralée composite de type NF 270 de surface filtrante 2,6 m2 et un seuil de coupure MWCO (molecular weight cut-off) = 300 Da. Les expériences de filtration ont été réalisées sur un pilote de filtration à échelle semi-industrielle (Figure 1), avec des solutions de sels inorganiques (NaF, NaCl, NaBr et NaI) à deux concentrations 10‑2 et 10‑3 M, un intervalle de pression allant de 5 à 15 bar et une température de 25 °C.
Le tableau 1 regroupe les caractéristiques physicochimiques de l’eau saumâtre hyperfluorée à traiter provenant de Kouinine avant et après le traitement par nanofiltration. Le suivi analytique des anions et des cations a été effectué par la méthode conductimétrique et la chromatographie ionique avec une détection conductimétrique (DIONEX). Les valeurs de la pression osmotique théorique sont 0,495 et 0,0495 bar pour les solutions des sels monovalents à des concentrations de 10‑2 et 10‑3 M respectivement et 1 292 pour l’eau brute (Kouinine).
3. Résultats et discussion
3.1. Perméabilité
Le calcul de la perméabilité de l’eau pure de la membrane testée a été réalisé à partir de la variation du débit de perméat en fonction de la pression transmembranaire pour chaque pression appliquée. Le tableau 2 montre les perméabilités obtenues avant et après chaque filtration. L’examen des résultats montre qu’il n’y a pas de colmatage au niveau de la membrane NF 270 : la perméabilité se maintient à une valeur de 8,94 ± 0,31 L∙h‑1∙m‑2∙bar‑1.
3.2. Influence de la pression appliquée, du pH et de la concentration
La figure 2 montre que la rétention des sels étudiés augmente jusqu'à une pression appliquée de 10 bar. Au-delà de cette dernière, sa valeur se stabilise puis diminue du fait de la polarisation de concentration liée aux forts débits de perméat. Les meilleures performances sont obtenues à un pH voisin de 7. L’augmentation de concentration de 10‑3 à 10‑2 M entraine, par ailleurs, une diminution de la rétention des sels. Ces résultats sont la signature des interactions électrostatiques entre les ions et la charge de la membrane : cette dernière diminue avec le pH et l’augmentation de la force ionique diminue la portée des interactions électrostatiques par l'écrantage des charges. Finalement, on observe que l’ordre de rétention s’établit comme suit : NaF > NaCl ≈ NaBr > NaI. Ce résultat déjà observé pour d’autres membranes de NF a été expliqué par le rayon ionique de F‑ qui est de l’ordre de 0,352 nm conduisant à une énergie de solvatation supérieure aux autres halogénures (515 kJ∙mol‑1) (ABOUZAID et al., 2003). Le rendement de la défluoruration à 10 bar est de 90,2 % avec un flux de perméat 58,8 L∙h‑1∙m‑2 pour une concentration 10‑3 M et un pH 6,84 (Figure 2).
3.3. Application à une eau naturelle de Kouinine
La figure 3 montre que les ions monovalents sont moins bien retenus que les ions bivalents. La rétention des anions se fait dans l’ordre suivant qui suit celui des énergies d’hydratation : RSO42‑ (1 138 kJ∙mol‑1) > RF‑ (515 kJ∙mol‑1) > RCl- (376 kJ∙mol‑1) (DOLVAR et al., 2011). Les membranes de charge négative (cas général des membranes de NF) ont tendance à repousser d'une manière plus importante les anions polyvalents que les anions monovalents (MNIF et al., 2010). De même, en ce qui concerne les cations, l’ordre de sélectivité de séparation suit l’ordre des énergies d’hydratation (DOLVAR et al., 2011) : RMg2+ (1 921 kJ∙mol‑1) > RCa2+ (1 584 kJ∙mol‑1) > RNa+ (407 kJ∙mol‑1).
Le passage des ions fluorures à travers la membrane NF 270 est plus favorisé dans l’eau de Kouinine avec un taux de rétention plus de 82 % légèrement inférieur à celui attendu d’après l’étude des solutions synthétiques (environ 90 %). En fait, la rétention des autres ions présents dans la solution interfère. En effet, le passage des ions les plus mobiles permet de maintenir l’électroneutralité du perméat. La teneur en F‑ de l'eau traitée est de 0,2 mg∙L‑1 pour l’eau de Kouinine, ce qui est conforme aux valeurs guides de l’Organisation mondiale de la santé et quasiment à celles des normes algériennes.
4. Conclusion
L’application de la technologie membranaire de NF pour la rétention des halogénures de sodium (F‑, Cl‑, Br‑ et I‑) et pour le traitement de l’eau saharienne saumâtre de la région d’El Oued (Kouinine) a été étudiée et a permis d’aboutir à des performances de dessalement et de défluoruration intéressantes. On peut donc conclure que la NF s’avère être une méthode efficace pour l’élimination des ions F‑ à pH neutre. Cette technique est tout à fait recommandable pour aider à réduire la salinité des eaux saumâtres sahariennes hyperfluorées.
Parties annexes
Références bibliographiques
- UABOUZAID A., A. MOUZDAHIR et M. RUMEAU (2003). Étude de la rétention des sels monovalents et bivalents par nanofiltration. C. R. Chim., 6, 431-436.
- BEJAOUI I., A. MNIF et B. HAMAROUNI (2014). Performance of reverse osmosis and nanofiltration in the removal of fluoride from model water and metal packaging industrial effluent, Sep. Sci. Technol., 49, 1-11.
- DOLVAR D., K. KOSURIC et B. VUCIC (2011). RO/NF treatment of wastewater from fertilizer factory-removal of fluoride and phosphate. Desalination, 265, 237-241.
- KELEWOU H., A. LHASSANI, M. MERZOUKI, P. DROGUI et B. SELLAMUTHU (2011). Salts retention by nanofiltration membranes: Physicochemical and hydrodynamic approaches and modeling. Desalination, 277, 106-112.
- MNIF A., M. BEN SIK ALI et B. HAMROUNI (2010). Effect of some physical and chemical parameters on fluoride removal by nanofiltration. Ionics, 16, 245-253.
- MU T., Y. CONG, W. WANG et B. ZHANG (2012). Preparation and characterization of novel chitosan composite naniltration membrane containing mesogenic units. Desalination, 298, 67-74.
- PONTIE M., H. DACH, J. LEPARC, M. HAFSI et A. LHASSANI (2008). Novel approach combining physico-chemical characterizations and mass transfer modelling of nanofiltration and low pressure reverse osmosis membranes for brackish water desalination intensification. Desalination, 221 (1-3), 174-191.
- SAIDANI H., N. BEN AMAR, J. PALMERI et A. DERATANI (2010). Interplay between the transport of solutes across nanofiltration membranes and the thermal properties of the thin active layer, Langmuir, 26, 2574-2583.
- SANGHATNA S.W. et A. TANVIR (2015). Fluoride removal from water by various techniques: Review. Int. J. Innov. Sci. Eng. Technol., 2 (9), 560-571.