Résumés
Résumé
La recherche participative (ou recherche citoyenne) permet d’établir un partenariat entre le milieu académique (laboratoire universitaire et ses chercheurs) et le milieu associatif ou scolaire pour réaliser des études à visée scientifique. Elles permettent à la fois de mieux faire apprécier la démarche scientifique au grand public (qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes) et d’obtenir des données, sur le long terme ou sur un grand secteur géographique, utiles au chercheur. C’est dans ce cadre que deux actions se sont déroulées entre 2012 et 2014 sur le bassin du Madon, l’un des affluents de la Moselle, dans le sud de la Lorraine. Une première action a été réalisée dans le cadre d’une manifestation socioculturelle (les Chemins de l’Eau) organisée par la Fédération Départementale des Foyers Ruraux en juin 2013 : afin de sensibiliser les visiteurs aux ressources en eau dans leur environnement immédiat, une hydrothèque a été créée. La seconde action s’est adressée à des classes de primaire (CE2-CM1-CM2 et CM2) de trois localités rurales le long du Madon (Lerrain, Mattaincourt et Haroué). Tous les échantillons ont ensuite fait l’objet d’analyses au laboratoire : pH, conductivité, carbone organique dissous, azote total dissous, azote ammoniacal, ions majeurs, propriétés optiques (spectroscopie UV-visible, fluorescence). Ces expériences ont permis d’avoir un suivi temporel de trois stations le long du Madon et de participer à une cartographie des ressources en eau des Vosges en fonction des caractéristiques du bassin versant et de l’usage des sols. Dans les deux cas, le public visé a montré un vif intérêt.
Mots-clés:
- Recherche participative,
- Madon,
- azote ammoniacal,
- spectroscopie de fluorescence
Abstract
Participatory research establishes a partnership between the academic community (university laboratory and its researchers) and the associative or school environment, in order to conduct scientific studies. This approach favours a better understanding of the scientific approach by the public (whether children or adults) and provides data on the long-term or over a large geographical area that are useful for researchers. It is in this context that two actions took place between 2012 and 2014 in the Madon River watershed. The Madon River is a tributary of the Moselle, in the south of Lorraine (northeastern France). The first action was carried out as part of a socio-cultural event (les Chemins de l’Eau) organized by the Fédération Départementale des Foyers Ruraux in June 2013 to educate visitors about the water resources in their immediate environment. A water library was created. The second action was focused on primary school classes (CE2-CM1-CM2 and CM2) from three rural communities along the Madon (Lerrain, Mattaincourt and Haroué). All samples were subjected to laboratory analysis: pH, conductivity, dissolved organic carbon, total dissolved nitrogen, ammonia nitrogen, major ions, optical properties (UV-visible spectroscopy, fluorescence). These experiments provided a temporal monitoring of three stations along the Madon River and allowed the public to participate in the mapping of water resources in the Vosges area based on watershed characteristics and land use. In both cases the participants proved to be very interested by the approach.
Key Words:
- Participatory research,
- Madon,
- ammonium,
- fluorescence spectroscopy
Corps de l’article
1. Introduction
Les Vosges en France et la Forêt-Noire en Allemagne sont des ensembles montagneux apparus à la suite de l’effondrement du fossé rhénan. Du côté français la partie sud des Vosges est considérée comme un « château d’eau » car de nombreuses rivières (notamment la Moselle (affluent du Rhin), la Meurthe, la Moselotte et la Vologne (toutes trois affluents de la Moselle) et la Saône (affluent du Rhône) ainsi qu’un fleuve (la Meuse)) y ont leur source. La partie Est du massif est caractérisée par des roches granitiques (au Sud) et gréseuses (au Nord). Si le versant alsacien à l’Est vers le fossé rhénan est très abrupt, la partie Ouest s’étale doucement vers le bassin parisien. Administrativement le département des Vosges recouvre la partie Sud-Ouest du massif, dont le point culminant (Grand Ballon, 1 424 m) se trouve lui dans le département du Haut-Rhin. L'Association La Vigie de l'Eau, dont le siège se trouve à Vittel dans le département des Vosges a pour objet de développer la culture scientifique autour de l'eau en Lorraine. La Fédération Départementale des Foyers Ruraux des Vosges, quant à elle, est un réseau d’associations visant à promouvoir l’éducation populaire, en contribuant à l’animation et au développement des zones rurales. Ces deux entités se sont retrouvées depuis 2011 pour monter deux actions de recherche participative sur le thème de l’eau dans les Vosges. Le premier projet a été réalisé dans le cadre de l’opération les « Chemins de l’Eau » et avait pour but de mieux faire connaître les lieux d’eau en milieu rural et de commencer à en dresser une cartographie en fonction du contexte géographique, historique et d’usage du sol. Une hydrothèque, visible dans les locaux de La Vigie de l’Eau, a été conçue à cette occasion et a permis aux chercheurs de disposer d’une importante base de données pour des études sur la caractérisation de la matière organique dissoute. Le second projet a impliqué dans un premier temps des classes du second cycle primaire (CE2-CM1-CM2) dans les Vosges, à Lerrain et à Mattaincourt, puis à Haroué, en Meurthe-et-Moselle. Il s'est intégré dans un projet scientifique de la Zone Atelier du Bassin de la Moselle visant à l'évaluation, la compréhension et à la modélisation de la multipollution (domestique et agricole) du cours d'eau (d’après ASSAAD, 2014).
2. Matériels et méthodes
Seize foyers ruraux des Vosges ont participé à l’opération des Chemins de l’Eau. Après une reconnaissance des lieux d’eau, avec leur typologie, leur localisation et éventuellement le recueil des anecdotes s’y rapportant, les prélèvements ont été ensuite effectués entre octobre 2011 et novembre 2012 dans les différents villages, en général par temps sec et à différentes périodes de l’année (Figure 1). Les échantillons ont été prélevés à l’aide d’une canne de prélèvement ou d’un bailer, stockés dans des flacons en plastique en chambre froide et à l’obscurité. Les enfants des écoles, quant à eux, étaient répartis en cinq groupes par classe et devaient s’organiser pour effectuer les différentes tâches à leur charge. Ils tenaient également un cahier de laboratoire pour consigner leurs observations au moment du prélèvement (état visuel du cours d’eau, faune et flore) ainsi que leurs résultats. Ils ont été initiés à la prise d'échantillons (à l'aide d'un bailer) et à la réalisation d'analyses simples : conductivité et température avec une sonde de terrain (type 98311, Hanna Instruments Inc., Woonsocket, Rhode Island, É.-U.), pH avec des bandelettes (Fischer Scientific, Illkirch, France), teneurs en phosphates et en nitrates à partir de tests colorimétriques (Visocolor, Fischer Scientific), phytotoxicité avec le test de la laitue (adapté de MA.500-GCR 1.0, CENTRE D’EXPERTISE EN ANALYSE ENVIRONNEMENTALE DU QUÉBEC, 2003). Les échantillons filtrés (filtre en papier) étaient ensuite stockés au froid pour être récupérés par les chercheurs ultérieurement afin de réaliser des analyses complémentaires (pH, conductivité, carbone organique dissous, azote total dissous, azote ammoniacal, ions majeurs, propriétés optiques (spectroscopie UV-visible, fluorescence)). Les débits du Madon ont été extraits de la base HYDRO (http://hydro.eaufrance.fr) et les précipitations ont été mesurées par le SAD de Mirecourt.
3. Résultats et discussion
Afin de représenter visuellement les résultats obtenus dans le cadre des Chemins de l’Eau, la grille de couleur utilisée par le Système d’Évaluation de la Qualité de l’eau des rivières (SEQ-eau) est utilisée (Tableau 1). Cette représentation permet de voir rapidement où les nitrates constituent la principale altération de la qualité de l’eau (Figure 2a). Cependant, il ne faut pas oublier que les prélèvements ont été répartis sur une année et que la concentration en nitrates dans les cours d’eau est plus élevée en automne et en hiver que le reste de l’année. En effet, l’automne et l’hiver sont les périodes de l’année où la végétation ne prélève plus d’azote dans le sol, à l’inverse du printemps et de l’été. Pour l’azote ammoniacal, la situation est globalement très bonne, même si des points préoccupants sont apparus dans quelques villages, notamment à Villers (cours d’eau manifestement pollué par des effluents domestiques non traités) (Figure 2b). Dans la figure 3 a été représentée la qualité des eaux prélevées en fonction de leur typologie, pour les groupes les plus importants. Les sources, les puits et éoliennes, les cours d’eau et les fontaines-lavoirs sont les lieux d’eau qui ont été les plus échantillonnés (23 %, 19 %, 18 % et 16 % respectivement). Cependant, chaque village a sa propre typologie : Deycimont est particulièrement riche en fontaines et lavoirs (22 soit 69 % des prélèvements), Bouxurulles en puits (20, soit 61 % des prélèvements), Nonville en sources (14, soit 48 % des prélèvements) et Lerrain en cours d’eau (12 soit 48 % des prélèvements). Ce sont les échantillons provenant des puits et les éoliennes qui contiennent le plus de nitrates et ceux des fontaines qui contiennent le moins d’azote ammoniacal.
Les résultats obtenus sur les échantillons collectés à Haroué pendant l’année scolaire 2013-2014 sont présentés dans la figure 4. Globalement, la conductivité augmente entre l’automne 2014 et le printemps 2014. Les résultats obtenus à l’école l’ont été avec deux sondes différentes. On observe un fort décalage entre les deux sondes, ce qui était dans la pratique un peu perturbant pour les enfants. Si les bandelettes sont un moyen facile de mesurer le pH, en évitant le problème de l’étalonnage de la sonde, leur précision n’est pas très grande. De plus, l’interprétation de la couleur n’est pas toujours évidente.
Les concentrations de l’azote ammoniacal sont très variables au fil de temps avec une moyenne 0,4 mg∙L‑1 N-NH4+ (max = 1,7 et min = 0,01 mg∙L‑1 N-NH4+). Les pics de concentrations correspondent à des périodes de fort débit liés à des épisodes pluvieux : ceux-ci entraînent des débordements des réseaux d’assainissement et éventuellement d’effluents d’élevage (bovins). Le bassin versant du Madon est en effet très agricole, 42 % des terres étant occupées par les cultures et 35 % par des prairies. Des essais de détermination de l’azote ammoniacal avec des kits colorimétriques ont été réalisés à Lerrain et à Mattaincourt mais ont conduit à des résultats décevants et ces analyses n’ont pas été entreprises l’année suivante à Haroué.
Les concentrations en nitrates tendent à diminuer entre l’automne 2013 et le printemps 2014, avec un bon accord entre les résultats obtenus par la méthode colorimétrique à l’école et ceux obtenus au laboratoire par chromatographie ionique.
4. Conclusions
Ces deux projets de recherche participative ont permis une appropriation des questions sur les ressources en eaux et la qualité des eaux par les deux publics visés. Dans le cas des Chemins de l’Eau, les tâches à accomplir étaient simples et se limitaient en fait au prélèvement et à la localisation des stations échantillonnées. Les campagnes de prélèvement ont été à chaque fois l’occasion d’échanges sur le milieu aquatique. Dans le cas des enfants, des analyses simples leur étaient également demandées, avec des méthodes qui n’utilisaient pas de produits dangereux. La difficulté principale a été la répartition des tâches dans les groupes. Elle s’est faite assez naturellement dans la classe multiniveaux de Lerrain mais a été plus complexe dans les classes mononiveau de Mattaincourt et Haroué, avec dans ce dernier cas, l’établissement d’un planning tournant dans chaque groupe. Dans les deux cas, les chercheurs ont établi le protocole opératoire pour pouvoir assurer la validité des résultats obtenus sur les échantillons au niveau du laboratoire.
Parties annexes
Remerciements
Les auteurs souhaitent remercier tous les participants des Chemins de l’Eau, les enfants et les professeures des écoles de Lerrain (Mme Caland-Rabot), Mattaincourt (Mme Goery) et Haroué (Mme Lacour).
Références bibliographiques
- ASSAAD A. (2014). Pollution anthropique de cours d’eau : caractérisation spatio-temporelle et estimation des flux. Thèse de Doctorat, Univ. Lorraine, France, 225 p.
- CENTRE D’EXPERTISE EN ANALYSE ENVIRONNEMENTALE DU QUÉBEC (2003). Méthode d’analyse : Inhibition de la germination et de la croissance chez les semences et les végétaux, Ministère de l’Environnement du Québec, MA.500-GCR 1.0, 30 p.
- MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE, Banque HYDRO, http://hydro.eaufrance.fr (consultation le 1er janvier 2014).