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La révolution numérique contemporaine touche tous les aspects de la société, dont ce qui caractérise le plus l’école : la classe. De fait, si celle-ci demeure la matrice éducative en Occident, l’informatisation et le développement d’Internet lui livrent une concurrence croissante depuis la Deuxième Guerre mondiale. Les pressions démographique et technologique provoquent des changements qui la forcent à s’adapter.
Les trois parties de ce livre abordent la question en se limitant au cas français, malgré quelques références à d’autres systèmes éducatifs (États-Unis, Suède, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Chili, etc.). L’analyse de l’auteur est le produit de recherches, menées sur une période d’une quinzaine d’années, ayant pour thème commun la classe sous l’angle des formats pédagogiques.
La première partie analyse la mise en place et le développement des formats pédagogiques (ou dispositifs d’organisation du travail en classe) au cours de la période de l’histoire scolaire française s’étendant du 17e au 20e siècle. Sont présentés les formats pédagogiques au sein de la classe, du cours magistral à la récitation et du travail individuel écrit aux formules pédagogiques classiques. La deuxième partie concerne l’activité en classe des années 1965-1975 à aujourd’hui, marquées par de profonds bouleversements. L’ouvrage présente cette période comme une époque de massification du système scolaire français et de crise de l’école, car on y remet en question le modèle sur lequel elle était fondée. Veyrunes présente l’activité individuelle, interindividuelle et collective se déroulant à l’école et dans la classe ainsi qu’une analyse de ces dernières dans différents formats pédagogiques, soit le cours magistral, le cours dialogué, le travail individuel écrit et le travail de groupe. L’auteur illustre entre autres ces changements par le remplacement progressif, par l’écran, de la lecture orale et collective au tableau. Cette partie se conclut par une analyse de la viabilité et de la stabilité de l’activité collective en classe. La troisième partie tente de répondre à plusieurs questions, notamment « Comment transformer la classe ? ». Sont alors présentées les difficultés inhérentes à la transformation de la classe et à la formation des enseignants. Selon l’auteur, cette transformation passe par l’innovation pédagogique, le développement de technologies de l’information et de la communication et la formation des enseignants. Cette partie fait réfléchir le lecteur sur la nature de la classe au sein de la forme scolaire actuelle.
L’ouvrage semble suggérer que le système scolaire français souffre d’immobilisme et n’ose pas « l’école d’après ». Or, il n’en est rien. D’autres avancent les mêmes critiques à l’endroit de différents systèmes scolaires évoluant chacun à leur rythme. Si les réformes de fond semblent s’accélérer au cours des dernières décennies dans maints pays (États-Unis, Suède, Chili, etc.), la stabilité caractérise les classes. L’école évolue aussi avec la société. La religion, l’idéologie, les acteurs publics comme privés, l’économie ou encore la technologie influencent tous l’école. Sur quoi faut-il alors agir pour l’améliorer ? Et avec qui ?
Malgré son titre, cet ouvrage n’a pas la classe comme l’objet principal : il analyse plutôt les formats pédagogiques et l’activité qu’ils suscitent en classe, mettant l’accent sur le rôle des enseignants dans la classe et dans la transformation des formats pédagogiques. On peut regretter qu’il ne creuse pas la question du temps (comment conjuguer le temps de la classe et hors de la classe, celui de l’enseignement au sens traditionnel et celui de l’innovation technologique, source des savoirs et des connaissances) ou des nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, qui pourraient faire évoluer l’enseignement.
L’innovation vient parfois du terrain, l’école ou la classe, à l’initiative des différents acteurs, tels les enseignants, les élèves ou leurs parents. Souvent, les initiatives proviennent de la direction de l’école ou des ministères qui oublient parfois de faire collaborer les acteurs du terrain à ces initiatives, entrainant alors une résistance qui peut être globale, mais qui concerne souvent l’intégration des technologies liées aux formats pédagogiques.
D’après Veyrunes, les rôles et statuts des enseignants pourraient être la cause des difficultés d’intégration de ces technologies dans la classe : alors que le tableau noir plaçait le maitre au centre de la relation didactique, le présentant comme unique détenteur et diffuseur du savoir, l’intégration des cellulaires ou des tablettes redirigerait plutôt ces rôles vers des ressources extérieures à l’enseignant et à la classe. Ainsi, le rôle de l’enseignant se modifie, mais demeure essentiel, puisque le « pilote pédagogique de la classe » reste nécessaire, en particulier lorsqu’il y a de nouveaux problèmes techniques complexes pouvant perturber la dynamique de la classe et nuire à l’apprentissage.
L’acceptation (ou le refus) du changement semble donc passer par la pratique quotidienne, puisque cette dernière détermine le sort des nouveaux outils pédagogiques. C’est sur le terrain que les pratiques innovantes apparaissent en cohérence avec les transformations de la société civile. Les innovateurs du point de vue pédagogique sont donc des enseignants qui, utilisant les nouveaux outils technologiques dans leurs pratiques, souvent confrontés à une évolution leur paraissant trop rapide et couteuse.
L’école évolue avec ses enseignants, mais aussi avec ses élèves et leurs parents. Elle cherche à s’adapter aux directives des directions d’écoles et des gouvernements. Doit-elle alors rester l’institution chargée de l’éducation et de l’instruction, même si elle n’en a pas le monopole ?
Puisque tous ces acteurs sont de potentiels innovateurs et que le processus d’appropriation des nouvelles technologies demeure complexe, l’enseignement doit-il toujours être centré sur la classe ?
Par ailleurs, l’innovation technologique n’est pas le seul moyen de relever les nombreux défis que doit affronter le milieu éducatif et l’élément humain reste essentiel pour bien intégrer et utiliser les technologies. L’important est donc de mettre de l’avant une réflexion sur les finalités de l’innovation, ses enjeux et ses résultats ainsi que sur les conditions de sa mise en oeuvre et de son utilisation afin de savoir répondre à la question : « Pourquoi faire ? ».