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S’il existe un consensus sur le caractère multifactoriel du décrochage scolaire, au sein duquel l’école tient une place non négligeable, cet ouvrage tente d’apporter un éclairage original permettant d’analyser le phénomène sous l’angle du concept de vécu disciplinaire et de ses spécificités. Les recherches dont fait état cette publication visaient à mieux comprendre la construction des facilitations ainsi que des obstacles aux apprentissages, en partant des disciplines en tant qu’espaces vécus par les élèves. Il s’agissait donc de préciser empiriquement ce qui engendre plaisir ou souffrance au sein de l’école afin d’expliquer, du moins partiellement, quel est le poids des disciplines dans la genèse du décrochage scolaire.
La première partie de l’ouvrage fait un état des lieux des recherches classiques, sociales et psychosociales entre autres, et les réponses institutionnelles apportées au phénomène du décrochage scolaire. La seconde présente des résultats de recherches menées à travers un large éventail du cursus scolaire français : du primaire au collège en passant par les classes d’enseignement adapté ainsi qu’en lycée professionnel. Ces recherches menées par questionnaires et entretiens ont permis d’interroger les élèves sur leur matière préférée ou détestée, sur leurs meilleurs ou pires souvenirs, ou encore sur leur envie ou non de venir à l’école. Les résultats éclairent le concept de vécu disciplinaire relativement à des questions spécifiques touchant à l’évaluation, aux préférences, aux émotions, aux sentiments de compétence et d’utilité perçue. Du primaire aux classes supérieures, le vécu positif tend à dévier vers le négatif dans certaines disciplines telles que les mathématiques et le français. Souvent, la conscience de la discipline se voit réduite à son contenu ou à des sous-disciplines : grammaire, conjugaison, géométrie, etc. À l’opposé, des disciplines telles que l’activité physique et les arts obtiennent une large part d’appréciation positive tout au long du parcours scolaire. La troisième partie suggère des pistes d’intervention à la lumière des résultats obtenus, et se termine sur un récapitulatif de seize dimensions pédagogiques qui, selon les auteurs, structurent le vécu scolaire.
Bien que prometteur, le concept de vécu disciplinaire ne fournit pas encore de contribution nouvelle dans la compréhension du phénomène du décrochage scolaire. Le poids de ce vécu disciplinaire sur les raisons qui incitent certains jeunes à quitter l’école n’est pas éclairé de façon notable. À notre avis, il aurait fallu, pour ce faire, inclure dans les échantillons des élèves ayant déjà décroché, interroger des enseignants et des directions d’établissement. Ces recherches sur le vécu disciplinaire révèlent néanmoins que les élèves sont toujours en quête de sens et d’identité dans leur parcours scolaire, qu’ils cherchent à comprendre et à composer avec les codes qui conduisent au succès. Le phénomène du décrochage n’est donc pas une condition sur laquelle l’institution scolaire et la pédagogie ont peu d’emprise; bien au contraire, elles jouent assurément un rôle qui mérite d’être mieux compris en vue d’éclairer ce problème préoccupant.