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Ce collectif permet de poser un regard critique et distancé sur les pratiques évaluatives du système éducatif à la lumière des enjeux éthiques et sociopolitiques qu’elles soulèvent (p. 4). L’ouvrage est bien agencé de textes philosophiques, d’analyses de cas en France et au Québec, et de textes à portée sociopolitique. Le sombre portrait de l’évaluation dressé par Demailly dans la préface ne devra pas rebuter le lecteur, puisque cette auteure conclut sur des prospectives stimulantes. Si, dans l’introduction, Legendre et Morrissette prennent soin d’aviser que le regard critique posé sur l’évaluation ne prétend pas être celui de spécialistes du domaine (p. 9), c’est pourtant ce que le lecteur y trouvera et il appréciera l’ampleur de la réflexion à laquelle ils l’y mènent. L’angle de la mesure n’y est toutefois que peu traité, les auteurs se centrant sur la logique de l’évaluation et ses usages sociaux.
Par la suite, Bourgeault traite des théories de l’action dont dépendent les interactions entre évaluation et éthique. Une introduction rationnelle laisse place à un univers réflexif livré avec grande générosité. Jeffrey amène l’enseignant à se responsabiliser et à envisager des solutions à ses difficultés en évaluation à l’aune des valeurs reconnues dans sa communauté professionnelle, tout en admettant que, chez les enseignants, ces valeurs ne sont pas formellement inscrites dans un code d’éthique. De son côté, Hadji présente une analyse critique du sens de la démocratie en évaluation. Il traite de la nécessaire articulation entre légitimités sociale et éthique dans une évaluation démocratique émergente dont l’ultime valeur résiderait en la personne humaine (p. 71). Merle, pour sa part, examine le cas de l’éducation prioritaire en France. Les bilans sociopolitique et fonctionnel qu’il en fait montrent l’influence du discours politique, et souvent sa prépondérance sur les résultats scientifiques, dans la prise de décisions à propos des programmes éducatifs. Il montre que les principes administratifs et comptables qui régissent l’organisation scolaire en France ne permettent pas de réduire les inégalités territoriales et scolaires. Quant à Laurier, il traite du Test de français écrit pour l’enseignement au Québec et analyse sa validité sous l’angle proposé par Messick (1996). Ce type d’analyse appliquée aux tests en usage en éducation est une rareté qui mérite d’être saluée. Dans la réflexion, le spécialiste s’étonnera toutefois de l’absence de toute mention de la théorie de la réponse à l’item et de ses avenues pour l’évaluation d’habiletés. Bien situés l’un à la suite de l’autre, le chapitre de Lessard et celui de Maroy présentent des angles différents, mais complémentaires, sur les usages de l’évaluation en tant qu’instrument d’action publique. Sèguéda et Morrissette mettent en lumière les effets pernicieux des processus d’évaluation institutionnels de la nouvelle gestion publique en enseignement supérieur. Il est dommage de ne pas y lire d’effets positifs sur lesquels l’élaboration de processus ultérieurs puisse s’appuyer. Enfin, Legendre et Morrissette distinguent approche par compétences et programmes par compétences, tout en recentrant le débat autour des finalités éducatives. Comme le soulignent les auteures, il faudra bientôt faire émerger des actions de ces nombreux débats.