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À la lecture du titre, on peut s’interroger sur le propos qui sera développé.
Il y est question d’une histoire en minuscules pouvant donc s’apparenter à un récit, à un conte ou à une chronique. Une HISTOIRE en majuscules renvoie à une chronologie. Et c’est ce dont il s’agit : passer en revue en cinq parties dans ce premier volume, les idées pédagogiques depuis Homère jusqu’à Dewey.
Mais le titre évoque une histoire philosophique. C’est donc que la philosophie va constituer le filtre à travers lequel passer en revue les idées pédagogiques. C’est bien ce dont il s’agit. L’auteur choisit de l’entendre comme la coalescence de trois regards portés sur les auteurs pédagogiques qu’il convoque. Un regard épistémologique sera référé à la nature du savoir qui est transmis. Un regard anthropologique considérera le type d’humain qu’on doit viser à former. Un regard politique : le type de société au sein de laquelle l’éducation doit préparer ces êtres à vivre.
Nous voilà avertis : à travers l’épistémologie, l’anthropologie et la politique, en s’arrêtant sur cinq époques : l’Antiquité, le Moyen-Âge, de la Renaissance aux Lumières, les Lumières et l’âge des convulsions, Baillargeon va nous intéresser à une fresque de la pédagogie.
L’Antiquité est référée aux deux grandes cités grecques et à Rome, ainsi qu’à leurs auteurs les plus connus. À ce propos, on s’étonnera qu’Aristote soit boudé alors que la confrontation Platon Aristote révèle une différence épistémologique majeure entre une épistémologie respectivement idéaliste – la connaissance nous vient d’idées innées dont nous sommes porteurs, renvoyant à un maître accoucheur – et une épistémologie réaliste – la connaissance nous vient du monde extérieur, renvoyant à un maître organisateur.
Le Moyen-Âge s’inscrit pour l’auteur dans la transcendance et le formalisme. La transcendance, à cause du poids de la religion qui conduit à relier pensée chrétienne et pensée d’Aristote, donnant corps à la scolastique. Le formalisme, à cause du découpage des savoirs entre trivium et quadrivium (n’aurait-on pas dû parler de formalisation ?).
De la Renaissance aux Lumières, conduit à privilégier Rabelais, Montaigne et Coménius, suggérant que durant cette période l’humanisme constitue le thème normatif et axiologique à partir duquel se comprend au mieux l’apport durable et fécond de la Renaissance à l’idée d’éducation.
Les Lumières, avec la primauté accordée à la raison, le refus des dogmes, la sécularisation de la politique et l’émergence de la notion de progrès fait émerger trois figures fortes : Condorcet, Kant et Rousseau, dont les idées divergent. Entre l’importance accordée par le premier à l’instruction (contre Rabaud Saint-Étienne, partisan de l’éducation, qui l’emportera au moment de la Révolution) et la primauté dévolue par le dernier à l’éducation, les points de vue divergent. Ce qui atteste des permanentes oppositions synchroniques sur la question éducative.
L’âge des convulsions clôt cette Histoire philosophique de la pédagogie qui conduit à passer en revue (trop rapidement) quelques pédagogues plus proches de nous, Herbart, Durkheim, Pestalozzi, Froebel, Hegel et tout le courant de l’Éducation nouvelle – Montessori, Decroly, Ferrière, Claparède, Cousinet, Freinet.
Pour que ce projet fût totalement abouti, on aurait aimé que dès le départ les trois analyseurs des pédagogies (épistémologie, anthropologie, politique) aient été conceptualisés et qu’on dessinât pour chacun d’eux les diverses figures possibles. Comme ce n’est pas le cas, on part à la découverte des cinq périodes recensées et on est parfois frustré de ne pas retrouver les trois analyseurs nettement distingués chaque fois dans un premier temps, et réunis dans un second temps pour donner cohérence à une vision unifiée. Si bien qu’il arrive souvent que l’on se trouve en face d’une histoire de la pédagogie ou des idées pédagogiques davantage que d’une histoire philosophique de la pédagogie.