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Ce travail d’équipe gigantesque fournit une lecture impartiale et une analyse objective des textes et des courants littéraires répertoriés au Québec ainsi qu’en Acadie et en Ontario de 1545 à 2005. La perspective s’ouvre sur d’autres cultures et le bilan est intelligent, judicieux, nuancé.

La discipline de l’histoire littéraire reprend de l’ampleur. Ce n’est plus une reprise de textes et d’auteurs exemplaires selon une esthétique et une morale à fond historique ; ce n’est pas non plus un recueil chronologique de morceaux choisis ; ce n’est pas une analyse du genre biographique où l’homme explique l’oeuvre. Cette nouvelle histoire littéraire est un produit hybride qui, tout en tenant compte de grands courants de la critique littéraire, s’inscrit dans une relecture sans discrimination d’une grande quantité de textes de genres différents avec l’objectif de tracer la logique et la cohérence du développement, de l’originalité d’une forme créative en rapport avec l’évolution socioculturelle.

Ce volume est un outil indispensable pour le spécialiste ou l’étudiant, et pour toute personne intéressée au sujet. L’écriture est claire, le style vif, sans lourdeurs techniques ou savantes. En appendice, un index des noms cités, une bibliographie ainsi qu’une chronologie soulignant en parallèle la parution de textes, les événements culturels et les dates marquantes de l’activité politico-culturelle canadienne, servent de guide. L’organisation synchronique de cette oeuvre n’empêche pas les rappels, les comparaisons entre auteurs et thématiques d’autres époques et pays. Les introductions, les transitions, les conclusions pour chaque partie du volume ainsi que les analyses plus approfondies sur certains auteurs sont remarquables.

L’oeuvre s’organise autour de cinq grandes périodes : l’époque de 1534 à 1763 se distingue par des soucis d’exploration et de découverte ; de 1763 à 1895, on observe l’élaboration d’un projet national ; de 1895 à 1945, les intellectuels sont tiraillés entre le modèle parisien et la fidélité au Québec ; de 1945 à 1980, l’après-guerre voit naître une conscience politique indépendantiste et une grande effervescence intellectuelle ; de 1980 à 2005, succède une période de rupture, d’exploration formelle et de pluralisme. Les subventions généreuses, l’institutionnalisation de l’écriture, la parution d’un grand nombre de revues et de maisons d’édition depuis la Révolution tranquille ont aidé l’épanouissement d’une veine créative, mais cette libération a aussi marginalisé cette littérature par rapport à l’Amérique du Nord (par sa langue) et à l’égard de la France, qui n’a pas connu une telle prolifération de support. C’est sur un constat semblable que cet ouvrage s’achève, comme une mise en garde prudente.

Malgré l’appellation littérature québécoise datant des années 1965, sous une logique de rattrapage où surgissent les grandes interrogations identitaires, les littératures acadienne et franco-ontarienne sont répertoriées. Trois écrivains anglophones du Québec sont également inclus. Un petit regret que, dans cet inventaire, la littérature franco-canadienne de l’ouest ne soit pas mentionnée. Les oublis sont rares, cependant : Guy Robert (1933-2000), Expo 67 Terre des Hommes, le très prestigieux Prix des Libraires en 1971 pour Kamouraska d’Anne Hébert, les écrits de Pierre Gérin pour l’Acadie.