Ce livre est une traduction par G. Deschamps de l’ouvrage Structures of Indifference: An Indigenous Life and Death in a Canadian City (Winnipeg, University of Manitoba Press, 2018). Les deux autrices enseignent à l’université : McCallum, membre de la nation Munsee-Delaware, au Département d’histoire de l’Université de Winnipeg; Adele Perry au Département d’histoire et d’études sur les femmes et le genre à l’Université du Manitoba. L’ouvrage constitue l’aboutissement des recherches du Groupe de travail Brian Sinclair, groupe transdisciplinaire créé à la mort de Sinclair, un Indien anichinabé non inscrit qui habitait Winnipeg, la capitale du Manitoba. Arrivé au service d’urgence du Centre des sciences de la santé (Health Sciences Center, HSC), en septembre 2008, ce dernier a été laissé 34 heures à lui-même, sans traitement, et est mort d’une infection qui aurait pu être soignée. Mettant à profit leur expertise et leur volonté d’inscrire l’histoire de Sinclair dans le contexte plus large des histoires superposées de Winnipeg, du Manitoba et des hôpitaux et réseaux de santé canadiens, les autrices se concentrent sur les soins aux Autochtones. Leur posture critique, que partagent d’autres chercheur·e·s au Canada, tels Laurent Jérôme, Éric Chalifoux et Marie-Pierre Bousquet, sous-tend une démarche d’étude privilégiant des exemples de discrimination tels que ceux vécus par Brian Sinclair et Joyce Echaquan – femme atikamekw décédée dans un hôpital québécois – et leur permet d’approfondir l’analyse du racisme sous-jacent. Dans le livre de McCallum et Perry, le diagnostic du problème social est exposé dès le titre et l’incipit. La mort de Brian Sinclair traduit une « structure d’indifférence », créée et préservée par le colonialisme de peuplement. Le cadre théorique général, présenté dans l’introduction, est à la fois expérientiel et ancré dans différentes disciplines, associé à des champs spécifiques tels que celui des études coloniales (cf. Patrick Wolfe) et des études autochtones. Une pluralité de références nourrit la recherche menée, telle l’étude consacrée par Sherene H. Razack à la violence inhérente au colonialisme (Dying from Improvement: Inquests and Inquiries into Indigenous Deaths in Custody, 2015). L’introduction propose la définition de concepts essentiels à l’analyse, comme l’« indigénéíté » et l’« intersectionnalité » (Kimberlé Crenshaw). La structure de l’ouvrage répond à la volonté de proposer une analyse locale complexe qui prête attention au lieu et à l’époque. Après le récit des 34 heures passées par Sinclair dans la salle d’attente de l’urgence du HSC, les trois chapitres qui suivent approfondissent certains aspects de la ville, de l’hôpital, et de la vie et de la mort de Sinclair. La ville de Winnipeg est décrite comme un lieu de présence autochtone et comme l’objet de la dépossession et des violences surtout infligées aux Métis au 19e siècle. Nous observons comment, dans la deuxième moitié du 20e siècle, Winnipeg connaît un processus de « réautochtonisation » tout en se heurtant à la persistance des inégalités et des pratiques de ségrégation. Les autrices soulignent parallèlement les manifestations de résistance, les mouvements de revendication et le travail des créateurs autochtones, notamment dans les domaines de la musique, de la peinture et de la littérature. Elles montrent comment le colonialisme est lié à la violence et aux dysfonctionnements des systèmes de santé, à la pauvreté et à la dévalorisation des Autochtones. Les hôpitaux, dont le HSC où Sinclair est décédé, sont présentés comme faisant partie d’un ensemble de systèmes institutionnels qui, au Canada, sont issus du colonialisme de peuplement. Le livre met en évidence la façon dont la ségrégation raciale marque la médecine moderne au Manitoba, souligne des périodes où cette ségrégation des soins a été particulièrement grave, comme lors de la …
Mary Jane Logan McCallum et Adele Perry, Structures d’indifférence. Vie et mort d’un autochtone dans une ville canadienne, Québec, Presses de l’Université Laval, 2022, 128 p.
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Carmen Mata Barreiro
Universidad Autónoma de Madrid
carmen.mata@uam.es
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