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Il existe au Québec, selon Parenteau, « une pratique sociale républicaine fort répandue et enracinée dans l’imaginaire collectif » qui différencierait cette société du libéralisme anglo-saxon canadien. L’auteur s’emploie à faire voir comment cette préconception républicaine est la matrice de conceptions différentes, au Québec et au Canada, de la laïcité, de la citoyenneté, de l’identité nationale et de la souveraineté populaire. De ce point de vue, ce « précis » a l’avantage de prospecter le républicanisme québécois qui travaillerait la pensée politique et civique contemporaine au Québec.
Parenteau reconnaît très tôt que le « modèle » républicain « demeure largement méconnu du grand public et est majoritairement perçu, par la classe politique ou médiatique et une bonne partie des intellectuels, comme une théorie étrangère au Québec » (p. 17). De fait, ce précis est conçu à l’usage des Québécois souverainistes dans l’espoir que cette prospection des attitudes républicaines contemporaines dans les quatre domaines retenus mènera enfin à la reconnaissance du fait, oblitéré jusqu’à ce jour, qu’il faudra bien un jour choisir la forme de gouvernance d’un Québec démocratiquement souverain. On a tardé à le faire dans les partis et mouvements comme dans le champ universitaire. En un sens, l’ouvrage tombe à point nommé, car il est important qu’une reconceptualisation du modèle de souveraineté soit intégrée à cette réflexion. Ne serait-ce que pour comprendre qu’un Québec indépendant pourrait difficilement rendre foi et hommage à la monarchie constitutionnelle britannique. Papineau a, en républicain convaincu, pensé l’émancipation, avec des effets inattendus. Parenteau a commencé, en souverainiste, à penser l’émancipation républicaine. Où peut-on se rencontrer dans ces deux démarches?
L’exercice de ce « précis » est largement spéculatif : il bat des sentiers, ouvre des pistes. Ceux qui porteront le changement républicain plus loin auront intérêt à ne pas penser comme on a pensé la Révolution tranquille : en misant sur le fait que les choses allaient changer d’elles-mêmes, que, parce qu’on découvrait la laïcité, le chaland allait la vouloir. Jusqu’à nouvel ordre, comme historien, je sais que les Patriotes ont misé sur la souveraineté populaire, mais que, de 1870 à 1945, la hiérarchie et le clergé catholique l’ont gommée et refusée, enseignant dans les classes de philosophie et en chaire l’obéissance aux « souverains » et au Christ-Roi. C’est tout autre chose que d’avoir façonné, construit et défendu une conviction depuis 1776 ou 1789. A-t-on au Québec autant le républicanisme que le nationalisme à l’esprit?