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Cet ouvrage ajoute une pièce utile à des contributions qui se sont multipliées dans la période récente sur les questions de concertation, de consultation et de participation des citoyens aux politiques publiques d’urbanisme. Le livre s’empare ici de la question du débat public à propos d’objets de l’urbanisme essentiels à la planification stratégique des villes, à Montréal, Grenoble et Lyon ; il tente de situer la place du débat public commandé par des lois récentes et les effets qu’il peut avoir sur la question du développement durable, dans ses dimensions à la fois économique, sociale et environnementale. Cette question, autrefois dédaignée par les milieux de recherche, s’impose aujourd’hui comme incontournable, ne serait-ce que parce qu’elle est entrée dans les textes et l’action politique, au Québec comme en France. L’essentiel de l’ouvrage est consacré à la présentation des modalités de concertation (le procédural) en appelant à des acteurs, autres que politiques et techniques, plus impliqués dans la société civile : associations, notamment, et individualités. Une introduction permet de situer l’enjeu de la question soulevée et un dernier chapitre croise des éléments de l’analyse parcourant les descriptions diachroniques qui permettent de restituer les étapes du débat public concernant les trois villes : Montréal et Lyon y sont abordées sous l’angle de la planification à l’échelle métropolitaine, voire supra-métropolitaine, Grenoble l’est à partir des documents mis en place sur des questions sectorielles, tout particulièrement les déplacements en ville. Les divers cheminements des chercheurs font apparaître les différences d’approches et les substrats culturels variables qui les fondent entre « sentiers institutionnels » et « processus incrémental de type essai/échec ». Malgré son caractère précis et très fouillé, parfois desservi par une langue trop administrative, l’ouvrage met en lumière ce que le débat public fait émerger d’une expression non institutionnelle : ceci se fait plutôt sur le mode protestataire, à Montréal, et, en région Rhône-Alpes, sur un mode de volonté de reconnaissance, de la part des associations ou des individualités compétentes invitées. Les retentissements sur les contenus (le substantiel), sur certains enjeux sous-estimés ou oubliés (« orphelins », est-il dit en reprenant ce qui se dit des maladies homonymes) reviennent ainsi, de manière inégale, dans les documents d’urbanisme adoptés, mais pas au point qu’une garantie de réalisation soit totalement assurée. Dans ce travail écrit à plusieurs mains, qui se saisit d’objets moins nettement soumis au débat public que d’autres (grandes infrastructures et grands chantiers), et qui, en procédant de manière inductive, se garde d’appréhender la question à partir d’hypothèses qui auraient pu mettre en avant l’opposition entre des instances de décisions et des contre-pouvoirs, comme l’ont fait d’autres travaux, les chercheurs ont privilégié les avancées à petits pas du débat public dans le cadre d’une culture de gouvernance plus ouverte au partage des compétences et moins assurée de ses légitimités. Pour autant cet élargissement du débat public, s’il est avéré, en dépit d’une difficulté à en mesurer l’ampleur, s’il est source d’apprentissage, tant pour les citoyens, responsables d’associations et parfois ordinaires, que pour les élus et les techniciens, reste fort modeste, plus convenu et plus encadré en France qu’au Québec, où il s’exprime en dynamique d’opposition constructive.