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Cet ouvrage sur la perception qu’ont une vingtaine d’adolescents interrogés (tous des garçons) sur l’homosexualité est pertinent alors que le thème de l’intimidation, y compris de nature homophobe, revient de façon récurrente dans l’actualité. Version grand public de la thèse doctorale de son auteure, ce livre propose une incursion dans le monde de la masculinité telle qu’on se l’imagine à l’adolescence. L’aspect le plus intéressant de cette parution est précisément l’empathie et la proximité manifestées par l’auteure à l’endroit de ses répondants. Elle a su restituer et analyser avec tact et nuance les propos des jeunes interviewés, nonobstant ses propres opinions (madame Bastien s’honore à bon droit de son implication dans la lutte contre l’homophobie).
J’ai toutefois éprouvé quelques réserves, toutes mineures cependant. D’abord, l’auteure semble méconnaître la documentation francophone. Alors même qu’elle déplore les insuffisances de la documentation consultée (très majoritairement anglophone), elle ignore des références francophones qui apporteraient pourtant des réponses à ses questions irrésolues, en particulier sur la définition de l’homophobie et de l’insulte homophobe. Sur ces thèmes, les textes de Daniel Welzer-Lang (La peur de l’autre en soi : du sexisme à l’homophobie, VLB, 1994) et de Didier Éribon (Réflexions sur la question gay, Fayard, 1999 et Une morale du minoritaire, Fayard, 2001) sont incontournables. Ensuite, si respectueuse que soit la chercheure de ses répondants et de leurs propos, est-elle obligée d’utiliser les mêmes termes qu’eux dans son analyse sociologique ? Par exemple, en utilisant elle-même les termes efféminés ou efféminement plutôt que non-conformisme de genre, ne risque-t-elle pas d’avaliser de telles expressions ?
On comprend mal, enfin, pourquoi la chercheure avait besoin de poser des hypothèses de nature psychologique (voire biologique) pour mener son enquête. Ces hypothèses, au nombre de cinq, sont :
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Les garçons sont homophobes parce que c’est dans leur nature.
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Les garçons sont homophobes car ils doivent construire leur identité.
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Les jeunes garçons sont homophobes car ils sont incertains de leur orientation sexuelle.
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Les garçons qui sont homophobes sont des gais refoulés.
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Les garçons qui sont homophobes ne sont pas à l’aise avec leur masculinité.
Or, rien dans la procédure de la recherche présentée ne permet de répondre aux deux premières hypothèses et les données recueillies sont bien insuffisantes pour répondre aux trois dernières. Superposée à une démarche empirique très libre (et plutôt bien réalisée), la volonté de démonstration de l’auteure semble sur ce plan-là dissonante. Heureusement, cela ne l’empêche pas de tirer des conclusions sensées de sa recherche, en particulier sur les avantages que des garçons peuvent hélas ! tirer (entre pairs) de leur hétérosexisme et de leur homophobie.
Sur le plan de la présentation, ce texte se lit bien, en dépit d’un français parfois boiteux (ex. : « cueillir les perceptions ») et d’une fâcheuse restitution des extraits d’entrevue « au son », qui fait en sorte que les « faique » et les « heille » donneront bien inutilement du mal aux francophones d’ailleurs. En somme, il faut saluer le souci de vulgarisation de cette jeune sociologue qui a eu à coeur de contribuer au débat public sur l’intimidation et l’homophobie. On ne peut qu’espérer qu’elle poursuivra le travail amorcé sur la perception de la diversité sexuelle chez les jeunes, ses conséquences et sa prévention.