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Patrick Fougeyrollas livre dans La funambule, le fil et la toile : transformations réciproques du sens du handicap, une synthèse de ses travaux en tant que militant et chercheur dans le champ du handicap. S’ouvrant et se concluant dans une rhétorique qui allie rigueur scientifique et poésie, Fougeyrollas nous guide à travers ses efforts de clarifications conceptuelles avec une limpidité qui éclaire tant les néophytes voulant s’initier aux débats concernant les aspects socioculturels du handicap que les experts du domaine qui pourront apprécier la cohérence théorie-pratique se déployant graduellement au « fil » de la lecture de ce livre synthèse. La démarche de l’auteur pour ce faire est simple et efficace : après avoir explicité les fondements interactionnistes à partir desquels il lit le handicap, Fougeyrollas reprend pas à pas l’évolution des représentations qui marquent les personnes ayant des incapacités à travers le regard qui a été jeté sur elles, mais surtout, à partir de la lutte qu’elles ont menée pour se réapproprier le sens de leur différence. Il termine en exposant quelques-unes de ses recherches qui témoignent de l’usage et de la pertinence de ses réflexions dans les débats contemporains concernant le handicap. Cette relecture du sens du handicap comme construction culturelle était-elle nécessaire ? Bien sûr, dans la mesure où les personnes ayant des incapacités continuent d’être victimes d’un réductionnisme institutionnalisé qui fait de leur différence une condition fondamentalement biologique confinant leur expérience dans l’univers du manque, de la souffrance ou de l’infériorité. Le retour que fait Fougeyrollas sur l’origine tant symbolique qu’historique de ce réductionnisme et sur les combats qu’il a générés n’est certes pas superflu, à moins d’avoir une conception très progressiste et naïve des transformations du sens du handicap. Redire ce qui était critiqué hier dans le traitement strictement fonctionnel du handicap, c’est aussi souligner les possibilités de recul et les fausses routes d’aujourd’hui.

Cette incursion théorique et historique amène Fougeyrollas à présenter les fondements conceptuels de son modèle, le Processus de production du handicap (PPH), et d’en expliciter le sens à partir, encore une fois, d’une remise en perspective historique de l’évolution conceptuelle dans le champ du handicap et d’un regard critique sur les mécanismes qui ont été à l’oeuvre tout au long de cette évolution. Tout comme il l’avait fait pour sa réflexion sur le mouvement de revendication de droits des personnes ayant des incapacités, l’auteur passe du niveau local (le Québec) au niveau international avec une aisance qui permet au lecteur d’apprécier la multitude des interconnexions entre les différentes sphères politiques et décisionnelles qui tentent de définir le handicap. Tout ce « tissage » historico-conceptuel permet à Fougeyrollas de présenter trois applications du PPH issues de ses recherches dans les domaines 1) de la mesure des habitudes de vie et de la qualité de l’environnement des personnes ayant des incapacités ; 2) des représentations professionnelles concernant les personnes en processus de réadaptation ainsi que 3) des mesures de compensations dans le champ du handicap. La funambule, le fil et la toile : transformations réciproques du sens du handicap est un véritable travail de « tisserand » dévoilant une perspective théorique, celle du PPH, qui tente de remettre en perspective les exigences sociopolitiques auxquelles les personnes ayant des incapacités sont confrontées dans leur rapport à leur propre différence, mais aussi, plus concrètement, dans leur vie de tous les jours.