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Avec Quand les cons sont braves, Martin Petit offre un pamphlet mettant en lumière le système et la culture militaire de l’Armée canadienne. Cet ouvrage est avant tout le témoignage d’un soldat canadien des années 1990 qui a participé à plusieurs opérations, en ex-Yougoslavie, en Somalie, ou en Irak. En tant qu’ancien combattant, Martin Petit écrit en connaissance de cause tant sur l’expérience de la vie militaire que sur celle des hommes dans les combats.
Pour Martin Petit, ce témoignage a plusieurs fonctions. Thérapeutique, il lui permet d’extérioriser des traumatismes hérités de ce qu’il a vu et vécu lors d’opérations. Il permet de toucher à la question du choc post-traumatique qui est d’actualité avec le nombre de Canadiens en Afghanistan. Le témoignage est d’ailleurs pour l’auteur un moyen de mettre en garde ceux qui, comme lui lors de son engagement comme volontaire, pensent pouvoir passer à travers ces séquelles psychologiques pour ne retenir que l’aventure. Le témoignage est aussi l’occasion de juger des éléments de la vie du soldat, et notamment de l’usage de matériel désuet ou d’entraînements que l’auteur estime inadéquats.
Ce récit développe deux principaux problèmes rattachés au statut de combattant : les liens sociaux et l’expérience. L’auteur aborde différentes échelles relationnelles. Il décrit le fossé qui se creuse entre le combattant et sa famille pour leur taire ses angoisses et les préserver de toutes inquiétudes. Martin Petit décrit également les difficultés à entretenir des liens avec sa fiancée. Même si l’amour d’un être cher apparaît comme vital pour le moral du combattant, pour l’auteur, il ne survit pas à ses absences de plusieurs mois. Ce sont alors ses camarades qui apparaissent comme sa véritable « famille », avec qui il partage la même expérience, tissant ainsi des liens de solidarité. Mais cette camaraderie a un prix : le silence sur les méfaits dont il peut être témoin. En tant que Québécois francophone, il est aussi intéressant de relever cet autre lien qui se crée entre les fantassins québécois autour de la langue française au milieu d’une institution majoritairement anglophone, ce qui n’est pas sans occasionner quelques tensions. En ce qui concerne son expérience, Martin Petit dévoile ce qu’il a vu et vécu lors de sa formation de soldat, ou lors de ses engagements en zones de combats. De ce point de vue, le livre s’avère fort intéressant pour aborder, à partir du point de vue d’un soldat, des questions méconnues, voire tabou, rattachées à l’Armée canadienne lors d’opérations militaires.
Cet ouvrage n’a pas la prétention d’être une grande oeuvre, l’auteur fait d’ailleurs quelques erreurs historiques dans ses mises en contexte. Mais pour les sociologues, les psychologues ou les historiens, il s’agit d’une source intéressante pour aborder la question du combattant. Ce témoignage d’un ancien combattant de la fin du XXe s’inscrit à la suite de ce que ses prédécesseurs des conflits mondiaux ont produit pour mettre en lumière des problèmes inhérents aux fantassins à travers l’Histoire.