Résumés
Résumé
Cet article examine de manière comparative le parcours professionnel de diverses générations québécoises à partir des données transversales recueillies par Statistique Canada depuis 1976. Il cherche plus spécifiquement à savoir jusqu’à quel point la génération X constitue une génération sacrifiée, comme l’ont laissé entendre nombre d’observateurs au cours des années 1980 et 1990. L’analyse montre que, si toutes les générations ont été touchées d’une manière ou d’une autre par les mutations économiques des dernières décennies, la génération X semble avoir, plus que toute autre cohorte, cumulé de multiples désavantages sur le marché du travail. Non seulement a-t-elle connu d’importantes difficultés d’insertion professionnelle, mais elle a aussi été la pionnière d’un nouveau modèle de travail ainsi que d’un nouveau cycle de vie professionnelle.
Abstract
This paper provides a comparative examination of the career paths of various generations in Québec, based on transverse data gathered by Statistics Canada since 1976. More specifically, the aim is to find out to what extent generation X constitutes a sacrificed generation, as was suggested by many observers during the 1980s and 1990s. The analysis shows that while all generations were affected in one way or another by the economic shifts of recent decades, more than any other cohort, generation X seems to have faced multiple disadvantages in the labour market. Not only did the members of this generation face considerable difficulties in entering the labour force, they also seem to have been the pioneers of a new work model, and of a new occupational life cycle.
Corps de l’article
Au début des années 1980, le taux de chômage des jeunes atteignait des sommets records dans la plupart des pays occidentaux, ceux-ci traversant l’une des plus graves récessions de l’après-guerre (Nations Unies, 1987). Au Canada, 20 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans se déclaraient en chômage en 1982, (Statistique Canada, 2005). Au Québec, c’était encore plus, ce taux dépassant 27 % chez les jeunes âgés entre 15 et 19 ans (Statistique Canada, 2005). On s’inquiéta rapidement de la situation. « Seront-ils les vaincus de l’histoire ? », demandait par exemple Tachon (1982) dans un numéro spécial de la Revue internationale d’action communautaire portant sur cette question. Si la reprise économique qui a suivi calma un peu ces inquiétudes, la récession du début des années 1990, jumelée aux nouvelles pratiques de gestion dans les entreprises, relança tout le questionnement sur l’équité intergénérationnelle. Non seulement le taux de chômage des jeunes atteignait-il toujours des niveaux particulièrement élevés, mais la perspective d’un emploi stable et bien rémunéré pour les membres des nouvelles générations était fortement remise en question. De plus en plus d’observateurs en arrivèrent à parler d’une génération sacrifiée pour qualifier le sort réservé aux membres de la génération X (Chauvel, 2002 ; Foot, 1999 ; Dufouret al., 1994 ; Sauvé, 1993 ; Deniger, 1991 ; Easterlin, 1987 ; Benoît et Chauveau, 1986).
Dans un article précédent, nous avons tenté d’examiner la pertinence de la thèse d’une génération sacrifiée (Fleury, 2007). Nous appuyant sur les données de Statistique Canada pour la période 1976-2001, nous avons cherché à savoir dans quelle mesure le parcours professionnel de la génération X (cohorte de naissance 1962-71) se distinguait de celui de la génération lyrique (cohorte de naissance 1942-51), pour reprendre l’expression de François Ricard (Ricard, 2001). Notre étude révélait que si la situation professionnelle de la jeune génération s’était sensiblement améliorée avec le temps, celle-ci ne jouissait toujours pas, en 2001, d’une situation équivalente à celle de la génération lyrique au même âge. Non seulement la génération X demeurait surreprésentée dans les catégories de sous-emploi, mais en règle générale, elle était plus susceptible de connaître un parcours professionnel en dents de scie et de jouir de conditions de travail moins avantageuses, étant moins syndiquée et ne bénéficiant pas d’aussi bons revenus et avantages sociaux.
Un certain nombre d’interrogations demeuraient toutefois non résolues. N’ayant étudié que deux cohortes, il nous apparaissait difficile de savoir jusqu’à quel point la génération X pouvait être qualifiée de génération sacrifiée. Certes, elle ne jouissait pas des mêmes conditions de travail que la génération lyrique. Mais jusqu’à quel point ces difficultés étaient-elles typiques à la génération X ? Ces difficultés s’observaient-elles également au sein des générations suivantes ? Se pouvait-il finalement que les difficultés de la génération X aient davantage été attribuables à un effet de période, causé notamment par un changement permanent dans l’organisation du travail, qu’à un effet de cohorte ? Si notre article permettait de poser quelques hypothèses à ce sujet, il ne permettait pas de répondre précisément à cette question.
Le présent article tente de pousser un peu plus loin l’analyse entreprise précédemment. Bénéficiant d’une série de données un peu plus longue (de 1976 à 2006), il s’agit non seulement de poursuivre l’analyse des parcours professionnels et des conditions de travail de la génération X et de la génération lyrique, mais de les situer dans un cadre plus large, en observant également les parcours professionnels des cohortes nées avant ou après elles. Mais avant d’entreprendre cette analyse, examinons rapidement quelques thèses permettant de saisir le sens des difficultés vécues par la génération X.
Les difficultés de la génération X : quelques explications
Au cours des années 1980, plusieurs observateurs liaient les difficultés de la génération X à un effet de période combiné à un effet d’âge (Cousineau, 1990 ; Fortin, 1986). « La cause primordiale de la hausse du chômage des jeunes depuis 20 ans est, au Québec comme ailleurs, le résultat de deux forces conjuguées : la détérioration généralisée de la conjoncture économique et l’hypersensibilité de l’emploi des jeunes à cette conjoncture » (Fortin, 1986, p. 192). Cette détérioration était le fruit de différents facteurs, dont la guerre du Viêt-Nam, les mauvaises récoltes, la cartellisation mondiale du pétrole et la hausse du loyer de l’argent au cours des années 1980. À cela s’ajoutait l’effet du cadre législatif de l’époque, marqué par l’augmentation du salaire minimum et la révision de la loi sur l’assurance-chômage, lesquels étaient défavorables à la création d’emploi (Cousineau, 1990). Face à un chômage élevé, les jeunes étaient, selon ces observateurs, parmi les plus pénalisés. « Dans la file d’attente des emplois, un nombre élevé de jeunes arrivent loin à l’arrière, soit en raison de leur faible niveau d’éducation […], soit plus généralement à cause de leur manque d’expérience. Ils sont donc les premiers mis à pied et parmi les derniers réembauchés » (Fortin, 1986, p. 193-194). On alléguait cependant que le sort de la génération X devait s’améliorer en vieillissant, au fur et à mesure que ses membres acquerraient de l’expérience sur le marché du travail.
À l’heure actuelle, on admet généralement plus fréquemment que les difficultés de la génération X ont quelque chose de permanent[1]. Celles-ci s’inscriraient en fait dans un contexte de remise en question du modèle de travail de type fordiste entreprise à partir du milieu des années 1970 à la suite des chocs pétroliers, de l’intensification de la concurrence internationale, de la diversification de la demande, de la mondialisation et de l’essor des technologies de l’information et des communications (Mercure, 2001 ; Tremblay, 1997 ; Gauthier, 1996). Les membres de la génération X seraient ainsi les pionniers d’un nouveau modèle de travail, plus précaire et marqué par le travail à temps partiel, temporaire et à forfait. Ils ne bénéficieraient donc pas – et ne pourraient plus aspirer à bénéficier – des mêmes avantages que leurs prédécesseurs, étant notamment moins susceptibles d’occuper un emploi à durée indéterminée et d’être syndiqués. Cette nouvelle réalité ne serait toutefois pas propre à la génération X, mais toucherait également les générations suivantes, les générations précédentes étant, jusqu’à un certain point, protégées par la règle de l’ancienneté.
Mais il n’y a pas que les mutations du marché du travail qui doivent être mises en cause. Il appert en effet que la génération X s’est insérée en emploi dans un contexte d’engorgement du marché du travail attribuable à trois phénomènes principaux. En termes démographiques, d’une part, le fait d’appartenir ou de succéder à l’importante cohorte de baby-boomers semble avoir limité les chances d’accès au premier emploi et, ultérieurement, aux promotions de cette génération, le nombre de places disponibles ne suffisant pas à absorber l’arrivée massive de nouveaux candidats (Foot, 1999 ; Easterlin, 1987). Cette congestion du marché du travail aurait été d’autant plus importante que, d’autre part, au même moment l’activité salariée des femmes augmentait (Frappier, 1992). Souvent confinées dans des postes du marché du travail secondaire, et ce, au même titre que les jeunes, elles seraient entrées en compétition avec eux pour l’obtention des places (Stroobants, 1993 ; Kempeneers, 1992). Enfin, au cours de la même période les niveaux de scolarité ont augmenté de façon fulgurante (Vultur, 2006 ; Langlois, 1999). Si cette scolarisation plus poussée a pu être bénéfique pour leurs prédécesseurs, il en irait autrement pour les membres de la génération X. En raison notamment de la multiplication du nombre de diplômés, on aurait assisté à la dévaluation des diplômes et au phénomène de la suréducation (Vultur, 2005 ; Kapsaliset al., 1999). Or, la suréducation ne serait pas toujours une situation temporaire. De fait, non seulement la majorité des jeunes suréduqués se maintiennent dans des emplois ne valorisant pas l’ensemble de leurs qualifications mais, comparativement à leurs pairs, ils sont moins bien payés et occupent une position économique moins élevée (Vultur, 2005).
Ces dernières observations semblent étayer la thèse du sacrifice de la génération X. Elles l’étayent d’autant plus qu’il semble non seulement que l’insertion professionnelle des nouvelles générations se soit déroulée dans un contexte de croissance économique, mais également que les caractéristiques de flexibilité de la main-d’oeuvre se soient graduellement déplacées du jeune travailleur au travailleur âgé[2] (Grenier, 2007). Conséquence de cela, les nouvelles générations se seraient insérées dans un contexte plus favorable que celui qu’a connu la génération X, différant ainsi sensiblement de cette dernière. Mais jusqu’à quel point ces générations diffèrent-elles de la génération X ? C’est seulement en répondant à ces interrogations que nous pourrons vérifier la thèse de la génération sacrifiée.
L’analyse par cohorte
Avant même de vérifier la thèse d’une génération sacrifiée, il nous apparaît opportun de préciser ce que nous entendons par le concept de génération, celui-ci renvoyant à au moins trois grandes acceptions (Chauvel, 2002 ; Mannheim, 1990 ; Attias-Donfut, 1988). La première, issue de l’approche ethnographique, limite ce concept au sens de filiation et est utilisée pour l’analyse de l’organisation sociale. La deuxième, proposée par l’approche sociologique, définit la génération comme une communauté spirituelle. Cette définition renvoie à l’idée d’un groupe partageant non seulement des expériences communes, mais également des idées, des mentalités et certaines visions du monde et de la société, et elle suppose une certaine conscience de génération. La dernière acception, fournie par la démographie, renvoie au concept de cohorte de naissance, c’est-à-dire « l’ensemble des individus nés à la même date ou dans un même intervalle de temps dans une société » (Attias-Donfut, 1988, p. 144). C’est cette dernière définition que nous adoptons dans le présent article. Ce choix s’explique par le fait qu’il nous semble prématuré de parler d’une génération au sens sociologique, l’objectif de notre recherche étant justement de savoir si la génération X présente des traits distinctifs communs. Or, même une fois ces traits hypothétiques identifiés, pour parler d’une génération sociologique, il faudrait encore repérer une certaine organisation, voire une certaine communauté, ce qui dépasse largement l’objectif de cet article.
Cette précision apportée, comment procéderons-nous pour vérifier la thèse d’une génération sacrifiée ? Pour ce faire, il est nécessaire de suivre le parcours professionnel des différentes générations sur une assez longue période. Graphiquement, il existe une façon simple de représenter un tel parcours. Il s’agit du diagramme de Lexis. Celui-ci permet d’organiser l’information portant sur une ou des population(s) suivie(s) sur plusieurs années en mettant l’année de naissance en abscisse, l’âge en ordonnée, et les cohortes de naissance apparaissant sur une diagonale. Non seulement un tel graphique permet de visualiser l’âge d’une génération à un moment précis de l’histoire, mais, selon Chauvel (2002), l’intérêt majeur de ce diagramme est de permettre la représentation des principaux effets liés à l’âge, à la période de naissance et à la cohorte.
Un phénomène vécu par l’ensemble de la population à partir d’un âge donné – l’effet d’âge – se caractérise par une rupture horizontale à une ordonnée précise. En revanche, un phénomène vécu au cours d’une période donnée par l’ensemble de la population peu importe son âge ou sa cohorte de naissance – l’effet de période – est représenté par une rupture verticale sur le diagramme. Quant à l’effet de cohorte, c’est-à-dire le phénomène vécu par des cohortes particulières peu importe l’âge ou la période d’observation, celui-ci se représente par une rupture diagonale. Selon Chauvel, une quatrième situation peut encore se rencontrer. Celle-ci se produit lorsqu’il existe « une interaction entre l’âge et la période qui ne suit pas la ligne de vie » (Chauvel, 2002, p. 269). On parlera alors de recomposition du cycle de vie. Ici, le cycle réel des différentes générations n’a plus la même structure pour les différentes cohortes. Le report de l’âge moyen de l’insertion professionnelle constitue un bon exemple d’une recomposition du cycle de vie.
Parler d’une génération sacrifiée implique l’observation d’un effet de cohorte important qui ne toucherait que la génération X. Dans le cas qui nous occupe, il faut observer un parcours professionnel plus difficile et des conditions de travail moins avantageuses pour la génération X, et ce, peu importe l’âge ou l’année d’observation. Pour ce faire, il est nécessaire de disposer d’informations comparables et couvrant une assez longue période, non seulement pour la génération X, mais également pour les générations qui l’ont précédée ou qui lui ont succédé. Idéalement, une telle comparaison se fera à partir de données longitudinales, c’est-à-dire recueillies auprès des mêmes individus à différents moments de leur parcours de vie. Sauf de rares exceptions, on ne dispose pas, au Canada, de données longitudinales permettant de suivre les mêmes individus sur une longue période. Celles qui existent sont soit trop récentes, soit elles couvrent une trop courte période pour être pleinement intéressantes pour répondre au type de question que nous nous posons[3]. Afin de suivre le parcours professionnel des individus, il faut donc se replier sur les données des enquêtes transversales et procéder à ce que Chauvel (2002) et Ryder (1965) appellent l’analyse par cohorte. Cette méthode, qui suppose que les individus soient représentatifs du groupe d’individus nés la même année, consiste à comparer des cohortes d’individus semblables à différentes périodes.
L’analyse par cohorte procède d’un principe extrêmement simple : si l’on réalise à dix ans d’intervalle deux enquêtes représentatives des individus d’une société donnée – marquée par un degré limité d’immigration et d’émigration, et une mortalité faible – les personnes de 30 ans de la première enquête et celles de 40 ans de la seconde sont globalement représentatives du groupe d’individus nés la même année.
Chauvel, 2002, p. 265
Les données transversales des différentes enquêtes réalisées par Statistique Canada auprès d’échantillons représentatifs des populations provinciales et nationales permettent de procéder à ce type d’analyse. Menées périodiquement depuis le milieu des années 1970, ces enquêtes permettent de construire des cohortes synthétiques de Québécois et de suivre leur destin collectif, notamment en ce qui a trait à l’évolution du parcours professionnel et des conditions de travail. La présente étude s’appuie sur ces données, en particulier celles recueillies dans le cadre de l’Enquête sur la population active (mensuelle depuis 1976), l’Enquête sur les finances des consommateurs (annuelle entre 1975 et 1995), l’Enquête sur l’adhésion syndicale (1984), l’Enquête sociale générale (1994) et l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (annuelle depuis 1993). Il s’agit en fait pour nous de comparer les caractéristiques de l’emploi de différentes cohortes synthétiques à plusieurs moments dans le temps, et ce, sous quatre aspects : 1) le sous-emploi (chômage et temps partiel involontaire) ; 2) la stabilité de l’emploi (ancienneté et permanence) ; 3) les conditions de travail (syndicalisation et avantages sociaux) et 4) le revenu.
Notre étude porte plus spécifiquement sur les membres de la génération X nés entre 1962 et 1966. Ceux-ci sont étudiés en regard des membres des autres cohortes, nées avant le baby-boom (1932-36), au début du baby-boom (1942-46[4]), au milieu du baby-boom (1952-56) et après le baby-boom (1972-76 et 1982-86)[5]. Essentiellement, notre analyse consistait à identifier les caractéristiques de ces six cohortes à différents âges (20-24 ans, 25-29 ans, 30-34 ans, 35-39 ans, etc.), et à comparer les caractéristiques de la génération X à celles de ses prédécesseurs ou de ses successeurs au même âge. Comme nous l’avons souligné, notre analyse postule que, à chaque âge, les membres d’une même cohorte sont représentatifs des individus nés au cours de la même période, les données de Statistique Canada ne nous permettant pas de suivre les mêmes individus sur une longue période. Notons par ailleurs que compte tenu des différences de genre prévisibles et bien connues, les hommes et les femmes sont étudiés séparément.
Résultats
Sous-emploi : entre l’effet de cohorte et l’effet de période
Le graphique 1, qui présente l’évolution du taux de chômage des différentes cohortes à travers le temps, révèle bien l’ampleur des difficultés rencontrées par la génération X à l’aube de son insertion professionnelle. Non seulement cette génération semble avoir mis plus de temps que les générations suivantes avant de voir sa situation professionnelle se stabiliser, mais jusqu’à l’âge de 35 ans (30 ans chez les femmes), elle affiche les niveaux de chômage par âge les plus élevés. À partir de cet âge, toutefois, sa situation professionnelle se compare avantageusement à celle de ses prédécesseurs, en particulier à la cohorte 1952-56. Il faut dire que si la situation de cette dernière apparaît, au départ, moins dramatique que celle de la génération X, elle met davantage de temps à se stabiliser. De même, si jusqu’à l’âge de 45 ans, la situation de la génération lyrique est assez favorable, elle semble se dégrader légèrement par la suite, le taux de chômage de cette cohorte augmentant sensiblement au cours des années 1990, alors que ses membres sont âgés de 45 à 54 ans.
Malgré l’amélioration sensible de la situation des membres de la génération X en matière d’emploi et le fait que toutes les cohortes semblent avoir connu une hausse de leur taux de chômage au cours des années 1980 et 1990, il est néanmoins possible de parler d’un effet de cohorte pour qualifier la situation de la génération X.
Lorsqu’on s’intéresse au ratio de chômeurs[6] selon l’âge et la cohorte de naissance tel que présenté au graphique 2, on constate en effet qu’à tous les âges, à l’exception de la tranche 20-24 ans chez les hommes et de la tranche 30-34 ans chez les femmes, il est sensiblement plus élevé au sein de la cohorte 1962-66 qu’au sein des autres cohortes[7]. La situation de la cohorte 1952-56 n’apparaît toutefois pas beaucoup plus favorable, celle-ci affichant, à presque tous les âges, un ratio de chômeurs assez similaire à celui de la cohorte 1962-66, en particulier entre l’âge de 40 et 44 ans.
L’analyse des ratios de travailleurs à temps partiel involontaire[8] révèle des résultats un peu plus mitigés (graphique 3). En fait, il apparaît que le travail à temps partiel involontaire touche davantage la cohorte 1972-76 que les autres cohortes, et ce, au moins jusqu’à l’âge de 35 ans (30 ans chez les femmes). Après cet âge, le ratio semble plus élevé au sein de la cohorte 1962-66, mais augmente sensiblement au sein des autres cohortes. L’augmentation se produirait à partir de 55 ans chez les hommes et 45 ans chez les femmes, ce qui corrobore les observations de Grenier (2007). Chez les femmes de la cohorte 1942-46, le ratio de travailleuses à temps partiel involontaire redeviendrait toutefois moins important à partir de 60 ans.
Stabilité de l’emploi : une recomposition du cycle de vie ?
L’analyse du sous-emploi qui vient d’être effectuée demeure néanmoins insuffisante pour évaluer la situation de l’emploi des différentes générations. En fait, c’est l’emploi lui-même qui, selon plusieurs observateurs, serait de plus en plus instable, en particulier chez les nouvelles générations. Le graphique 4, qui présente le nombre médian de mois travaillés chez le même employeur selon l’âge et la cohorte de naissance, appuie cette hypothèse chez les hommes. Il apparaît en effet que, chez eux, les cohortes plus jeunes jouissent d’un nombre d’années d’ancienneté moins élevé que leurs prédécesseurs aux mêmes âges[9]. Si la coupure semble être intervenue avec la génération X, il demeure néanmoins que, comparativement à elle, les générations suivantes jouissent, à des âges équivalents, d’une ancienneté encore moins grande. Chez les femmes, la situation est un peu plus complexe, les plus jeunes ayant moins fréquemment interrompu leur carrière après la naissance d’un enfant (Gauthieret al., 1997). On peut croire que ce facteur aurait atténué l’effet de la moindre stabilité de l’emploi, du moins, jusqu’à la génération X.
Il est toutefois possible que cette moindre ancienneté chez les nouvelles générations traduise davantage une recomposition du cycle de vie qu’une plus grande instabilité de l’emploi à proprement parler. Les nouvelles générations jouiraient ainsi d’une moindre ancienneté, simplement parce qu’elles se seraient insérées plus tardivement sur le marché du travail. Afin de mieux mesurer l’instabilité de l’emploi, nous avons examiné la proportion de personnes qui déclaraient occuper un emploi permanent. Malheureusement, cet indicateur n’est disponible que depuis 1997. Il s’avère donc assez difficile de poser un diagnostic parfaitement clair à propos de la stabilité de l’emploi. Néanmoins, comme l’indique le graphique 5, la situation des plus jeunes cohortes en matière de stabilité de l’emploi semble beaucoup moins sombre qu’elle ne pouvait l’être lorsqu’elles étaient plus jeunes. En effet, à partir de 30 ans, les jeunes cohortes occupent des emplois permanents dans des proportions à peine inférieures à celles observées dans les meilleures années des cohortes plus âgées. S’il est possible qu’il en ait été autrement entre 1975 et 1997, depuis lors, l’instabilité de l’emploi vécue par les plus jeunes cohortes est essentiellement attribuable à leur jeune âge. Les différentes cohortes parviendraient donc, encore aujourd’hui, à occuper des emplois permanents.
Conditions de travail et avantages sociaux : un effet de cohorte depuis la génération X
La probabilité presque équivalente à celui des cohortes précédentes d’occuper un emploi permanent signifie-t-elle des conditions de travail et des avantages sociaux équivalents ? Comment la génération X se compare-t-elle aux autres cohortes en cette matière ? Afin de répondre à cette question, nous avons examiné deux indicateurs relatifs aux conditions de travail des différentes cohortes. Le premier de ces indicateurs, présenté au graphique 6, concerne la probabilité d’occuper un emploi syndiqué ou couvert par une convention collective[10]. Cette probabilité semble beaucoup moins forte pour la génération X que pour les cohortes précédentes. Par exemple, chez les membres de cette génération, ce sont à peine quatre employés sur dix qui sont syndiqués ou couverts par une convention collective entre l’âge de 35 et 44 ans ; chez les membres de la cohorte née au cours des années 1940, c’étaient six employés sur dix qui l’étaient à cet âge. S’il semble assez clair qu’il ne s’agit pas simplement d’un effet d’âge, il est assez difficile de parler d’un pur effet de cohorte. Non seulement le déclin syndical semble-t-il avoir touché l’ensemble des cohortes depuis 1994, mais, comparativement à la génération X, la génération née au cours des années 1970 semble encore moins susceptible d’être syndiquée ou couverte par une convention collective. En fait, si effet de cohorte il y a, il semble davantage refléter la réalité de la cohorte née au cours des années 1940 qui, jusqu’à l’âge de 55 ans, semble la plus susceptible d’être syndiquée ou couverte par une convention collective. Elle l’est davantage, d’ailleurs, que la cohorte 1930-39.
Le deuxième indicateur utilisé pour mesurer la qualité des conditions de travail des différentes cohortes a trait à la disponibilité d’un régime de retraite au travail[11]. Dans l’ensemble, ce second indicateur, présenté au graphique 7, confirme nos conclusions précédentes : les générations nées à partir des années 1960 jouissent de conditions de travail moins avantageuses que leurs prédécesseurs.
Alors que chez la cohorte née entre 1940 et 1949, plus de six employés sur dix disposaient d’un régime de retraite au travail entre l’âge de 35 et 44 ans, au sein de la cohorte née entre 1960 et 1969, ce n’est plus qu’un employé sur deux qui dispose d’un tel avantage à cet âge. Or, si la tendance se maintient, cette proportion devrait être encore plus faible au sein de la cohorte née au cours des années 1970, celle-ci bénéficiant encore moins de cet avantage lorsqu’elle est âgée de 25 à 34 ans. Si ces tendances générales s’observent autant chez les hommes que chez les femmes, il appert néanmoins que chez ces dernières, le portrait est beaucoup plus nuancé, la réalité des diverses générations n’étant pas exactement la même. En fait, si les femmes des nouvelles générations oeuvrent elles aussi sur un marché du travail offrant moins d’avantages sociaux que par le passé, elles bénéficient néanmoins d’une amélioration sensible de leurs conditions de travail par rapport à leurs prédécesseurs, lesquels ne bénéficiaient pas nécessairement – ou directement – des avantages du modèle fordiste de travail.
Revenu : une recomposition du cycle de vie ?
Qu’en est-il du revenu ? De manière générale, les études ayant porté sur l’évolution du salaire au cours des dernières décennies ont observé une baisse du niveau des revenus chez les nouvelles générations comparativement à celles qui les avaient immédiatement précédées (Langlois, 2006 ; Grenier, 2003 ; Kapsaliset al., 1999 ; Beaudry et Green, 1997 ; Jean, 1997). Concrètement, elles ont montré que les nouvelles générations commençaient leur carrière à un plus faible niveau salarial que leurs parents. Selon Foot (1999), les enfants de la fin du baby-boom gagneraient 10 % de moins que leurs pères au même âge, alors que ceux nés au début gagneraient 30 % de plus.
Combinant les microdonnées des recensements canadiens pour les années 1971 à 1996, Grenier (2003) a estimé différents modèles de régression de gains qui isolent les effets de l’année de naissance et de l’âge. Dans son étude, il a tenu compte à la fois de l’ensemble du revenu – et non seulement du salaire –, de facteurs tels que l’éducation et le nombre d’heures de travail par semaine ainsi que d’une possible surévaluation de l’indice des prix à la consommation (IPC). Ses analyses révèlent bien la mauvaise performance salariale des nouvelles générations, et particulièrement des hommes. En effet, après avoir atteint des sommets pour les générations nées dans les années 1940, les gains des jeunes hommes avaient décliné par la suite. Or, cette situation ne s’est pas résorbée avec le temps. Contrôlant les effets d’interaction entre l’année de naissance et l’âge, Grenier arrive à cette conclusion : « Ce qui ressort le plus fortement est que les effets d’interaction sont tous négatifs, ce qui veut dire que les rendements selon l’âge des générations récentes sont plus petits que ceux des générations plus anciennes » (Grenier, 2003, p. 266). Cela s’observerait partout, mais serait un peu plus prononcé chez les moins scolarisés, en raison notamment de l’important déclin du secteur secondaire qui, durant les années fastes de l’après-guerre, fournissait de bons salaires aux moins scolarisés. De même, il serait plus important chez les hommes, les progrès récents en matière d’activité professionnelle ayant joué en sens contraire chez les femmes.
Bien que moins sophistiquée que celle de Grenier, notre analyse présentée au graphique 8 pour la période de 1981 à 2004 confirme ses principales observations : les plus jeunes cohortes d’hommes disposent d’un revenu disponible moyen[12] moins élevé que les générations précédentes. Cela n’est toutefois pas propre à la génération X, mais concerne également les générations qui lui ont succédé. De même, depuis le milieu des années 1980, le revenu de la génération lyrique a lui aussi diminué de manière substantielle, passant de près de 45 000 $ entre 39 et 43 ans à environ 40 000 $ entre 44 et 58 ans[13], et à près de 35 000 $ entre 59 et 63 ans. En 2004, le revenu de la cohorte 1952-56, alors âgée entre 49 et 53 ans, était même supérieur à celui de la génération lyrique au même âge. Chez les femmes, le tableau est légèrement différent mais va, encore une fois, dans le sens des conclusions de Grenier. Les plus jeunes cohortes jouissent en effet d’un revenu supérieur à celui des femmes plus âgées. C’est ainsi qu’à partir de 34 ans, les femmes de la génération X se démarquent des autres par un revenu plus élevé de près de 5 000 $ par rapport à la génération lyrique. Si la tendance se maintient, cependant, les femmes des plus jeunes cohortes devraient jouir d’un revenu encore plus élevé.
Ces derniers résultats laissent croire que le revenu des femmes a compensé dans une certaine mesure le déclin salarial des hommes des nouvelles générations, en particulier chez celles nées à partir des années 1960. Cela serait d’autant plus probable que, comme l’indique le graphique 9, la proportion de travailleurs ayant une conjointe occupée[14] a augmenté considérablement au cours des dernières décennies, augmentation qui ne fut pas accompagnée d’une diminution tout à fait équivalente de travailleuses ayant un conjoint occupé. Il en résulte que de plus en plus les nouvelles générations disposent de deux revenus pour subvenir à leurs besoins. Combiné au fait que la taille des familles a également diminué au cours des dernières décennies (Le Bourdais et Piché, 2003), on peut donc croire que, finalement, les nouvelles générations n’ont rien perdu de leur pouvoir d’achat.
Afin d’étudier ce dernier aspect, nous avons examiné le revenu disponible moyen ajusté des unités familiales[15] en nous inspirant des travaux de Jean (1997).
Essentiellement, il s’agissait d’étudier le revenu moyen des unités familiales, de le pondérer en fonction de la taille de l’unité familiale et de le comparer selon l’âge du chef de ménage[16]. L’analyse de ces données montre assez clairement que, malgré l’adoption de stratégies familiales différentes, les cohortes plus jeunes jouissent d’un revenu de départ plus bas que celui des cohortes plus âgées, et parviennent difficilement à atteindre les niveaux salariaux de leurs prédécesseurs en vieillissant, et ce, même en mettant les deux conjoints à contribution (graphique 10)[17]. Depuis les années 2000, toutefois, un certain revirement de situation est observé. Non seulement la cohorte 1962-66 jouit d’un revenu équivalent à la génération lyrique à 39-43 ans (près de 30 000 $), mais chez les cohortes plus jeunes ou plus âgées, le revenu de 2004 dépasse celui de la génération lyrique au même âge. En somme, si la tendance se maintient, les nouvelles générations, qui ont disposé d’un revenu moins élevé que celui de la génération lyrique jusqu’à tout récemment, pourraient bien jouir d’un revenu plus élevé pour les années à venir. Il faut préciser que comme nous l’avons vu un peu plus haut, si les jeunes générations ont été durement touchées par les difficultés économiques au cours de leur jeunesse, la génération lyrique n’est pas en reste, ayant été davantage touchée à partir de la quarantaine. De même, rappelons que pour parvenir à ce niveau de revenu, les membres de la génération X ont davantage compté sur le travail des deux conjoints que les générations précédentes.
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À partir de ces différents résultats, pouvons-nous conclure que la génération X soit une génération sacrifiée ? Dit autrement, un effet de cohorte important s’observe-t-il dans le parcours professionnel de cette génération ? À première vue, il semble que c’est le cas. À plusieurs égards, la génération X a connu un parcours professionnel différent des autres générations : non seulement a-t-elle été plus durement touchée par le sous-emploi, mais en règle générale, elle ne jouit pas de la même stabilité de l’emploi et des mêmes conditions de travail que ses prédécesseurs. Non seulement est-elle moins syndiquée et bénéficie-t-elle moins souvent d’un régime de retraite au travail, mais de manière générale, elle jouit d’un revenu un peu moins élevé que les autres générations, nées avant ou après elle.
Il est vrai que la génération X n’a pas été la seule à éprouver ces difficultés, celles-ci ayant également touché l’ensemble des générations à différents moments de leur parcours de vie, comme le montre d’ailleurs très bien Langlois (2006) dans un article sur le niveau de vie des générations. Concernant le sous-emploi, par exemple, non seulement avons-nous vu que la cohorte 1952-56 n’avait pas connu un sort beaucoup plus enviable que la génération X, mais nous avons également constaté que la génération lyrique avait, elle aussi, été touchée par des difficultés professionnelles à partir de 45 ans, avant même que le départ à la retraite puisse se concrétiser. De même, si les générations précédentes ont, somme toute, connu une plus grande stabilité de l’emploi et de meilleures conditions de travail, de manière générale, leurs conditions se sont légèrement dégradées au fil du temps, en particulier depuis le milieu des années 1980. Quant aux cohortes plus jeunes, elles ont également fait les frais des mutations économiques, notamment en ce qui a trait aux conditions de travail. À certains égards, leurs conditions de travail semblent même moins avantageuses que celles de la génération X, notamment en ce qui a trait aux chances d’être syndiqué et à celles de disposer d’un régime de retraite au travail.
Dans la même veine, nos résultats ont également montré qu’à certains égards, les difficultés rencontrées par la génération X au cours de sa jeunesse pouvaient être attribuables à ce que Chauvel appelle la reconfiguration du cycle de vie. De fait, si à des âges plus jeunes, la situation professionnelle de la génération X – de même que celle des cohortes plus jeunes – semble moins bonne que celle de leurs prédécesseurs, à des âges plus tardifs, leur situation se compare souvent avantageusement à celle de leurs prédécesseurs. C’est ainsi que, par exemple, ils jouissent d’un revenu plus bas lorsqu’ils sont jeunes, mais que celui-ci décline moins rapidement – voire continue d’augmenter – à des âges où, pour les cohortes plus âgées, il commençait à décliner. Bref, les difficultés de la génération X traduiraient également un certain report du calendrier. Rappelons cependant que, concernant le revenu, la génération X compte davantage de couples à deux actifs que leurs prédécesseurs.
À notre avis, ces quelques bémols ne nous empêchent pas de conclure à l’existence d’un effet de cohorte important pour qualifier le parcours de la génération X. Si les nuances apportées nous empêchent de parler d’une génération sacrifiée, il nous apparaît assez clair en revanche que la génération X a, plus que n’importe quelle autre cohorte, cumulé de multiples désavantages dans son parcours professionnel, confirmant ainsi plusieurs travaux ayant porté sur cette génération, dont ceux de Gauthier (1996), Jean (1997) et Langlois (2006). En plus de faire les frais d’une conjoncture économique difficile au moment de son insertion professionnelle, elle fut non seulement la pionnière d’un nouveau modèle de travail exigeant une plus grande part de responsabilité individuelle, mais fut également, avec la cohorte 1952-56, la pionnière d’un nouveau cycle de vie, caractérisé par un report des différentes étapes du parcours professionnel. Peu préparée à faire face à toutes ces nouveautés, et se comparant aux générations précédentes et aux générations suivantes, il n’est pas étonnant que cela ait fait naître chez elle un sentiment d’injustice. Si la cohorte 1952-56 a connu elle aussi des difficultés d’insertion professionnelle et un report de certaines étapes de son parcours professionnel, elle a néanmoins pu bénéficier davantage de la stabilité offerte par le modèle fordiste du travail. De même, si les cohortes nées après la génération X semblent devoir assumer une plus grande part de responsabilités individuelles, elles semblent en revanche avoir bénéficié davantage de leur plus grande rareté et avoir su tirer parti plus rapidement du nouveau modèle de travail. Elles ont ainsi connu moins de difficultés d’insertion professionnelle et ont vu leur revenu augmenter plus rapidement que la génération X.
Ces observations ne doivent toutefois pas nous faire oublier que le concept de génération tend à masquer les différences importantes qui existent au sein des diverses cohortes. Notre recherche s’est peu attardée à ces différences, mais il demeure que certains résultats reflètent des situations diverses au sein de chaque cohorte. Par exemple, parler de la génération lyrique comme d’une génération globalement gâtée en termes professionnels, c’est non seulement masquer le fait que plusieurs de ses membres ont fait les frais des difficultés économiques des dernières décennies – comme en témoigne notamment la fréquence du chômage à partir de l’âge de 45 ans –, mais c’est également omettre de dire qu’entre les hommes et les femmes, des différences importantes existent. De même, parler de la génération X comme d’une génération qui a cumulé de multiples désavantages, c’est oublier le fait que plusieurs de ses membres n’ont pas connu de difficultés particulières et continuent de bénéficier de la stabilité de l’emploi à l’instar des générations précédentes. En fait, si des différences intergénérationnelles semblent bel et bien exister, elles n’émoussent pas pour autant l’existence de catégories sociales au sein de la société dans son ensemble, un élément qui est souvent oublié lorsqu’il s’agit de parler des générations.
Parties annexes
Remerciements
Cet article est issu d’une recherche ayant bénéficié de l’aide du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Fonds québécois de recherche sur la société et la culture. Je tiens à remercier Stéphane Moulin pour ses commentaires judicieux sur une première version de ce texte.
Note biographique
Charles Fleury
Charles Fleury est chercheur en sociologie au Centre d’études des populations, de la pauvreté et des politiques publiques (CEPS) au Luxembourg. Il a été stagiaire postdoctoral au Département de sociologie de l’Université de Montréal. Sa thèse de doctorat, défendue au Département de sociologie de l’Université Laval en décembre 2007, portait sur les parcours de jeunesse et les valeurs de la génération lyrique et de la génération X. Ses travaux actuels portent sur les parcours de vie, les relations intergénérationnelles et l’ethos du travail dans une perspective comparative internationale.
Notes
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[1]
Pierre Fortin reconnaît cette idée. À la question « la génération X forme-t-elle une génération marquée à vie par leur départ difficile dans le monde du travail ? », l’auteur répond aujourd’hui par l’affirmative. « Depuis 20 ans, quel que soit l’état de l’économie, la génération X a chômé plus et gagné moins d’argent que ses prédécesseurs lorsqu’ils avaient le même âge » écrit-il à ce propos (Fortin, 2002, p. 102).
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[2]
On constate notamment une augmentation du nombre de travailleurs à temps partiel chez les personnes de 55 ans et plus.
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[3]
C’est le cas, notamment, de l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu de Statistique Canada, laquelle ne récolte des données que depuis 1993 et ne suit les mêmes individus que pendant six années.
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[4]
Il s’agit de la génération lyrique.
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[5]
Étudier les cohortes à des intervalles de cinq ans nous a obligé à ne retenir que des cohortes de cinq ans. La cohorte 1962-66, qui a eu 20 ans au début des années 1980, nous semblait la plus représentative de la génération X, celle-ci ayant été la plus durement touchée par les difficultés d’insertion professionnelle (Fleury, 2007 ; Langlois, 2006). Si les cohortes intermédiaires ont également été étudiées, par souci de réduire le nombre de cohortes, nous ne présentons pas les résultats pour les cohortes nées entre 1937 et 1941, 1947 et 1951, 1957 et 1961, 1967 et 1971 et 1977 et 1981. Notons que les observations relatives à ces cohortes n’invalident pas nos conclusions.
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[6]
Le ratio de chômeurs fait référence au taux de chômage d’une cohorte donnée par rapport au taux de chômage observé la même année au sein de la population active âgée de 15 ans et plus.
-
[7]
Madeleine Gauthier (1996) arrivait à une conclusion similaire.
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[8]
Le travailleur à temps partiel involontaire se définit comme une personne qui travaille moins de 30 heures par semaine pour des raisons liées à la conjoncture économique (il n’a pas pu dénicher un emploi de 30 heures ou plus). Comme pour le ratio de chômeur, le ratio de travailleurs à temps partiel involontaire fait référence au taux de travailleurs à temps partiel involontaire d’une cohorte donnée par rapport au taux de travailleurs à temps partiel involontaire observé la même année au sein de la population en emploi et âgée de 15 ans et plus.
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[9]
Le lecteur ne manquera certainement pas d’observer la diminution très nette du niveau d’ancienneté à partir de l’âge de 55 ans au sein de la génération lyrique (1942-46). Ce phénomène, qui reflète d’abord la tendance qu’ont les personnes ayant le plus grand nombre d’années d’ancienneté à prendre une retraite anticipée, révèlent également selon nous deux autres phénomènes. D’une part, et comme nous l’avons montré dans des travaux précédents (Fleury, 2002), tous les membres de cette génération ne jouissent pas du même niveau de stabilité d’emploi. Ce n’est qu’une fois que les membres les plus « privilégiés » sortent de l’échantillon que ces personnes deviennent plus visibles. D’autre part, une proportion non négligeable de jeunes retraités membres de cette génération demeurent actifs sur le marché du travail (Grenier, 2007). Une étude plus poussée serait néanmoins nécessaire pour distinguer ces deux phénomènes.
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[10]
Les données disponibles ne nous permettaient pas de reprendre le même découpage par âge, qui n’était fourni qu’en catégories de dix ans. De même, elles ne permettaient pas d’étudier la situation de la cohorte née au cours des années 1980.
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[11]
Notons que les résultats relatifs à la disposition d’un régime de retraite au travail doivent être interprétés avec prudence dans la mesure où la formulation des questions a changé entre 1984 et 2002. En 1984 (Enquête sur l’adhésion syndicale), on demandait : « Était-il couvert par un régime de pensions rattaché à cet emploi (ne tenez pas compte du RPC, du RRQ, des régimes de participations différée aux bénéfices ni des régimes personnels d’épargne retraite) » alors qu’on demandait en 1994 (Enquête sociale générale) « Votre entreprise ou compagnie offre-t-elle les avantages suivants… régime de retraite (qui s’ajoute à la contribution de l’employeur au RPC ou au RRQ) ? » et en 2004 (Enquête sur la dynamique du travail et du revenu) : « Dans son emploi chez [employeur], avait-il un régime de fonds de pension de l’employeur » avec la directive suivante aux interviewers : « Peut s’appeler Régime de pension agréé. Exclure le RPC et le RRQ ».
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[12]
C’est par souci de comparabilité avec les travaux de Jean (1997) et Langlois (2006) que nous prenons le revenu moyen plutôt que le revenu médian comme indicateur du revenu des cohortes. Malheureusement, un tel indicateur ne permet pas de mesurer une éventuelle croissance des inégalités de revenus, ce qui constitue une limite de notre étude.
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[13]
Cette diminution se produit avant même que cette cohorte commence à se retirer véritablement du marché du travail, plus de 90 % des hommes de la cohorte 1942-46 étant toujours actifs entre 45 et 49 ans.
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[14]
Cet indicateur oppose les travailleurs(euses) ayant un(e) conjoint(e) occupant un emploi aux travailleurs(euses) n’ayant 1) pas de conjoint(e) ou 2) n’ayant pas de conjoint(e) en emploi.
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[15]
Afin de comparer dans le temps le revenu des unités familiales de taille et de composition différentes tout en tenant compte des économies qui peuvent être réalisées, les revenus sont ajustés à l’aide d’une échelle d’équivalence. Si plusieurs échelles existent, celle qui a ici été utilisée attribue un poids de 1 à la personne de référence, 0,4 aux autres adultes de 16 ans et plus et de 0,3 à chaque enfant. Dans le cas d’une famille monoparentale, le premier enfant reçoit un poids de 0,4. L’ajustement du revenu disponible de l’unité familiale se fait de la manière suivante : revenu disponible moyen de l’unité familiale / facteur d’équivalence. Par unité familiale, on entend l’ensemble des familles économiques (groupe de deux personnes ou plus habitant dans le même logement et apparentées par le sang, par alliance, par union libre ou par adoption) et des personnes seules. Le revenu disponible de l’unité familiale est calculé en additionnant l’ensemble des revenus de tous les membres de l’unité familiale, dont on soustrait l’impôt sur le revenu fédéral et provincial payé par tous les membres de la famille.
-
[16]
Dans un souci de comparabilité historique, l’époux est réputé être le chef de ménage dans les familles se composant d’un couple avec ou sans enfant. Dans le cas des familles monoparentales, le chef est le père ou la mère. Pour les autres types de famille, le chef est généralement le membre le plus âgé.
-
[17]
Un tel résultat va dans le sens des observations faites par Langlois (2006) et Jean (1997).
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