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INTRODUCTION

En Amérique du Nord et en Europe, plusieurs recherches se sont penchées sur la complexité caractérisant l’intervention interculturelle et l’utilisation des services de santé mentale en contexte migratoire. Le besoin d’étudier en contexte québécois ce thème constitue entre autres le motif qui légitime le recours à des recherches effectuées hors Québec, car ces recherches internationales nous permettent d’obtenir des informations utiles et de cerner les lacunes caractérisant le système de soin de santé mentale pour trouver des pistes de solutions. Il est évident que la différence des contextes culturels et historico-politiques, dans lesquels les soins sont offerts hors Québec, nécessite la prise des précautions lors de la consultation des écrits internationaux (Galvis-Narinos et Montélimard, 2009). Pour répondre adéquatement aux besoins de santé mentale des immigrants, il devient vital de connaître, d’une part, les barrières qui limitent l’accès de cette clientèle aux services de santé mentale au Québec, et d’autre part, la vision des cliniciens interculturels. Les patients immigrants accèdent-ils facilement aux services de soins de santé mentale culturellement adaptés? Quelles en sont les principales barrières? Les différents cliniciens en santé mentale sont-ils suffisamment aptes à assurer, de manière efficace, la prise en charge des difficultés psychologiques des migrants? Quelles sont leurs principales difficultés et leurs stratégies d’adaptation? Le présent article tente de répondre aux questions soulevées, en synthétisant les études actuelles qui décrivent les différents obstacles qui limitent l’accès aux soins en contexte migratoire, ainsi que les caractéristiques de l’intervention interculturelle du point de vue des cliniciens. Dans ce présent texte, la première section est centrée sur la synthèse des obstacles qui rendent difficile l’accès des immigrants aux soins de santé mentale. La deuxième section est réservée à la présentation des défis rencontrés par les différents cliniciens offrants des services de santé mentale en contexte migratoire. Une conclusion et des recommandations sont proposées.

MÉTHODOLOGIE

Les questions principales de recherche qui ont guidé le repérage des articles sont les suivantes : quels sont les obstacles à l'accès aux services de santé mentale auxquels sont confrontés les immigrants? Quelles sont les perceptions des cliniciens à l’égard de l’intervention auprès des immigrants? Nos résultats découlent d’une recension des écrits qui porte sur ces deux questions. Les articles recensés qui ont servi à la rédaction de cet article ont été repérés à partir des bases de données suivantes : JSTOR, PsycINFO, CINHAL, Cochrane, MEDLINE et EBSCO. Google Scholar nous a permis également de repérer des études centrées sur notre sujet. Les articles qui étudient les questions d’accès des immigrants aux soins de santé mentale et les défis de l’intervention clinique en contexte migratoire, en français et en anglais, ont été retenus, afin de réaliser un état des lieux plus actuel. Les mots clés utilisés pour le repérage des articles furent les suivants: « Culture, ethnie, accès aux soins, obstacles aux soins, psychothérapie interculturelle, psychiatrie, transculturelle, ethnopsychologie, santé mentale, immigrants. Ethnicity, access to care, barriers to care, intercultural psychotherapy, transcultural psychiatry, ethnopsychology, mental health ». Nous avons exclu les articles axés sur la maladie physique. De plus, nous avons écarté les études qui ne portaient pas sur les défis liés à l'accès aux services de santé mentale ou sur la perception des cliniciens à l’égard de l’intervention interculturelle. 46 études ont été sélectionnées pour la présente recension des écrits parce qu'elles mettaient l'accent sur nos deux thèmes de recherche. Celles-ci ont été regroupées dans un tableau (Tableau 2) pour décrire leurs caractéristiques. En identifiant les différents écrits suivant l’année 1999, l’objectif est donc de synthétiser les données scientifiques axées sur notre sujet de recherche. La synthèse des connaissances est de type exploratoire. Nous avons choisi comme méthodologie le scoping study (Arksey et O’Malley, 2005) pour identifier et récapituler les principales données probantes disponibles, à partir d’un ensemble de concepts clés. Cette méthode a été réalisée selon les étapes suivantes (Arksey et O’Malley, 2005) : 1) la formulation des questions de recherche, 2) l’identification des écrits pertinents à l’aide de mots clés; 3) la sélection des études selon les critères d’inclusion et d’exclusion définis; 4) la classification des données et 5) l’assemblage, la synthèse et le rapport des résultats. Les cadres théoriques des articles recensés sont multidisciplinaires. L’analyse des recherches a permis de regrouper les articles et de structurer la présentation des résultats autour des deux thèmes suivants : 1) l’accès des immigrants aux soins de santé mentale en contexte migratoire 2) le point de vue des cliniciens à l’égard de l’intervention interculturelle. Ce qui distingue cette présente étude est le fait qu’elle vise une compréhension de la réalité des immigrants ayant besoin des services de santé mentale en contexte migratoire, en synthétisant les recherches effectuées au Québec, au Canada, aux États-Unis et en Europe. Quant aux critères d’inclusion et d’exclusion, le Tableau 1 en donne un résumé.

RÉSULTATS

En nous basant sur la synthèse des articles repérés (Tableau 2), nous avons structuré la présentation des résultats en deux sections.

LES OBSTACLES AUX SOINS DE SANTÉ MENTALE EN CONTEXTE MIGRATOIRE SELON LES CHERCHEURS

Les facteurs culturels et linguistiques

Les études canadiennes de Guruge et al. (2015), de Kirmayer et al., (2007), de Lai et Surood (2010), de (Li et Browne, 2009) et de Thomson et al. (2015) stipulent que les obstacles linguistiques et l'incompatibilité culturelle expliquent la plus grande partie de la sous-utilisation des services de santé mentale en contexte migratoire et favorisent l'utilisation des thérapies alternatives et traditionnelles au Canada. Dans cet angle, les immigrants au Canada, selon Lebrun (2010), ont plus de difficultés à obtenir des services de santé mentale, comparativement au groupe majoritaire. Par exemple, au Québec et en Colombie-Britannique, les immigrants sous-utilisent les services de santé mentale que les canadiens de souche, en raison des barrières associées à la langue, aux croyances et aux pratiques spirituelles. À titre illustratif, les immigrants musulmans ont constaté un manque de compréhension de leurs croyances religieuses dans les milieux de soins. Cette situation limite leur utilisation des services de santé mentale (Lebrun, 2010).

Tableau 1

Critères d’inclusion et d’exclusion

Critères d’inclusion et d’exclusion

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Tableau 2

Description des recherches retenues

Description des recherches retenues

Tableau 2 (suite)

Description des recherches retenues

Tableau 2 (suite)

Description des recherches retenues

Tableau 2 (suite)

Description des recherches retenues

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Description des recherches retenues

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La recherche américaine de Sentell et al. (2007) révèle que les Asiatiques non anglophones et les Latinos non anglophones ont des chances significativement plus faibles de bénéficier des services de santé mentale par rapport aux Asiatiques et aux Latinos anglophones. Selon ces chercheurs, les barrières linguistiques sont perçues particulièrement comme problématiques, parce qu'une grande partie du diagnostic et du traitement repose sur une communication intersubjective et directe plutôt que sur des tests objectifs. Ces obstacles peuvent rendre particulièrement difficile l’intervention interculturelle (Shujah, 2006) et justifient la sous-utilisation des services de santé mentale en contexte migratoire (Gadalla, 2010; Harris et al., 2005; Lindert et al., 2008; Saechao et al., 2012; Sunderland et Findlay, 2013). De plus, ils favorisent le recours aux organismes ethnoculturels (Spencer et Chen, 2004), à la prière, à la religion et à la musique pour réduire les difficultés psychologiques (Jackson et al., 2007).

Aussi, les conceptions concernant la maladie mentale, les services à offrir et le traitement sont des facteurs qui entravent ou retardent l’accès aux soins (Abe‐Kim et al., 2004), alors que la non-maîtrise des langues nationales influence le délai pour demander les services spécialisés. Les différences culturelles bloquent l’établissement de l’alliance thérapeutique, accentuent les erreurs de diagnostic et déstabilisent la continuité et la qualité des services offerts (Dufour, 2011) tout en affectant l'efficacité et la satisfaction du patient et du clinicien (McKenzie et al., 2010). O'Mahony et Donnelly (2007) indiquent dans leur recherche que les croyances concernant la maladie mentale compromettent les chances des femmes immigrantes d'obtenir un traitement approprié pour des problèmes psychologiques. Les participantes à leur recherche ont mentionné que les postulats culturels de la biomédecine occidentale et la non familiarité avec les sciences psychiques accentuent l’inaccessibilité au traitement. Souvent, les croyances spirituelles (Abe‐Kim et al., 2004) et la méfiance des approches et des thérapeutiques occidentales renforcent le recours aux médecines alternatives et aux pratiques de guérison traditionnelles (Li et Browne, 2009). Cette conclusion est confirmée par Pumariega et al. (2005). Selon ces chercheurs, d’une part, les immigrants vietnamiens consultent des médecins vietnamiens, des naturalistes asiatiques, des guérisseurs spirituels et folkloriques. De plus, ils font appel aux services de santé mentale communautaires. D’autre part, les immigrants russes ont tendance à utiliser des services ambulatoires et les services des organismes bénévoles sans but lucratif, tandis que les immigrants mexicains optent pour la consultation des soignants traditionnels, les proches et les médecins généralistes.

Une croyance culturelle qui peut contribuer à la sous-utilisation des services de santé mentale implique la notion de fatalisme, pensée selon laquelle les individus ont un contrôle minimal sur leur environnement (Kouyoumdjian et al., 2003). Par conséquent, cette croyance empêche les latinos de demander de l'aide pour leurs besoins psychologiques aux États-Unis. De plus, les valeurs familiales et les valeurs collectivistes renforcent l’utilisation des soins communautaires, informels et spirituels. En outre, certains Latinos pensent que les forces surnaturelles sont la source de leurs problèmes de santé mentale; cette croyance pousse les Latinos à consulter les guérisseurs traditionnels. Également, privilégier un thérapeute intraculturel, l’incompatibilité culturelle et l'insatisfaction à l'égard des services offerts par un thérapeute monolingue contribue aussi au non-recours au traitement psychiatrique, à des retards dans le traitement ou à l'interruption prématurée de la psychothérapie (Kouyoumdjian et al., 2003).

D’autres chercheurs (Leong et Lau, 2001) indiquent aussi que les conceptions culturelles de la maladie mentale partagées par les groupes américains d'origine asiatique diffèrent de celles des thérapeutes américains et forment un principal obstacle aux soins psychologiques. Ces obstacles cognitifs font que cette clientèle cherche de l’aide professionnelle uniquement pour des comportements psychotiques, dangereux ou perturbateurs, mais pas pour d’autres problèmes de santé mentale. La barrière cognitive découle de la croyance des Asiatiques selon laquelle les symptômes psychiatriques reflètent des désordres organiques. Lorsque les attributions causales sont physiques, les Américains d'origine asiatique comptent généralement sur les guérisseurs, les herboristes, les acupuncteurs, ainsi que sur les médecins généralistes pour soulager les difficultés émotionnelles. Ces immigrants évitent également l’analyse profonde des pensées dysfonctionnelles ainsi que les psychothérapies occidentales qui exigent souvent une exploration intense des émotions (Leong et Lau, 2001). Une analyse critique des études scientifiques selon Fang (2010) permet de conclure que les immigrants chinois sous-utilisent les services spécialisés pour leurs problèmes de santé mentale à cause de l’incompatibilité des conceptions concernant la maladie et la santé mentale, car selon la culture chinoise, les troubles mentaux ont aussi des causes morales, religieuses, cosmologiques et psycho-organiques. Les troubles mentaux sont également associés au déséquilibre entre le Yin et le Yang selon la culture chinoise. Il convient de préciser que chercher de l’aide psychiatrique est associé selon la culture chinoise au mauvais oeil. Dans ce même ordre d’idées, les pratiques culturelles représentent les principales barrières qui entravent l’accès des immigrants de première génération provenant du Cambodge, d'Europe de l'Est, d'Iran, d'Irak, d'Afrique et du Vietnam aux soins de santé mentale aux États-Unis (Saechao et al., 2012). Les immigrants confrontés aux barrières culturelles tendent à être moins satisfaits de la communication avec les cliniciens (Gadalla, 2010; Lindert et al., 2008; Sunderland et Findlay, 2013). Ils sous-estiment la valeur thérapeutique des services de santé mentale. En raison de leurs systèmes culturels, certains immigrants peuvent subir des préjudices (Lebrun, 2010) et un traitement culturellement inapproprié ou insatisfaisant en intervention interculturelle (McKenzie et al., 2010; Vega et al., 1999). Cette situation limite leur accès aux soins appropriés.

Les attitudes personnelles

Selon la recherche de Guruge et al. (2015) et de Lai et Surood (2010), les attitudes personnelles (p. ex., sentiment de honte) et la méfiance à l'égard des cliniciens peuvent nuire au recours aux soins. Les obstacles comportementaux et les attitudes sont associés à une utilisation accrue des services informels. Plus les attitudes envers les services de santé mentale formels sont négatives, plus les immigrants sont susceptibles d'utiliser les services informels. Plus l’accès aux services formels est difficile (barrières culturelles), moins les individus sont susceptibles d'utiliser ces services (Spencer et Chen, 2004). Parfois, les obstacles reflètent l’évitement d’aborder les problèmes de santé mentale avec les cliniciens en raison d’un sentiment de honte associé aux difficultés psychologiques. La réticence à utiliser les soins psychologiques résulte également des attitudes régissant la gestion et la communication des émotions. Pour certains immigrants, il n’est pas approprié de dévoiler leurs problèmes personnels aux individus extrafamiliaux (Spencer et Chen, 2004). D’autres recherches (Fang, 2010; Nadeem et al., 2007; Thomson et al., 2015) confirment ce constat en révélant aussi que certains immigrants estiment qu'il est moralement inapproprié de divulguer le vécu personnel ou familial aux étrangers. La communication de ce vécu en contexte d’intervention clinique est considérée comme un signe de faiblesse. Ces attitudes s'opposent aux valeurs occidentales accordant à la parole en clinique une place centrale (Leong et Lau, 2001). Les attitudes négatives entraînent parfois un refus catégorique des soins psychologiques spécialisés malgré la souffrance (Fang, 2010). Les immigrants chinois, par exemple, ont des attitudes culturelles selon lesquelles le désordre mental de l’individu touche l’image de la famille et des ancêtres. Ainsi, la honte et les préjugés des proches amènent certains Chinois à nier l’existence du trouble mental et à faire appel aux services psychiatriques seulement s’ils sont touchés par la psychose. Dans ce sens, les femmes chinoises évitent l’utilisation des services de santé mentale en raison de leur crainte d’être perçues comme des personnes fragiles, incompétentes et inadaptées (Fang, 2010).

La dimension cognitive des attitudes négatives renvoie aussi aux pensées négatives vis-à-vis des psychotropes et des psychiatres. En effet, plusieurs immigrants développent une méfiance à l’égard des traitements psychiatriques (Guruge et al., 2015; Sunderland et Findlay, 2013). Cette méfiance influence la vision des patients envers les services psychiatriques. L’ethnocentrisme des soins de santé mentale en Occident alimente ces attitudes négatives et s’ajoute au manque de confiance des immigrants dans les services (McKenzie et al., 2010) et au sentiment de honte (Leong et Lau, (2001). De plus, pour d’autres immigrants, un sentiment de honte à l’égard de leur accent et leur difficulté parfois à s’exprimer de manière appropriée génère des attitudes négatives envers soi-même et limitent leur utilisation des services de santé mentale (Salehi, 2010).

Les obstacles administratifs et organisationnels

Les patients ethnoculturels qui se heurtent à des barrières administratives sont exposés à un risque accru de complication de leur état de santé mentale et d’événements indésirables. Bien souvent, l’utilisation des services de santé fait défaut pour les patients immigrants en raison de l'insuffisante planification organisationnelle (Dufour, 2011), des problèmes administratifs (p. ex., longue liste d’attente, procédures compliquées, heures de bureau incommodes, rendez-vous de durée limitée) (Guruge et al., 2015; Lebrun, 2010; Nadeem et al., 2007) et des mécanismes d’exclusion administrative (Zanchetta et Poureslami, 2006).

Être immigrant récent

Selon Dufour (2011), les immigrants très récents (moins de cinq ans) sont touchés par la sous-utilisation des soins comparativement aux Québécois de souche. Cet écart s'amoindrit lorsque la durée d'établissement au Québec augmente. L’étude de Jackson et al., (2007) révèle aussi que l'utilisation des services variait significativement selon le lieu de naissance : les noirs nés aux États-Unis étaient significativement plus susceptibles de recevoir des services de santé mentale que les noirs natifs des Caraïbes. Également, les données de cette recherche suggèrent que 1) les immigrants ayant vécu plus de 21 ans aux États-Unis et ceux qui sont arrivés aux États-Unis durant la phase d’enfance sont plus susceptibles de recevoir des services de santé mentale; 2) les noirs des Caraïbes de troisième génération sont beaucoup plus susceptibles d’utiliser les services de santé mentale. Donc, les minorités ethnoculturelles nées au pays d’accueil, en raison d’un degré élevé d’acculturation, ont tendance à utiliser les soins de santé mentale contrairement aux immigrants récents ou non-natifs du pays d’accueil (Vega et al., 1999).

Souci de confidentialité

Fang (2010) indique que certains immigrants atteints de troubles psychologiques refusent les soins de santé mentale, et ce, en raison d’un souci de confidentialité. Ces derniers privilégient de préserver les secrets, la singularité et l’intimité du vécu personnel, familial ou collectif. À titre illustratif, certains adolescents refusent de recourir aux soins ou de révéler des renseignements personnels s’ils perçoivent les interprètes comme étant non confidentiels; la crainte que leurs informations confidentielles soient communiquées à leurs parents est un gros problème qui freine leur accès aux soins de santé mentale (Salehi, 2010).

Les personnes sans statut légal

Selon les données de l’étude de Lebrun (2010), les personnes sans statut légal ont moins de chances d’avoir une couverture d’assurance maladie et d’accéder au traitement, que ceux qui possèdent la citoyenneté. Les immigrés sans papiers font face également à des difficultés quand ils essaient d’accéder aux soins en raison des politiques nationales et provinciales régissant l’assurance maladie. Les demandeurs d’asile ont un accès restreint et les migrants sans papiers ne sont pas autorisés à utiliser les soins de santé en Europe (Lindert et al., 2008). Le statut juridique (Pumariega et al., 2005) et l’absence de l’assurance médicale chez les immigrants (Spencer et Chen, 2004; Nadeem et al., 2007) affectent leur utilisation des services publics, privés et communautaires (Salehi, 2010).

Défis circonstanciels

Plusieurs études ont indiqué que les obstacles circonstanciels rendent les services de santé mentale inaccessibles. Ces principaux défis sont l’inaccessibilité géographique (Lebrun, 2010; Pumariega et al., 2005); la pauvreté (Lindert et al., 2008); le manque de ressources matérielles et de moyens de transport et le froid (Guruge et al., 2015; Kouyoumdjian et al., 2003; Lai et Surood, 2010; McKenzie et al., 2010; Thomson et al., 2015); être membre d’un groupe à faible revenu (Sunderland et Findlay, 2013; Vega et al., 1999) et les coûts élevés des soins de santé mentale (Nadeem et al., 2007; Saechao et al., 2012).

Obstacles divers

D’autres obstacles ont été repérés chez les immigrants. Par exemple le sexe du patient et la domination masculine (Thomson et al., 2015); l’utilisation du système de soutien informel (Fang, 2010; Spencer et Chen, 2004); être socialement isolé (Lebrun, 2010); vivre des expériences de discrimination (Lindert et al., 2008); être Afro-Américain ou Latino, être plus jeune, être marié, être moins scolarisé (Sentell et al., 2007). De plus, le sexe féminin, le chômage (Vega et al., 1999) et être une personne âgée (Lindert et al., 2008), sont des facteurs associés à la sous-utilisation des services de santé mentale en contexte migratoire. Les sujets qui avaient un diagnostic de comorbidité (Vega et al., (1999), ou ayant tendance à consulter uniquement les médecins généralistes pour soulager les problèmes affectifs (Kouyoumdjian et al., 2003; Leong et Lau, 2001; Pumariega et al., 2005), et qui sont touchés par la stigmatisation (Fang, 2010; Guruge et al., 2015; Lebrun, 2010; McKenzie et al., 2010; O'Mahony et Donnelly, 2007; Saechao et al., 2012) ont tendance à éviter la recherche de l’aide spécialisée. Les caractéristiques de la maladie mentale semblent inhiber l’utilisation des services formels de santé mentale (Nadeem et al., 2007). Les chercheurs ont aussi identifié un ensemble d’obstacles chez les fournisseurs de soins. Par exemple, le nombre insuffisant de cliniciens interculturels, l’inadaptation des instruments de mesure et des méthodes d’évaluation clinique (Dufour, 2011; Sunderland et Findlay, 2013) et l'absence d'information sur les services de santé mentale (Dufour, 2011; Saechao et al., 2012) rendent difficile l’accès aux soins psychologiques.

LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES CLINICIENS DANS UN CONTEXTE D’INTERVENTION INTERCULTURELLE

Impact de la différence culturelle sur l’intervention

Il existe un nombre considérable de recherches ayant examiné l'impact des différences culturelles sur le processus d'évaluation, de diagnostic et d’intervention thérapeutique auprès des immigrants. Par exemple, l’étude européenne de Sandhu et al., (2013) indique que les cliniciens rencontrent constamment des complications lors de la formulation d’un diagnostic en santé mentale en raison des barrières linguistiques, des différents systèmes de croyances, des attentes culturelles des patients immigrants et des expériences traumatisantes antérieures de ceux-ci. Les complications culturelles et linguistiques empêchent le praticien de communiquer de manière efficace avec son patient, et d’évaluer ses symptômes et ses expériences. Cette limite nécessite l’implication des interprètes, mais la communication indirecte rend également les symptômes difficiles à évaluer. Les personnes interrogées dans le cadre de l’étude de Sandhu et al., (2013) ont noté que les méthodes d'observation qui précèdent l’établissement du diagnostic sont aussi difficiles à réaliser en raison des limites communicationnelles et des écarts culturels. Les praticiens ont des difficultés à différencier ce qui relève de la culture et ce qui est associé à la psychopathologie, alors que les patients ont tendance à chercher des explications organiques pour des problèmes psychologiques.

Lorsque le patient et le médecin ne partagent pas le même système culturel et quand les cliniciens adoptent une attitude ethnocentriste ou une approche individualiste, des problèmes de communication peuvent survenir (Wachtler et al., 2005). L'évaluation diagnostique est compliquée aussi lorsqu'un clinicien utilise le système nosologique occidental pour évaluer un individu appartenant à un groupe culturel différent (Assouad, 2014; Leong et Lau, 2001). Selon ces derniers auteurs, puisque les modèles de comportements et de communication ainsi que l’expression de symptômes diffèrent selon les cultures, l’évaluation clinique des immigrants est associée à une sous-pathologisation ou une sur-pathologisation des croyances, des pensées et des comportements. Les évaluations des spécialistes sont alors influencées par leur propre vision du monde et leurs critères normatifs (Leong et Lau, 2001). Une menace majeure à la validité culturelle du diagnostic clinique se produit lorsque le contexte culturel des patients peut influencer l'expression de leurs symptômes. Également, recommander une forme de traitement au patient sans prendre en compte le facteur culturel est une démarche qui affectera le processus psychothérapeutique et qui peut occasionner une insatisfaction et l’abandon précoce des services psychologiques (Assouad, 2014; Leong et Lau, 2001).

Les écarts conceptuels qui existent entre la psychothérapie conventionnelle et la culture latino-américaine poussent beaucoup de Latinos à cesser prématurément le traitement. En raison de leurs préjugés, les thérapeutes blancs ont tendance à évaluer les Latinos comme des personnes ayant un pronostic négatif comparativement aux patients blancs. (Kouyoumdjian et al., 2003). Selon ces derniers chercheurs, les thérapeutes blancs préfèrent souvent les clients jeunes, séduisants, verbaux, intelligents et qui réussissent. Ils privilégient une approche non directive, alors que les patients Latinos préfèrent un modèle clinique directif et formel, accordent une importance à une orientation linéaire de l’intervention et s'attendent à ce que les psychothérapeutes fournissent des instructions à appliquer. De nombreux Latinos préfèrent une psychothérapie centrée sur le présent et s’attendent également à une thérapie brève axée sur l’éradication des symptômes et la résolution de problèmes. Ils évitent des psychothérapies de longue durée oui qui sont centrées sur le changement de la personnalité, le futur ou le passé (Kouyoumdjian et al., 2003).

Selon la recherche québécoise de Désy et al. (2007), les barrières linguistiques et la différence de valeurs affectent la compatibilité culturelle et alourdissent l’intervention. Également, la méconnaissance des services des institutions et des fonctions des intervenants, les représentations différentes des relations familiales, le conflit de valeurs, les mécanismes d’exclusion qui touchent les immigrants et le fossé culturel qui existe entre les enfants socialisés au Québec et les parents ayant des valeurs traditionnelles complexifient la tâche des intervenants et amplifient la méfiance des familles envers ces derniers. La recherche québécoise de Hassan et Rousseau (2007) indique quant à elle que les préjugés, la rigidité, les sentiments de menace de la part des professionnels et des patients et le manque de soutien de l’institution sont à  la source de la complexité de l’intervention auprès des immigrants. En revanche, l’ouverture d’esprit, la capacité de remise en question, l’initiative dans la recherche des solutions par les patients et les professionnels, ainsi que la reconnaissance par l’institution des besoins et des forces des professionnels et de la clientèle constituent des fondements importants qui favorisent la construction de l’alliance thérapeutique. Lavallée (2014) dans son étude effectuée au Québec confirme aussi que la complexité de l’intervention interculturelle est associée aux barrières linguistiques, communicationnelles et culturelles, ainsi qu’à la divergence de croyances et de valeurs. Une grande différence culturelle entre l’équipe soignante et le patient peut engendrer chez les soignants des difficultés à accompagner ce dernier dans sa démarche de soins (Gervais et Robichaud, 2009).

La recherche de Burgoyne (2014) centrée sur l’étude de l’alliance thérapeutique en contexte interculturelle révèle que certains psychologues québécois ressentent des sentiments de menace, de choc culturel et de déstabilisation lors de la rencontre des patients non occidentaux et font face au défi de parvenir à comprendre leurs perceptions. Les données obtenues révèlent que le psychologue peut ne pas être à l’aise lors de l’expression de certaines valeurs du patient, ou quand il y a un grand écart entre la fonction attribuée au clinicien par le patient et la vision que le clinicien a de sa propre fonction professionnelle. La confrontation est parfois utilisée par les psychologues pour établir la crédibilité professionnelle auprès du client, mais la rigidité de la pensée, la différence de valeurs et la méfiance bloquent le développement de cette alliance. Par exemple, l’intervention auprès des patients asiatiques, qui expriment leur souffrance psychologique par des symptômes physiques, semble difficile pour certains psychologues. De plus, l’inconfort et l’insécurité des psychologues s’expriment quand ceux-ci ne distinguent pas facilement entre une expérience psychique culturellement normale et des symptômes psychotiques (Burgoyne, 2014). Selon les résultats de l’étude de Gervais et Robichaud (2009), les intervenants psychosociaux québécois affirment que les familles immigrantes ont de la facilité à s’adapter aux exigences du contexte migratoire québécois. Ces familles se caractérisent également par une ouverture d’esprit qui leur permet d’accepter les soins sanitaires et psychosociaux. L’étude met l’accent sur l’inaccessibilité des services culturellement sensibles à cause de la méconnaissance des intervenants de leur existence et sur le fait que les services existants comblent difficilement les besoins culturels et spécifiques des familles.

Le manque de compétences interculturelles chez les cliniciens

L’accès aux soins de santé mentale dans un contexte de diversité culturelle est problématique en raison d’un manque de compétences interculturelles chez les intervenants. La recherche scientifique montre l’impact des différences culturelles sur le développement de l’alliance thérapeutique (Jaouich, 2007; Zhang et McCoy, 2009) et indique le besoin des psychologues de renforcer leurs formations en psychologie interculturelle, plutôt que de s’attendre à ce que les patients s’ajustent en fonction des attentes des psychothérapeutes (Zhang et McCoy, 2009). Les compétences lacunaires sont plus marquées lorsque la différence culturelle est plus grande entre le clinicien et son patient (Cardemil et Battle, 2003). Ce manque de compétences interculturelles s’explique par le fait que certains programmes de formations universitaires en science du comportement n’offrent qu’un seul cours sur la psychologie interculturelle (Cardemil et Battle, 2003). Des chercheurs mettent en évidence le fait que certains programmes de formation en psychologie clinique ne permettent pas à de nombreux psychologues occidentaux d’intégrer la dimension anthropologique dans leurs interventions cliniques et de mener efficacement une psychothérapie interculturelle (Cardemil et Battle, 2003). Selon ces derniers chercheurs, certains thérapeutes ont de la difficulté à aborder les questions raciales de leurs patients immigrants en raison de la complexité des relations interethniques. D’autres thérapeutes sont incapables de choisir le moment pertinent aux échanges sur les thèmes raciaux ou se sentent peu outillés pour initier la discussion sur ces thèmes. D'autres encore choisissent d'attendre que leurs patients abordent eux-mêmes ces questions. De plus, ces mêmes auteurs affirment que la plupart des psychologues sous-estiment la question du genre lorsqu'ils interviennent auprès des immigrants et croient que les hommes et les femmes du même groupe culturel interagissent nécessairement de la même manière. En outre, ne pas aborder en contexte thérapeutique les mécanismes d’exclusion auxquels font face les immigrants pourrait involontairement invalider les expériences personnelles douloureuses de ceux-ci.

Il est à noter que les praticiens dont les compétences interculturelles sont pauvres, occasionnent des malentendus qui empêchent les patients et leurs familles d’accepter le diagnostic. Cette difficulté se complexifie lors de l’implication d’un interprète qui provient de la même communauté culturelle du patient. Si le recours aux services de l’interprète est vital, son implication est difficile en intervention interculturelle (Désy et al., 2007). Selon ces chercheurs, les interprètes ne peuvent accomplir leur fonction que quand un rendez-vous est fixé à l’avance, alors que certains immigrants utilisent fréquemment les services sans rendez-vous et les annulent souvent. L’intervention auprès des immigrants est complexe même lorsque l’interprète est présent, en raison des écarts communicationnels, des interprétations divergentes et des différentes perceptions qui créent une distance culturelle entre les acteurs impliqués en intervention (Désy et al., 2007). Par contre, l’absence de l’interprète augmente la durée de l’intervention, nécessite une intensification des efforts de communication, ainsi qu’une planification de plusieurs rencontres avec le patient (Battaglini, 2007). Il est essentiel de mentionner que certains immigrants évitent, pour des raisons de sécurité, lorsqu’ils sont issus d’un pays d’origine affecté par des conflits politiques, d’avoir recours à un compatriote qui joue le rôle d’interprète. L’anonymat, la confidentialité ou la pudeur peuvent expliquer également le refus de recourir aux services d’un interprète; ces dimensions minimisées ou ignorées par les cliniciens sont par contre importantes pour les immigrants.

Les stratégies d’adaptation des cliniciens pour faire face aux difficultés rencontrées

Les stratégies d’adaptation utilisées par les cliniciens interculturels sont nombreuses. Certains psychologues ont tendance à faire appel à l’intervention centrée sur le client et s’ajustent en fonction de ses spécificités culturelles (Fuertes et al., 2002). D’autres utilisent la stratégie de la révélation de soi et la validation du vécu des patients (Burkard et al., 2006). D’autres encore font appel à la psychoéducation, à la confrontation, à l’empathie culturelle, à l’implication de l’interprète ou à l’augmentation de leurs compétences interculturelles (Burgoyne, 2014). Certains psychologues euroaméricains ont tendance à intégrer le facteur racial en intervention si les clients soulèvent le sujet, d’autres n’abordent pas ce thème en raison de l’inconfort que les échanges interraciaux engendrent chez ces thérapeutes, alors que les thérapeutes afro-américains indiquent qu’ils intègrent souvent la question raciale en intervention interculturelle. Mettre l’emphase sur les « significations culturelles » du patient et lui donner une occasion suffisante afin d’exprimer sa perception, ses valeurs et son capital culturel semble une stratégie essentielle en psychothérapie (Knox et al., 2003). Les psychologues qui fournissent des réponses sensibles aux préoccupations culturelles des patients facilitent l'établissement d'une alliance thérapeutique forte avec les patients (Cabral et Smith, 2011) même si parfois, les discussions sur la culture créent un inconfort chez les thérapeutes (Meyer et Zane, 2013). Les thérapeutes qui reconnaissent clairement les contextes culturels des patients et qui identifient les points communs avant d’aborder les différences culturelles renforcent aussi l’augmentation de leur crédibilité professionnelle et améliorent l’efficacité du traitement (Lander, 2014). En outre, les thérapeutes ont tendance à être attirés par des clients qui leur sont semblables. Cela signifie que les similitudes prédisposent à des résultats cliniques positifs, améliorent la compréhension mutuelle et réduisant les déceptions, les incompréhensions et les distances conceptuelles (Cabral et Smith, 2011). Selon ces derniers chercheurs, la similarité permet d’atteindre une efficacité thérapeutique et une plus grande satisfaction des partenaires impliqués en intervention. Par ailleurs, la réflexivité et l’utilisation de l'universel et du particulier de manière centrale et harmonieuse peuvent être également une stratégie et une source féconde de l’alliance thérapeutique; elles permettent de réduire l’inconfort, les tensions et l’incertitude vécus par de nombreux thérapeutes (Rober et De Haene, 2014). De plus, les psychothérapeutes qui assurent une flexibilité des objectifs et des techniques thérapeutiques, qui s’adaptent facilement au multiculturalisme, et qui intègrent le point de vue du patient, ses désirs, ses préférences et sa spiritualité en thérapie facilitent le développement d’une alliance thérapeutique solide et fondée sur la confiance, le confort clinique et l’empathie (Shujah, 2006). Finalement, certains soignants font appel aux membres de la famille du patient et à des chefs religieux afin de soutenir les mesures cliniques qui vont à l’encontre des croyances religieuses du patient, mais qui ont des buts curatifs afin de l’aider dans sa démarche de changement (Lavallée, 2014).

CONCLUSION

Ce présent texte s’est limité à l’examen des recherches qui étudient la complexité d’accès aux soins de santé mentale en contexte migratoire. Les données actuelles montrent les répercussions négatives des obstacles linguistiques et culturels sur l’utilisation des services de santé mentale et la relation thérapeutique : soins culturellement sensibles inaccessibles, demandes d’aide tardives; utilisation initiale problématique des services; erreurs d’évaluation, de diagnostic et de traitement; incompréhensions, insatisfaction, chocs et déstabilisation des patients et des cliniciens; risque accru de subir de mauvais traitements et gestion moins efficace des problèmes émotionnels. Par ailleurs, la recherche québécoise sur l’accès des immigrants aux soins de santé mentale est très rare, et notre examen des recherches actuelles nous a permis d’identifier un certain nombre d’études notamment canadiennes, américaines et européennes qui nous aident à clarifier les obstacles à l'utilisation des services de santé mentale en contexte migratoire et le point de vue des cliniciens qui interviennent auprès des immigrants. L’analyse des recherches consultées confirme la complexité de l’utilisation des services de santé mentale en contexte migratoire. Les barrières à l’accès aux soins les plus fréquemment citées sont les facteurs culturels et linguistiques, l’écart existant entre la vision psychiatrique occidentale et la vision culturelle des immigrants non occidentaux, les obstacles administratifs, etc. Ces conclusions ont un certain nombre d'implications pour la recherche et la pratique clinique. Les recherches futures au Québec devraient mettre l'accent sur les barrières qui empêchent les immigrants d’utiliser les services de santé mentale. De vastes études qui portent sur les différentes communautés d’immigrants pourraient aider à déterminer si les résultats des recherches recensées s’appliquent à des groupes d’immigrants particuliers ou s’ils concernent tous les groupes d’immigrants (Lebrun, 2010). L’objectif est d’identifier les types de barrières ayant le plus d'impact sur l'accès et l'utilisation des services de santé mentale des immigrants au Québec. Les chercheurs pourraient également conduire des études qui utilisent les langues maternelles des immigrants et des approches quantitatives et qualitatives, pour clarifier les liens entre le système de référence des immigrants et le recours aux soins de santé mentale, tout en mettant l’emphase sur les différences régionales en matière d'accès aux soins.

Il s’avère important que les experts universitaires, les dirigeants des organismes communautaires et étatiques, les responsables administratifs ou politiques, les praticiens de santé mentale et les représentants des communautés immigrantes au Québec, participent à une démarche visant l’identification des contenus, de la forme et des dimensions des soins de santé mentale culturellement adaptés aux besoins des immigrants, afin de faciliter l’accès de ceux-ci aux soins de santé mentale. Quant à la formation des cliniciens, il est important d’adapter les cours, les stages cliniques et les programmes universitaires à la réalité multiculturelle du Québec. Chaque cours ou stage doit intégrer la dimension culturelle en ce qui concerne l’évaluation, le diagnostic et le traitement. La formation continue des cliniciens et le recours à la recherche-action semblent vitaux au développement des compétences interculturelles. Il s’avère également essentiel de responsabiliser les fournisseurs de soins afin qu’ils prônent des attitudes d’ouverture avec leurs patients et de respect de la différence culturelle. Les institutions universitaires et collégiales, ainsi que les établissements et les organismes communautaires qui offrent des soins de santé mentale ont la responsabilité de combattre la discrimination par le fait d’engager des professionnels immigrants, afin d’assurer la formation clinique des étudiants, ainsi que la prise en charge des problèmes de santé mentale des immigrants.

En outre, le caractère rigide du cadre thérapeutique (50 minutes) ne prend pas en considération la nécessité de la mise en place d’un cadre d’échange interpersonnel dans une relation interculturelle (le préambule de salutations, la chaleur humaine, les échanges sur les proches et les événements); cet échange interpersonnel en apparence banale est indispensable pour développer une alliance thérapeutique : un cadre thérapeutique souple et flexible est souhaitable. Quant à la notion du temps et les retards aux rendez-vous, nous suggérons d’adapter le cadre de référence et d’intervention à la réalité interculturelle, afin d’éviter la punition d’un client qui arrive après 15 ou 30 minutes. Une formule de 90 minutes voire 130 minutes, quitte à voir le client aux 15 jours, serait plus appropriée. En revanche, il est essentiel de sensibiliser le client à l’importance de respecter les rendez-vous. Le client pourrait mieux respecter ces horaires si on lui expliquait clairement que d’autres clients sont cédulés après lui et qu’il est possible pour lui au besoin de téléphoner pour faire déplacer son rendez-vous.