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La présente chronique analyse certaines décisions des tribunaux québécois, ainsi que de la Cour suprême du Canada, rendues en 2021 et abordant un aspect du droit international public. Cette chronique n’a pas la prétention d’être exhaustive. Nous avons sélectionné les décisions les plus pertinentes et ayant un intérêt quant à la mobilisation de sources du droit international public[1].
Cette chronique de jurisprudence est présentée sous quatre grands thèmes. Le premier aborde la justice pénale pour adolescents ainsi que le droit carcéral relatif aux conditions de détention (I). Le deuxième discute des règles en matière de droit du travail, particulièrement quant à l’interdiction du travail forcé (II). La troisième catégorie inclut des décisions sur la protection des droits et libertés, en lien avec la discrimination de personnes marginalisées (III). Le dernier thème s’intéresse à des enjeux clés en matière de droit international, soit la division entre le droit privé et public, l’interprétation de traités ainsi que le droit à l’autodétermination des peuples (IV).
La présente chronique n’étudie pas les Renvois relatifs à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre[2], arrêt rendu par la Cour suprême du Canada (CSC) le 25 mars 2021, car il a été traité dans un précédent article publié dans les pages de la Revue québécoise de droit international[3].
I. Justice pénale et droit carcéral
R c CP[4]
Dans cet arrêt de la Cour suprême du Canada prononcé le 7 mai 2021, la Cour a dû déterminer le caractère raisonnable d’un verdict de culpabilité ainsi que la constitutionnalité de l’article 37(10) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents[5] (LSJPA) qui stipule qu’un adolescent ne peut faire appel à la CSC que s’il en a obtenu l’autorisation.
En l’espèce, l’adolescent a été déclaré coupable d’agression sexuelle par une majorité des juges de la Cour d’appel de l’Ontario, ce qui de l’avis de celle-ci, lui permettait d’en appeler de plein droit à la CSC en vertu de l’article 691(1)a) du Code criminel canadien[6]. Il a donc été plaidé que l’article 37(10) de la LSJPA contrevenait aux articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés[7], soit la liberté et le droit à l’égalité de l’adolescent.
Dans une majorité de 8 contre 1, la CSC a conclu au caractère raisonnable du verdict de culpabilité, soulignant l’exemplarité des motifs de première instance. Quant à la question constitutionnelle, les juges ont cette fois été divisés : cinq ont conclu que l’article 37(10) de la LSJPA était constitutionnel, trois ont inversement conclu qu’il violait les articles 7 et 15 de la Charte canadienne, et une dernière juge a estimé qu’il n’était pas nécessaire de se pencher sur cette question qui devenait théorique.
Dans le cadre de l’analyse de l’article 15 de la Charte canadienne portant sur le droit à l’égalité, la majorité de quatre juges, à laquelle s’est rallié un cinquième juge, a partiellement appuyé sa ligne argumentative, relative à la nécessité de rendre des décisions rapidement dans les cas de justice pénale impliquant des adolescents, sur les obligations internationales du Canada[8]. La Cour réfère ainsi à la Convention relative aux droits de l’enfant[9] et à l’article 20.1 de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs[10], selon lequel les affaires mettant en cause des adolescents « [doivent], dès le début, être [traitées] rapidement, sans retard évitable »[11]. La Cour accorde un certain poids aux normes de droit international lorsque vient le moment de rappeler l’importance de la rapidité des procédures judiciaires et l’impact de ces dernières sur l’état psychologique des adolescents contrevenants. Il n’en demeure pas moins qu’elle ne franchit pas le pas de soupeser les différentes normes internationales en matière de droit des enfants et des adolescents qui font face à la justice.
En définitive, la majorité de la Cour a conclu que le paragraphe 37(10) de la LSJPA, qui refuse aux adolescents un droit d’appel de plein droit en cas de dissidence, n’était pas discriminatoire, car cette disposition tient compte « de la réalité de leur vie en soupesant les avantages d’un contrôle en appel par rapport aux préjudices inhérents à ce processus »[12].
TURBIDE LABBÉ c MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE[13]
Cet arrêt, prononcé par la Cour d’appel du Québec (CA) le 12 novembre 2021, concerne les conditions de détention d’un détenu. Depuis le début des années 1970, l’isolement cellulaire d’un détenu fait l’objet de controverses en raison notamment des effets délétères de celui-ci sur la santé mentale des détenus[14]. En l’espèce, l’appelant, un détenu dans un centre d’incarcération, est soumis à des mesures sécuritaires et est hébergé dans un secteur de classement restrictif, appelé le « secteur MS »[15]. Il soutient que les conditions de détention entre ce secteur d’isolement et le secteur MS sont sensiblement identiques faisant en sorte que le secteur MS, dans son ensemble, est un secteur d’isolement[16]. Ce faisant, il conteste tant le processus décisionnel que les conditions de détention auxquelles il était assujetti en invoquant, notamment, le respect des Règles Nelson Mandela[17].
Les Règles Nelson Mandela[18] adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies posent certains principes venant encadrer l’isolement cellulaire. Ces règles indiquent notamment que l’isolement cellulaire doit être de « dernier recours », d’une durée limitée, autorisé dans une disposition législative de « l’autorité compétente », « faire l’objet d’une révision périodique et indépendante », « inclure un contact humain réel [alors que] l’état de santé du détenu doit être examiné par des professionnels de la santé »[19]. Selon ces règles, l’isolement cellulaire consiste en un retrait du détenu d’une durée de 22 heures ou plus par jour sans contact humain réel[20].
L’appelant a invité le juge de première instance à s’appuyer sur les Règles Nelson Mandela en tant que source non contraignante de droit international afin de le guider dans sa délimitation de « la portée et le contenu des droits garantis par la Charte [canadienne]qu’il invoquait »[21]. Il souhaitait ainsi que le juge de première instance ordonne que les conditions de détention respectent les principes dudit instrument. Si le dispositif de la décision de première instance est problématique comme le souligne la Cour, il n’en demeure pas moins que le juge semble avoir retenu les arguments relatifs à l’application des Règles Nelson Mandela lorsqu’il affirme que les conditions de détention du détenu doivent être revues, car elles privent ce dernier de « contacts humains significatifs »[22]. La Cour n’a pas développé plus à ce sujet, car la question était dorénavant théorique, le détenu ayant vu ses conditions de détention modifiées entre le moment de l’introduction de son appel et le verdict d’appel précisément sur ce motif.
II. Travail forcé
PT c MOHAMMAD NAQEEB[23]
Dans cette décision de la Cour supérieure du Québec rendu le 14 avril 2021, la demanderesse, originaire des Philippines, a été engagée par les défendeurs, Monsieur Naqeeb et Madame Mannan, en tant qu’aide domestique à domicile[24]. Entre fin 2015 et octobre 2018, la demanderesse a travaillé pour les défendeurs et certains de leurs proches en Arabie Saoudite, puis en Égypte[25]. En octobre 2018, avec l’assistance des autorités policières, la demanderesse a récupéré son passeport et quitté le domicile des défendeurs, à Montréal, car elle estime avoir été abusée, une situation pour laquelle elle leur réclame des dommages[26].
Si la Cour reconnaît certains dommages à la demanderesse, notamment en raison de son salaire partiellement non payé, elle affirme ne pas être en mesure de reconnaître la situation comme étant de l’ordre du travail forcé. Pour conclure ainsi, la Cour fonde son analyse sur l’expertise de la professeure Adelle Blackett produite au tribunal, ainsi que le droit international du travail[27].
La Cour rappelle d’abord la définition du travail forcé, actualisée en 2014 lors de l’adoption du Protocole de 2014 relatif à la Convention sur le travail forcé de 1930[28] de l’Organisation internationale du travail (OIT), lequel est ratifié par le Canada. Cette définition se lit comme suit à l’article 2(1) : « le terme travail forcé ou obligatoire désignera tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré »[29]. La Cour rappelle que la professeure Blackett a souligné, à juste titre, que l’expression « ne s’est pas offert de plein gré » ne signifie pas que le travail forcé peut être toléré si un travailleur semble y consentir [notre traduction][30]. Au contraire, comme la relation de travail entre le travailleur domestique et l’employeur peut être particulièrement inégale, le travailleur doit être protégé contre tout abus dans sa position de vulnérabilité[31].
La professeure Blackett a ajouté à son témoignage d’expert que
les normes en matière de travail forcé n’exigent pas des victimes qu’elles se « plaignent » de leurs conditions, car c’est précisément la crainte suscitée par la coercition ou la « menace de sanction » qui explique que les travailleurs domestiques migrants confrontés au travail forcé ne se plaignent pas. Demander à ces travailleurs de « se plaindre » reviendrait à les rendre responsables de la condition de servitude dans laquelle ils se trouvent, alors qu’en fait, ils cherchent à survivre jusqu’à ce qu’ils puissent s’échapper [notre traduction][32].
Finalement, la Cour souligne que :
[la] professeure Blackett […] a noté que le secrétariat permanent de l’OIT, [soit] le Bureau international du travail (BIT), par le biais de son Programme d’action spécial pour combattre le travail forcé, a préparé un « livret d’indicateurs » du travail forcé, destiné à aider les fonctionnaires de première ligne à identifier les personnes susceptibles d’être piégées dans des situations de travail forcé [notre traduction][33].
Ces indicateurs[34] ne sont pas exhaustifs et le BIT précise que « la présence d’un seul indicateur dans une situation donnée peut, dans certains cas, impliquer l’existence d’un travail forcé », tandis que dans d’autres circonstances, « plusieurs indicateurs, pris ensemble, indiqueront un cas de travail forcé » [notre traduction][35].
La Cour a conclu que la façon dont les défendeurs ont traité la demanderesse était inacceptable et déplorable, notamment en lui refusant le paiement d’une partie de son salaire, l’obligeant à des horaires de travail élargis, et lui opposant une attitude déplorable et contraire à la dignité. Bien que la Cour se réserve de qualifier la situation de travail forcé, elle affirme que la prévention, la dissuasion et la dénonciation de tels actes répréhensibles justifient la condamnation des défendeurs au paiement de dommages-intérêts punitifs importants[36].
III. Droits et libertés
Le recours au droit international pour aborder les droits et libertés est assez fréquent dans la pratique judiciaire. Du fait de leur origine et leur nature, les chartes canadienne et québécoise se sont inscrites dans une mouvance internationale de protection des droits fondamentaux. Le dialogue entre le développement des droits et libertés sur la scène internationale, autant dans les forums universels que dans les systèmes régionaux, et l’interprétation et l’application des chartes par le judiciaire au Canada et au Québec, sont constants et enrichissants. En 2021, la décision Ward c Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse)[37] a certainement été l’une des plus médiatisées vu la notoriété publique des parties, mais elle était également très attendue pour fournir un éclairage sur l’interaction entre le droit à l’égalité et la liberté d’expression, et parallèlement, préciser le rôle de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) et du Tribunal des droits de la personne du Québec (TDPQ). Autre sujet soulevant des réflexions dans l’actualité de l’année : la Loi sur la laïcité de l’État[38] (Loi 21) qui a été contestée devant la Cour supérieure, puis dont le débat a été porté en appel. Les représentations ayant eu lieu en novembre 2022, la décision était attendue début 2023.
WARD c QUÉBEC (COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE)[39]
L’affaire entre Mike Ward et Jeremy Gabriel, et les décisions judiciaires en résultant, ont suscité des discussions chez les juristes[40] autant que dans les médias et chez le grand public[41].
Le litige repose sur des blagues présentées par Mike Ward dans le cadre de l’un de ses spectacles d’humour, blagues qui concernaient le chanteur Jérémy Gabriel et son handicap. La CDPDJ a porté plainte au TDPQ pour propos discriminatoires à l’égard de Monsieur Gabriel[42]. Le TDPQ a accueilli la plainte et condamné Monsieur Ward à des dommages-intérêts moraux et punitifs envers Monsieur Gabriel ainsi qu’à des dommages-intérêts pour la mère de celui-ci[43], décision qui a été maintenue par la Cour d’appel concernant Monsieur Gabriel, mais infirmée quant au droit à la réparation de sa mère[44]. L’affaire s’est ainsi retrouvée devant la plus haute instance judiciaire, dont la décision attendue a été rendue à la fin 2021. Cette décision soulève d’autant plus de débats que les juges de la Cour suprême ont présenté des conceptions assez opposées de l’affaire, avec pour résultat quatre juges dissidents. L’importance de cette décision est indéniable : elle a limité le rôle de la CDPDJ et du TDPQ en restreignant sa compétence à l’égard des situations de propos discriminatoires. La CDPDJ a d’ailleurs annoncé avoir fermé 194 dossiers en 2022, en raison de ce changement significatif[45]. Toutefois, dans le cadre de cette chronique, nous nous intéresserons surtout aux instruments internationaux vers lesquels la Cour s’est tournée pour motiver sa décision. La décision en première instance avait d’ailleurs fait l’objet d’une analyse dans la chronique 2016 de cette revue[46]. Le Tribunal avait identifié plusieurs conventions internationales dans ses motifs :
Cette décision est un cas typique de recours au droit international par le TDP aux fins d’interprétation des droits. Il s’agit surtout de rappeler que des dispositions similaires à celles de la Charte québécoise sont prévues dans des instruments internationaux universels et/ou spécialisés. Le droit international fait ainsi office d’éclairage complémentaire aux droits garantis. La requête pour permission d’appeler déposée par M. Ward ayant été accueillie, il sera intéressant de surveiller si la Cour d’appel du Québec approfondira la conception des droits invoqués en mobilisant le droit international de façon plus substantielle[47].
Les instances d’appel n’ont finalement pas permis d’aller puiser plus amplement dans le droit international pour éclairer les droits en jeu ; elles n’ont qu’effleuré les obligations internationales en la matière.
C’est d’abord lorsque la Cour s’est interrogée sur la portée de la liberté d’expression, qui doit être mise en balance avec le droit de Monsieur Gabriel à la sauvegarde de sa dignité, tel que le prévoit l’article 9.1 de la Charte québécoise[48], qu’elle s’est penchée sur le droit international :
[199] En résumé, pour les besoins de l’analyse de la proportionnalité suivant l’art. 9.1, la Commission invoque les préjudices moraux considérables causés à M. Gabriel, ainsi qu’un certain nombre de sources canadiennes et internationales qui reconnaissent l’importance de s’attaquer à ces préjudices.
Ces préjudices découlant notamment de l’intimidation envers les jeunes sont observés par la Cour à la lumière du droit des enfants, puisqu’à l’époque des propos, Monsieur Gabriel était mineur. La Cour rappelle que, en vertu de l’article 19 de la CDE, le Canada doit prendre toutes les mesures appropriées pour protéger les enfants contre la violence morale, par exemple « [l]es brimades et le bizutage psychologique de la part d’adultes ou d’autres enfants »[49]. Les États doivent veiller à ce que les droits y étant garantis soient exercés sans discrimination et que « les enfants [...] handicapés [mènent] une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité »[50]. Les États ont ainsi l’obligation d’« assurer une intégration sociale aussi complète que possible » des enfants en situation de handicap[51].
La Cour s’intéresse aussi à la Convention relative aux droits des personnes handicapées[52] (CDPH) qui assure aux personnes handicapées une protection juridique égale et effective contre toute forme de discrimination. L’État est ainsi tenu de prendre toutes les mesures appropriées pour protéger les personnes handicapées contre l’exploitation, la violence et la maltraitance et ainsi permettre aux enfants handicapés de vivre dans la dignité et dans des conditions d’égalité[53]. Bien que la Cour considère qu’il s’agit d’obligations internationales liant le Canada, ayant ratifié ces instruments, elle n’y réfère que pour confirmer la nécessité d’agir contre l’intimidation des jeunes vivant avec un handicap. La mise en oeuvre effective de ces obligations n’est pas concrètement contestée et la pertinence de ces règles pour l’analyse de l’étendue de la protection garantie n’est pas clairement établie.
Le mémoire de l’appelant Ward n’invoque pas les normes internationales pour cerner la portée des droits en cause[54]. De son côté, la CDPDJ réfère au Pacte international relatif aux droits civils et politiques[55] (PIDCP) en rappelant l’obligation des États de garantir la liberté d’expression en assurant parallèlement le respect des droits d’autrui. Elle rappelle aussi un principe important en la matière, soit que les droits et libertés sont « universels, indissociables, interdépendants et intimement liés »[56]. C’est à l’aide de plusieurs instruments internationaux que la CDPDJ a également présenté sa conception de la dignité inhérente à chaque être humain, tout particulièrement celle des enfants et celle des personnes handicapées[57].
La Cour s’inspire d’exemples jurisprudentiels anglais ainsi que d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme, Von Hannover c Allemagne[58], pour conclure que la participation à la vie publique et la notoriété d’une personnalité publique ne constituent pas une justification pour porter atteinte à la réputation ou à la vie privée. L’argument à l’effet inverse « compromettrait l’objectif de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[59] de garantir les droits de tous » (italiques dans l’original)[60]. La Cour estime alors que cette jurisprudence confirme ce que le droit interne garantirait comme protection de la dignité des personnalités publiques.
Il est intéressant de noter que la Commission internationale des juristes, section Canada, a agi à titre d’intervenant à l’affaire. Cette commission a pour objectif de promouvoir les droits de la personne, en offrant une expertise juridique quant à la mise en oeuvre sur le plan national des normes internationales en matière de droits fondamentaux. Toutefois, dans son mémoire, la Commission ne soumet aucune autorité ou source internationale au soutien de son exposé[61]. Il est indéniable que la jurisprudence canadienne est très riche en matière de liberté d’expression et de sauvegarde de la dignité, mais un éclairage spécifique sur ces enjeux à la lumière des questions particulières que pose cette affaire, notamment sur le plan de la liberté artistique, mais aussi sur l’égalité et la dignité pour les enfants en situation de handicap, aurait été enrichissant.
Alors que les professeurs St-Hilaire et Lampron ont critiqué le fait que les tribunaux n’aient pas profité de cette occasion pour éclairer les particularités de la liberté d’expression artistique[62], il aurait d’autant plus été pertinent que la Cour s’intéresse à la façon dont cette dernière a été conceptualisée en droit international, au soutien d’une réflexion sur cette question. La Cour européenne des droits de l’homme a une jurisprudence étoffée en matière de liberté d’expression. Les enjeux relatifs à l’expression artistique et au discours humoristique ont mené à des réflexions et discours hors de la communauté québécoise. Il aurait donc été certainement utile et pertinent d’y avoir recours pour compléter les motifs et ainsi, peut-être, répondre à certaines critiques de cet arrêt.
COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE (VARIN) c VILLE DE MONTRÉAL (ARRONDISSEMENT ROSEMONT–LA PETITE-PATRIE[63]
Le TDP a également eu à se prononcer sur un enjeu de discrimination fondé sur le handicap et le moyen de le pallier dans cette affaire. La Ville de Montréal avait refusé de délivrer un permis au plaignant, Monsieur Varin, afin qu’il puisse construire une plateforme élévatrice en devanture de son immeuble lui permettant d’accéder à son logement de façon sécuritaire et autonome[64]. Monsieur Varin invoquait ainsi que la Ville portait atteinte à l’exercice en toute égalité de ses droits à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens ainsi qu’au respect de sa dignité et à sa sûreté, intégrité et liberté[65]. La Ville conteste le recours notamment sur la base de la prescription de six mois pour les réclamations en vertu de la Loi sur les cités et villes[66] en plus des délais d’enquêtes de la CDPDJ. Sur le fond de l’affaire, le TDP note que :
[123] Or, en la présente instance, le Conseil d’arrondissement et son CCU ont appliqué la règlementation municipale sans tenir compte de l’obligation d’accommodement raisonnable qui s’impose à eux comme « principe central et transcendant en matière de droits de la personne »[67].
Le TDP considère que la décision de ne pas délivrer le permis n’aurait été acceptable que dans le cas où la Ville avait démontré « une véritable impossibilité d’accommoder M. Varin en raison d’une contrainte excessive »[68]. Selon le TDP, cette décision « est d’autant plus déplorable qu’elle est en parfaite contradiction avec les engagements du Canada à l’échelle internationale en matière de protection des droits et libertés fondamentales des personnes en situation de handicap »[69].
Elle soulève évidemment la Convention relative aux droits des personnes handicapées qui exige du Canada de prendre des mesures appropriées « afin de permettre aux personnes handicapées de vivre de façon indépendante et de participer pleinement à tous les aspects de la vie », par « l’identification et l’élimination des obstacles et barrières à l’accessibilité », obligation applicable notamment aux logements[70].
Au surplus, l’autonomie et l’inclusion des personnes en situation de handicap sont au coeur de cette affaire et le TDP rappelle que la CDPH reconnaît à toutes les personnes handicapées « le droit de vivre dans la société, avec la même liberté de choix que les autres personnes »[71]. À ce titre, le Canada s’est engagé à veiller à ce que les personnes handicapées « aient la possibilité de choisir, sur la base de l’égalité avec les autres, leur lieu de résidence et où et avec qui elles vont vivre »[72].
Au surplus, le TDP considère que la décision est incompatible avec la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées[73] et les politiques officielles d’accessibilité universelles de la Ville, adoptées en vertu de la loi.
Bien qu’il ait accueilli la demande de rejet, en raison de la prescription, le TDP conclut tout de même que le refus de la Ville constituait une discrimination interdite en vertu de la Charte[74]. Le recours aux instruments internationaux dans cette décision est utile en ce qu’il rappelle les exigences spécifiques pour assurer une pleine inclusion des personnes vivant avec un handicap. La discrimination fondée sur le handicap et le moyen de le pallier fait appel à des particularités en matière d’obligation d’accommodement en vue d’assurer l’inclusion et l’autonomie des personnes. L’accessibilité au milieu de vie est fondamentale pour l’exercice en toute égalité des droits des personnes handicapées. Cela est réitéré autant dans la jurisprudence que dans les législations nationales et dans la convention internationale. Cela se conforme aux obligations en vertu desquelles le Canada s’est engagé sur la scène internationale.
RO c MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE[75]
Le présent pourvoi vise à déterminer si les articles 63 et 66 de la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles[76](LAPF) contreviennent aux articles 15, paragraphe 1, de la Charte canadienne des droits et libertés et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne[77]. L’appelant est prestataire du programme d’aide sociale en vertu de la LAPF. À 60 ans, il devient admissible à la rente de retraite conformément à la Loi sur le régime de rentes du Québec[78], mais choisit d’attendre ses 65 ans pour retirer un montant plus élevé[79]. L’intimé, le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, exige toutefois que le droit aux rentes soit exercé immédiatement et que les prestations d’aide sociale soient parallèlement interrompues[80].
L’appelant conteste l’arrêt des prestations, se jugeant victime de discrimination en ce qu’il ne peut bénéficier d’une rente bonifiée en raison de sa condition sociale[81]. L’affaire est entendue par le Tribunal administratif du Québec, puis par la Cour supérieure. La Cour d’appel s’intéresse particulièrement au motif de « condition sociale » qui, bien qu’énoncé dans la Charte québécoise, ne l’est pas explicitement dans la Charte canadienne. La Cour supérieure avait considéré que la situation de prestataire de l’aide sociale ne se qualifiait pas de motif analogue au sens de la Charte canadienne[82]. Toutefois, le dossier présenté par l’appelant n’étant pas suffisant en termes de preuve dans l’affaire, la Cour choisit de ne pas statuer formellement sur la question de l’existence du motif. Elle souligne toutefois que
le stéréotype négatif de l’assisté social est encore bien ancré dans notre société et s’il est un groupe – on serait tenté de dire une « classe » – d’individus vulnérables, qu’on pourrait qualifier de minorité distincte et isolée, victimes de préjugés politiques ou sociaux persistants ainsi que de généralisations injustes et d’insinuations malveillantes, c’est bien celui-là. Ce sont là autant d’indices qui, a priori, devraient favoriser la reconnaissance de la condition sociale ou de celle de prestataire de l’aide sociale (et autres expressions désignant cette réalité) comme motif analogue aux fins de l’art. 15 paragr. 1 de la Charte canadienne. Dans un système juridique qui favorise l’égalité réelle et non l’égalité formelle, cela ne me paraîtrait pas une conclusion déraisonnable[83].
Au soutien de cette affirmation, la Cour précise en note en bas de page que cela serait conforme aux engagements internationaux du Canada, soit l’article 26 du PIDCP, qui vise à garantir « l’égalité de tous devant la loi et la protection égale de la loi sans discrimination fondée notamment sur l’origine sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation », qui selon la Cour sont des « termes qui renvoient tous à une certaine idée de la condition sociale », et dont l’article 15 de la Charte canadienne est inspiré[84]. La Cour rappelle également les articles 2, 22 et 25 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH)[85], ainsi que les articles 2, 9 et 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)[86] garantissant le droit des personnes à la sécurité sociale et à un niveau de suffisant, et ce sans discrimination fondée sur l’origine sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
Bien qu’il s’agisse d’une affirmation marginale dans la décision, cette précision est très intéressante puisque la Cour d’appel rappelle que l’article 15 de la Charte canadienne est inspiré de la Charte internationale des droits de l’homme (Déclaration et pactes), et qu’à ce titre, les protections relatives à la sécurité sociale, au niveau de vie, à la non-discrimination fondée sur l’origine sociale ou autres situations relevant de la condition sociale devraient être assurées en vertu de la Charte canadienne.
HAK c PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC [87]
En 2019, entrait en vigueur la Loi 21 au Québec. Celle-ci prévoit notamment l’interdiction de porter un signe religieux pour certaines personnes dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que l’obligation pour certaines personnes d’exercer leurs fonctions à visage découvert[88]. Plusieurs regroupements, fédérations et associations ont alors déposé des recours judiciaires demandant l’invalidation de certains de ses articles.
Madame Hak est l’une des personnes participant au recours. Elle est d’origine marocaine et est arrivée au Québec en 1994. Elle étudie en éducation du français comme langue seconde à l’université. Elle porte le hijab et envisage que ses objectifs professionnels seront empêchés par la Loi 21[89]. D’autres personnes physiques et morales participent à la demande et interviennent[90]. En défense, des organismes interviennent également[91].
Parmi les arguments invoqués, l’on retrouve la violation des obligations internationales du Canada en matière de droits et libertés et, dans le cadre de cette chronique, c’est sur cet aspect que nous nous pencherons. C’est la demande de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) qui vise à « élargir les critères d’application des clauses de dérogation notamment en les interprétant à la lumière des obligations internationales du Canada, de la jurisprudence du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies et de certains jugements récents de la Cour suprême du Canada »[92].
Dès le début de cette décision, la Cour supérieure affirme avoir tiré plusieurs enseignements du récent arrêt Québec (Procureure générale) c. 9147-0732 Québec[93]. Parmi ceux-ci, le juge mentionne ceci :
[221] Deuxièmement, dans l’interprétation de normes nationales on peut prendre en compte des normes internationales, mais ces dernières jouent un rôle limité consistant à appuyer ou à confirmer le résultat auquel arrive le tribunal au moyen d’une interprétation téléologique, car, d’une part, elles ne lient pas le Tribunal canadien, et d’autre part, la Cour suprême n’utilise pas de tels outils pour définir la portée des droits garantis par la Charte[94].
Il est vrai que la Cour suprême avait énoncé que le tribunal n’était pas lié par les obligations internationales, en ce sens qu’il était essentiel de préserver l’indépendance du pouvoir judiciaire. Néanmoins, il est important de rappeler que le Canada peut toutefois engager sa responsabilité en droit international du fait d’un jugement judiciaire qui serait contraire à ses obligations. Le tribunal a donc la possibilité de rendre une décision contraire au droit international ; il est tout autant possible pour les parlements d’adopter des lois contraires ou au gouvernement d’agir en ne s’y conformant pas. Toutefois, l’exercice de leurs pouvoirs en violation du droit international lie le Canada sur la scène juridique internationale, dans les obligations qu’ils contractent envers la communauté internationale. En ce sens, les décisions du tribunal canadien lient le Canada sur la scène internationale. C’est sur cette base que l’on retient généralement, entre deux interprétations[95], celle qui se conformera aux obligations internationales du Canada, présumant que le législateur, à moins de l’écarter explicitement ou implicitement, souhaitait préserver cette cohérence.
En outre, ajoutons que la jurisprudence à l’égard de l’interprétation des normes en matière des droits et libertés ne priorise pas l’interprétation téléologique seule. En matière de droits et libertés, les tribunaux vont assurer une interprétation à la fois large, libérale, téléologique, pragmatique et contextuelle des chartes[96]. En ce sens, les tribunaux doivent s’intéresser à l’objet de la loi, mais également aux effets de l’interprétation qu’ils donnent à celle-ci, au contexte législatif, aux faits et aux valeurs[97]. Les instruments internationaux font partie de ce contexte et ne doivent pas être rejetés du revers de la main lorsque l’on cherche à établir la portée et le sens d’une protection législative en matière de droits et libertés.
Le tribunal de première instance précise d’ailleurs les éléments suivants :
[222] Troisièmement, la Charte accorde une protection à tout le moins aussi grande que celle qu’offrent les dispositions similaires des instruments internationaux en matière de droits de la personne ratifiés par le Canada. Il s’agit là de la présomption de conformité. En effet, la ratification rend contraignants ces instruments internationaux puisque le Canada s’oblige à assurer à l’intérieur de ses frontières la protection de certains droits et libertés fondamentaux qui figurent aussi dans la Charte. Il s’agit là d’un indice important quant à la protection qu’accorde la Charte. Cependant, comme il s’agit d’une présomption, elle demeure réfutable et elle ne permet pas d’écarter l’intention claire du législateur.
[223] Quatrièmement, les sources non contraignantes, par exemple les instruments internationaux que le Canada ne ratifie pas, ne donnent pas naissance à la présomption de conformité et ils ne possèdent aucune valeur persuasive dans l’interprétation de la Charte[98].
La Cour suprême, dans l’affaire citée, avait pourtant tenté de présenter une méthodologie claire pour comprendre les différentes sources de droit international et leur possible réception en droit interne[99]. Les instruments internationaux ratifiés, tels que les pactes, font partie des engagements juridiques du Canada. Ils sont donc clairement inclus dans le droit international auquel est présumé se conformer le législateur, présomption qui se fonde sur la cohérence des textes de loi dans le système juridique et qui est réfutable. Rappelons toutefois que d’autres sources de droit international ne nécessitent pas une incorporation par une loi de mise en oeuvre, soit les règles coutumières, qui, elles, ne découlent pas des instruments écrits qui doivent être ratifiés. L’affaire R c Hape[100], puis l’affaire plus récente Nevsun, nous rappellent que les normes de droit international coutumier « sont entièrement intégrées dans la common law interne canadienne, et font partie de celle-ci, sauf disposition législative contraire »[101].
Un autre élément fondamental que souligne la Cour supérieure est le suivant :
[224] Cinquièmement, lorsque les tribunaux se fondent sur des instruments non contraignants, ils doivent veiller à expliquer pourquoi ils le font et comment ils utilisent ces instruments[102].
La Cour supérieure conclut ensuite, au paragraphe 231, « que le Canada se trouve partie aux Pactes internationaux et que le Québec s’y déclare lié par décret, rien ne les incorpore au droit interne applicable au Québec »[103]. Il nous semble que cela nie quelque peu l’importance fondamentale que ces pactes ont eue pour le développement des chartes québécoise et canadienne. À l’époque où le professeur Jacques-Yvan Morin portait cette idée de loi fondamentale de protection des droits et libertés que deviendra la Charte québécoise, il posait déjà ses racines dans les fondements philosophiques et juridiques découlant des instruments internationaux[104]. C’est également l’un des enseignements qu’elle retirait :
[225] Sixièmement, il faut distinguer entre les instruments antérieurs et postérieurs à la Charte. Les premiers peuvent faire partie du contexte historique d’un droit garanti par la Charte et de son incorporation dans celle-ci, car les rédacteurs de la Charte puisèrent dans les conventions internationales les meilleurs modèles de protection des droits existants. Quant aux seconds, il faut tout d’abord se demander si ces instruments lient le Canada. Dans la négative, ceux-ci possèdent une valeur interprétative beaucoup moins grande[105].
En ce sens, ces normes internationales qui lient le Canada devraient être considérées aux fins d’une interprétation large et contextuelle des droits et libertés. Il demeure toutefois essentiel d’établir la force persuasive de ces éléments eu égard aux autres éléments du contexte et de l’interprétation.
De la même façon, lorsque le droit international est mobilisé, les juges doivent identifier adéquatement les sources utilisées et leur force obligatoire. La Cour suprême a effectivement abondé dans ce sens et nous avions nous-mêmes parfois apporté cette critique dans des chroniques antérieures[106]. Dans certains cas, certains instruments n’auront qu’une force persuasive, bien que très utile pour établir un contexte en vue de confirmer une interprétation retenue du droit applicable.
En l’espèce, le juge avait introduit sa démarche en indiquant que la Cour suprême avait précisé « le rôle approprié que doivent jouer les sources étrangères et internationales telles des traités, conventions, pactes ou constitutions »[107]. Il nous apparaît toujours surprenant de placer ensemble les constitutions étrangères avec les conventions internationales, comme si elles constituaient des sources analogues, et qu’elles faisaient appel aux mêmes démarches de mobilisation. Le tribunal suit d’ailleurs cette démarche en joignant l’étude du droit international à son analyse du droit comparé.
Cela se distingue encore une fois de l’affaire Nevsun, dans laquelle la Cour suprême énonçait que le droit coutumier international faisait partie intégrante du droit canadien et indiquait que :
Soutenir le contraire en exigeant l’adoption par le législateur renverse un truisme juridique reconnu depuis plus de 250 ans et causerait un décalage entre le Canada et la plupart des pays (Verdier et Versteeg, p. 528). Comme l’a souligné le professeur Toope, [traduction] « [l] » histoire du droit international canadien n’est pas seulement une histoire de droit étranger “convaincant”. Le droit international concerne aussi directement le droit canadien et exige que celui‑ci aille dans certaines directions. Le droit international représente plus que le “droit comparatif”, car le droit international est en partie notre droit » (Stephen J. Toope, « Inside and Out: The Stories of International Law and Domestic Law » (2001), 50 R.D. U.N.‑B. 11, p. 23 (en italique dans l’original))[108].
C’est un élément sur lequel insiste, à juste titre, la Cour suprême dans cette affaire : le droit international coutumier et le droit étranger se distinguent ; le premier peut faire partie intégrante du droit canadien ou du contexte plus large dans certains cas, alors que le second demeure un fait et exige plutôt un exercice de droit comparé.
Finalement, la Cour estime, sans réellement effectuer cet exercice, ce qui suit :
[727] Il apparaît incontestable que plusieurs dispositions de la Loi 21 violent non seulement certains des droits garantis par les chartes canadienne et québécoise, donc le droit interne, mais également le droit externe, en l’occurrence le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Déclaration universelle des droits de l’homme[109].
Une fois le portrait brossé sur le recours au droit international, la Cour doit se prononcer sur l’argument invoqué par la FAE :
[722] La FAE prétend pouvoir démontrer que le recours aux clauses de dérogations ne peut se justifier par de simples conditions de forme. Elle soutient que le Tribunal devrait revoir les précédents établis il y a plus de trente ans dans les arrêts Ford c. Québec (Procureur général) et Devine c. Québec (Procureur général), notamment à la lumière des engagements internationaux souscrits par le Québec et le Canada depuis lors, ainsi qu’en tenant compte des développements de la jurisprudence du Comité des droits de l’homme de l’ONU et de la Cour suprême du Canada. Elle propose donc que, dans le contexte actuel, des conditions de fonds devraient s’ajouter aux conditions de formes existantes avant de donner plein effet aux dispositions de dérogation des chartes canadienne et québécoise.
[723] Pour elle, certaines décisions de la Cour suprême et les obligations internationales du Canada justifient l’assujettissement de la portée de l’article 33 à des conditions de fond, et non uniquement à des conditions de forme[110].
Dans cette autre partie des motifs, la Cour considère que le droit international et les valeurs qui y sont exprimées en matière de droits de la personne doivent être considérés dans l’approche contextuelle de l’interprétation des lois[111].
L’utilisation de la clause dérogatoire toutefois apparaît plutôt comme une question de droit constitutionnel. Le recours au droit constitutionnel étranger, dans une démarche de droit comparé, peut ainsi informer le tribunal sur sa portée. À cet effet, la FAE aurait soumis l’exemple de 38 pays utilisant de telles clauses pour argumenter que celles-ci exigeaient une justification pour leur utilisation[112]. Le juge rejette cet argument, estimant qu’il s’agirait à cet effet de faire double-emploi avec l’article premier de la Charte canadienne. Il est important de distinguer l’analyse de la justification au regard de l’article premier de la clause de dérogation qui vise justement à exclure l’application du débat judiciaire[113]. En ce qui concerne les obligations internationales du Canada, le juge considère qu’elles étaient déjà en vigueur et que les développements jurisprudentiels ont eu lieu alors que celles-ci faisaient déjà partie du contexte. Il considère qu’en ce sens, il faut privilégier l’application du droit tel qu’il existe en vertu de la jurisprudence de la Cour suprême et que le droit international ne trouve aucune utilité interprétative en l’espèce[114]. Le Tribunal ne peut assujettir le recours à la clause dérogatoire aux conditions réclamées en se portant comme « censeur de l’opportunité politique du législateur »[115]. Le juge ajoute tout de même ses observations, ne voyant pas la nécessité d’adopter une clause aussi large, mais acceptant que ses interrogations ne relèvent pas de cette demande en l’espèce.
En conclusion, bien que les enseignements de la Cour suprême proposent une démarche claire en matière de réception de droit international en droit interne, il apparaît tout de même que la compréhension des diverses sources ainsi que l’évaluation de leur force persuasive dans certains contextes demeurent tout de même parfois incohérentes ou insuffisamment démontrées. Dans un contexte de protection des droits et libertés, le développement des instruments internationaux, même adoptés postérieurement, et des interprétations en résultant, apportent un éclairage pertinent pour l’adoption d’une interprétation large, contextuelle et dynamique des chartes. Il ne faut toutefois pas faire l’économie de l’exposition de la démarche dans une perspective de jurisprudence cohérente.
IV. Questions de droit international public général
CANADA c ALTA ENERGY LUXEMBOURG SARL[116]
Dans cette affaire, la Cour suprême s’est penchée sur l’application de la règle générale anti-évitement (la RGAÉ) à une convention fiscale. Pour ce faire, elle fait appel aux principes d’interprétation des traités internationaux.
En 2012, les actions d’Alta Canada ont été vendues à Alta Energy Luxembourg. Cette dernière a vendu ses actions en 2013, réalisant ainsi un gain en capital de plus de 380 millions de dollars. Elle argumente que ce gain est exempt d’impôt au Canada, mais la ministre refuse la demande[117]. En vertu du paragraphe 13(4) de la Convention entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Grand‑Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune[118] (Convention), le Canada a le droit de soumettre un résident du Luxembourg à l’impôt sur le gain provenant de l’aliénation d’actions si la valeur de ces actions est principalement tirée de biens immobiliers situés au Canada.
Les traités fiscaux visent à « faciliter les échanges et les investissements transfrontaliers » en régissant la façon dont les lois nationales fiscales interagissent pour éviter, notamment, la double imposition[119]. La Convention constituant un traité au sens de la Convention de Vienne sur le droit des traités[120] (CVDT), les principes d’interprétation y étant consacrés sont applicables en l’espèce. La Cour note que ceux-ci s’apparentent fortement au principe moderne d’interprétation, largement utilisé en interprétation des lois canadiennes, selon lequel il faut examiner le sens ordinaire du texte dans son contexte et à la lumière de son but[121]. Dans le cas spécifique des traités, la Cour rappelle qu’il faut les interpréter « “de manière à appliquer les véritables intentions des parties” » et l’intérêt national de chaque État contractant doit être pris en compte dans le processus d’interprétation[122]. La Cour note que « [l’article 31 CVDT permet] de tenir compte de facteurs contextuels tels que les autres accords et instruments conclus par les parties ayant rapport à un traité »[123].
Par conséquent, la Cour s’intéresse au « Modèle de convention de l’OCDE », sur lequel sont basés nombre de traités fiscaux, et « les Commentaires qui s’y rapportent » à titre d’interprétation[124]. Les Commentaires qui ont été utilisés par la ministre pour fonder sa décision sont ceux révisés en 2003 et en 2017, plusieurs années postérieures à la négociation de la Convention par les États parties[125]. Bien qu’ils demeurent pertinents à l’interprétation d’un traité fiscal, le poids à y accorder demeure faible selon la Cour, puisque les parties n’en étaient pas informées au moment de l’expression de leur intention dans le texte de la Convention. La Cour mentionne :
[41] En effet, dans l’arrêt Prévost Car, la Cour d’appel fédérale a conclu que les Commentaires postérieurs à la conclusion d’un traité qui approfondissent ou clarifient des notions déjà présentes dans le Modèle de convention de l’OCDE sont pertinents, mais pas ceux qui étendent la portée des dispositions d’une manière qui n’aurait pu être envisagée par les rédacteurs (par. 10‑12 ; voir aussi Li et Cockfield, p. 57). Par conséquent, bien que les modifications des Commentaires postérieures à la conclusion d’un traité ne font pas partie du contexte tel qu’il est défini au par. 31(2) de la Convention de Vienne, puisqu’elles n’ont pas été apportées « à l’occasion de la conclusion du traité », elles peuvent être prises en considération aux termes du par. 31(3), lequel fait état « de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions » et « de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité »[126].
En l’occurrence, la Cour considère que les commentaires ne doivent pas être considérés comme reflétant l’intention des parties ; ils s’écartent même des mesures généralement prises dans les traités fiscaux avant leur élaboration.
Se rapportant aux commentaires en vigueur au moment de la négociation de la Convention, la Cour considère plutôt que « les mesures anti-abus devaient faire l’objet d’un traité pour qu’elles puissent s’appliquer »[127]. Si la Convention ne prévoit rien à ce sujet, conformément au principe pacta sunt servanda, l’on ne peut considérer que les parties avaient l’intention d’appliquer des règles relatives à l’évitement fiscal[128]. Adopter un sens s’en écartant aurait d’ailleurs pour effet d’ignorer les observations du Luxembourg émises lors de l’élaboration des Commentaires de 2003 à l’effet qu’il ne partageait pas l’interprétation énoncée et qu’il considérait que, en l’absence d’un texte conventionnel formel, l’État ne pouvait appliquer sa législation nationale anti-abus que dans des cas précis et suivant une procédure à l’amiable[129].
La Cour rejette ainsi l’interprétation reposant sur les Commentaires postérieurs qui confère une trop large portée à des dispositions non envisagées par les parties au moment de l’élaboration du traité à partir de la version antérieure du Modèle[130]. Selon la Cour, cela aurait également pour conséquence d’usurper « le rôle du gouverneur en conseil en autorisant les tribunaux à modifier les traités bilatéraux », et ce, contre la volonté des États ayant contracté ledit traité[131].
Rappelant que l’article 31 CVDT préconise une lecture des termes d’un traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but[132], la Cour note que l’analyse doit s’attacher à l’objet et à l’esprit des dispositions interprétées, non pas à l’objectif général du traité : « Les objectifs politiques — comme “éviter la double imposition” et “encourager les échanges et les investissements” — qui sont énoncés dans les traités fiscaux bilatéraux ne peuvent donc pas être invoqués pour passer outre le libellé des dispositions en cause »[133].
De ce fait, aux fins de la Convention, la définition de « résidence », prévue aux articles 1 et 4(1), doit correspondre aux lois internes de l’État contractant dans lequel le contribuable déclare avoir sa résidence[134]. En effet, cette disposition est identique au Modèle de 1998 et les Commentaires précis sur cette dernière confirment cette volonté[135]. Cela est également conforme à l’économie générale du traité qui utilise des termes référant aux législations internes des deux États parties, en plus d’être cohérent avec le paragraphe 3(2) de la Convention :
Pour l’application de la Convention à un moment donné par un État contractant, tout terme ou expression qui n’y est pas défini a, sauf si le contexte exige une interprétation différente, le sens que lui attribue, à ce moment, le droit de cet État concernant les impôts auxquels s’applique la Convention, le sens attribué à ce terme ou expression par le droit fiscal de cet État prévalant sur le sens que lui attribue les autres branches du droit de cet État[136].
En l’espèce, ce sont les lois luxembourgeoises qui déterminent la résidence de la société, selon si son siège social ou sa direction centrale se trouve au Luxembourg. Les juges majoritaires ont affirmé que si les parties à la Convention avaient eu l’intention de s’écarter de ce critère bien établi, ils l’auraient clairement indiqué[137].
Le ministre soutient qu’il faut y ajouter un critère de « liens économiques substantiels suffisants »[138]. La Cour se rapporte toutefois au texte et à l’absence de termes explicites invitant à ajouter une telle condition. Au lieu d’élargir le sens du texte à la lumière d’un « objectif politique vague », la Cour préfère retenir une approche qui « [unifie] le texte, le contexte et l’objet »[139].
La Cour lit également le texte dans le contexte plus général du droit fiscal international et du droit des traités pour comprendre l’intention des parties lors de l’adoption du texte. En effet, en vertu du principe pacta sunt servanda exigeant de s’acquitter des obligations de bonne foi, la législation interne définissant la notion de « résidence » doit tout de même s’inscrire dans les normes internationales, dans l’usage généralement accepté, incluant les définitions nationales en vigueur au moment de l’élaboration de la Convention[140]. Néanmoins, en l’espèce, la législation luxembourgeoise est totalement en adéquation avec l’une des deux façons généralement utilisées dans la pratique des États pour accorder la résidence à une société, soit le lieu de constitution ou le siège social, soit le lieu du siège de direction effective ou réel, selon une prise en compte de divers éléments factuels[141].
La Cour renforce sa conclusion par un autre élément contextuel. Lors de la signature de la Convention, le statut de paradis fiscal international du Luxembourg était connu. L’article 28(3), qui refuse les avantages à certaines sociétés holding luxembourgeoises, laisse supposer que le Canada et le Luxembourg « voulaient exclure les sociétés ayant des liens économiques négligeables avec l’un des États contractants uniquement lorsque celles‑ci sont des sociétés holding bénéficiant du statut de paradis fiscal international du Luxembourg »[142]. La Cour conclut donc que les articles 1 et 4(1) de la Convention ne consistaient pas à restreindre aux sociétés ayant des « liens économiques substantiels suffisants » avec leur pays de résidence l’accès aux avantages découlant de celle-ci[143].
Somme toute, cette décision constitue un exercice d’interprétation des traités réalisé conformément à la méthode bien établie en droit international, en recourant à plusieurs aspects contextuels. Elle reconnaît les critères d’établissement de la notion de « résidence » d’une société par référence aux législations nationales, pratique reconnue généralement dans les traités fiscaux et conforme aux normes internationales.
HENDERSON c PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC[144]
En 2021, la Cour d’appel est appelée à se prononcer sur la constitutionnalité de certains articles de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec[145] (Loi sur les prérogatives du Québec). La procédure s’inscrit dans les suites du Renvoi sur la sécession[146], alors que l’appelant cherche à ce que la Cour se prononce sur des questions que celle-ci considère « essentiellement hypothétique et théorique portant sur la définition du peuple québécois », les enjeux « d’autodétermination interne et externe », ainsi que sur « les mécanismes pouvant mener à cette autodétermination »[147].
Situons brièvement le contexte de ce recours. Il prend racine dans le contexte général des débats politiques et juridiques relatifs au référendum sur la souveraineté du Québec de 1995. En juillet 1995, l’avocat Guy Bertrand demande aux gouvernements de procéder par renvoi à la Cour suprême pour évaluer la constitutionnalité de la démarche référendaire du gouvernement québécois. Devant les refus obtenus, il dépose une demande à la Cour supérieure en août de la même année, afin d’obtenir des déclarations judiciaires et injonctions visant à contrecarrer la démarche[148]. En septembre 1995, l’appelant en l’espèce avait demandé au procureur général de demander un avis à la Cour d’appel concernant « la validité constitutionnelle de la Loi sur l’avenir du Québec » qui avait été déposé quelques jours plus tôt à l’Assemblée nationale[149]. Sans réponse, le 23 octobre 1995, il dépose un recours judiciaire en jugement déclaratoire, mais celui-ci ne sera pas entendu avant le référendum prévu le 30 octobre.
Les résultats du référendum mettant fin à cette démarche vers la souveraineté, le projet de loi sur l’avenir du Québec meurt au feuilleton[150]. En parallèle, le gouvernement fédéral demande à la Cour suprême de se prononcer par renvoi sur « les aspects juridiques du processus de sécession »[151]. Son avis sera rendu le 20 août 1998. Suivant cela, et pendant plusieurs décennies, « les affaires Bertrand et Singh n’ont [pas] procédé au fond », sans toutefois être réglées ou être déclarées irrecevables[152].
En juin 2000, la Loi C-20, Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec[153] est adoptée[154]. En réponse, l’Assemblée nationale du Québec adopte alors, en décembre 2000, la Loi sur les prérogatives du Québec :
[10] La Loi sur les prérogatives du Québec peut être perçue et interprétée comme affirmant l’adhésion, par l’Assemblée nationale, aux principes qui ont marqué l’évolution des arrangements constitutionnels canadiens applicables à un projet de modification du statut constitutionnel du Québec menant à la sécession. En ce sens, ces dispositions peuvent être perçues comme constitutionnelles, comme le reconnaît d’ailleurs le procureur général du Canada. Ainsi, les dispositions contestées de la Loi sur les prérogatives du Québec établissent certaines normes internes quant aux modalités d’une volonté démocratique légitime pour proposer une modification du régime politique ou du statut juridique du Québec dans le cadre des arrangements constitutionnels canadiens présentement applicables[155].
L’appelant dépose alors une demande pour jugement déclaratoire quant à l’invalidité de certaines de ses dispositions. Le procureur général soulève « la litispendance avec l’affaire Singh » et autres raisons pour l’irrecevabilité du recours[156]. Après plusieurs décisions et moyens interlocutoires, un premier jugement est rendu par la Cour supérieure en 2018 qui rejette le recours.
La Cour d’appel note que les dispositions contestées « adoptent cependant aussi un vocabulaire propre au droit international que certains associent à la revendication d’un droit de sécession unilatérale », ce qui serait en violation du cadre constitutionnel canadien applicable[157]. D’ailleurs, le Procureur général du Québec avait, dans une conférence de presse tenue en 1996, affirmé que : « le processus d’accession du Québec à la souveraineté relève essentiellement d’une démarche démocratique fondamentale qui trouve sa sanction dans le droit international public »[158].
La référence au droit international public repose essentiellement sur la qualification de « peuple » pour justifier le recours à la notion d’autodétermination des peuples en droit international. L’appelant estime que la qualification de « peuple québécois » absorbe celle des « minorités du Québec dans la majorité francophone du Québec » pour en faire un seul et même peuple, en vue de justifier le projet sécessionniste au regard du droit international[159]. La Cour d’appel conclut que :
[92] De même, la question du « peuple québécois » et de son droit à l’autodétermination est aussi abordée dans le Renvoi sur la sécession. La Cour suprême conclut qu’il n’est pas nécessaire d’étudier la qualification juridique du « peuple québécois », ni de déterminer si, à supposer qu’il existe au sens du droit international, ce peuple englobe la population entière de la province ou seulement une partie de celle-ci. En effet, peu importe la réponse à ces questions, la population du Québec, quelle que soit la façon de la définir, ne possède pas, en vertu du droit international, le droit de faire sécession unilatéralement du Canada vu que les conditions du droit international pour ce faire – soit la colonisation, l’oppression ou l’exclusion – ne sont pas remplies[160].
Elle ajoute par ailleurs que
rien n’empêche un gouvernement provincial de référer à sa population comme un « peuple » sans pour autant enfreindre le cadre constitutionnel canadien. On peut certes référer aux termes « people of Ontario », « Ontario people », « people of Alberta », « people of Canada » ou « Canadian people » sans enfreindre la Constitution canadienne ni nécessairement invoquer un droit à l’autodétermination externe en droit international[161].
En ce qui concerne le cas d’une impasse portant sur une éventuelle sécession, la Cour d’appel rappelle que la Cour suprême avait expressément refusé de se prononcer sur la question, afin d’éviter d’outrepasser son « rôle adjudicatif » et d’ainsi respecter le principe de « la séparation des pouvoirs »[162]. Elle avait également précisé que
le défaut d’engager de telles négociations, en conformité avec les principes constitutionnels qu’elle a définis, pourrait certes avoir un impact sur le plan de la reconnaissance d’un Québec souverain au plan international, ce qui relève principalement du domaine de la politique internationale, mais elle ne soumet aucune opinion de ce qu’il adviendrait dans un cas d’échec des négociations[163].
En somme, la Cour ne souhaite pas entrer dans le débat politique des qualifications des notions de peuple, s’en tenant à réitérer l’avis de la Cour suprême dans le Renvoi sur la sécession quant à l’autodétermination des peuples en droit international. La Cour se limite au rejet du recours judiciaire tel qu’introduit par l’appelant et conclut conséquemment que la Loi sur les prérogatives du Québec demeure en vigueur et opérante, sans pour autant avoir effet sur une éventuelle demande qui pourrait être envisagée dans un autre contexte[164].
***
L’année 2021 s’inscrit dans la continuité quant à la pratique judiciaire québécoise en matière de droit international public général non sans surprise. Toutefois, les décisions abordant les droits et libertés, avec l’affaire Ward au premier rang, auront encore une fois contribué au dialogue entre le droit international des droits humains et la mise en oeuvre des droits et libertés au sens national de cette expression. Encore cette année, si l’on peut reconnaître les choix opérés par les tribunaux de s’en remettre à certaines sources de droit international, particulièrement en matière pénale, en droit du travail ou, à quelques égards, quant aux grands principes du droit international, ces choix ne sont pas toujours explicités si bien qu’un lecteur peine à les saisir. La mobilisation des sources du droit international gagnerait encore à être justifiée, afin d’écarter ce qui apparaît comme une répétition des arguments des parties ou une sélection discrétionnaire. Il semble ainsi nécessaire que les tribunaux québécois et canadiens s’interrogent quant au rôle du droit international dans leur pratique, afin d’assurer une jurisprudence cohérente, pertinente, et accessible.
Parties annexes
Notes
-
[*]
Me Vanessa Tanguay est docteure en droit et postdoctorante à l’Université McGill.
-
[**]
Me Kristine Plouffe-Malette est professeure adjointe à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke.
-
[***]
Maëli Coutu-Lupin était stagiaire à la RQDI au moment de rédiger la première version de cette chronique au cours de l’année 2021-2022.
-
[1]
Certaines décisions ne font que mentionner des sources du droit international ou estiment que les normes de droit international ne sont que peu ou pas pertinentes et n’offrent pas d’analyse de celles-ci. Voir par ex Fédération des policiers et policières municipaux du Québec c Procureur général du Québec, 2021 QCCS 4105; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Lecavalier et autres) c Ville de Montréal (SPVM), 2021 QCTDP 48; Dostie c Procureur général du Canada, 2021 QCCS 4826.
-
[2]
Renvoi relatif à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, 2021 CSC 11.
-
[3]
Stéphane Paquin, « La réforme inachevée : le fédéralisme canadien et le rôle des provinces dans les négociations internationales » (2022) RQDI 73 (hors-série, janvier).
-
[4]
2021 CSC 19.
-
[5]
Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, LC 2002, c 1, art 37(10).
-
[6]
Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 691(1)a).
-
[7]
Charte canadienne des droits et libertés, arts 7, 15, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [Charte canadienne].
-
[8]
R c CP, supra note 4 aux para 147–148; R c RC, 2005 CSC 61 au para 41.
-
[9]
Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, 1577 RTNU 3 (entrée en vigueur : 2 septembre 1990) [CDE].
-
[10]
Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), AGNU, 40e sess, Doc NU (1985) Rés 40/33.
-
[11]
Ibid, art 20.1.
-
[12]
R c CP, supra note 4 au para 162.
-
[13]
2021 QCCA 1687 [Turbide].
-
[14]
Ibid au para 5.
-
[15]
Turbide, supra note 15 au para 39.
-
[16]
Ibid au para 43.
-
[17]
Turbide, supra note 15 au para 45.
-
[18]
Ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), AGNU, 70e sess, Doc NU (2015) Rés 70/175.
-
[19]
Turbide, supra note 15 au para 7.
-
[20]
Ibid au para 134.
-
[21]
Turbide, supra note 15 au para 143.
-
[22]
Ibid au para 150; Turbide-Labbé c Ministère de la Sécurité publique, 2021 QCCS 3149 au para 19.
-
[23]
2021 QCCS 1378 [Naqeeb].
-
[24]
Ibid aux para 1-2.
-
[25]
Naqeeb, supra note 25 au para 7.
-
[26]
Ibid au para 8.
-
[27]
Naqeeb, supra note 25 au para 135.
-
[28]
Protocole de 2014 relatif à la Convention sur le travail forcé, 1930, 11 juin 2014, RT Can 2020 n° 3 (entrée en vigueur : 9 novembre 2016).
-
[29]
Ibid, art 2(1).
-
[30]
Naqeeb, supra note 25 au para 137.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
Ibid au para 138.
-
[33]
Naqeeb, supra note 25 au para 139.
-
[34]
L’abus de vulnérabilité; la tromperie; la restriction de mouvement; l’isolement; la violence physique et sexuelle; l’intimidation et menaces; la rétention de documents d’identité; la rétention de salaire; la servitude pour dettes; les conditions de travail et de vie abusives; les heures supplémentaires excessives [notre traduction] (voir ibid au para 139).
-
[35]
Ibid.
-
[36]
Ibid au para 141.
-
[37]
2021 CSC 43 [Ward].
-
[38]
Loi sur la laïcité de l’État, RLRQ c L-0.3 [Loi 21].
-
[39]
Ward, supra note 39.
-
[40]
Jo-Anne Demers et Laurent Lacas, « Discrimination, diffamation et liberté d’expression : la Cour suprême du Canada se prononce » (4 février 2022), en ligne (bulletin) : <clydeco.com/fr> [perma.cc/V7YM-P5AF]; Sophie Estienne, « Affaire Mike Ward-Jeremy Gabriel: la saga judiciaire se poursuit » (28 septembre 2022), en ligne (blogue) : <blogueducrl.com> [perma.cc/54FW-WV9B]; Maxime St-Hilaire, « Affaire Mike Ward: une occasion pour la Cour suprême d’enfin prévoir une exception artistique ? » (2 décembre 2019), en ligne (blogue) : <blogueaquidedroit.ca> [perma.cc/KH54-A2SP]; Faculté de droit de l’Université Laval, « Conférence “Liberté d’expression et discrimination : l’affaire Mike Ward” » (29 mars 2022), en ligne : <fd.ulaval.ca> [perma.cc/57CQ-JVCS]; Louis-Philippe Lampron, « Ward c. Gabriel: un arrêt qui doit être corrigé » (4 décembre 2019), en ligne (blogue) : <contact.ulaval.ca> [perma.cc/WFJ6-4ZHT].
-
[41]
Frédéric Bérard, « Mike Ward devant la Cour suprême - Frédéric Bérard à Midi info » (15 février 2021), en ligne (audio) : <youtube.com>; Michael Nguyen, « Mike Ward a gagné la dernière manche contre Jérémy Gabriel », Le Journal de Montréal (29 octobre 2021), en ligne : <journaldemontreal.com> [perma.cc/7SMX-CSBY]; Pierre Gagné, « Une décision désolante de la Cour suprême », Le Devoir [de Montréal] (2 novembre 2021), en ligne : < ledevoir.com> [perma.cc/ER9G-65E9]; Denise Bombardier, « Mike Ward: la Cour est-elle encore suprême? », Le Journal de Montréal (30 octobre 2021), en ligne : <journaldemontreal.com> [perma.cc/K6C4-7PSH]; Frédéric Bérard, « Le tournant », Journal Métro (17 février 2021), en ligne : <journalmetro.com> [perma.cc/N64B-ZDDE]; Étienne Paré, « Un changement de culture dans le milieu de l’humour », Le Devoir [de Montréal] (29 octobre 2021), en ligne : < ledevoir.com> [perma.cc/JAZ6-UMPT].
-
[42]
Ward, supra note 39 au para 15.
-
[43]
Ibid au para 131.
-
[44]
Ward c Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Gabriel et autres), 2019 QCCA 2042.
-
[45]
Commission des droits de la personne et des droits de la personne, « La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse présente son bilan de l’année 2021-2022 » (2 décembre 2022), en ligne : < cdpdj.qc.ca> [perma.cc/6JCQ-88E6].
-
[46]
Vanessa Tanguay, « Chronique de jurisprudence québécoise en droit international public » (2016) 29:1 RQDI 185.
-
[47]
Ibid à la p 189.
-
[48]
Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c C-12, art 9.1 [Charte québécoise].
-
[49]
CDE, supra note 11, art 19; Observation générale no 13 (2011) : Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, CDE NU, (2011) Doc NU CRC/C/GC/13.
-
[50]
CDE, supra note 11, art 2, 23;
-
[51]
Ward, supra note 39 au para 198.
-
[52]
Convention relative aux droits des personnes handicapées, 13 décembre 2006, RT Can 2010 no 8 [CDPH].
-
[53]
Ibid, arts 5, 7, 16.
-
[54]
Ward c Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 43 (mémoire de l’appelant).
-
[55]
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, 999 RTNU 171 (entrée en vigueur : 23 mars 1976, accession du Canada 19 mai 1976) [PIDCP].
-
[56]
Ward c Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 43 (mémoire de l’intimée au para 81), citant Déclaration et programme d’action de Vienne, AGNU, 48e sess, Doc NU A/CONF 157/23 (1993), art 5.
-
[57]
Ibid au para 36.
-
[58]
Von Hannover c Allemagne, no 59320/00, [2004] VI CEDH 1, 43 EHRR 139.
-
[59]
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, 213 RTNU 221 (entrée en vigueur : 3 septembre 1953).
-
[60]
Ward, supra note 39 au para 211.
-
[61]
Ward c Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 43 (mémoire de la Commission internationale des juristes).
-
[62]
Supra note 40.
-
[63]
2021 QCTDP 27 [Varin].
-
[64]
Ibid au para 1.
-
[65]
Charte québécoise, supra note 51, arts 1, 4, 6.
-
[66]
Loi sur les cités et villes, RLRQ c C-19, art 586.
-
[67]
Varin, supra note 70 au para 123.
-
[68]
Ibid au para 143.
-
[69]
Varin, supra note 70 au para 144.
-
[70]
CDPH, supra note 57, art 9.
-
[71]
Ibid, art 19.
-
[72]
Varin, supra note 70 au para 146.
-
[73]
Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, RLRQ c E-20.1
-
[74]
Varin, supra note 70 au para 167.
-
[75]
2021 QCCA 1185 [RO].
-
[76]
Loi sur l’aide aux personnes et aux familles, RLRQ, c A-13.1, arts 63, 66.
-
[77]
Charte canadienne, supra note 7, art 15(1); Charte québécoise, supra note 51, art 10.
-
[78]
Loi sur le régime de rentes du Québec, RLRQ c R-9.
-
[79]
RO, supra note 84 au para 6.
-
[80]
Ibid au para 7.
-
[81]
RO, supra note 84 au para 8.
-
[82]
RO c Tribunal administratif du Québec (section des affaires sociales), 2020 QCCS 4256.
-
[83]
RO, supra note 84 au para 67.
-
[84]
RO, supra note 84 au para 67, n 76, citant PIDCP, supra note 60, art 26.
-
[85]
Déclaration universelle des droits de l’Homme, AGNU, 3e sess, Doc NU A/810 (1948) Rés AG 217A (III), arts 2, 22, 25.
-
[86]
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 RTNU 3 arts 2, 9, 11 (entrée en vigueur : 3 janvier 1976, accession du Canada 19 août 1976).
-
[87]
2021 QCCS 1466 [Hak].
-
[88]
Loi 21, supra note 40, arts 6, 8.
-
[89]
Hak, supra note 99 au para 5.
-
[90]
National Council of Canadian Muslims (NCCM); Association Canadienne des Libertés Civiles; World Sikh Organization of Canada; Amnistie internationale (section Canada Francophone); Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC); Commission canadienne des droits de la personne; Québec Community Groups Network; Coalition Inclusion Québec; Association de droit Lord Reading; English Montreal School Board; Fédération autonome de l’enseignement (FAE) (voir ibid
-
[91]
Mouvement laïque québécois (MLQ); Pour les Droits des femmes du Québec; Libres penseurs athées (voir ibid).
-
[92]
Ibid au para 178.
-
[93]
2020 CSC 32 [9147-0732 Québec].
-
[94]
Hak, supra note 99 au para 221.
-
[95]
Il y a alors conditions préalables d’ambiguïté de la loi.
-
[96]
Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39 au para 31; Robichaud c Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 RCS 84 à la p 90, 1987 CanLII 73 (CSC); Pierre-André Côté et Mathieu Devinat, Interprétation des lois, 5e éd, Montréal, Thémis, 2021. Voir aussi Vanessa Tanguay, Une exigence d’effectivité inhérente à la norme antidiscriminatoire québécoise : L’éclairage de l’intersectionnalité, Québec, Savoirs UdeS, 2016 [Tanguay, Intersectionnalité].
-
[97]
Danielle Pinard, « La méthode contextuelle » (2002) 81 RB can 323 à la p 324; Luc Bégin et Yannick Vachon, « L’interprétation contextuelle : pour le meilleur et pour le pire? » dans Marie-Claire Belleau et François Lacasse, dir, Claire L’Heureux-Dubé à la Cour suprême du Canada, 1987-2002, Montréal (QC), Wilson & Lafleur, 2004 à la p 721.
-
[98]
Hak, supra note 99 aux para 222–223.
-
[99]
9147-0732 Québec, supra note 106.
-
[100]
2007 CSC 26.
-
[101]
Nevsun Resources Ltd c Araya, 2020 CSC 5 au para 94 [Nevsun]; Charles-Emmanuel Côté, « L’arrêt Nevsun, le capitaine Keyn et les normes prohibitives de droit international coutumier au Canada » (2022) RQDI 51 (hors-série, janvier).
-
[102]
Hak, supra note 99 au para 224.
-
[103]
Ibid au para 231.
-
[104]
Jacques-Yvan Morin, « Une charte des droits de l’homme pour le Québec » (1963) 9:4 RD McGill 273. Pour plus de détails sur les liens entre les instruments internationaux et l’élaboration d’une charte québécoise, voir Tanguay, Intersectionnalité, supra note 109 à la p 3 et s.
-
[105]
Hak, supra note 99 au para 225.
-
[106]
Supra note 46.
-
[107]
Ibid au para 218.
-
[108]
Nevsun, supra note 114 au para 94.
-
[109]
Hak, supra note 99 au para 727.
-
[110]
Ibid aux para 722–723.
-
[111]
Hak, supra note 99 au para 737.
-
[112]
Ibid au para 739.
-
[113]
Hak, supra note 99 au para 744. Pour un regard intéressant sur l’utilisation de telles clauses dérogatoires et du dialogue entre la branche judiciaire et législative, voir Stephen Gardbaum, The New Commonwealth Model of Constitutionalism: Theory and Practice, Cambridge, Cambridge University Press, 2013 à la p 116.
-
[114]
Hak, supra note 99 au para 749.
-
[115]
Ibid au para 751.
-
[116]
2021 CSC 49 [Alta Energy].
-
[117]
Ibid aux para 12-16.
-
[118]
Convention entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Grand‑Duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, RT Can. 2000 no 22, art 13(4) [Convention].
-
[119]
Alta Energy, supra note 128 au para 35.
-
[120]
Convention de Vienne sur le droit des traités, RT Can 1980 no 37 [Convention de Vienne].
-
[121]
Alta Energy, supra note 128 au para 37.
-
[122]
Ibid.
-
[123]
Ibid au para 38.
-
[124]
Ibid.
-
[125]
Ibid au para 39.
-
[126]
Alta Energy, supra note 128 au para 41.
-
[127]
Ibid au para 43.
-
[128]
Alta Energy, supra note 128 au para 43.
-
[129]
Ibid au para 44.
-
[130]
Alta Energy, supra note 128 au para 45.
-
[131]
Ibid.
-
[132]
Convention de Vienne, supra note 132, art 31.
-
[133]
Alta Energy, supra note 128 au para 49.
-
[134]
Ibid au para 55.
-
[135]
Ibid.
-
[136]
Convention, art 3(2).
-
[137]
Alta Energy, supra note 128 au para 62.
-
[138]
Ibid au para 58.
-
[139]
Ibid.
-
[140]
Ibid au para 59.
-
[141]
Alta Energy, supra note 128 au para 60.
-
[142]
Ibid au para 66.
-
[143]
Alta Energy, supra note 128 au para 67.
-
[144]
2021 QCCA 565 [Henderson].
-
[145]
Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, RLRQ c E-20.2.
-
[146]
Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 RCS à la p 217, 1998 CanLII 793 (CSC) [Renvoi Sécession].
-
[147]
Henderson, supra note 157 au para 7.
-
[148]
Ibid aux para 22–25.
-
[149]
Henderson, supra note 157 au para 26.
-
[150]
Ibid au para 27.
-
[151]
Henderson, supra note 157 au para 35.
-
[152]
Ibid au para 39.
-
[153]
Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la cour suprême du Canada dans son avis sur le renvoi sur la sécession du Québec, LC 2000, c 26.
-
[154]
Henderson, supra note 157 au para 9.
-
[155]
Ibid au para 10.
-
[156]
Henderson, supra note 157aux para 49–54.
-
[157]
Ibid au para 7.
-
[158]
Henderson, supra note 157 au para 31, citant Bertrand v Quebec (Procureur General), 1995 CanLII 11036 (QCCS), requête déclinatoire et en irrecevabilité du procureur général du Québec rejetant l’action réamendée de Me Bertrand, 12 avril 1996 au para 12.
-
[159]
Ibid au para 76.
-
[160]
Henderson, supra note 157 au para 92.
-
[161]
Ibid au para 97.
-
[162]
Henderson, supra note 157 au para 109.
-
[163]
Ibid. Voir aussi Renvoi Sécession, supra note 159 au para 103.
-
[164]
Henderson, supra note 157 au para 117.