Résumés
Résumé
Bien que les disparitions forcées soient souvent associées aux anciens régimes répressifs latino-américains, elles se produisent encore aujourd’hui, et ce, dans le monde entier et dans divers contextes. En plus de servir de stratégie d’oppression politique, elles sont utilisées dans le contexte de conflits armés, dans le cadre de mesures antiterroristes, lors de transferts transnationaux, ou encore dans un contexte migratoire. Dans cet article, il est proposé de passer en revue les conceptions traditionnelles concernant cette violation odieuse des droits de la personne et de traiter de ce que certaines personnes appellent les nouvelles formes de disparitions forcées. L’auteur se questionne notamment sur les caractéristiques communes des disparitions forcées du passé et du présent, ainsi que sur la façon dont cela devrait nourrir les débats contemporains sur le sujet. Il aborde aussi les apports du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ainsi que les obligations étatiques en la matière. Il en ressort que l’interdiction de ce crime est une norme de jus cogens et que les États ont une obligation erga omnes de le prévenir et de le sanctionner, sans limite spatiale ou temporelle. Il conclut avec un appel à la communauté internationale à lutter contre l’impunité et à soutenir les victimes de disparitions forcées et leurs proches.
Abstract
While enforced disappearances are often associated with former Latin American repressive regimes, they still occur today, all over the world and in a variety of contexts. In addition to serving as a strategy of political oppression, they are used in the context of armed conflict, anti-terrorism measures, transnational transfers, and migration. This paper proposes to review traditional understandings of this odious violation of human rights and to address what some people call the new forms of enforced disappearance. In particular, the author questions the common characteristics of past and present enforced disappearances, and how this should fuel contemporary debates on the subject. He also discusses the contributions of the United Nations Working Group on Enforced Disappearances as well as state obligations in this regard. It is shown that the prohibition of this crime is a norm of jus cogens and that States have an erga omnes obligation to prevent and punish it, which has neither spatial nor temporal limits. It concludes by calling the international community to fight against impunity and to support the victims of enforced disappearances and their relatives.
Resumen
Si bien las desapariciones forzadas se asocian a menudo con los antiguos regímenes represivos latinoamericanos, siguen produciéndose hoy en día, en todo el mundo y en diversos contextos. Además de servir como estrategia de opresión política, se utilizan en el contexto de los conflictos armados, las medidas antiterroristas, los traslados transnacionales y la migración. Este artículo se propone revisar las concepciones tradicionales de esta repugnante violación de los derechos humanos y abordar lo que algunos llaman las nuevas formas de desapariciones forzadas. En particular, el autor se pregunta por las características comunes de las desapariciones forzadas del pasado y del presente y cómo esto debería informar los debates contemporáneos sobre el tema. También analiza las intervenciones del Grupo de Trabajo de la Naciones Unidas sobre Desapariciones Forzadas y las obligaciones de los Estados en este ámbito. Se constata que la prohibición este delito es una norma de jus cogens y que los Estados tienen una erga omnes obligación de prevenirlo y castigarlo, que no tiene límites espaciales ni temporales. Concluye con un llamamiento a la comunidad internacional para que luche contra la impunidad y apoye a las víctimas de las desapariciones forzadas y a sus familiares.
Corps de l’article
Le 2 octobre 2018, le journaliste du Washington Post, Jamal Khashoggi, est entré au consulat saoudien à Istanbul et n’en est jamais ressorti. Khashoggi était en exil depuis plusieurs années en raison des opinions critiques qu’il avait envers le régime de son pays[1]. Après des pressions de sa famille et de la société civile, ainsi que des dénonciations par les procédures spéciales des Nations Unies, dont le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires (WGEID)[2], les autorités du Royaume d’Arabie Saoudite ont finalement admis qu’il avait été exécuté, mais ont indiqué que l’opération avait été menée par des « rogue agents ». Alors que certaines personnes ont été rapidement condamnées par la justice saoudienne, beaucoup ont suggéré que ce résultat avait ciblé les mauvaises personnes et empêché de jeter la lumière sur les auteurs intellectuels de ce crime[3]. Il est encore plus préoccupant de rappeler qu’à ce jour, le sort ou le lieu où se trouve Jamal Khashoggi n’a pas encore été établi[4].
Alors que les disparitions forcées sont souvent perçues comme un outil utilisé par les anciens régimes répressifs latino-américains pour éliminer la dissidence politique, elles sont encore utilisées aujourd’hui aux quatre coins du globe dans divers objectifs et dans un large éventail de contextes[5].
Après avoir abordé rapidement le cadre normatif et institutionnel se rapportant aux disparitions, il est proposé de passer en revue les conceptions traditionnelles concernant cette violation odieuse des droits de la personne, et d’aborder ce que certains peuvent considérer comme de nouvelles formes de disparitions forcées. Il convient enfin de se demander si les disparitions forcées du passé et du présent partagent des caractéristiques similaires et comment cela devrait alimenter les débats contemporains sur la manière dont la communauté internationale se doit d’aborder le phénomène à l’avenir.
I. Les disparitions forcées et le Groupe de travail des Nations Unies
En droit international des droits de la personne, les disparitions forcées sont généralement comprises comme
l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes agissant avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi[6].
Le premier instrument à traiter spécifiquement des disparitions, la Déclaration pour la protection de toute personne contre les disparitions forcées[7] (Déclaration de 1992), adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1992, prévoit les obligations des États relativement à la prévention, la sanction et la réparation de ce crime. La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées[8] (Convention contre les disparitions forcées ou Convention internationale), adoptée en 2006, « reprend et, parfois, améliore et complète les principes établis dans la Déclaration, quant à la définition des disparitions, quant à leur incrimination sur le plan national et international, de même que quant à la prévention, la répression et la réparation des disparitions forcées »[9]. Ainsi, « [a]ucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit […] ne peut être invoquée pour justifier la disparition forcée »[10]. Alors que la Convention contre les disparitions forcées ne s’applique qu’aux pays l’ayant ratifiée, la Déclaration de 1992 s’applique à tous les États.
En effet, il est généralement reconnu que les disparitions forcées sont aujourd’hui interdites par une norme de droit international coutumier[11], reconnue à titre de norme impérative de droit international[12] et qu’elles constituent un crime au sens du droit pénal international[13].
Une disparition forcée constitue une violation composite de plusieurs droits de la personne garantis par le droit international[14], dont le droit à la liberté et à la sécurité de la personne, le droit à un procès équitable, le droit aux garanties judiciaires, le droit à un recours effectif – y compris le droit à réparation et à indemnisation, le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique et morale de la personne – y compris le droit de ne pas être soumis à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit de chacun à la reconnaissance de sa personnalité juridique, le droit à l’identité, de même que le droit à la vérité[15].
En 1980, la Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies[16] créait le Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires, aujourd’hui une procédure spéciale du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, chargée d’aider les familles des disparus à communiquer avec les autorités étatiques pour localiser ou établir le sort de ceux-là et assister les États dans la mise en oeuvre des obligations issues de la Déclaration de 1992[17].
Le Groupe est composé de cinq experts indépendants. Il siège trois fois par année, instruit des cas individuels - y compris suivant sa procédure urgente; il adopte également des allégations générales relatives à des problèmes de nature systémique portant sur la situation des disparitions forcées dans des États donnés, et peut aussi s’adresser aux gouvernements via des appels urgents ou des interventions rapides. Il accomplit environ deux visites de pays par année, après lesquelles il adopte des rapports portant sur la situation des disparitions forcées au pays et qui contiennent des recommandations destinées aux gouvernements. Le Groupe est, entre autres, régi par la Déclaration de 1992 et ses propres Méthodes de travail[18]. Rappelons qu’en vertu de son mandat humanitaire, le Groupe de Travail peut se pencher sur des allégations de disparitions commises par tous les États, puisque tous les États ont l’obligation coutumière de respecter la Déclaration[19].
II. Les obligations étatiques relatives à l’interdiction des disparitions forcées
En plus d’interdire aux États le recours aux disparitions forcées pour quelque motif que ce soit[20], le droit international oblige ceux-ci à adopter des mesures à la fois législatives, administratives, judiciaires ou autres relatives à la prévention et à l’élimination des disparitions forcées[21]. Ainsi, chaque État doit faire du concept de disparition forcée un crime autonome[22], doté d’une peine adaptée à la gravité du crime[23], régi par les règles relatives aux divers modes de participation criminelle[24].
De plus, les États doivent adopter des mesures permettant de garantir les droits des personnes privées de liberté, permettant d’enquêter et de localiser ces personnes[25]. Ainsi, chaque État doit assurer la détention des personnes dans des lieux officiellement reconnus, assurer que chaque capture, détention et libération soit dûment enregistrée[26] et menée que par des autorités habilitées pour ce faire[27]. Par ailleurs, tous les États doivent garantir le droit des proches de porter plainte et de demander une enquête en cas de disparition[28]. En effet, les autorités ont l’obligation d’enquêter sans délai sur toute disparition et de juger et sanctionner toute personne ayant pris part à ce crime[29].
Ainsi, les autorités compétentes pour ce faire doivent disposer des ressources, des pouvoirs et des mesures de protection appropriés[30]. Les États doivent juger ou extrader les personnes soupçonnées d’avoir commis le crime de disparition forcée[31]. Ces personnes doivent être jugées par des tribunaux ordinaires et ne peuvent atténuer leur responsabilité du fait d’ordres supérieurs ou bénéficier d’amnisties ou de mesures analogues[32]. Les règles relatives à la prescription doivent être appliquées en tenant compte du fait que ce crime est de nature continue tant que la victime n’a pas été localisée ou que le sort de celle-ci n’a pas été élucidé[33].
De plus, les États ne peuvent renvoyer des individus vers des pays où ils pourraient être assujettis à des disparitions forcées[34]. Par ailleurs, les États doivent adopter une série de mesures relatives aux enfants disparus ou aux enfants de personnes disparues[35].
Enfin,
[l]es victimes d’actes ayant entraîné une disparition forcée et leur famille doivent obtenir réparation et ont le droit d’être indemnisées de manière adéquate, notamment de disposer des moyens qui leur permettent de se réadapter de manière aussi complète que possible. En cas de décès de la victime du fait de sa disparition forcée, sa famille a également droit à indemnisation[36].
Ce droit ne se limite pas
au droit à une réparation pécuniaire, mais [comprend], entre autres, les soins de santé physique et mentale et les services de réadaptation en cas de préjudice corporel ou mental, ainsi qu’une réhabilitation juridique et sociale, des garanties de non-répétition, le rétablissement des libertés personnelles et d’autres mesures similaires de remise en état et de réparation susceptibles d’éliminer les conséquences de la disparition forcée[37].
En effet, la Convention internationale prévoit expressément que
[l]e droit d’obtenir réparation […] couvre les dommages matériels et moraux ainsi que, le cas échéant, d’autres formes de réparation telles que : a) la restitution; b) la réadaptation; c) la satisfaction, y compris le rétablissement de la dignité et de la réputation; d) des garanties de non-répétition[38].
Comme l’a établi la Cour interaméricaine des droits de l’homme à maintes reprises, les disparitions forcées constituent ainsi un ensemble de violations qui a des caractéristiques particulières. Elles ont entre autres comme effet de suspendre la jouissance des autres droits de la victime[39], plaçant celle-ci dans une situation sans défense, dans un no man’s land juridique[40]. Par ailleurs, les familles des personnes disparues sont aussi considérées comme des victimes au sens du droit international[41]. En effet, il est généralement reconnu que les disparitions forcées constituent une forme de torture[42], tant pour les personnes disparues que pour leurs proches. D’une pertinence toute particulière en ce qui a trait à la justice transitionnelle, rappelons que le crime de disparition forcée est un crime continu[43], auquel la prescription n’est applicable que de façon limitée, qui ne peut être jugé par des tribunaux militaires[44] et qui ne peut faire l’objet d’amnistie[45].
III. Les disparitions forcées : un phénomène latino-américain du passé?
Alors que les disparitions forcées ont des origines historiques plus anciennes, leur judiciarisation est généralement associée aux procès de Nuremberg après la Seconde Guerre mondiale, en particulier avec le procès du maréchal Keitel[46]. Le Tribunal a notamment traité de l’adoption et de la mise en oeuvre du Décret Nuit et Brouillard par le Haut Commandement allemand, qui exigeait la détention secrète des membres présumés de la résistance capturés dans les territoires occupés[47].
Cela dit, le crime est couramment associé à des exactions commises par des régimes autoritaires ou lors de conflits armés internes, souvent en application des politiques de contre-insurrection et de la doctrine de sécurité nationale qui ont caractérisé l’Amérique latine pendant les années les plus sombres de la guerre froide[48]. En effet, l’utilisation massive de cette pratique pour réprimer les opposants politiques a été bien documentée dans les guerres civiles guatémaltèques et plus tard salvadoriennes. Des cas similaires ont été signalés au cours des années qui ont suivi le coup d’État au Chili et en Argentine, ainsi que sous les régimes répressifs au Brésil, au Paraguay, en Uruguay, y compris dans le cadre d’un plan d’oppression régional plus large appelé l’Opération Condor[49].
En réponse, les victimes et leurs proches latino-américains, les organisations de la société civile, les organisations multilatérales, et plus tard les États, ont été très actifs localement et internationalement pour lutter contre ce phénomène. En effet, à la fin des années soixante-dix, les courageuses initiatives de plaidoyers menés par la Fédération latino-américaine des associations de proches de détenus-disparus (FEDAFEM) et les Grands-mères de la plaza de Mayo, par exemple, ont mené la Commission interaméricaine des droits de l’homme à aborder la question lors de missions, dans des rapports portant sur divers pays et dans le cadre d’affaires individuelles[50]. Elles ont également réussi à pousser les Nations Unies à créer le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires en 1980[51].
De même, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a adopté, en 1988, sa célèbre affaire Velásquez Rodríguez c Honduras[52], abordant de manière approfondie le concept juridique des disparitions forcées interdit par le droit international. En outre, les États membres de l’Organisation des États américains ont adopté, en 1994, la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes[53], le premier instrument contraignant en la matière, qui a évidemment beaucoup influencé l’élaboration de la Convention onusienne adoptée plus tard en 2006[54].
S’il est vrai que de nombreuses disparitions historiques emblématiques se sont produites en Amérique latine entre les années soixante et le milieu des années quatre-vingts, il convient de rappeler que la pratique a été largement utilisée dans d’autres régions et contextes. En effet, ce crime a été largement employé comme outil de répression contre des opposants politiques présumés en Union soviétique[55]. De même, dans le contexte colonial, l’Organisation de l’armée secrète, une unité spéciale des forces militaires françaises, a fait disparaître de force de nombreux militants anticoloniaux pendant la guerre d’indépendance algérienne[56].
Plus récemment, dans son rapport annuel 2021, le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires a indiqué que, depuis sa création en 1980, il a transmis un total de 59 212 cas à cent dix États différents[57]. S’il faut être très prudent avec ces chiffres, car ils ne représentent évidemment qu’une très petite partie du nombre réel de cas, on peut observer que des disparitions ont été officiellement documentées dans environ 57 % des États membres de l’ONU et que seules 23 % du nombre total d’affaires signalées par le Groupe de travail seraient imputables aux États d’Amérique latine[58].
En effet, les gouvernements ont utilisé les disparitions forcées pour réprimer l’opposition politique dans une multitude de contextes. Des cas emblématiques ont été documentés lors des « années de plomb » au Maroc des années soixante-dix et du début des années quatre-vingts[59], ainsi qu’au cours du tristement célèbre massacre des prisons de 1988 en Iran[60], par exemple. De même, un nombre important de disparitions ont eu lieu lors de conflits armés, notamment pendant la guerre à Chypre[61], la guerre en Iran-Irak[62] et la guerre en Ex-Yougolsavie[63], par exemple.
Lors de conflits armés non internationaux, un nombre important de cas ont également été documentés, comme dans la guerre civile libanaise[64] ou la guerre civile tchétchène[65]. Enfin, la pratique des disparitions forcées s’est répandue dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans le monde entier, et ce, bien avant le 11 septembre, comme en témoignent les cas largement rapportés lors des violences de masse perpétrées contre des terroristes communistes présumés en Indonésie et aux Philippines pendant la guerre froide[66] ou pendant la « décennie noire » de l’Algérie[67].
Comme l’a récemment indiqué le Groupe de travail des Nations Unies, « les disparitions forcées ne sont pas un crime du passé mais continuent d’être utilisées à travers le monde »[68] .
En effet, alors que le phénomène est encore très présent dans certaines régions d’Amérique latine, comme au Mexique, en Colombie ou au Salvador, par exemple, le crime est actuellement dénoncé quotidiennement dans toutes les régions du globe dans des contextes différents. En outre, les disparitions forcées contemporaines ont de nombreux visages. Au cours de son mandat de membre du Groupe de travail, l’auteur a été confronté à ce type de violation des droits de la personne dans différents contextes, notamment en tant que stratégie d’oppression politique, dans le cadre de conflits armés, dans le cadre de mesures antiterroristes - y compris lors de transferts transnationaux, ou dans le contexte des migrations.
IV. Les disparitions forcées comme outil de répression des opposants
En effet, les disparitions forcées font toujours partie des principaux outils de certains gouvernements pour faire taire l’opposition politique aujourd’hui. L’objectif principal du crime consistant à dissuader un grand nombre d’opposants, comme cela était expressément prévu dans le Décret nuit et brouillard du Haut Commandement nazi, est toujours présent dans les stratégies répressives contemporaines. Dans certaines circonstances, les disparitions forcées récentes ont été commises dans le cadre d’une attaque massive et systématique contre la population civile et pourraient très bien constituer des crimes contre l’humanité[69].
Par exemple, le WGEID a exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation face au nombre de disparitions forcées qui auraient été commises contre des opposants présumés en République populaire démocratique de Corée. À cet égard, il a demandé au Conseil de sécurité d’envisager de renvoyer la situation de la Corée du Nord à la Cour pénale internationale en raison de l’ampleur des disparitions forcées dans le pays, comme l’ont également souligné les travaux de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée qui a révélé la nature des crimes contre l’humanité des disparitions forcées qui ont été commis et se poursuivent dans le pays[70].
Le WGEID est parvenu à des conclusions similaires concernant les violations généralisées et systématiques des droits de la personne, y compris les disparitions forcées, commises en Érythrée au cours des vingt-cinq dernières années. Encore une fois, il a approuvé l’appel lancé par la Commission d’enquête des Nations Unies sur les droits de l’homme en Érythrée pour que le Conseil de sécurité envisage de renvoyer la situation en Érythrée à la Cour pénale internationale[71].
Des préoccupations analogues ont été formulées par le WGEID concernant la situation au Soudan et les allégations d’augmentation du nombre de disparitions forcées de manifestants, de militants et membres de l’opposition commises dans le contexte des manifestations à grande échelle dans le pays[72].
Ce fut également le cas du nombre important de disparitions forcées commises lors des manifestations et troubles survenus lors des violences politiques qui ont eu lieu au Burundi entre 2015 et 2018, comme l’ont dénoncé le WGEID[73] et la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi[74], qui a conduit le procureur de la Cour pénale internationale à ouvrir une enquête sur la situation au Burundi, notamment sur les présumés crimes contre l’humanité de disparitions forcées[75].
De même, au Myanmar, le WGEID a réitéré sa préoccupation concernant les informations fiables faisant état de violations graves et systématiques des droits de la personne dans l’État de Rakhine, y compris des disparitions forcées, visant en particulier la minorité Rohingya[76]. Des conclusions similaires ont été formulées par la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar[77] qui, avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar et le WGEID, ont recommandé au Conseil de sécurité de déférer la situation au Myanmar à la Cour pénale internationale ou, à défaut, de créer un tribunal pénal international ad hoc[78].
En outre, le Groupe de travail a également dénoncé un nombre important de disparitions forcées commises dans le cadre de la répression politique dans certains pays, sans les qualifier de crimes contre l’humanité. Par exemple, il a documenté des disparitions forcées commises au Pakistan par des Rangers, des Frontier Corps et d’autres forces de sécurité ciblant des groupes d’opposition politique ou des minorités dans la région du Balouchistan, du Sind ou des régions pachtounes du Pakistan[79].
Des méthodes comparables de répression contre les groupes d’opposition politique ont également été signalées au Groupe de travail concernant l’utilisation fréquente de la disparition forcée au Bangladesh par le Rapid Action Batallion, par l’armée ou des groupes paramilitaires pour détenir et même exécuter des individus de manière extrajudiciaire[80].
V. Les disparitions forcées dans le contexte des conflits armés
De nombreuses disparitions contemporaines surviennent dans des contextes de conflits armés. Du moins, c’est le cas de la grande majorité des pays pour lesquels un nombre important de dossiers ont été traités par le WGEID[81] comme l’Algérie, l’Argentine, le Salvador, le Guatemala, l’Irak, le Pérou, le Sri Lanka, la Colombie et le Pakistan.
En effet, depuis 1980, le Groupe de travail s’occupe des disparitions forcées survenant dans les conflits armés non internationaux[82]. Ce faisant, elle n’a traditionnellement considéré que les allégations de disparitions commises par les forces étatiques, conformément à la définition du crime, et non les disparitions attribuées aux forces rebelles[83]. Ce n’est toutefois que depuis 2011 que le WGEID s’occupe des disparitions forcées survenues dans les conflits armés internationaux[84].
Alors qu’il a ensuite traité des disparitions dans une série de conflits, y compris ceux qui ont eu lieu dans l’ex-Yougoslavie[85] et en Tchétchénie[86], ainsi que pendant et après la dernière guerre en Irak[87], il a traité plus récemment de telles allégations dans le cadre des conflits au Sri Lanka, en Turquie, en Ukraine, en Libye, en Syrie et au Yémen.
En effet, après sa visite à Sri Lanka en 2015, le Groupe de travail s’est penché sur les disparitions forcées qui se sont produites pendant le conflit armé interne opposant les forces armées sri-lankaises et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE)[88]. Le WGEID a documenté un nombre important de disparitions survenues pendant ou après la reddition du LTTE en mai 2009. Il a également fait référence à des centres de détention clandestins et à des fosses communes dans des établissements militaires dans le nord-est du pays[89].
De même, dans son rapport relatif à sa visite de 2016 en Turquie, le Groupe de travail a également traité des disparitions dans différents contextes de conflits armés. Il s’est d’abord attaqué aux opérations militaires qui avaient été menées dans le sud-est du pays, opposant l’armée turque et les membres armés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Il s’est référé, en particulier, à la prétendue disposition des corps lors des opérations de sécurité à Diyarbakir et à la façon dont cela empêche les familles d’identifier les disparus[90].
Il a également examiné la question des refoulements des migrants entrant à la frontière turco-syrienne et fuyant la guerre en Syrie[91]. Le WGEID a également saisi cette occasion pour indiquer comment la Turquie devrait remplir ses obligations concernant la recherche et l’identification des personnes disparues du conflit chypriote de 1974[92].
Après sa visite en Ukraine en 2018, le Groupe de travail a dénoncé l’existence de centres de détention clandestins ainsi que des cas de disparition forcée de diverses durées par des agences militaires et des forces de sécurité des deux côtés du conflit dans la région du Donbass. Il a également abordé les obstacles rencontrés par les familles et les victimes pour obtenir des informations et établir la vérité en raison du conflit, de la division du territoire et de l’accès difficile aux archives militaires. Le WGEID a adressé une série de recommandations aux autorités ukrainiennes, mais aussi à celles de la Fédération de Russie et des « République populaire de Donetsk » et « République populaire de Lougansk » autoproclamées, réitérant l’obligation des États d’enquêter et de poursuivre les cas de disparition forcée, par le biais de la justice civile, en tenant compte de la doctrine de la responsabilité du commandement, de l’inapplicabilité de la défense des ordres supérieurs et de l’interdiction des lois d’amnistie pour de tels crimes[93].
Outre ces rapports de visite, le Groupe de travail a également réitéré ses dénonciations des disparitions survenues en Libye par les forces militaires des deux côtés du conflit[94]. En 2019, après une attaque contre un centre de détention à Tripoli, il a exhorté la Libye à
rechercher et localiser les migrants disparus, en usant de tous les moyens dont il dispose, notamment des moyens d’investigations scientifiques, et à intégrer dans une base de données centralisée les informations ante-mortem pour permettre aux familles des victimes de savoir ce qu’il est advenu de leurs proches[95].
Au Moyen-Orient, le WGEID a dénoncé les abus commis dans le cadre du conflit syrien[96], faisant notamment référence à des dizaines de milliers de disparitions signalées comme correspondant à des schémas spécifiques de capture par les autorités de l’État et des milices, de même qu’au recours à des installations de détention clandestines suivies d’exécutions massives[97]. Le Groupe de travail a également exhorté le Conseil de sécurité à envisager de renvoyer la situation en Syrie à la Cour pénale internationale[98].
Concernant le conflit au Yémen, le WGEID a également dénoncé les disparitions forcées qui auraient été commises par des agents du gouvernement du Yémen, les autorités de facto, ainsi que par des agents des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite[99].
VI. Disparitions forcées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, y compris lors de transferts transnationaux
De nos jours, les disparitions forcées se produisent de plus en plus dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre ou de sécurité, en particulier celles liées à la lutte contre le terrorisme aux quatre coins du globe[100]. À ce sujet, la Convention internationale prévoit qu’« [a]ucune circonstance quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse d’une menace de guerre, d’un état de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier des disparitions forcées »[101].
Il convient de rappeler que l’étude conjointe de 2010 sur les pratiques mondiales en matière de détention secrète dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, réalisée par le WGEID, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et le Groupe de travail sur la détention arbitraire, a examiné cette réalité de manière très détaillée[102]. Plus récemment, le Groupe de travail a appelé de nombreux pays à mettre un terme à l’utilisation abusive de la lutte contre le terrorisme, y compris la persécution des militants de la société civile, des avocats, des journalistes et des défenseurs des droits de la personne, qui conduit souvent à leur disparition forcée.
Un cas emblématique est la disparition forcée par l’État du Pakistan du principal défenseur des droits de la personne et militant de la société civile Idris Khattak qui a été enlevé par des agents de sécurité en novembre 2019 et a été soumis à sept mois de disparition forcée. En juin 2020, les autorités ont reconnu qu’il était détenu, sans révéler son lieu de détention, et il est détenu au secret depuis lors. En décembre 2021, il a été condamné à quatorze ans d’emprisonnement à la suite d’un procès apparemment inéquitable devant un tribunal militaire au Pakistan. Le WGEID a indiqué que
la détention et la condamnation de Khattak s’inscrivent dans un schéma alarmant de réduction au silence des défenseurs des droits humains et des dirigeants de la société civile par l’abus systématique de la législation antiterroriste et de sécurité, l’intimidation, la détention secrète, la torture et la disparition forcée [notre traduction][103].
De même, le Groupe de travail a dénoncé les dispositions de la loi antiterroriste égyptienne comme allant au-delà de la portée nécessaire pour lutter contre le terrorisme et comme limitant l’espace civique et l’exercice des libertés fondamentales en Égypte. Le WGEID s’est dit préoccupé par la loi et les tribunaux de circuit du terrorisme, estimant que l’utilisation systématique de définitions du terrorisme trop larges et vagues qui ciblent les défenseurs est préjudiciable aux droits humains et ne respecte pas le droit international des droits de la personne, le droit international humanitaire et le droit des réfugiés[104].
Plus récemment, il a appelé à un moratoire immédiat sur l’application de la loi sri-lankaise sur la prévention du terrorisme (PTA), exhortant le gouvernement à revoir et à réviser la législation pour se conformer au droit international des droits de la personne, car cette loi est utilisée depuis des décennies pour permettre des actes arbitraires prolongés, des disparitions forcées, et la détention de suspects pendant des décennies sans inculpation[105].
En outre, dans son rapport annuel de 2021, le Groupe de travail a recommandé aux États de « [c]esser de justifier les disparitions forcées par la nécessité de protéger la sécurité nationale, de lutter contre le terrorisme et de s’attaquer à l’extrémisme »[106]. Il a ensuite traité de manière approfondie de la question des disparitions forcées dans le contexte des transferts transnationaux[107], dans une section spécifique de son rapport annuel. Ainsi, il a documenté de nombreux cas d’enlèvements extraterritoriaux et de retours forcés, y compris des expulsions, souvent entrepris dans des opérations d’infiltration en coopération entre deux ou plusieurs États, sous prétexte de lutter contre le terrorisme et de protéger la sécurité nationale.
Le WGEID a fait référence à une série de cas qui auraient impliqué de nombreux pays. Les cas les plus emblématiques ont concerné la capture d’individus soupçonnés d’appartenir au mouvement Hizmet/Gülen par les autorités turques, capturés depuis l’Afghanistan[108], l’Albanie[109], l’Azerbaïdjan[110], le Cambodge[111], le Gabon[112], le Kazakhstan[113], le Kenya[114], le Liban[115], la Malaisie[116], le Pakistan[117], le Panama[118] et l’Ouzbékistan[119], ainsi que du Kosovo[120], et envoyés en Turquie[121] pour faire face à des accusations liées au terrorisme. De même, d’autres cas ont été dénoncés en lien avec la capture de ressortissants chinois d’origine ouïghoure en Égypte[122], au Myanmar[123] et aux Émirats arabes unis[124] qui ont été envoyés en Chine où ils auraient été envoyés dans de prétendus camps de rééducation[125].
Selon l’étude, les États ont signé des accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité, faisant souvent référence à des justifications larges et vagues liées à la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale. Dans de nombreux cas, les transferts semblent avoir eu lieu peu de temps après l’entrée en vigueur de ces accords de coopération. Conformément à cette étude, des listes d’individus sont diffusées et des opérations de surveillance sont menées, suivies de perquisitions domiciliaires souvent menées lors d’opérations clandestines.
Des personnes sont capturées sans mandat ni explication, transportées dans des véhicules banalisés et détenues pendant des périodes variables dans des centres de détention clandestins, sans contact avec des proches ou des représentants juridiques, et sont souvent confrontées à des interrogatoires et à la torture pour leur extorquer des aveux. Ils sont ensuite transférés vers un autre pays, souvent leur pays d’origine, en marge des procédures d’expulsion régulières[126] ou dans le cadre d’opérations extraterritoriales secrètes, y compris lors des fameuses « extraodinary renditions ».
Les services de renseignement civils ou militaires disposeraient d’aéronefs banalisés ou auraient recours à des vols commerciaux pour ces opérations. De nombreuses personnes enlevées auraient été inculpées à leur arrivée dans l’État hôte et placées en détention provisoire conformément à la législation antiterroriste et aux décrets d’urgence. Certains sont maintenus en détention secrète, y compris sous surveillance résidentielle[127].
Enfin, il convient de rappeler que certaines disparitions forcées peuvent être de nature transnationale, même en l’absence de consentement de l’État hôte ou de transfert transnational de la victime à proprement parler, comme ce fut le cas de la disparition tristement célèbre du journaliste Jamal Khashoggi, mené par l’Arabie saoudite au consulat saoudien à Istanbul[128].
VII. Disparitions forcées dans le contexte de la migration
Ces dernières années, de plus en plus de disparitions ont été documentées par la société civile dans le cadre de la « crise migratoire »[129]. Cela inclut, par exemple, le cas célèbre des migrants disparus à San Fernando, Tamaulipas, Mexique, en 2011[130] ou de ceux qui ont disparu en Méditerranée alors qu’ils tentaient de passer de la Tunisie à l’Italie[131] ou de la Turquie à la Grèce[132].
En 2017, le WGEID a achevé son rapport thématique sur les disparitions forcées dans le contexte des migrations[133], après avoir lancé un appel à contributions et tenu des consultations avec des experts en la matière. Il a d’abord examiné comment les disparitions forcées peuvent être une cause de migration, par exemple lorsque des individus migrent pour échapper à des menaces de disparition forcée, soit en tant que proches de victimes qui ont déjà disparu, soit en tant que personnes harcelées en raison de leurs initiatives pour rechercher la vérité et la justice dans de tels contextes[134]. De même, les proches des migrants disparus peuvent également migrer vers le pays de transit ou de destination où la disparition se serait produite, afin d’y chercher plus directement la vérité et la justice, car le faire depuis leur pays d’origine peut être plus difficile, voire impossible[135].
Le rapport a abordé principalement le phénomène des disparitions forcées à la suite de l’enlèvement de migrants pour des raisons politiques ou autres, lorsque les victimes sont capturées par des agents de l’État d’origine sur le territoire de l’État de transit ou de destination, avec l’autorisation ou la complicité de ces derniers, ou lorsqu’ils sont capturés par des agents de l’État de transit ou de destination puis transférés aux autorités de l’État d’origine des victimes[136].
Ces opérations peuvent impliquer l’échange de renseignements entre les États concernés afin que les migrants « politiques » puissent être localisés sur le territoire de l’État d’accueil[137]. Ce type de situation concerne, par exemple, les ressortissants disparus de la République populaire démocratique de Corée qui avaient traversé la frontière chinoise, auraient été capturés par des autorités chinoises et rapatriés[138], dans certains cas où les deux États auraient échangé des informations à ce sujet[139].
Le WGEID a également indiqué que les migrants peuvent disparaître pendant la détention ou l’expulsion, en grande partie à cause du manque de transparence, du fait que les migrants sont souvent détenus dans des centres de détention non officiels avec peu ou pas de systèmes d’enregistrement, l’accès très limité des migrants au système de justice et de l’absence d’un mécanisme de surveillance indépendant pour ces détentions[140], comme cela a été documenté, par exemple, dans les centres de détention exploités conjointement par des agents étatiques et des acteurs non étatiques en Libye[141].
Il a également fait référence aux expulsions arbitraires de migrants qui sont renvoyés ou éloignés soit en dehors des procédures légales, soit conformément à des procédures judiciaires non conformes au droit international, en particulier au principe de non-refoulement ou à l’interdiction des expulsions collectives. De même, la pratique des refoulements peut mener à des disparitions forcées et contrevient à l’article 11 de la Déclaration de 1992[142] qui prévoit que « [t]oute personne privée de liberté doit être libérée dans des conditions qui permettent de vérifier avec certitude qu’elle a été effectivement relâchée et, en outre, qu’elle l’a été de telle manière que son intégrité physique et sa faculté d’exercer pleinement ses droits sont assurés »[143]. Rappelons par exemple que, dans son rapport sur sa visite en Turquie, le WGEID avait évoqué un nombre important de retours massifs de réfugiés syriens depuis la Turquie et le recours à la violence par les gardes-frontières pour empêcher les ressortissants syriens d’entrer en Turquie[144].
Les disparitions forcées de migrants peuvent également se produire aux mains d’agents de l’État qui agissent en tant que passeurs ou trafiquants, organisent la traite ou le trafic de migrants, facilitent la migration sans papiers, permettent des séjours, etc. Les acteurs étatiques peuvent également engager la responsabilité de l’État, par exemple lorsque le trafic ou la traite sont étroitement liés à la corruption ou à la collusion d’agents de l’État, ou se produisent avec leur autorisation, leur soutien ou leur acquiescement implicite ou explicite[145].
Les facteurs qui contribuent aux disparitions forcées de migrants seraient notamment le fait que les migrations se produisent souvent dans des contextes de conflits armés et de violence, le fait que les migrants sont souvent exposés à des défis socio-économiques plus importants, sont confrontés à la discrimination et à l’impunité, et font souvent l’objet de politiques migratoires et antiterroristes dures de l’État. En outre, très peu de données statistiques traitent des disparitions forcées de migrants, ce qui contribue à leur invisibilité[146].
VIII. Adapter les disparitions forcées aux nouvelles réalités ?
Dans son rapport annuel 2019, le Groupe de travail a indiqué que
[d]epuis plusieurs années, [il] reçoit des informations sur l’augmentation des cas d’enlèvements commis par des acteurs non étatiques, qui peuvent s’apparenter à des actes de disparition forcée. Compte tenu de son mandat humanitaire et du fait que les victimes de ces actes ne disposent d’aucun recours pour remédier à leur sort, le Groupe de travail a décidé de documenter les cas de disparitions forcées qui auraient été perpétrées par des acteurs non étatiques qui exercent un contrôle effectif et /ou des fonctions de type gouvernemental sur un territoire[147].
Cette nouvelle position, sur une question très délicate et controversée[148], est le résultat de longues consultations et discussions que le WGEID a tenues ces dernières années[149].
Alors que le Groupe de travail voulait aborder d’une manière ou d’une autre la question des disparitions commises par des acteurs non étatiques, il n’était manifestement pas prêt à modifier la définition juridique de cette forme très spécifique de violation des droits de la personne. Néanmoins, cette position médiane apparaît comme une bonne approche d’une réalité bien présente. Cette évolution peut en effet contribuer au mandat humanitaire du WGEID consistant à aider les proches à obtenir des informations sur le sort ou le lieu où se trouvent ceux-ci.
Cette pratique permettra également de conserver une trace officielle de ces cas de disparition, dans les registres des Nations Unies. Enfin, dans la mesure où les acteurs non étatiques deviennent, parfois plus tard, des agents de l’État, dans des contextes de transition (pensons au Népal, par exemple), cette nouvelle pratique aidera l’État dans son obligation de fournir aux proches les informations que d’anciens acteurs non étatiques devenus agents de l’État peuvent avoir quant à ces crimes.
Ce nouveau développement est récent et la pratique du WGEID est encore en plein essor : jusqu’à présent, le WGEID a documenté trente-six cas de ce type concernant l’armée nationale libyenne, la « République populaire de Donetsk » autoproclamée, les autorités de facto de Sana'a - Yémen et le Hamas[150]. Ce faisant, le Groupe de travail a rappelé qu’il agissait « conformément à son mandat humanitaire afin de combler une lacune de plus en plus importante dans la protection des personnes disparues et des membres de leur famille qui n’ont accès à aucune information sur le sort de leur proche et sur le lieu où il ou elle se trouve »[151].
En mettant en oeuvre cette pratique, le Groupe de travail souligne que les cas transmis aux acteurs non étatiques n’impliquent en aucune manière « l’expression d’une quelconque opinion concernant le statut juridique d’un territoire, ville ou région, ou de ses autorités »[152]. Il sera intéressant de voir comment le Groupe de travail abordera sur cette question à l’avenir et, éventuellement, reflétera cette nouvelle pratique dans ses Méthodes de travail[153].
***
Bien que cette contribution ait tenté de démontrer que les disparitions forcées contemporaines se produisent dans le monde entier et dans divers contextes, notamment en tant que stratégie d’oppression politique, dans le contexte de conflits armés, dans le cadre de mesures antiterroristes ou lors de transferts transnationaux, ou dans un contexte migratoire, il faut bien sûr rappeler que des crimes similaires ont eu lieu dans l’Amérique latine des années soixante-dix et quatre-vingts[154].
En effet, des disparitions massives se sont produites pendant le conflit armé au Salvador et au Guatemala[155], par exemple. De même, les disparitions forcées survenues à la suite de la tristement célèbre Opération Condor[156] étaient également des cas de disparitions s’inscrivant dans une stratégie d’oppression politique sous prétexte de lutter contre le terrorisme, impliquant des transferts transnationaux dans le cadre de la migration des personnes enlevées[157].
Comme il l’avait fait en 2011 lorsqu’il avait décidé de modifier sa pratique traitant des cas de disparitions forcées survenant dans des conflits armés internationaux, le WGEID s’est à nouveau adapté aux réalités actuelles et a décidé, dans le cadre de son mandat humanitaire, de commencer à documenter les cas d’enlèvements commis par des acteurs non étatiques, qui peuvent s’apparenter à des actes de disparition forcée.
À mesure que le temps passe et que les disparitions forcées persistent au-delà des frontières, l’impunité perdure et les souffrances des proches aussi.
Aujourd’hui, l’interdiction de ce crime odieux est considérée comme une norme de jus cogens et les États ont une obligation erga omnes de le prévenir et de le sanctionner[158]. Cette obligation ne connaît aucune limite spatio-temporelle[159]. La communauté internationale doit continuer à soutenir les victimes de disparitions forcées, y compris les proches des personnes enlevées, qui, par leurs efforts courageux, sont sans relâche aux premières lignes d’un combat crucial pour la dignité humaine.
Parties annexes
Notes
-
[1]
Annex to the Report of the Special Rapporteur on extrajudicial, summary or arbitrary executions: Investigation into the unlawful death of Mr. Jamal Khashoggi, Doc off AG NU, 41e sess, Doc NU A/HRC/41/CRP.1 (2019) [Annex to the Report].
-
[2]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 42e sess, Doc NU A/HRC/42/40 (2019) aux para 45, 56 [Rapport 2019].
-
[3]
Annex to the Report, supra note 1.
-
[4]
Rapport de la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires : Enquête sur les homicides volontaires de défenseurs des droits de l’homme, de journalistes et de dissidents en vue par un État, établissement des responsabilité et prévention, Doc off AG NU, 41e sess, Doc NU A/HRC/41/36 (2019) au para 7.
-
[5]
Ariel E Dulitzky, « The Latin-American Flavor of Enforced Disappearances » (2018) 19:2 Chicago J Intl L 423.
-
[6]
Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, 20 décembre 2006, 2716 RTNU 3 art 2 (entrée en vigueur : 23 décembre 2010) [Convention internationale]; Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, Rés AG 47/133, Doc off AG NU, 47e sess, supp n° 49, Doc NU A/RES/47/133 (1992) au préambule [Déclaration de 1992].
-
[7]
Déclaration de 1992, supra note 6.
-
[8]
Convention internationale, supra note 6.
-
[9]
Olivier de Frouville, « Criminaliser ou banaliser les disparitions forcées ? La question des “acteurs non étatiques” » dans Olivier de Frouville et Pavel Sturma, dir, Vers la pénalisation du droit international des droits de l’homme, Paris, Pedone, 2022, 147.
-
[10]
Convention internationale, supra note 6, art 1(2).
-
[11]
Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck, Droit international humanitaire coutumier, vol 1, Bruxelles, Bruylant, 2006 à la règle 98.
-
[12]
Affaire Gelman (Uruguay) (2011), Inter-Am Ct HR (Sér C) n° 221 [Gelman].
-
[13]
Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, 2187 RTNU 3 art 7(1)(i) (entrée en vigueur : 1er juillet 2002) [Statut de Rome]; Le procureur c Zoran Kupreškić et al, IT-95-16-T, Jugement (14 janvier 2000) (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambre de première instance).
-
[14]
Déclaration universelle des droits de l’homme, Rés AG 217A (III), Doc off AG NU, 3e sess, supp n° 13, Doc NU A/810 (1948) 71; OÉA, Conférence internationale américaine, 9e sess, Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, Doc off OEA/Ser.L/V/II.23, doc. 21, rev. 6 (1948) ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, 999 RTNU 171 (entrée en vigueur : 23 mars 1976); Convention américaine relative aux droits de l’homme, 22 novembre 1969, 1144 RTNU 123 (entrée en vigueur : 27 août 1979).
-
[15]
Enforced Disappearances, HCDH, no 6, Rev.4 (2023) à la p 12.
-
[16]
Commission des droits de l'homme, Question of missing and disappeared persons, Rés CDH 20 (XXXVI), Doc off CDH NU, 36e sess, supp no3, Doc NU E/CN.4/RES/20(XXXVI) (1980).
-
[17]
Federico Andreu-Guzmán, « Le Groupe de travail sur les disparitions forcées des Nations Unies » (2002) 84:848 RICR 803.
-
[18]
Méthodes de travail révisées du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 2014, Doc NU A/HRC/WGEID/102/2 [Méthodes de travail 2014].
-
[19]
Enforced Disappearances, supra note 15 à la p 35.
-
[20]
Déclaration de 1992, supra note 6, arts 2(1), 6-7; Convention internationale, supra note 6.
-
[21]
Déclaration de 1992, supra note 6, art 2(2); Convention internationale, supra note 6.
-
[22]
Déclaration de 1992, supra note 6, art 4.
-
[23]
Ibid, art 4; Affaire Vásquez Durand et al (Équateur) (2017), Inter-Am Ct HR (Sér C) n° 332.
-
[24]
En particulier en ce qui a trait à la responsabilité des supérieurs et commandants. Voir Déclaration de 1992, supra note 6, arts 5-6.
-
[25]
Ibid, art 9.
-
[26]
Ibid, arts 10-11.
-
[27]
Ibid, art 12.
-
[28]
Ibid, art 13.
-
[29]
Affaire Molina Theissen (Guatemala) (2004), Inter-Am Ct HR (Sér C) n° 106.
-
[30]
Déclaration de 1992, supra note 6, art 13.
-
[31]
Ibid, art 14.
-
[32]
Ibid, art 18.
-
[33]
Ibid, art 17.
-
[34]
Ibid, art 8.
-
[35]
Ibid, art 20.
-
[36]
Ibid, art 19.
-
[37]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 22e sess, Doc NU A/HRC/22/45 (2013) au para 53.
-
[38]
Convention internationale, supra note 6, art 24(5).
-
[39]
Affaire Bámaca Velásquez (Guatemala) (2000), Inter-Am Ct HR (Sér C) n° 70 [Bámaca Velásquez].
-
[40]
Gelman, supra note 12.
-
[41]
Bámaca Velásquez, supra note 39.
-
[42]
Gelman, supra note 12.
-
[43]
Affaire communauté rurale de Santa Bárbara (Pérou) (2015), Inter-Am Ct HR (Sér C) n° 299 [Communauté Santa Bárbara].
-
[44]
Ibid.
-
[45]
Affaire La Cantuta (Pérou) (2006), Inter-Am Ct HR (Sér C) n° 162.
-
[46]
International Military Tribunal, « Proceedings » (1945–1946) Trial of the Major War Criminals before the International Military Tribunal ("Blue Series") vol 23, Library of Congress, en ligne : <loc.gov/collections/military-legal-resources/?fa=partof:trial+of+the+major+war+criminals+before+the+international+military+tribunal+%28%22blue+series%22%29>.
-
[47]
Brian Finucane, « Enforced Disappearance as a Crime under International Law : A Neglected Origin in the Laws of War » (2010) 35:1 Yale J Intl L 171; Bernard Duhaime et Rhiannon Painter, « Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (ICPPED) » dans Christina Binder et al, Elgar Encyclopedia of Human Rights, Cheltenham, Edward Elgar, 2022, 135.
-
[48]
James L Cavallaro et al, Doctrine, Practice, and Advocacy in the Inter-American Human Rights System, Oxford, Oxford University Press, 2019 au chapitre 5.
-
[49]
Ariel E Dulitzky, « The Latin-American Flavor of Enforced Disappearances » (2018) 19:2 Chicago J Intl L 423 aux pp 436 et s.
-
[50]
Voir par ex OÉA, Commission interaméricaine des droits de l’homme, Rapport sur la situation des droits de l’homme en Argentine, Doc off OEA/Ser.L/V/II.49.Doc.19.corr.1 (1980).
-
[51]
Question of missing and disappeared persons, supra note 16; Iain Guest, Behind the disappearances: Argentina's dirty war against human rights and the United Nations, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1990.
-
[52]
Affaire Velásquez Rodríguez (Honduras) (1988), Inter-Am Ct HR (Sér C) n° 4.
-
[53]
Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, 9 juin 1994, 60 OASTS (entrée en vigueur : 28 mars 1996).
-
[54]
Convention internationale, supra note 6.
-
[55]
Grażyna Baranowska, Wymuszone zaginięcia w Europie : Kształtowanie się międzynarodowych standardów zapobieganie i egzekwowania odpowiedzialności państw (Disparitions forcées en Europe : L’élaboration de normes internationales de prévention et d’application de la responsabilité de l’État), Varsovie, Wydawnictwo CH Beck, 2017; Dulitzky, supra note 49.
-
[56]
Sylvie Thénault, « Les disparus de la guerre d’Algérie » (2019) 466 Histoire 12; Malika Rahal et Fabrice Riceputi, « La mémoire de la disparition forcée durant la guerre d’indépendance algérienne » (2021) 15-16 Mémoires en jeu.
-
[57]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 48e sess, Doc NU A/HRC/48/57 (2021) à la p 1 [Rapport 2021].
-
[58]
Ibid aux pp 30 et s.
-
[59]
Fadoua Loudiy, Transitional justice and human rights in Morocco : negotiating the years of lead , Londres, Routledge, 2014.
-
[60]
Kaveh Shahrooz, « With Revoltionary Rage and Rancor : A Preliminary Report on the 1988 Massacre of Iran's Political Prisoners » (2007) 20 Harv Hum Rts J 227.
-
[61]
Nikolas Kyriakou, « Enforced Disappearances in Cyprus: Problems and Prospects of the Case Law of the European Court of Human Rights » (2011) 2 Eur HRL Rev 190.
-
[62]
Commission des droits de l’homme, Question des droits de l’homme de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, en particulier : Question des disparitions forcées ou involontaires — Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off CES NU, 39e sess, Doc NU C/CN.4/1983/14 (1983) aux para 118-20.
-
[63]
Commission des droits de l’homme, Question des droits de l’homme de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement : Question des disparitions forcées ou involontaires - Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off CES NU, 49e sess, Doc NU E/CN.4/1993/25 (1993) aux para 38-42.
-
[64]
Lyna Comaty, Transition post-conflit au Liban : les disparus de la guerre civile, Londres, Routledge, 2019.
-
[65]
Joseph Barrett, « Chechnya's Last Hope - Enforced Disappearances and the European Court of Human Rights » (2009) 22 Harv Hum Rts J 133.
-
[66]
Justus M van der Kroef, « Terrorism by Public Authority : the Cas of the Death Squads of Indonesia and the Philippines » (1987) 10:4 Current Research on Peace and Violence 143.
-
[67]
Jennifer Howell, « Investigating the enforced disappearances of Algeria's ‘Dark Decade’ : Omar D's and Kamel Khélif's commemorative art projects » (2016) 21:2 J études nord-africaines 213.
-
[68]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 27e sess, Doc NU A/HRC/27/49 (2014) au para 111 [Rapport 2014].
-
[69]
Statut de Rome, supra note 13, art 7.
-
[70]
Rapport 2014, supra note 68 au para 72.
-
[71]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 39e sess, Doc NU A/HRC/39/46 (2018) aux para 100-01.
-
[72]
Communications transmises, cas examinés, observations formulées et activités diverses menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 118e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/118/1 (2019) au para 102 [GTDFI, 118e sess].
-
[73]
Rapport 2019, supra note 2 au para 65.
-
[74]
Rapport de la Commission d’enquête sur le Burundi, Doc off AG NU, 39e sess, Doc NU A/HRC/39/63 (2018) aux para 35-36.
-
[75]
Décision relative à la demande d’autorisation d’ouvrir une enquête dans le cadre de la situation au Burundi rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome, ICC-01/17-X, Décision (version publique expurgée) (25 octobre 2017) (Cour pénale internationale).
-
[76]
Communications, cas examinés, observations formulées et activités menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 112e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/112/1 (2017); Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 36e sess, Doc NU A/HRC/36/39 (2017) au para 92 [Rapport 2017]; Rapport 2019, supra note 2 au para 76.
-
[77]
Rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar, Doc off AG NU, 39e sess, Doc NU A/HRC/39/64 (2018) aux para 2, 63, 88.
-
[78]
Ibid au para 105; Rapport 2019, supra note 2 au para 76.
-
[79]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires : Mission au Pakistan, Doc off AG NU, 22e sess, Doc NU A/HRC/22/45/Add.2 (2013) aux para 38-39; Communications, cas examinés, observations formulées et activités diverses menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 117e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/117/1 (2019) à l’annexe 1 aux para 9-12 [GTDFI, 117e sess]; Rapport 2019, supra note 2 au para 81.
-
[80]
Rapport 2019, supra note 2 au para 63.
-
[81]
Rapport 2019, supra note 2.
-
[82]
Commission des droits de l’homme, Question des droits de l’homme de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, en particulier : Question des personnes portées manquantes ou disparues - Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off CES NU, 37e sess, Doc NU E/CN.4/1435 (1981) aux para 84-101, 131-44.
-
[83]
Duhaime et Painter, supra note 47. Voir aussi la section 6, ci-dessous.
-
[84]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 19e sess, Doc NU A/HRC/19/58/rev.1 (2012) au para 4.
-
[85]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires : Mission en Bosnie-Herzégovine, Doc off AG NU, 16e sess, Doc NU A/HRC/16/48/Add.1 (2010) au para 1; Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires : Mission en Serbie, y compris au Kosovo, Doc off AG NU, 30e sess, Doc NU A/HRC/30/38/Add.1 (2015) au para 2; Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires : Mission au Monténégro, Doc off AG NU, 30e sess, Doc NU A/HRC/30/38 Add. 2 (2015) au para 6; Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires : Mission en Croatie, Doc off AG NU, 30e sess, Doc NU A/HRC/30/38/Add.3 (2015) au para 2.
-
[86]
Droits civils et politiques, notamment les questions suivantes : disparitions et exécutions sommaires : Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off CES NU, 61e sess, Doc NU E/CN.4/2005/65 (2004) au para 273; Communications, cas examinés, observations et autres activités menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 110e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/110/1 (2016) au para 109 [Communications GTDFI 2016]; Communications, cas examinés, observations formulées et activités diverses menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 111e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/111/1 (2017) au para 109; Communications, cas examinés, observations formulées et activités menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 112e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/112/1 (2017) au para 82 [GTDFI, 112e sess].
-
[87]
Communications GTDFI 2016, supra note 86 aux para 54-55; Communications, cas examinés, observations formulées et activités menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 113e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/113/1 (2017) aux para 135-36; Communications, cas examinés, observations formulées et activités diverses menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 116e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/116/1 (2018) au para 76.
-
[88]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires sur sa mission au Sri Lanka, Doc off AG NU, 33e sess, Doc NU A/HRC/33/51/Add.2 (2016).
-
[89]
Ibid aux para 4, 8, 17.
-
[90]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires sur sa mission en Turquie, Doc off AG NU, 33e sess, Doc NU A/HRC/33/51/Add.1 (2016) au para 12 [Rapport Turquie].
-
[91]
Ibid au para 55. Voir aussi Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires sur les disparitions forcées dans le contexte de la migration, Doc off AG NU, 36e sess, Doc NU A/HRC/36/39/Add.2 (2017) aux para 25, 32-33, 59 [Rapport migration].
-
[92]
Rapport Turquie, supra note 90 au para 79.
-
[93]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires : Visite en Ukraine, Doc off AG NU, 42e sess, Doc NU A/HRC/42/40/Add.2 (2019).
-
[94]
Rapport 2019, supra note 2 au para 75.
-
[95]
Ibid; Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 39e sess, Doc NU A/HRC/39/46 (2018) au para 109 [Rapport 2018].
-
[96]
Rapport 2019, supra note 2 aux para 84-86.
-
[97]
GTDFI, 117e sess, supra note 79 à la p 28.
-
[98]
Rapport 2019, supra note 2 au para 85; Rapport 2018, supra note 95 au para 132; Rapport 2014, supra note 70; Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 33e sess, Doc NU A/HRC/33/51 (2016) au para 103 [Rapport 2016].
-
[99]
Rapport 2019, supra note 2 au para 91; Rapport 2016, supra note 98 au para 109; Rapport 2017, supra note 76 au para 111; Rapport 2018, supra note 95 au para 139.
-
[100]
Rapport 2021, supra note 57 aux para 37-39, 43, 54; Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 45e sess, Doc NU A/HRC/45/13 (2020) au para 46 [Rapport 2020]; Rapport 2019, supra note 2 au para 56.
-
[101]
Convention internationale, supra note 3, art 1(2).
-
[102]
Étude conjointe sur les pratiques mondiales concernant le recours à la détention secrète dans le cadre de la lutte contre le terrorisme présentée par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Martin Scheinin; le Rapporteur spécial sur la torture et autres actes cruels, inhumains ou traitements ou peines dégradants, Manfred Nowak; le Groupe de travail sur la détention arbitraire représenté par sa Vice-Présidente, Shaheen Sardar Ali; et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires représenté par son Président, Jeremy Sarkin, Doc off AG NU, 13e sess, Doc NU A/HRC/13/42 (2010).
-
[103]
Organisation des Nations Unies, communiqué, « UN experts condemn conviction of Pakistan human rights defender and minority activist Idris Khattak » (15 décembre 2021), en ligne : HCDH <www.ohchr.org/en/press-releases/2021/12/un-experts-condemn-conviction-pakistan-human-rights-defender-and-minority>.
-
[104]
Organisation des Nations Unies, communiqué, « UN experts urge release of rights defenders in Egypt, condemn misuse of counter-terrorism measures » (1 décembre 2021), en ligne : HCDH <www.ohchr.org/en/press-releases/2021/12/un-experts-urge-release-rights-defenders-egypt-condemn-misuse-counter>.
-
[105]
Organisation des Nations Unies, communiqué, « Sri Lanka : UN experts call for swift suspension of Prevention of Terrorism Act and reform of counter-terrorism law » (2 mars 2022), en ligne : HCDH <www.ohchr.org/en/press-releases/2022/03/sri-lanka-un-experts-call-swift-suspension-prevention-terrorism-act-and>.
-
[106]
Rapport 2021, supra note 57 au para 60a).
-
[107]
Ibid aux para 38-60.
-
[108]
Groupe de travail sur la détention arbitraire et al, Procédure spéciale (Turquie), AL TUR 5/2020 (5 mai 2020) [Procédure spéciale Turquie]. Pour accéder aux communications des procédures spéciales des Nations Unies mentionnées ici, voir « Communication report and search » (dernière consultation le 10 septembre 2022), en ligne : OHCHR <spcommreports.ohchr.org/Tmsearch/TMDocuments>.
-
[109]
Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et al, Procédure spéciale (Albanie), AU ALB 1/2020 (20 mars 2020); Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et al, Procédure spéciale (Albanie), UA ALB 2/2020 (30 décembre 2020).
-
[110]
Groupe de travail sur la détention arbitraire et al, Procédure spéciale (Azerbaïdjan), AL AZE 1/2019 (18 mars 2019).
-
[111]
Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et al, Procédure spéciale (Cambodge), AL KHM 7/2020 (11 décembre 2020).
-
[112]
Groupe de travail sur la détention arbitraire et al, Procédure spéciale (Gabon), AL GAB 2/2018 (25 juin 2018).
-
[113]
Procédure spéciale Turquie, supra note 108.
-
[114]
Communications transmises, cas examinés, observations formulées et activités diverses menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 124e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/124/1 (2021) au para 59.
-
[115]
Procédure spéciale Turquie, supra note 108.
-
[116]
Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire, Doc off AG NU, 88e sess, Doc NU A/HRC/WGAD/2020/51 (2020)
-
[117]
Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire, Doc off AG NU, 81e sess, Doc NU A/HRC/WGAD/2018/11 (2018).
-
[118]
Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires et al, Procédure spéciale (Panama), UA PAN 2/2020 (10 novembre 2020).
-
[119]
Communications transmises, cas examinés, observations formulées et activités diverses menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 123e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/123/1 (2021) au para 163.
-
[120]
Groupe de travail sur la détention arbitraire et al, Procédure spéciale (Kosovo), AL KSV 1/2018 (18 mai 2018).
-
[121]
Procédure spéciale Turquie, supra note 108.
-
[122]
Groupe de travail sur la détention arbitraire et al, Procédure spéciale (Chine), UA CHN 7/2017 (19 juillet 2017).
-
[123]
Rapporteur spécial sur la liberté d’opinion et d’expression et al, Procédure spéciale (Chine), UA CHN 12/2015 (3 novembre 2015).
-
[124]
Communications, cas examinés, observations et autres activités menées par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 114e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/114/1 (2018) au para 155.
-
[125]
Parmi les autres cas signalés figurent des transferts du Cambodge, de la République démocratique populaire lao et du Viet Nam vers la Thaïlande, de la Thaïlande vers la République démocratique populaire lao, de la Malaisie vers l’Égypte, de l’Égypte vers le Yémen, du Liban vers la République arabe syrienne, de l’Ukraine vers l’Ouzbékistan, de la France et de l’Allemagne à la Fédération de Russie, de la République-Unie de Tanzanie au Burundi, du Kenya au Soudan du Sud, de l’Afghanistan et du Pakistan aux États-Unis d’Amérique puis aux Émirats arabes unis, du Sénégal via la Tunisie à la Libye, et de la République-Unie de Tanzanie via l’Afghanistan et Djibouti au Yémen : Rapport 2021, supra note 57.
-
[126]
Dans certaines circonstances, les autorités qui orchestrent les transferts ont révoqué la citoyenneté ou annulé le passeport d’individus ciblés dans le but de faciliter des arrestations rapides à l’étranger, ibid au para 48. Dans le rapport sur sa visite au Kirghizistan, par exemple, le Groupe de travail a déclaré avoir reçu des informations indiquant que de nombreux travailleurs migrants de la région autonome du Xinjiang en Chine avaient perdu leur permis de travail une fois leur passeport expiré, n’auraient pas été informés de leurs droits, y compris le droit de demander l’asile, ont été expulsés — souvent à la demande des autorités chinoises – et ont ensuite été victimes de disparition forcée : Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires : Visite au Kirghizistan, Doc off AG NU, 45e sess, Doc NU A/HRC/45/13/Add.2 (2020) au para 38.
-
[127]
Rapport 2021, supra note 57 aux para 41-49.
-
[128]
GTDFI, 117e sess, supra note 79 aux para 8, 109b), 110, 116, 118-19; GTDFI, 118e sess, supra note 72 au para 95; Rapport 2019, supra note 2 aux para 45, 56.
-
[129]
Bernard Duhaime et Andréanne Thibault, « La protection des migrants contre les disparitions forcées ou involontaires : une approche basée sur les droits humains » (2017) 99:905 RICR 79; Gabriella Citroni, « The first attempts in Mexico and Central America to address the phenomenon of missing and disappeared migrants » (2017) 99:905 RICR 735.
-
[130]
Fundación para la justicia y el estado democrático de derecho (FJED), Disappeared Migrants : The Permanent Torture, Mexico, Fundación para la justicia y el estado democrático de derecho, 2014 à la p 7, en ligne (pdf) : <www.fundacionjusticia.org/wp-content/uploads/2014/09/Disappeared-migrants.pdf>; OÉA, Commission interaméricaine des droits humains, Human Rights of Migrants and other Persons in the Context of Human Mobility in Mexico, Doc off OEA/Ser.L/V/II.Doc. 48/13 (2013) à la p 81.
-
[131]
GTDFI, 112e sess, supra note 86.
-
[132]
Amnesty International, Greece : Frontier of Hope and Fear – Migrants and Refugees Pushed Back at Europe's Border, Londres, Peter Benenson House, 2014; Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), Les droits fondamentaux : défis et réussites en 2014, Luxembourg, Office des publications de l’Union européenne, 2014 aux pp 93 et s.
-
[133]
Rapport migration, supra note 91.
-
[134]
Ibid aux para 8-10, 13.
-
[135]
Ibid aux para 11-12; FJED, supra note 130 à la p 8; OIM, Fatal Journeys : Tracking Lives Lost during Migration, Genève, International Organization for Migration, 2016 à la p 36.
-
[136]
Rapport migration, supra note 83 aux para 15 et s.
-
[137]
Rapport migration, supra note 91 au para 16.
-
[138]
Communications, cas examinés, observations faites et autres activités menées à la 107e session (14-18 septembre 2015) : Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 107e sess, Doc NU A/HRC/WGEID/107/1 (2015) au para 25.
-
[139]
Report of the detailed findings of the commission of inquiry on human rights in the Democratic People’s Republic of Korea, Doc off AG NU, 25e sess, Doc NU A/HRC/25/CRP.1 (2014) au para 446.
-
[140]
Rapport migration, supra note 91 au para 23; Association pour la prévention de la torture, International Detention Coalition et Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Monitoring Immigration Detention : Practical Manual, Genève, UNHCR, 2014 à la p 20.
-
[141]
Mission d’appui des Nations Unies en Libye et HCDH, « “Detained and Dehumanised” Report on Human Rights Abuses against Migrants in Libya » (13 décembre 2016) aux pp 1, 14 et s, en ligne (pdf) : HCDH <ohchr.org/sites/default/files/Documents/Countries/LY/DetainedAndDehumanised_en.pdf>.
-
[142]
Rapport migration, supra note 91 aux para 25-33.
-
[143]
Déclaration de 1992, supra note 6, art 11.
-
[144]
Rapport Turquie, supra note 90 au para 55.
-
[145]
Rapport migration, supra note 91 aux para 34-43.
-
[146]
Ibid aux para 46-56.
-
[147]
Rapport 2019, supra note 2 au para 94.
-
[148]
De Frouville, supra note 9.
-
[149]
Rapport 2016, supra note 98 au para 51.
-
[150]
Rapport 2020, supra note 100 au para 24; Rapport 2021, supra note 57 au para 23.
-
[151]
Rapport 2020, supra note 100 à la p 5, n 3.
-
[152]
Rapport 2020, supra note 100 à la note 3.
-
[153]
Méthodes de travail 2014, supra note 18.
-
[154]
Dulitzky, supra note 49 aux pp 436 et s.
-
[155]
Rapport 2021, supra note 57 aux pp 41-42.
-
[156]
Francesca Lessa, « Justice Beyond Borders: The Operation Condor Trial and Accountability for Transnational Crimes in South America » (2015) 9:3 Intl J Transitional Justice 494.
-
[157]
Duhaime et Thibault, supra note 129 aux pp 576-77.
-
[158]
Antonio Augusto Cançado Trindade, « Enforced Disappearances of Persons as a Violation of Jus Cogens: The Contribution of the Jurisprudence of the Inter-American Court of Human Rights » 81:4 Nordic J Intl L 507.
-
[159]
Rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Doc off AG NU, 16e sess, Doc NU A/HRC/16/48 (2011) au para 39.