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L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est une alliance militaire créée le 4 avril 1949 et regroupant aujourd’hui vingt-neuf États. Il s’agit de l’alliance la plus durable de l’histoire moderne, dont la crise est régulièrement diagnostiquée par les observateurs, mais néanmoins surmontée. Récemment, le président états-unien Donald Trump l’a qualifiée « d’obsolète », et le président français Emmanuel Macron la craint en état de « mort cérébrale ». De fait, les tensions suscitées par les agissements de la Turquie ou les dérives autoritaires de certains membres plaident contre elle. Force est toutefois de reconnaître que, depuis sa création, elle a fait preuve d’une grande plasticité, tant dans son fonctionnement que dans ses structures et modes de décision[1]. Elle a conduit des opérations militaires sur trois continents, a institutionnalisé des partenariats avec quelque vingt pays, et noué des relations avec d’importantes démocraties hors Europe : Australie, Nouvelle-Zélande, Japon ou Corée du Sud.

Il s’agit donc de revenir brièvement sur l’histoire de l’OTAN et une brève description de ses structures actuelles, avant de nous interroger sur ce qui constitue l’originalité de l’Organisation par rapport aux autres modèles historiques et contemporains d’alliances et d’étudier sa longévité exceptionnelle.

I. Une brève histoire de l’OTAN

L’évolution de l’alliance est marquée par la transformation du système stratégique international, et l’OTAN de 1949 a peu à voir avec celle de 2020. Il est donc important de retracer l’évolution de l’alliance afin d’observer cette interpénétration entre les logiques internationales et la forme institutionnelle prise par l’alliance[2].

A. Les origines

L’Alliance est généralement présentée comme le simple résultat d’un mécanisme d’équilibrage de la menace posée par l’Union soviétique (balancing). Cette vision du processus de création de l’OTAN oublie une dimension fondamentale liée au contexte historique. En premier lieu, contrairement aux alliances du 18e et 19e siècles, dans lesquelles les alliés craignaient au moins autant leurs adversaires qu’ils se craignaient mutuellement, l’OTAN trouve son origine dans l’habitude de coopération militaire entre Britanniques et Américains créée durant la Seconde Guerre mondiale. Cette coopération a été bien souvent difficile, mais elle a permis de créer des mécanismes qui se sont prolongés durant l’après-guerre, ce qu’illustre la coopération approfondie entre Washington et Londres sur les problèmes posés par la Grèce et la Turquie, l’occupation de Berlin et la réponse appropriée à apporter à Moscou. Dès l’origine, l’Alliance atlantique a été perçue comme une communauté de valeurs : un télégramme du Foreign Office rappelle ainsi que l’Alliance rassemble « des pays qui ont été nourris aux libertés civiles et aux droits humains fondamentaux »[3]. De ce point de vue, L’Alliance atlantique n’est pas une alliance traditionnelle, puisque ses membres se percevaient mutuellement de manière très différente des alliances pré-1939.

On a souvent avancé que la signature d’un traité d’alliance permanente par les États-Unis en 1949 représentait une rupture par rapport à leur isolationnisme. La rupture est réelle, mais elle date des années 1945-1946, la création de l’Alliance n’étant que l’aboutissement d’un processus pluriannuel d’engagement américain pour la sécurité de l’Europe. De 1945 à 1950, la menace d’une invasion soviétique immédiate n’était pas perçue par les États-Unis comme le principal danger pour la sécurité européenne : deux autres thèmes d’inquiétudes dominaient à Washington. En premier lieu, le poids de la guerre et la démoralisation causée par les difficultés vécues par les populations risquaient de plonger les économies européennes dans une période de stagnation durable. En deuxième lieu, la fatigue psychologique liée aux combats et à la reconstruction risquait de rendre les Européens si pessimistes sur leur futur qu’ils auraient succombé à des tentatives de prises du pouvoir par les partis communistes locaux, appuyés par la menace que faisait planer l’Armée rouge. La réponse au risque de stagnation économique fut le plan Marshall, mais il fallait également prendre en compte l’angoisse que faisait peser le communisme dans les pays européens, en particulier après le coup de Prague en 1948. A cette époque, les planificateurs américains pensaient que l’Armée rouge ne serait pas capable d’envahir l’Europe occidentale avant plusieurs années, et les budgets militaires diminuèrent continuellement entre 1945 et 1950. Mais Washington craignait avant tout un effondrement psychologique laissant le champ libre à un coup de force communiste, ce qui conduisit à la création de l’Alliance atlantique en 1949, rassemblant ainsi la France, le Royaume, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Danemark, l’Italie, l’Islande, la Norvège, le Portugal, le Canada et les États-Unis. À sa création, l’Alliance était donc un moyen pour les Américains de rassurer les Européens de l’Ouest, mais l’hypothèse était que les troupes américaines seraient retirées d’Europe sous peu : il s’agissait en fait de donner une aide ponctuelle à l’Europe occidentale en permettant de faire baisser la pression psychologique causée par l’importance du fait communiste, permettant ainsi à son économie de se relancer, l’objectif étant que les Européens se prennent eux-mêmes en main. L’intention initiale se retrouve dans les arrangements militaires de l’époque : tandis que les Américains souhaitaient rapatrier leurs troupes le plus rapidement possible, les Européens espéraient qu’elles se maintiennent plus longtemps afin de réduire leurs propres investissements de défense. Dans le même temps, les ÉtatsUnis souhaitaient maintenir leur monopole nucléaire afin de conserver un avantage technologique important, ce qui n’était pas forcément vu comme un problème pour les Européens, qui déléguaient ainsi à Washington la gestion des rapports stratégiques avec Moscou à l’ombre du parapluie nucléaire américain. Le concept militaire original était donc de créer, contrairement aux alliances du passé, une défense intégrée de la zone Nord-Atlantique, basée sur une division internationale du travail spécialisant les pays et résultant sur une force militaire équilibrée de l’Alliance prise comme un tout. Cette conception, qui permettait aux États-Unis de conserver le monopole des missions de bombardement stratégique et d’utilisation de l’arme nucléaire allait être à la source de nombreux désaccords au sein de l’OTAN sur le partage équitable du fardeau de la défense au cours des décennies suivantes[4]. Le « O » de l’OTAN n’existait alors pas : il n’y avait pas d’organisation militaire intégrée proprement dite, seulement un ensemble de comités de coordination dont le principal était le Conseil de l’Atlantique Nord (CAN). Washington ne souhaitant pas placer ses troupes sous commandement multinational et les capacités militaires européennes étant bien trop faibles pour justifier d’une intégration, la coordination militaire sans planification commune était suffisante. L’Alliance atlantique de 1949 est donc un compromis subtil. Le célèbre article V prévoit que

[l]es parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles, survenant en Europe ou en Amérique du Nord, sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence, elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique-Nord.

Il constituait donc une garantie politico-psychologique pour les Européens. La coopération militaire, qui prévoyait une spécialisation des forces, permettait aux Américains de maintenir leur suprématie nucléaire et d’entretenir l’espoir qu’ils pourraient très vite rapatrier leurs troupes, dès que les économies européennes seraient suffisamment puissantes. L’illusion fut entretenue pendant un an, jusqu’au déclenchement de la guerre de Corée.

L’invasion de la Corée du Sud par le Nord le 25 juin 1950 eut trois conséquences principales pour l’Alliance atlantique. Tout d’abord, elle conduisit les dirigeants occidentaux à penser que le risque de guerre en Europe était réel, et avait été sous-estimé jusque-là. Ensuite, les défaites militaires des forces de l’ONU durant les débuts de la guerre firent prendre conscience aux dirigeants que l’Europe serait probablement beaucoup plus difficile à défendre que ce qu’ils avaient prévu puisque les troupes américaines n’étaient pas suffisantes pour contenir l’avancée du Nord. Il fallait donc fortement améliorer la coordination des politiques alliées et la planification opérationnelle, ce qui conduisit à la création de la structure militaire intégrée et donc de l’OTAN, organisation désormais dotée d’un secrétariat international, d’un secrétaire-général et d’une série de commandements intégrés. Enfin, la perception accrue du risque de guerre conduisit à un réarmement auquel tous les alliés, sauf l’Islande (en l’absence de forces armées), participèrent. En décembre 1951, les forces de l’OTAN comprenaient quinze divisions d’active et vingt divisions de réserve. En décembre 1953, elles étaient montées à vingt-cinq divisions d’active, quarante à cinquante divisions de réserve, auxquelles il faut ajouter quatorze divisions turques et huit divisions grecques, ces deux pays ayant rejoint l’Alliance en 1952.

B. La guerre froide

La principale étape de l’évolution de l’OTAN fut l’intégration de la République fédérale d’Allemagne (RFA) en 1955, qui avait le double avantage de résoudre la « question allemande » en intégrant la RFA dans le communauté occidentale (apaisant ainsi les inquiétudes françaises après l’échec de la Communauté européenne de Défense) et de contribuer à la sécurité des Alliés; la RFA devenant à la fois le champ de bataille probable et un fournisseur important de troupes (en particulier de troupes mécanisées). Cette adhésion de la RFA à l’OTAN servit aussi de prétexte à l’Union des Républiques socialistes et soviétiques (URSS) pour créer le pacte de Varsovie, avalisant ainsi la division stratégique de l’Europe en deux blocs opposés. Les années 1950 furent une période de test pour l’OTAN, durant laquelle les habitudes de coopération politique se mirent en place. La crise de Suez illustra par exemple les conséquences néfastes de l’absence de coordination politique parmi les Alliés. La même année, le lancement par l’URSS du satellite Spoutnik conduisit les ministres des Affaires étrangères norvégiens, canadiens et italiens à rédiger un rapport appelant les Alliés à une plus grande coopération politique et technologique, qui aboutit à la création du programme scientifique de l’OTAN. La doctrine des « représailles massives » en vigueur à l’époque (réponse nucléaire à une invasion) permit aux États-membres de se concentrer sur le renforcement de leurs économies sans avoir à équiper de larges forces conventionnelles.

Dans les années 1960-70, l’OTAN acquit réellement sa dimension politique, en devenant un acteur de la détente entre les blocs, et ce, malgré les débuts difficiles de la décennie marquée par la crise des missiles de Cuba. La détente devait prendre plusieurs formes, que ce soit à travers l’Ostpolitik du Chancelier allemand Willy Brandt, ou la décision par l’administration Kennedy d’abandonner la doctrine des « représailles massives » en faveur de la « réponse flexible ». Pour l’OTAN, cette contribution prit la forme du rapport Harmel, du nom du ministre belge des Affaires étrangères qui le présenta au Conseil de l’Atlantique Nord en décembre 1967, et qui appelait l’OTAN à faciliter le dialogue avec les membres du Pacte de Varsovie. Ce rapport constitua la base sur laquelle fut convoquée la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe en 1973, qui aboutit à l’accord final d’Helsinki en 1975. Politiquement, la décennie fut marquée par le retrait de la France de la structure militaire intégrée, aboutissement d’une série de malentendus entre les Français et leurs partenaires Anglo-Saxons, retrait suivi par la mise en place d’accords de coopération militaire ad hoc garantissant et réglant la participation des armées françaises aux côtés des forces de l’OTAN en cas de conflit[5].

La fin de la détente, marquée par l’invasion soviétique de l’Afghanistan, le déploiement par Moscou de missiles SS-20 et l’élection de Ronald Reagan aux ÉtatsUnis marqua une période de tension entre alliés sur la réponse appropriée à apporter aux agissements soviétiques, en particulier l’opportunité de déployer des missiles Pershing-2 (déploiement effectif en 1983) dans un contexte politique explosif pour de nombreux États européens. L’arrivée au pouvoir de Mickhaïl Gorbatchev en Union soviétique en 1985 permit une retombée des tensions, et la crise des euromissiles fut définitivement réglée par la signature en 1987 du traité INF (Intermediate-range Nuclear Forces) entre les États-Unis et la Russie qui interdit le déploiement de missiles nucléaires de portée intermédiaire. Suivant la pratique initiée par le rapport Harmel, l’OTAN s’interrogea sur la manière de soutenir la perestroïka mais fut comme l’ensemble du monde occidental prise de court par l’effondrement de l’Union soviétique. Entretemps, l’Espagne nouvellement démocratique avait rejoint l’Alliance en 1982[6].

L’Alliance a donc été un acteur majeur de la guerre froide, coordonnant les politiques de défense de ses membres (même les plus réticents comme la France), mais jouant également un rôle d’harmonisation politique des relations avec le bloc de l’Est. Elle eut également un effet stabilisateur sur les relations entre ses membres, permettant de régler la « question allemande » (et donc de rassurer la France) et d’empêcher une escalade entre la Grèce et la Turquie après l’invasion de Chypre en 1974.

C. Le renouveau après la guerre froide

Après la chute de l’Union soviétique, l’Alliance dût faire face à une crise existentielle (pourquoi la maintenir alors que son ennemi avait disparu ?), rapidement résolue par l’éruption des conflits dans les Balkans. La décision du Conseil de l’Atlantique Nord d’intervenir en Bosnie en 1993 marqua le début de la transformation de l’OTAN après la guerre froide, faisant de l’Alliance l’organisme principal de stabilisation et de promotion démocratique dans la zone euro-atlantique. Cette fonction « bienveillante » permit à l’Alliance de conserver une utilité après la fin de la guerre froide et de se réinventer. De 1993 à 1995, l’OTAN conduisit un embargo maritime et imposa une zone d’exclusion aérienne en Bosnie, abattant plusieurs avions serbes et conduisant des frappes au sol à la demande de l’ONU. Après les accords de Dayton, l’OTAN continua son rôle de bras armé de l’ONU en conduisant une mission de maintien de la paix dans les Balkans (Peace Implementation Forces (IFOR) puis Peace Stabilisation Forces (SFOR)). Cette fonction de soutien militaire de l’ONU en Europe fut même dépassée lors de l’intervention aérienne au Kosovo en 1999, marquée par l’absence d’autorisation du Conseil de Sécurité. L’intervention au Kosovo, première véritable opération de guerre de l’Alliance, allait durablement marquer la perception de celle-ci par les Américains qui se plaignirent de devoir conduire une « guerre par comités », ce qui influença fortement leur choix de créer des coalitions de volontaires lors des interventions en Irak et en Afghanistan. Après la rupture franco-américaine sur la guerre d’Irak de 2003, l’OTAN joua une fois de plus son rôle de facilitateur du dialogue transatlantique et de restaurateur des relations entre alliés puisque l’organisation accepta de prendre en charge la conduite de la Force Internationale d’Assistance et de Sécurité en Afghanistan. Ce qui devait à l’origine être une mission facile de maintien de la paix devint le principal défi de l’Alliance lorsque la guerre s’aggrava à partir de 2006. L’opération en Afghanistan, quel que soit le résultat stratégique et les défauts de sa conduite opérationnelle et tactique, a eu des conséquences politiques très importantes pour l’Alliance : elle a montré que les Alliés étaient dans leur majorité prêts à contribuer de manière importante à l’opération; elle a rôdé des procédures de coopération politique avec des pays non-membres de l’OTAN, mais membres de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS); elle a permis de débattre du rôle de l’Alliance comme fournisseur de sécurité global ou seulement régional; et a poussé à la transformation et à une meilleure intégration des forces militaires des Alliés[7]. L’OTAN, organisation libérale « bienveillante » durant les années 1990, a été forcée de retrouver une dose de réalisme dans la conduite de la campagne afghane[8]. L’intervention en Afghanistan a également influencé la conduite de l’opération en Lybie, en 2011, au cours de laquelle l’utilité de l’organisation militaire a été démontrée (afin d’intégrer plusieurs nations dans un effort militaire collectif) et la pertinence politique du Conseil de l’Atlantique Nord réaffirmée. Les opérations militaires ont été l’un des principaux vecteurs de transformation de l’Alliance, qui doit désormais faire face à une menace qu’elle avait jugée disparue pendant une vingtaine d’années : le retour d’une Russie agressive et expansionniste[9].

Outre les opérations militaires, l’Alliance a été politiquement active après la guerre froide[10]. Entre 1994 et 1997 se posait la question des relations à établir avec les anciens pays membres du Pacte de Varsovie et l’OTAN établit une série de partenariats politiques à travers divers forums : le Partenariat pour la Paix, le Dialogue méditerranéen et le Conseil OTAN-Russie, établit en 1998. En 1999, après plusieurs mois de tensions entre Alliés sur l’opportunité d’une telle mesure (en particulier vis-à-vis de la Russie), la Hongrie, la République Tchèque et la Pologne rejoignirent l’Alliance[11]. Ils furent suivis par l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovénie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie en 2004, la Croatie et l’Albanie en 2009 et enfin le Monténégro en 2017. À travers ces élargissements, l’OTAN confirma sa fonction d’intégration et de fournisseur de sécurité dans la zone euro-atlantique, mais s’attira des critiques violentes de la Russie, qui prétendit y voir une menace et une tentative d’isolement[12].

L’OTAN s’est ainsi profondément transformée après la guerre froide, à travers une réinvention de sa fonction politique et la conduite d’un certain nombre d’opérations. Mais les questions traditionnelles se posent à nouveaux frais : comment continuer à assurer une défense collective lorsque les budgets militaires européens sont en chute croissante et non-coordonnée ? Comment concilier autonomie politique et coopération stratégique à vingt-neuf États ? La proposition actuelle d’initier une « smart defense » n’est que la réactualisation du principe de division internationale du travail sur lequel l’Alliance a été fondée en 1949; et le problème du degré d’engagement américain se pose toujours, les Européens souhaitant bénéficier de la protection militaire américaine sans en subir la conséquence politique. Les vieilles questions ressurgissent malgré les changements de contexte stratégique, mais l’OTAN a toujours su y répondre dans le passé. Elle a ainsi développé parmi ses membres un sens de communauté, qui a jusqu’ici permis de résoudre toutes les crises internes auxquelles l’organisation a eu à faire face dans son histoire[13].

II. Les structures de l’organisation

La structure politique suprême de l’Alliance est le Conseil de l’Atlantique Nord (CAN), qui se réunit toutes les semaines à Bruxelles et où les États-membres sont représentés par des ambassadeurs. Le CAN peut aussi se réunir en format ministériel (et rassemble alors les ministres des Affaires étrangères ou les ministres de la Défense) ou en format réunissant les chefs d’État et de gouvernement. Le CAN est l’organe décisionnel de l’OTAN et, comme tout organe intergouvernemental, prend ses décisions au consensus. Ses réunions s’appuient sur les travaux préparatoires d’un certain nombre de comités spécialisés (opérations, plans de défense, budget et ressources, etc.), qui sont animés par des diplomates. Si un consensus sur un texte est trouvé en comité, il est dans la plupart des cas adopté en l’état par le CAN. Dans le cas inverse, en cas d’échec d’une négociation en comité, elle est montée au niveau supérieur du CAN.

Les travaux des comités et du CAN sont appuyés par un secrétariat international, dirigé par un secrétaire-général. Ce dernier est un homme politique, généralement de second plan, traditionnellement européen et élu par les États-membres pour des mandats d’environ cinq ans. Jusqu’à l’élection du Danois Anders Fogh Rasmussen en 2009, aucun secrétaire-général n’avait été chef de gouvernement avant de prendre ses fonctions à l’OTAN. Le changement de pratique intervenu avec Rasmussen a été confirmé lors de l’élection de son successeur en 2014, puisqu’il s’agit de l’ancien premier ministre norvégien Jens Stoltenberg. Le rôle du secrétaire-général est important, car sa position institutionnelle lui permet de faciliter les relations entre les États-membres, et de peser sur les orientations de l’Alliance[14]. Le secrétariat international comprend le cabinet du secrétaire-général et huit divisions fonctionnelles : Affaires publiques et politique de sécurité, Politiques et plans de défense, Opérations, Investissement de défense, Diplomatie publique, Gestion exécutive, Renseignement et sécurité commune et Défis de sécurité émergents.

Outre le secrétariat international, l’OTAN dispose également de plusieurs agences, organismes indépendants, créées pour répondre à des besoins opérationnels spécifiques. Auparavant nombreuses, elles ont été ramenées en 2012 au nombre de quatre : l’agence OTAN de communication et d’information, l’agence OTAN de soutien, l’agence OTAN d’acquisition et l’organisation pour la science et la technologie. Au total, près de 6000 civils travaillent pour l’Alliance, dont 1000 au secrétariat international[15].

La dimension militaire de l’Alliance se retrouve dans les autres principaux organes. Le plus important est le Comité militaire (CM), composé d’officiers généraux et qui peut être considéré comme l’équivalent militaire du CAN (tout en gardant en mémoire le fait que les organismes militaires sont subordonnés au CAN, instance politique suprême). Le CM est chargé de la stratégie militaire, et voit ses travaux appuyés par un État-major international (EMI, équivalent du secrétariat international), organisé en fonction des grandes fonctions militaires : renseignement, plans, logistique, C2, opérations, etc. L’EMI dispose également d’un centre de situation (SITCEN) qui assure une veille continue des questions politiques et militaires intéressant l’Alliance.

Le coeur opérationnel de l’Alliance est composé de deux commandements : le Commandement allié opérations (ACO) et le Commandement allié transformation (ACT). Ensemble, l’ACO et l’ACT forment la structure de commandement de l’OTAN, dont la fonction première est de pouvoir faire face aux menaces et, en cas d’échec de la dissuasion, à toute attaque armée contre le territoire de n’importe quel Allié. L’ACO est responsable de la planification et de l’exécution de toutes les opérations de l’Alliance. Il se compose d’un petit nombre de quartiers généraux permanents ayant chacun un rôle spécifique. Le commandant suprême des forces alliées en Europe – ou SACEUR – est chargé du commandement général des opérations au niveau stratégique, responsabilité qu’il exerce depuis le Grand quartier général des puissances alliées en Europe, situé à Mons (Belgique) et plus connu sous le nom SHAPE. L’ACT mène de nombreuses initiatives visant la transformation de la structure, des forces, des capacités et de la doctrine militaires de l’OTAN. Ses responsabilités principales englobent la formation, l’entraînement et les exercices, ainsi que la conduite d’expériences destinées à évaluer de nouveaux concepts, et la promotion de l’interopérabilité à l’échelle de l’Alliance. Le Quartier général du commandant suprême allié Transformation (SACT), implanté à Norfolk, en Virginie (États-Unis), est le seul commandement de l’OTAN situé en Amérique du Nord. Il héberge la structure de commandement de l’ACT et chapeaute les différents commandements subordonnés de l’ACT : le Centre de guerre interarmées en Norvège, le Centre d’entraînement de forces interarmées en Pologne et le Centre interarmées d’analyse et de retour d’expérience au Portugal.

III. L’OTAN est-elle une alliance exceptionnelle ?

La question n’est pas anodine, car y répondre permet de révéler la complexité des dynamiques politiques au sein de l’Alliance. Dans tous les cas, la réponse est positive : oui, l’OTAN est une alliance exceptionnelle. Quand les alliances ont une durée de vie moyenne de quinze ans, l’OTAN fête en 2019 ses soixante-dix ans; quand la plupart des alliances ont deux ou trois membres, elle en comporte vingt-neuf et la liste d’attente ne cesse de s’allonger; quand de nombreuses alliances ont eu à gérer les problèmes de défection de leurs membres, aucun État n’a quitté l’OTAN depuis sa création[16].

Ceci tient à trois aspects : les conséquences politiques de l’intégration militaire, les choix s’offrant aux Alliés et les résultats politiques des interactions des intérêts de ceux-ci.

En premier lieu, l’intégration militaire a des conséquences politiques importantes. Avant 1870, les forces armées des différents pays étaient difficilement substituables : les membres d’une alliance conduisaient des guerres séparées contre un ennemi commun, et les États ne pouvaient pas espérer qu’un allié effectue le travail à leur place. De plus, la rivalité entre alliés eux-mêmes conduisait à éviter les comportements de passager clandestin, de peur que l’allié d’aujourd’hui ne devienne l’ennemi de demain en ayant connu un surcroît de puissance à la suite de la défaite de l’ennemi commun. Après 1870, les progrès des communications, des transports et du feu, le tout rendant les guerres à la fois plus rapides et plus destructrices, conduisirent les alliances à mieux coordonner leurs plans de campagne en cas de guerre. Néanmoins, un État n’avait que la parole de ses alliés sur laquelle compter (la Russie et la France devaient se faire mutuellement confiance qu’elles attaqueraient l’Allemagne par exemple), ce qui signifiait que, même si les alliés honoraient leurs engagements, l’État lui-même ne diminuait pas son effort de défense, au cas où. Après la Seconde Guerre mondiale, la révolution nucléaire (représentée par les bombardiers puis les missiles balistiques) signifia qu’il devenait inutile d’affronter les forces ennemies dans des combats conventionnels; les progrès des troupes aéroportées et de la guerre maritime (organisée autour des porte-avions) augmentèrent fortement la capacité des États-Unis à projeter leur puissance, tandis que la proximité géographique des États européens et leur réseau routier et ferré dense les rendaient de plus en plus interdépendants en matière de sécurité. En conséquence, les membres de l’OTAN étaient incités à penser que si un autre Allié pouvait être convaincu d’en faire plus, eux-mêmes pourraient en faire moins et réinvestir les économies ainsi réalisées dans des programmes plus porteurs électoralement : la substituabilité inexistante auparavant était désormais permise par le progrès technique. Ainsi, dès l’origine, la question du partage du fardeau a été au coeur des relations entre Alliés lors de la planification de défense, et a conduit à de nombreuses crises au cours de l’histoire de l’Alliance : l’OTAN est donc une organisation qui est structurellement en tension permanente sur la question de la planification de défense et du partage du fardeau. Mais il est encore plus intéressant de constater que cette tension permanente n’a pas conduit à son démantèlement, à rebours des alliances d’avant 1939 dans lesquelles les alliés cherchaient le moindre prétexte pour se débarrasser de leurs engagements. Les membres de l’OTAN ne vont jamais jusqu’à la rupture, ne provoquent pas leurs partenaires dans l’espoir de leur faire commettre un faux pas conduisant à la fin de l’Alliance, et ne conspirent pas avec d’autres États pour créer un renversement d’alliance. Cette différence s’explique par les choix s’offrant aux Alliés[17].

Avant 1939, les membres d’une alliance avaient le choix de céder devant les exigences d’un allié ou de s’y opposer, conduisant à l’effondrement de l’Alliance. Dans un système où l’allié du jour pouvait être l’ennemi de demain, il était bien souvent plus rentable de conduire à l’effondrement de l’alliance que de permettre à un allié d’obtenir un avantage stratégique. De plus, rompre une alliance avait un coût minime, puisque les alliés potentiels étaient nombreux. La bipolarisation et la partition idéologique ayant suivi la Seconde Guerre mondiale a drastiquement réduit le nombre d’alliés potentiels, mais, surtout, dans une alliance entre démocraties, le choix entre céder et confronter un allié est moins évident qu’auparavant, puisque la crainte d’un avantage stratégique gagné par l’allié dans le futur est fortement réduite. Les dirigeants démocratiques ont également plus d’options, comme faire appel à des valeurs partagées, attendre des élections et un changement de gouvernement ou tenter de persuader d’autres Alliés de faire pression sur un partenaire récalcitrant. La coopération entre démocraties permet une gamme d’options qui contribue à l’unité de l’Alliance et à la recherche de solutions aux tensions entre les membres. Celles-ci sont réelles depuis la création de l’OTAN, du fait d’intérêts divergents et de positionnements internationaux différents (une superpuissance et des puissances moyennes et petites réunies dans la même enceinte), mais il est absolument remarquable que l’organisation ait survécu au nombre de crises qu’elle a traversé. Les dynamiques de solidarité et de coopération entre les membres sont donc bien exceptionnelles dans l’histoire des alliances[18].

Enfin, les intérêts des États-membres de l’OTAN diffèrent en nature de ceux des membres des alliances précédentes. Avant 1939, les membres d’une alliance étaient intéressés par le fait d’obtenir la plus grande part possible des gains potentiels après un conflit : les alliances étaient maintenues par la perspective d’un gain important, et pas par un objectif commun ou par des idéaux partagés. Au contraire l’OTAN a été créée car les États-membres avaient compris que la perte de l’un d’entre eux était une perte pour tous : l’intérêt de maintenir la sécurité territoriale de l’Europe occidentale n’avait plus rien à voir avec une alliance fondée sur des perspectives de gains en cas de défaite d’un ennemi. Le contexte stratégique a donc profondément influencé la nature de l’organisation.

Ainsi, les changements du contexte stratégique incitèrent les États occidentaux à créer une Alliance intégrée et très intrusive dans leur planification de défense, mais aux motivations bien plus solides que celles des alliances précédentes. En revanche, les évolutions militaires conduisirent à des tentations pour les États de jouer les passagers clandestins, et la question du partage du fardeau est au coeur des dynamiques de l’Alliance depuis sa création. Enfin, malgré ces tensions permanentes, l’Alliance a survécu aux crises de la guerre froide et à la disparition de son ennemi historique. Cette persistance de l’OTAN est intéressante à explorer en ce qu’elle révèle des dynamiques de l’organisation, et a donc été l’objet d’une littérature importante, qui est présentée dans la prochaine section.

IV. Expliquer la persistance de l’OTAN

Comme l’avait relevé en son temps Stanley Hoffmann, « l’histoire de l’OTAN est une histoire de crises »[19], et les remises en cause de l’organisation sont nombreuses au cours de son histoire. Durant la guerre froide, la gestion de la question allemande (1950-1955) ou les débats sur la stratégie nucléaire et les tâches de l’alliance (19621967) ont déjà donné lieu à des diagnostics d’obsolescence[20]. En 2002, c’est au tour de l’ancien secrétaire d’État adjoint Strobe Talbott à enjoindre l’administration Bush d’inclure l’OTAN dans sa prise de décision sur l’Irak, au risque selon lui de mettre en doute la pertinence future de l’alliance. La présidence Trump a soulevé des interrogations similaires, le président élu en 2016 ne faisant pas mystère de son hostilité envers l’alliance.

Le thème de la crise et de l’obsolescence de l’OTAN est donc une forme de lieu commun, réactivé environ tous les dix ans en fonction des difficultés politiques du moment. Cette critique cyclique oublie toutefois que l’OTAN a connu des crises importantes au cours de son existence, mais qu’à chaque fois, les États membres ont choisi de maintenir l’alliance : sa fonction de forum de sécurité transatlantique couplée à sa contribution à la stabilité de l’Europe en ont fait une alliance historiquement exceptionnellement résiliente. Comment l’expliquer ?

La première source d’explications potentielles de la persistance de l’OTAN est le poids du système international et des menaces extérieures. Malgré sa baisse brutale de puissance à la suite de la disparition de l’URSS, la Russie restait un État potentiellement dangereux, aux capacités militaires importantes et à l’arsenal nucléaire le plus développé au monde. Outre ces capacités, beaucoup d’incertitudes pesaient sur le futur de la Russie, et les États-membres auraient pu vouloir se prémunir du retour d’une Russie expansionniste. Au vu du comportement international de Moscou depuis 2008, cette explication a le mérite d’accorder aux États-membres une certaine prescience.

Outre la Russie, un ensemble de nouvelles menaces communes aux membres de l’OTAN ont émergé après la guerre froide. Ainsi les conflits dans les Balkans menaçaient de dégénérer en une conflagration plus globale, et l’émergence du terrorisme islamiste comme menace permanente ont pu conduire les États-membres à vouloir maintenir l’Organisation.

Il faut également mentionner l’effet pacificateur de l’Alliance sur les relations entre ses membres. En augmentant la transparence et l’information dont les États disposent mutuellement et en dénationalisant (dans une certaine mesure) les politiques de sécurité, l’OTAN a permis à ses membres de se convaincre qu’ils n’avaient rien à craindre les uns des autres. Cette fonction a été primordiale pour rassurer un ensemble d’États européens après la réunification de l’Allemagne par exemple[21].

Un autre facteur expliquant la persistance de l’Alliance est l’utilité de ses structures institutionnelles. L’intégration militaire et la planification commune existant au sein de l’Alliance, bien qu’originellement développées pour la guerre froide, se sont parfaitement adaptées et ont permis aux États-membres d’entreprendre des actions militaires en Bosnie, au Kosovo, en Afghanistan, en Somalie et en Libye[22]. Selon cette perspective, il serait bien plus coûteux de transformer (ou supprimer) ces structures que de les maintenir.

Enfin, la socialisation des États-membres est importante : au fil des années, ceux-ci ont acquis des habitudes et des routines de coopération fondées sur des valeurs partagées qui ont contribué au maintien de l’Alliance en dépit des crises régulières[23].

Tous ces arguments ne sont pas mutuellement exclusifs, et la persistance de menaces extérieures, les avantages institutionnels de l’OTAN et les habitudes de coopération fournissent ensemble une explication cohérente du maintien de l’OTAN après la guerre froide. Toutefois, l’un des facteurs de résilience de l’alliance depuis les années 1990 est l’existence de normes démocratiques partagées. La remise en cause de ces normes par certains États membres (États-Unis, Pologne, Hongrie, Turquie) dans un contexte plus général de montée du national-populisme pourrait avoir des conséquences importantes sur la cohésion interne de l’OTAN, l’alliance conservant une utilité comme outil de coopération militaire, mais perdant son rôle de forum de discussion transatlantique.

V. Défis de l’OTAN et contribution à la gouvernance mondiale

L’OTAN a fêté son 70e anniversaire en 2019, mais de nouveaux défis apparaissent pour qu’elle reste pertinente au 21e siècle. En premier lieu, la question des relations avec l’Union Européenne (UE) reste importante. L’UE développe de nouveaux instruments visant à renforcer ses capacités de défense et de gestion de crise, mais la coopération entre l’UE et l’OTAN a régulièrement été soumise au veto de la Turquie, qui s’en sert comme d’un levier pour tenter de résoudre en sa faveur la question de la partition de Chypre. Deuxièmement, l’Alliance doit également ajuster ses mesures de réactions aux nouvelles formes de conflits dits « hybrides », employant de moyens de subversion et de sabotage (cyberattaques, guerre de l’information, empoisonnements) et conduits par des acteurs tels que la Russie. Ces formes de conflit se situent sous le seuil de déclenchement des ripostes conventionnelles, et l’OTAN devra adapter ses procédures de prise de décision pour prendre en compte ces nouveaux modes de conflits. Troisièmement, la militarisation croissante de l’espace extraatmosphérique, liée aux développements technologiques dans le domaine des satellites et des missiles hyper-véloces, va également poser des questions pour la posture nucléaire de l’Alliance. Quatrièmement, l’OTAN devra prendre en compte la montée en puissance de la Chine au sein du système international et l’attention croissante que lui portent les États-Unis. Alliance régionale, elle va devoir adapter son fonctionnement et ses orientations stratégiques à la nouvelle posture des États-Unis dans l’Indopacifique. Enfin, le défi historique de l’alliance est de maintenir sa cohésion[24], et la question est toujours présente. L’élection de Donald Trump a constitué une sérieuse alarme, du fait des positions isolationnistes du Président. L’arrivée de Joe Biden au pouvoir en 2021 a tendance à rassurer les partisans du lien transatlantique, mais nul ne peut croire que le message Trumpien va disparaître à court terme de la vie politique américaine. Se pose aussi la question de la Turquie, dont la politique étrangère rentre en conflit avec plusieurs autres membres de l’Alliance : la gestion des tensions internes au sein de l’OTAN sera ainsi un défi d’importance.

Les défis de l’OTAN sont liés à sa place dans la gouvernance mondiale. L’OTAN a ainsi évolué en passant d’une alliance traditionnelle durant la guerre froide à une organisation de sécurité collective après la chute de l’URSS, développant des partenariats avec des pays tiers et s’impliquant dans des missions de gestion de crise. L’extension du champ d’intervention de l’Alliance illustre ainsi les multiples manières dont elle a été utilisée en tant qu’outil de gouvernance internationale : opérateur de maintien de la paix dans les Balkans dans les années 1990, gestionnaire de crise impliquant de la coercition militaire du Kosovo à l’Afghanistan, réservoir de forces pour une coalition lors de la Libye, instrument de réassurance pour les pays baltes et de dissuasion face à la Russie depuis 2014, etc. Dans le même temps, l’élargissement de l’OTAN fournissait à la Russie une raison supplémentaire d’exprimer sa frustration par rapport à la perte de son statut de grande puissance. Il est possible que le retour de la compétition stratégique conduise à une nouvelle transformation du rôle de l’Alliance, deux tendances se dégageant à ce jour : des partisans d’une OTAN qui constituerait une plateforme commune pour les démocraties dans le contexte de retour des États autoritaires, et les tenants d’un « retour aux fondamentaux » qui verrait l’OTAN se concentrer sur ses tâches de dissuasion et de défense dans la zone euro-atlantique.

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Wallace J. Thies a montré que l’histoire de l’OTAN est une histoire de crises successives qui sont néanmoins régulièrement surmontées[25]. De fait, l’Alliance a montré sa résilience en de nombreuses occasions, réussissant à s’adapter à un contexte international et politique changeant. Il est probable que des ajustements institutionnels soient une fois de plus nécessaires dans le futur, afin de prendre en compte les transformations du système international. En décembre 2020, un comité de hauts responsables issus des pays-membres de l’Alliance a remis au secrétaire général un rapport contenant plusieurs recommandations d’adaptations institutionnelles, dont : le renforcement du rôle du secrétariat général; la création d’un mécanisme de structuration de coalitions d’intérêts au sein de l’Alliance; le contrôle du droit de veto de chaque État-membre en réservant son utilisation lors des réunions de niveau ministériel (et non plus lors du travail quotidien); et la mise en oeuvre de procédures de décision accélérées en cas de crise. Si elles devaient être mises en oeuvre, ces recommandations ne sont pas la garantie que l’OTAN restera pertinente dans le nouveau contexte international. En revanche, elles témoignent des efforts de lucidité d’une alliance qui s’est déjà plusieurs fois profondément transformée au cours de son histoire.