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Introduction

Le développement des cours virtuels, par suite de la pandémie de la COVID-19, incite le système éducatif de tous les pays, dans le cas présent, l’Iran, à favoriser le terrain pour ce nouveau modèle d’enseignement. Maints ouvrages sont consacrés à la problématique de l’apprentissage sous tous ses aspects, qui a donc fait l’objet de diverses définitions qui, chacune, lui assigne une propriété principale. Mais enfin, des spécialistes comme Gaonach’ et Golder (1995)[2] arrivent à compléter les définitions présentées en y ajoutant les considérations sociales. Ainsi, le processus d’apprentissage se caractérise, selon ces derniers, par deux types de variabilité : interindividuelle et intra-individuelle. Nous pouvons donc nous référer au socioconstructivisme selon lequel l’apprentissage est marqué par un processus social. Dans cette approche, l’apprentissage suppose nécessairement « une interaction du sujet apprenant avec un tiers » (Bourgeois, 2011, p. 35). Dans un cours, ce tiers peut être l’enseignant ou l’étudiant. Notre investigation, menée dans les départements de français des universités de Téhéran, nous a permis de comprendre que dans ces universités, « l’interaction enseignant-étudiant est la forme d’interaction la plus active dans les cours virtuels du FLE » (Vahed et al., 2020, p. 61). Selon les étudiants qui font des études et les enseignants qui utilisent ce modèle, les résultats attendus (y compris une bonne appropriation des notions théoriques liées au contenu d’enseignement, la mise en pratique des acquis théoriques et le partage des connaissances par l’interaction avec des pairs) n’ont pas pu être atteints. C’est pourquoi, dans cette contribution, en nous basant sur le théorème de l’équivalence d’interaction qui essaie d’élucider le lien existant entre un apprentissage profond et les trois formes d’interaction (élève-enseignant, élève-élève, élève-contenu) dans l’enseignement à distance, nous cherchons à vérifier l’effet des interactions entre les étudiants sur la qualité de leur apprentissage.

La présente étude s’attache à l’optimisation de ladite formation dans l’intention de fournir des solutions pour la mise en oeuvre idéale de l’apprentissage dans les classes virtuelles. Nous tentons donc, en bénéficiant des infrastructures existantes ainsi que des apprentissages collaboratif et coopératif, d’analyser les possibilités de créer une interaction entre les étudiants. Nous partons de l’hypothèse selon laquelle cette interaction influence positivement l’apprentissage des étudiants dans les cours virtuels des universités iraniennes. Les questions qui se posent sont : Comment l’interaction entre les étudiants peut-elle être suscitée? Quel est l’impact de ce type d’interaction sur l’apprentissage des étudiants lors d’une classe virtuelle? Dans cette étude, nous tirons profit de la méthode de conception quasi expérimentale « prétest/posttest » et nous mettons en oeuvre notre scénario interactif proposé dans un cours de didactique du FLE au niveau master II, composé de six étudiantes.

Le présent travail est composé de quatre volets : dans le premier, nous apporterons des précisions sur le cadre théorique constituant l’assise de la partie pratique de notre recherche. Dans le second, nous présenterons notre méthodologie de recherche. Le troisième consistera dans l’analyse et l’interprétation des données recueillies. Nous terminerons notre article avec la conclusion et les propositions ouvrant le chemin vers des recherches ultérieures.

1. Les apprentissages coopératif et collaboratif permettent-ils de développer des interactions positives?

1.1. L’apprentissage collaboratif comme moyen de régir des discussions entre étudiants

L’expression « apprentissage collaboratif » est définie comme une philosophie personnelle suivant laquelle le rôle le plus actif dans l’apprentissage est joué par l’élève. Certains spécialistes (Adams et al., 1990; Bailey et Cotlar, 1994; Bruffee, 1995; Harris, 1994; Warschauer, 1997) ont introduit des exemples représentatifs des activités qui se prêtent à l’apprentissage collaboratif, telles que les travaux ou les discussions en groupe, les séminaires, les présentations, les résolutions de problèmes, les débats, les explorations en groupe, les simulations, les jeux de rôle et les productions de documents. Les définitions données de ce type d’apprentissage sont nombreuses et nous allons tenter de formuler la nôtre en ayant recours à Henri et Lundgren-Cayrol (2001), Dillenbourg (1999), Leroux (1995, cité dans Georges, 2001) et Lebow (1993) : l’apprentissage collaboratif implique une activité d’apprentissage réalisée par plus de deux individus ayant un but commun et basée sur des interactions opposant les points de vue et provoquant la réflexivité et de nouveaux apprentissages. Les participants ayant plus ou moins le même niveau de connaissances et de statut accomplissent les mêmes actions.

Henri et Lundgren-Cayrol (2001) précisent que la collaboration poursuit une démarche composée de trois temps forts :

L’exploration des connaissances qui se traduit par un premier traitement de l’information; la négociation des idées en vue de l’élaboration par le groupe d’un modèle de connaissances qui reflète la pluralité des points de vue; la réflexion personnelle et collective pour apprécier ou évaluer les modèles de connaissances et le processus de collaboration du groupe.

p. 140

Malgré l’efficacité de l’apprentissage collaboratif, les spécialistes (Dillenbourg et Schneider, 1995, section 2 et Henri et Lundgren-Cayrol, 2001) indiquent quelques éléments qui risqueraient d’influencer le succès de sa mise en oeuvre : la composition des groupes, les caractéristiques des tâches, les modes de communication, les facteurs humains (la participation, la motivation, les représentations, l’animation, la cohésion et la productivité du groupe).

1.2. L’apprentissage coopératif de Slavin

L’apprentissage coopératif prend source dans les idées de Dewey (1927, cité dans Baudrit, 2005, p. 12) qui considère l’école comme « une communauté de vie à l’intérieur de laquelle les élèves sont amenés à coopérer ». L’idée de coopération est, ensuite, reprise par Freinet (1977, p. 18) selon qui « [l]’enfant développera au maximum sa personnalité au sein d’une communauté rationnelle qu’il sert et qui le sert ». Quant à Piaget (1969, p. 329), il indique que « la coopération est promue au rang de facteur essentiel du progrès intellectuel ». Qu’entend-on par « apprentissage coopératif »? Pour répondre à cette question, en nous référant aux définitions présentées par différents spécialistes, dont Cuseo (1992), Mathews et al. (1995), Olsen et Kagan (1992) et Oxford (1997) (ces trois derniers cités dans Ragoonaden, 2001), nous pouvons indiquer que l’apprentissage coopératif fait appel à un travail bien structuré en petits groupes et basé sur l’interdépendance des membres de ces groupes.

Il existe plusieurs modèles représentatifs de l’apprentissage coopératif, mais nous nous contentons de n’en présenter qu’un qui pourrait mieux expliquer notre point de vue : la méthode Student teams-achievement divisions (STAD) de Slavin (1983, cité dans Baudrit, 2005). Selon ce dernier : « Il s’agit de constituer des équipes de quatre élèves. Équipes hétérogènes quant au niveau scolaire des enfants, composées de filles et de garçons, voire d’élèves de diverses origines culturelles » (Slavin, 1983, cité dans Baudrit, 2005, p. 30). Ces élèves « travaillent un point du programme scolaire déjà traité par l’enseignant à l’aide de fiches. Ensuite, un système de tournois est introduit. Ils ont à répondre à des questions posées par l’enseignant » (Slavin, 1983, cité dans Baudrit, 2005, p. 30). Des points sont attribués individuellement en fonction des progrès ou non-progrès des élèves par rapport à leurs résultats obtenus. « Dans un troisième temps, les points gagnés par les partenaires d’une même équipe sont additionnés, ce qui détermine le niveau de récompense attribué à l’équipe » (Slavin, 1983, cité dans Baudrit, 2005, p. 30).

1.3. La place de l’interaction dans l’apprentissage

Traditionnellement, l’interaction est basée sur le dialogue en classe entre les apprenants et les enseignants. Le concept a été élargi afin d’inclure des formes synchrones et asynchrones de discussion. Comme le dit Dillenbourg (1999), l’interaction compte parmi les éléments qui peuvent favoriser l’apprentissage. Gaudreault-Perron (2011, p. 16) ajoute que « [l]e fait de rencontrer d’autres personnes en temps réel dans le cadre du cours a un effet motivateur chez les étudiants d’une classe virtuelle, sans parler du rôle essentiel des interactions dans l’apprentissage ». La synthèse des définitions proposée par Daniel et Marquis (1988), Dewey (1916, cité dans Anderson, 2003b), Simpson et Galbo (1986), Thurmond et Wambach (2004, cités dans Lavigne, 2004) et Wagner (1994) nous indique que l’interaction consiste dans une relation bidirectionnelle qui s’établit entre au moins deux personnes; cette réciprocité peut influencer le processus éducatif lorsque les interactants s’approprient l’information transmise afin de construire leurs connaissances.

1.4. Le théorème de l’équivalence d’interaction d’Anderson

Le cadre théorique de base que nous adoptons pour notre recherche dans un environnement virtuel est « le théorème de l’équivalence d’interaction ». Comme Miyazoe et Anderson (2012) le signalent, ce théorème qui se considère comme « the propositional extension of the three interaction axes of Moore (1989) : the learner–content, learner–teacher, and learner–learner dimensions [l’extension propositionnelle des trois axes d’interaction de Moore (1989) : apprenant-contenu, apprenant-enseignant et apprenant-apprenant (notre traduction)] » a été développé par Anderson (2003a) afin de clarifier le mécanisme d’interaction dans l’enseignement à distance. Le pivot de ce théorème sur lequel s’appuie notre recherche est le suivant :

Deep and meaningful formal learning is supported as long as one of the three forms of interaction (student–teacher; student-student; student-content) is at a high level. The other two may be offered at minimal levels, or even eliminated, without degrading the educational experience[3].

section Equivalency of Interaction

À la suite de Moore, des spécialistes parlent d’autres types d’interaction : Hillman et al. (1994, p. 34) définissent ainsi l’interaction apprenant/interface : « a process of manipulating tools to accomplish a task [un processus de manipulation d’outils pour accomplir une tâche (notre traduction)] ». Sutton (2000, p. 4) postule une autre forme d’interaction, connue sous le nom d’interaction vicariante, qui se produit dans la situation suivante : « when a student actively observes and processes both sides of a direct interaction between two other students or between another student and the instructor[4] ». En d’autres termes, ce type d’interaction se réalise lorsque les participants non actifs se mettent à observer et à traiter les échanges des autres interactants du cours.

2. Méthodologie

Dans notre étude visant à déterminer l’effet de l’interaction[5] entre les étudiants sur leur niveau d’apprentissage, nous avons tiré profit de la méthode de la conception quasi expérimentale prétest/posttest. Notre démarche a consisté dans la conception d’un scénario interactif et de sa mise en oeuvre dans un cours de master II de la didactique du FLE, à savoir le cours d’élaboration d’un plan de cours composé de six étudiantes qui ont été réparties en deux groupes dont chacun comprenait trois membres. À cause des éléments perturbateurs (comme le sujet d’enseignement, l’enseignant, les étudiants, le semestre d’étude, etc.) empêchant l’analyse comparative entre le groupe de contrôle (où l’axe d’interaction enseignant-étudiant est plus actif) et le groupe d’expérience (où l’interaction entre les étudiants constitue la forme dominante d’interaction), nous avons été conduits à opter pour une étude évolutive. Nous avons conçu un scénario qui se déroulait selon cet ordre : le modèle transmissif, l’apprentissage coopératif et l’apprentissage collaboratif. Le contenu d’enseignement est donc divisé entre ces trois étapes et dans chacune, les contenus traités ont été divers. La raison pour laquelle l’apprentissage coopératif est envisagé pour la deuxième étape est que, suivant Henri et Lundgren-Cayrol (2001), l’apprentissage coopératif se considère comme une méthode d’initiation à l’apprentissage collaboratif.

Nous avons adopté le modèle STAD pour l’apprentissage coopératif, mais afin de mettre en oeuvre ce modèle, certaines adaptations ont été faites : nous avons remplacé la phase individuelle avec un test portant sur les sujets traités durant cette étape d’apprentissage et l’évaluation a été effectuée à partir d’une grille d’analyse comportant des critères qui mesuraient l’interaction des étudiantes. En outre, l’hétérogénéité des membres des équipes n’a pas pu être observée eu égard au contexte universitaire de notre recherche et le nombre de membres des groupes n’était à définir que suivant le nombre total des étudiantes du cours. Deux tâches interreliées ont donc été définies pour cette étape d’apprentissage. Il s’agissait de comparer les deux plans de cours auxquels les étudiantes avaient accès et dont elles avaient repéré les principales composantes. La feuille de route des tâches a été mise à la disposition des étudiantes. En utilisant la possibilité du regroupement fourni sur la plateforme Adobe Connect par le module « Atelier », des salles secondaires de réunion ont été définies pour les équipes qui pouvaient y discuter. Durant les discussions en équipes, l’enseignant pouvait passer d’un groupe à l’autre afin de répondre aux questions et de résoudre les problèmes. Les étudiantes ont été mises au courant des critères à partir desquels elles seraient évaluées. De surcroît, par la communication de ces critères, nous voulions les initier à ce que nous entendons par « interaction ». Après chaque tâche, la porte-parole des groupes présentait les réponses qui, tout de suite après, déclenchaient des discussions.

Pour l’étape de l’apprentissage collaboratif, nous avons mis l’accent sur la discussion[6] en groupe qui est la notion phare de ce type d’apprentissage. Des textes à lire ont été proposés aux étudiantes qui avaient la possibilité de compléter leurs informations par la navigation des ressources valides accessibles sur Internet. Du fait que l’apprentissage collaboratif demandait un niveau élevé d’autonomie que ne semblaient pas avoir atteint les étudiants iraniens, nous avons essayé de guider le processus par l’intégration des questions qui se posaient lors des discussions. À vrai dire, le modèle collaboratif se réalise en trois étapes (individuelle, en binôme et en groupes composés de plusieurs personnes). Or, dans cette recherche, nous avons omis les deux premières étapes, si bien que les discussions sur les contenus ont été effectuées par le groupe-classe. Cette modification ne contredisait pas les principes de l’apprentissage collaboratif, car le nombre d’étudiantes dans le groupe-classe n’excédait pas le nombre acceptable de membres d’un groupe de discussion. Ajoutons que les étudiantes ont été évaluées à partir d’une grille d’analyse comportant des critères qui mesuraient l’interaction des participantes.

Avant que les apprentissages coopératif et collaboratif ne se mettent en oeuvre, les étudiantes ont participé au prétest. Ce test était composé de 10 questions à choix multiples, conçues suivant les contenus envisagés pour cette unité de valeur universitaire. Le même questionnaire a été utilisé afin d’examiner les étudiantes pour le posttest avec cette différence que l’ordre des réponses avait été modifié. Pour faciliter l’accès des étudiantes à ces tests, ceux-ci ont été définis sur Google Docs et leur lien a été mis à la disposition des étudiantes. Après chaque étape d’enseignement (enseignement transmissif, apprentissage coopératif et apprentissage collaboratif), les étudiantes ont aussi participé à un test de connaissance composé de 5 questions et accessible sur Google Docs. Par tous ces tests, nous avons eu recours à l’évaluation à chaud. La distinction entre les évaluations à chaud et à froid a été bien expliquée par Gilibert et Gillet (2010, p. 227) : l’évaluation à chaud permet d’évaluer « les acquis au niveau immédiat à la fin de la formation » tandis que l’évaluation à froid s’effectue « à plus long terme ([…] il faut [donc] du temps pour une estimation précise notamment du fait du temps nécessaire à l’apparition des effets et pour mieux prendre en compte d’éventuels effets indirects qui remettraient en cause les premières conclusions) ».

Pour mesurer l’effet des approches pédagogiques proposées dans notre scénario et neutraliser l’influence des techniques personnelles d’apprentissage comme la mémorisation, nous avons opté pour l’évaluation à chaud qui a été mise en oeuvre immédiatement à la fin de chaque séquence pédagogique. Le taux de participation des étudiantes dans les tâches et les discussions ainsi que leur volonté d’interagir ont été calculés par des grilles d’évaluation (cf. annexe A) conçues à partir de celles de l’Université Laval[7], de Giroux (2013) et de Groupe Modulo (s.d.). Des critères ont été définis et une échelle de Likert en cinq points : toujours (5), souvent (4), parfois (3), rarement (2), jamais (1) a été utilisée, ce qui a contribué à la réduction de la subjectivité. Lors de la dernière séance, les étudiantes ont été invitées à participer au posttest.

Le logiciel SPSS nous a donné l’occasion de traiter les données issues de notre expérimentation (tableau 1).

Tableau 1

Tests utilisés afin de traiter les données issues de notre expérimentation

Tests utilisés afin de traiter les données issues de notre expérimentation

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3. Présentation des résultats : analyse et discussion

3.1. Présentation de notre échantillon

Ce cours comptait 6 étudiantes, dont cinq âgées entre 20 et 29 ans et une entre 30 et 39 ans. Ce cours était envisagé pour le troisième semestre du master II de didactique du FLE qui a été offert à distance. Les étudiantes en étaient donc à leur quatrième mois d’apprentissage en mode virtuel.

3.2. Résultats de l’analyse des données

La première analyse d’évaluation de l’efficacité des approches pédagogiques proposées est la comparaison du prétest et du posttest réalisé par le test de l’échantillon apparié (tableau 2).

Tableau 2

Test de l’échantillon apparié pour le prétest et le posttest

Test de l’échantillon apparié pour le prétest et le posttest

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Comme il a été indiqué dans le tableau 2, étant donné que la valeur p calculée (0,030) est inférieure au niveau de signification a = 0,05, la différence des moyennes est statistiquement significative. En d’autres termes, les approches pédagogiques mises en oeuvre ont contribué à l’évolution positive de l’apprentissage des étudiantes et une différence de 1,5 entre les moyennes de prétest et de posttest est détectable.

Au bout de chaque type d’apprentissage, les étudiantes ont passé un test, ce qui nous a permis de faire une étude minutieuse des notes obtenues par chacune d’elles (figure 1).

Figure 1

Moyennes des notes obtenues aux tests par chacune des étudiantes

Moyennes des notes obtenues aux tests par chacune des étudiantes

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Comme il a été indiqué à la figure 1, pour l’E2 et l’E5, une augmentation de la note au test de l’apprentissage coopératif est détectable. L’analyse des interactions nous révèle que ces étudiantes avaient l’interactivité la plus élevée et ont obtenu la totalité de la note envisagée pour l’interaction dans notre grille d’observation. Une diminution des notes aux tests de l’apprentissage coopératif et de l’apprentissage collaboratif est repérable pour l’E1, l’E3 et l’E4. En outre, il semble que pour l’E6, aucun apprentissage n’ait été réalisé lors de l’apprentissage coopératif, mais que lors de l’apprentissage collaboratif, le résultat obtenu était, pour elle, le même que celui de l’enseignement transmissif.

Ce chaos dans les notes aux tests nous amène à cette hypothèse que la réussite d’une approche pédagogique dépend des caractéristiques des étudiantes et de leurs stratégies d’apprentissage. Ce résultat se trouve dans la lignée de l’avis des spécialistes évoqués dans notre cadre théorique, à savoir Dillenbourg et Schneider (1995, section 2) et Henri et Lundgren-Cayrol (2001), pour qui les facteurs humains comptent parmi les éléments influençant le succès de la mise en oeuvre de l’apprentissage collaboratif.

Il faut aussi vérifier s’il existe un lien entre le taux d’interaction des étudiantes et leur note aux tests :

L’analyse des données dans les tableaux 3 et 4 montre qu’il n’existe aucune relation entre le taux d’interaction des étudiantes et leur note aux tests, car les valeurs p calculées sont supérieures au niveau de signification a = 0,05 (respectivement de 0,92 et 0,60).

L’étude comparative des résultats des tests et des interactions dans les séquences pédagogiques réalisées par l’apprentissage coopératif et l’apprentissage collaboratif nous amène à observer à ce sujet que le taux d’interaction n’est pas un facteur décisif dans l’apprentissage. Dans le cours d’élaboration d’un plan de cours (tableau 5), l’une des étudiantes (E3) ayant obtenu les meilleures notes au test de l’apprentissage coopératif et deux des étudiantes (E3 et E4) ayant atteint les meilleurs résultats au test de l’apprentissage collaboratif étaient les étudiantes les moins interactives.

Tableau 3

Coefficient de corrélation de Pearson mesurant la relation entre le taux d’interaction des étudiantes et leur note au test de l’apprentissage coopératif

Coefficient de corrélation de Pearson mesurant la relation entre le taux d’interaction des étudiantes et leur note au test de l’apprentissage coopératif

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Tableau 4

Coefficient de corrélation de Pearson mesurant la relation entre le taux d’interaction des étudiantes et leur note au test de l’apprentissage collaboratif

Coefficient de corrélation de Pearson mesurant la relation entre le taux d’interaction des étudiantes et leur note au test de l’apprentissage collaboratif

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Tableau 5

Note et taux d’interaction des étudiantes dans les apprentissages coopératif[8] et collaboratif

Note et taux d’interaction des étudiantes dans les apprentissages coopératif8 et collaboratif

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Suivant ce constat, nous pouvons conclure que le manque de relation entre le taux d’interaction des étudiantes et leur apprentissage ne remet pas en question l’efficacité des approches utilisées. Même si une étudiante ne participe pas beaucoup lors du déroulement de la classe, l’interaction des autres étudiantes peut concourir à sa meilleure appropriation du contenu traité. À ce sujet, nous pouvons nous référer à l’interaction vicariante présentée par Sutton (2000). En outre, Poplimont (2013) parle de la posture de tiers observateurs qui est le cas des membres des groupes vivant le processus interactionnel, mais n’étant pas dans l’interaction particulière établie entre deux étudiants. Selon elle (p. 6), « cette posture permet à l’observateur de s’auto-former en observant cette interaction, qui peut devenir productrice de sens ».

L’évaluation de l’activité des étudiantes dans les tâches définies durant la séquence pédagogique réalisée par l’apprentissage coopératif nous a donné l’occasion de valider l’hypothèse selon laquelle le taux d’interaction des étudiantes est un facteur dépendant de leur taux d’initiation à l’approche pédagogique mise en oeuvre. Suivant le tableau 7[9], la différence entre les moyennes du taux d’interaction et l’influence des différentes étapes d’apprentissage sur le taux d’interaction ne peut pas être négligée, car la valeur p (0,011) est inférieure au niveau de signification a = 0,05. En fait, au bout de la première tâche, les étudiantes avaient suffisamment d’expérience pour accomplir la deuxième, c’est pourquoi elles se montraient plus interactives lors de cet apprentissage coopératif (tableau 6, 2e ligne). Mais le taux de leur interaction a nettement diminué lors du passage aux discussions correspondant à l’apprentissage collaboratif (tableau 6, 3e ligne). La raison de cette réticence était peut-être l’initiation à une approche pédagogique à laquelle elles n’étaient pas encore habituées dans une classe virtuelle. Ainsi, nous pouvons confirmer l’idée de Baudrit (2005, p. 77) qui souligne que « l’art et la manière d’interagir ne s’improvisent pas […] Ils s’acquièrent grâce à des mises en situation ».

Tableau 6

Moyenne du taux d’interaction des étudiantes dans les 3 étapes d’apprentissage

Moyenne du taux d’interaction des étudiantes dans les 3 étapes d’apprentissage

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Tableau 7

Test ANOVA à un facteur aux mesures répétées analysant la différence des moyennes du taux d’interaction des étudiantes (le rectangle rouge indique la ligne où les données ont été prises en considération dans l’analyse)

Test ANOVA à un facteur aux mesures répétées analysant la différence des moyennes du taux d’interaction des étudiantes (le rectangle rouge indique la ligne où les données ont été prises en considération dans l’analyse)

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Conclusion

Dans cette recherche, nous avions pour objectif de concourir à l’optimisation de l’efficacité de l’apprentissage dans les cours virtuels de FLE, dans les universités iraniennes. Cette contribution a donc été consacrée à la mise en oeuvre des propositions afin d’augmenter l’interaction entre les étudiants. L’analyse du prétest/posttest du cours d’élaboration d’un plan de cours nous révèle que les approches pédagogiques mises en oeuvre ont contribué à l’évolution positive de l’apprentissage des étudiantes. Nous nous sommes aussi rendu compte qu’il n’existe aucune relation entre le taux d’interaction des étudiantes et leur note aux tests. Mais ce manque de relation entre le taux d’interaction des étudiantes et leur apprentissage ne remet pas en question l’efficacité des approches collectives et interactives d’apprentissage, car il arrive qu’une étudiante ne participe pas beaucoup aux interactions, mais que l’interaction entre les autres étudiantes lui suffise pour une meilleure appropriation du contenu traité. L’étude minutieuse des notes obtenues par chacune des étudiantes aux tests nous a conduits à présumer que la réussite d’une approche pédagogique dépend des caractéristiques des étudiantes et de leurs stratégies d’apprentissage. L’analyse comparée des activités des étudiantes nous a révélé que le taux d’interaction des étudiantes est un facteur dépendant de leur taux d’initiation à l’approche pédagogique mise en oeuvre. Autrement dit, plus elles sont initiées aux étapes à parcourir afin d’accomplir la tâche, plus elles sont interactives.

En nous référant aux résultats atteints dans cette recherche, nous pouvons confirmer que l’interaction entre les étudiants a bel et bien un impact positif sur l’apprentissage des étudiants des universités iraniennes. L’effet positif de l’interaction sur l’apprentissage a déjà été signalé dans d’autres recherches. Ainsi, pour Bernard et al. (2009), les interactions élève-élève et élève-contenu jouent un rôle plus important dans la réussite de l’apprentissage que l’interaction élève-enseignant. Gaudreault-Perron (2011) rendent aussi le succès des classes virtuelles tributaire de plusieurs facteurs, dont la favorisation des interactions, et NikooNezhad et Zamani (2014) parlent de la relation positive significative qui existe entre l’interaction et la réussite scolaire des étudiants en ligne. De surcroît, suivant l’expérience que nous avons vécue, nous partageons l’idée de Savarieau et Daguet (2016) et de Ragoonaden (2001) selon laquelle la principale difficulté rencontrée lors de la mise en place des approches collectives et interactives d’apprentissage est la non-participation des étudiants. Cosnefroy et Lefeuvre (2018) y ajoutent aussi l’insuffisante complexité des tâches proposées. Ainsi, Savarieau et Daguet (2016, p. 70) préconisent que « d’une situation classique d’étudiants silencieux, prenant peu la parole et dont le rôle est de recevoir les contenus transmis, [ceux-ci] doivent passer à celle d’étudiants engagés, parlant, questionnant, voire osant même parfois faire la leçon à leurs pairs ». En fin de compte, dans le contexte iranien d’enseignement/apprentissage, la première thèse du théorème de l’équivalence d’interaction d’Anderson est en partie valide. En d’autres termes, la diminution de l’interaction enseignant-étudiant au profit de l’interaction étudiant-étudiant peut aboutir à un apprentissage plus efficace, mais en raison de la culture éducative des étudiants iraniens qui considèrent le manque d’intervention de l’enseignant comme un point faible, cette augmentation ne peut pas aller de pair avec la suppression de l’autre forme d’interaction.

Bien que l’ultime objectif de ce projet de recherche soit l’optimisation de l’apprentissage dans l’enseignement par les classes virtuelles du FLE en Iran, il n’a pu prendre en considération qu’un seul enjeu parmi beaucoup d’autres qui découlent des premières tentatives de la mise en place de ce nouveau modèle pédagogique. De surcroît, vu les limites que présente notre recherche (le contexte universitaire du pays et le manque d’autonomie des étudiantes), certains principes de base des apprentissages coopératif et collaboratif, à savoir l’hétérogénéité des membres des équipes et la liberté attribuée aux étudiantes, n’ont pas été observés et les modèles réalisés dans notre étude n’étaient que des formes diluées des apprentissages cités. Il est donc recommandé de faire une recherche ayant pour but de comparer l’efficacité de l’apprentissage à travers les modèles exclusivement coopératif et collaboratif. Enfin, du fait que les modèles issus des apprentissages collectifs sont divers, il est conseillé de procéder à l’étude de la mise en place des autres modèles représentatifs de ces apprentissages.