Résumés
Résumé
L’objectif de cet article est d’analyser les facteurs influençant l’effectivité d’un accord-cadre international (ACI). L’effectivité est analysée à l’aune de la mise en conformité des pratiques locales de gestion du travail avec les engagements pris dans l’ACI. Considérant la négociation comme un processus, composé de trois phases (avant-négociation, négociation stricto sensu, après-négociation) et ancré dans un contexte, nous élaborons un modèle d’analyse inspiré des études de processus stratégiques (process studies). Ce modèle met en lumière l’influence des positionnements, des comportements et des interactions des protagonistes de la négociation et de l’application d’un ACI sur son effectivité. Nous détaillons les processus de négociation de quatre ACI, conclus au cours des années 2010, par deux firmes multinationales (FMN) françaises et deux fédérations syndicales internationales (FSI). Ces ACI portent sur des thématiques de gestion du travail (santé et sécurité au travail, égalité femmes-hommes, emploi durable). Cette recherche repose sur une analyse de documents, d’observations et de 38 entretiens, menés auprès de syndicalistes internationaux, européens, nationaux, locaux et de membres des directions générales (DG) de ces FMN. Elle porte une attention particulière à la phase de l’avant-négociation et met en exergue les interactions entre les acteurs managériaux et syndicaux, tout au long du processus de négociation. Nous montrons que le positionnement de la DG de la FMN (« social » ou « managérial ») est un facteur décisif du déroulement de la négociation d’un ACI, de son résultat (accord « substantif ») et de son effectivité. Le positionnement « qualitatif » de la FSI peut être un élément essentiel du déroulement de la négociation (par le choix de la thématique de l’ACI) et de son résultat (dispositions portant sur des sujets sensibles). Enfin, la mobilisation des syndicats locaux, soutenue par la FSI, est essentielle à l’effectivité d’un ACI. Nous révélons des processus d’apprentissage et des particularités des ACI et de la NCI.
Mots clés:
- Accord-cadre international,
- effectivité,
- processus de négociation,
- négociation collective internationale,
- fédération syndicale internationale
Abstract
The objective of this article is to analyze the key factors that influence the effectiveness of an International Framework Agreement (IFA). Effectiveness is analyzed in terms of compliance of local labor management practices with the commitments made in the IFA. We regard negotiation as a process, composed of three phases (pre-negotiation, negotiation stricto sensu, post-negotiation) and embedded in a context. We develop an analytical model, based on Process Studies, highlighting the influence on IFA effectiveness of the positions, behaviors and interactions of the protagonists in the negotiation and application of this IFA. We detail the negotiation processes of four IFAs, concluded in the years 2010, by two French multinational corporations (MNCs) and two Global Union Federations (GUFs). These IFAs address labor management issues (occupational health and safety, gender equality, sustainable employment). This research is based on document analysis, observations and 38 interviews with international, European, national and local trade unionists, and members of the top management (TM) of these MNCs. It pays particular attention to the pre-negotiation phase and highlights the interactions between managerial and trade union actors throughout the negotiation process. We show that the position of the MNC top management (“social” or “managerial”) is a decisive factor in the progress of the IFA negotiation, in its outcome (“substantive” agreement) and its effectiveness. The “qualitative” position of the GUF may be a major element in the progress of the negotiation (choice of the IFA theme) and its outcome (provisions on sensitive issues). Finally, the mobilization of local unions, supported by the GUF, is essential to the effectiveness of an IFA. We reveal learning processes and IFA and International Collective Bargaining specificities.
Keywords:
- International Framework Agreement,
- Effectiveness,
- Negotiation process,
- International collective bargaining,
- Global Union Federation
Corps de l’article
Introduction
Un accord-cadre international (ACI) « est le résultat d’une négociation transnationale » menée par les représentants d’une firme multinationale (FMN) et par une ou plusieurs fédérations syndicales internationales (FSI) (Daugareilh, 2013). Les ACI portent en priorité sur les droits fondamentaux au travail énoncés dans les conventions de base de l’OIT (notamment les droits à la syndicalisation et à la négociation collective). Progressivement, ils incluent des thèmes plus précis, tels que les droits à la santé et sécurité au travail, à l’égalité professionnelle. Ils s’appliquent à l’échelle de la FMN signataire et contiennent des engagements dont le non-respect n’est sanctionné par aucune juridiction internationale. La question de leur effectivité se pose donc.
Les recherches, basées sur une ou des études de cas, rendant compte des conditions d’effectivité d’un ACI, c’est-à-dire de sa mise en application locale conformément à ses dispositions, se développent au cours des années 2010. Elles portent principalement sur des accords se limitant au respect des droits fondamentaux au travail. L’originalité de cet article est d’analyser l’effectivité d’ACI récemment conclus (années 2010), portant sur des questions de gestion du travail.
Nous adoptons une approche processuelle (process studies) pour étudier le processus de négociation d’un ACI et son effectivité. En effet, la négociation collective est un processus s’inscrivant dans la durée et dans une histoire des interactions précédentes entre syndicats et direction. Il se décompose en plusieurs phases (amont, négociation proprement dite et aval) (Thuderoz, 2010). Les phases en amont et en aval de la négociation sont importantes, mais font encore assez peu l’objet de recherches (Jang et coll., 2018). Or l’approche processuelle implique que la compréhension et l’interprétation des évènements intervenant en fin de processus (l’application de l’ACI au cours de la phase d’après-négociation) sont tributaires du déroulement des phases précédentes.
Nous souhaitons répondre à la question suivante : quels facteurs, intervenant au cours des trois phases du processus de négociation d’un ACI, influencent in fine son effectivité ?
Nous étudions le processus de négociation, entendu de l’avant-négociation à l’après-négociation, de quatre ACI conclus au cours des années 2010. Ces conclusions d’ACI appartiennent à l’histoire de la négociation collective internationale (NCI), entre deux FMN françaises, Danone et France- Télécom-Orange, et deux FSI, l’UITA et UNI Global Union[2].
Nous présentons une revue de littérature (1). Puis nous précisons notre cadre théorique et proposons un modèle d’analyse des facteurs influençant l’effectivité d’un ACI (2) et nous exposons notre méthodologie (3). Nous appliquons ensuite notre modèle en analysant successivement les caractéristiques de chaque phase et les articulations entre ces trois phases (4, 5, 6). Enfin, des enseignements sont tirés de ces analyses (7).
Revue de littérature sur l’effectivité d’un ACI
Nous présentons les publications sur les conditions d’effectivité d’un ACI, au sein de la FMN signataire, basées sur une ou des études de cas approfondies permettant d’évaluer les effets réels d’un ACI. Nous restreignons notre champ d’analyse aux frontières de la FMN, à l’intérieur desquelles les dispositions de l’ACI engagent directement la direction générale (DG). Nous écartons donc les études portant sur la chaîne globale de valeur. Nous mettons en exergue la définition de l’effectivité retenue, la structuration de l’étude de cas, les conditions de l’effectivité.
Plusieurs articles portent sur l’application des ACI et n’emploient pas le terme effectivité (Ngaha et Gissinger, 2010 ; Niforou, 2012 ; Barreau et Ngaha, 2013 ; Sydow et coll., 2014). Niforou (2012) précise cependant qu’elle observe comment les engagements de l’ACI sont traduits dans les pratiques locales. D’autres études emploient le terme effectivité, mais sans le définir (Fichter et McCallum, 2015 ; Hennebert, 2017 ; Hennebert et coll., 2018). Bourque et ses collègues (2018) distinguent l’effectivité procédurale (respect des procédures de contrôle) de l’effectivité normative (respect des principes et des droits fondamentaux au travail inclus dans l’ACI). Nous proposons de définir l’effectivité d’un ACI comme la mise en conformité des pratiques locales avec les dispositions de l’ACI.
Les études de cas retenues sont construites de façon différente eu égard aux trois phases du processus de négociation d’un ACI. Ngaha et Gissinger (2010), Niforou (2012) et Barreau et Ngaha (2013) inscrivent la phase d’application dans le prolongement de l’avant-négociation et de la négociation proprement dite, les trois phases étant analysées dans le détail. Sydow et ses collègues (2014) ainsi que Helfen et Schiederig (2017) n’étudient pas l’avant-négociation. Fichter et ses collègues (2012), Fichter et McCallum (2015) et Hennebert (2017) n’y traitent que des relations sociales. Enfin, plusieurs études n’analysent pas le déroulement de la négociation proprement dite et peu ou pas le contenu de l’ACI (Fichter et coll., 2012 ; Sydow et coll., 2014 ; Fichter et McCallum, 2015 ; Helfen, Schüßler et Stevis, 2016 ; Hennebert, 2017 ; Bourque et coll., 2018 ; Hennebert et coll., 2018).
Les conditions d’effectivité d’un ACI soulignées par ces recherches reposent sur les actions de différents acteurs. Helfen et Schiederig (2017) concluent que la non-effectivité des ACI étudiés provient d’un désintérêt de la DG et, a fortiori, des gestionnaires locaux, pour l’application de l’ACI. Le rôle de la FSI est au centre de l’analyse de Fichter et McCallum (2015). Ces auteurs montrent qu’une FSI ayant imposé par le conflit la négociation d’un ACI reste mobilisée et est en position de force pour le faire appliquer. Hennebert (2017) étudie deux ACI, conclus après des campagnes véhémentes de mobilisation, dont l’application n’est pas pour autant effective. Bourque et ses collègues (2018) et Hennebert et ses collègues (2018) étudient prioritairement le rôle des alliances syndicales internationales (ASI). Ces derniers notent cependant le rôle important d’autres acteurs (notamment de la DG et des gestionnaires locaux) pour qu’un accord local soit négocié. Le rôle des salariés/syndicats locaux est déterminant pour tous les chercheurs pour dénoncer les cas de non-application de l’ACI. Cependant les syndicats locaux ont besoin d’être soutenus par la FSI/ASI et son réseau syndical international (RSI) (Barreau et Ngaha, 2013 ; Fichter, Stevis, Helfen 2012 ; Fichter et McCallum, 2015 ; Bourque et coll., 2018 ; Hennebert et coll., 2018). Six recherches analysent les interactions entre acteurs managériaux et syndicaux aux niveaux international et local (Ngaha et Gissinger, 2010 ; Niforou, 2012 ; Fichter et coll., 2012 ; Barreau et Ngaha, 2013 ; Sydow et coll., 2014 ; Helfen et coll., 2016) pour mener des actions conjointes de diffusion et de contrôle ou pour négocier des accords locaux de déclinaison de l’ACI.
Notre revue de littérature souligne ainsi des éléments-clés de l’effectivité d’un ACI : la nécessité d’analyser et d’expliquer les comportements des acteurs syndicaux et managériaux et leurs interactions à plusieurs niveaux, pendant les trois phases du processus de négociation, sans en négliger aucune. Les travaux retenus étudient uniquement des ACI portant sur les droits fondamentaux. Nous proposons d’étudier des ACI portant sur la gestion du travail dont l’application nécessite des modifications substantielles des pratiques locales.
Cadre théorique et modèle d’analyse
Nous adoptons une approche processuelle et contextualiste issue des théories du changement organisationnel qui l’inscrivent dans la durée et dans un contexte (Pettigrew, 1990). Les études de processus stratégiques (process studies) mettent l’accent sur la centralité du temps, l’évolution des activités et des événements au sein d’un contexte, sur le rôle des tensions et des contradictions dans la conduite du changement, sur les interactions entre niveaux contribuant au changement (Langley et coll., 2013). Nous intégrons les apports des théories de la négociation collective dans ce cadre d’analyse, pour étudier le processus de négociation d’un ACI et ses conditions d’effectivité. Nous retenons cinq éléments essentiels : le processus, le contexte, les activités, les conflits et les interactions entre différents niveaux d’acteurs.
Nous étudions le processus de négociation d’un ACI, entendu comme la succession de trois phases : amont, négociation proprement dite et aval (Thuderoz, 2010 ; Jang et coll., 2018). Les phases et leur enchaînement sont étudiés en détail. Nous insistons sur le caractère processuel de l’application d’un ACI, puisque nous observons comment des changements des pratiques locales sont introduits sur plusieurs années et non comment s’applique telle disposition à l’instant T. La phase d’application d’un ACI est composée de quatre étapes : la diffusion auprès des acteurs locaux (gestionnaires, syndicats, salariés et leurs représentants), l’appropriation par les acteurs, le contrôle, assuré par la mise en place des procédures de suivi, et la mise en conformité des pratiques locales avec les dispositions de l’ACI. La mise en conformité est possible quand les dispositions de l’ACI sont connues sur le plan local et quand les acteurs locaux se sont appropriés ces dispositions.
Les phénomènes étudiés s’inscrivent dans un contexte. Ainsi que le montre Strauss (1978), le contexte de la négociation est caractérisé par le contexte « structurel » et par le contexte de la négociation « proprement dite », définissant les acteurs de la négociation, leur expérience, les personnes qu’ils représentent et les enjeux qu’ils portent. Les caractéristiques du contexte structurel (cadre historique, institutionnel ou culturel) affectent les actions des négociateurs, les buts qu’ils poursuivent, leurs tactiques au cours de la négociation et son résultat (Strauss, 1978, p. 235). Nous précisons donc le contexte dans lequel s’inscrit le processus de négociation de chaque ACI : les stratégies d’internationalisation et les politiques sociales des FMN, les relations DG-syndicats-FSI/Alliance.
L’approche processuelle implique d’observer dans le temps les activités effectuées et les évènements (quand, pourquoi, de quelle manière) (Langley et coll., 2013). La démarche des théoriciens de la négociation est similaire ; ils mettent l’accent sur les comportements et les interactions. Analyser la négociation suppose d’identifier clairement les acteurs qui participent à des degrés divers, les acteurs à la table principale des négociations (front stage) et ceux qui peuvent indirectement influencer les négociateurs, les acteurs de la seconde table (back stage) (Jang et coll., 2018). Leurs comportements et leurs stratégies sont des éléments déterminants du processus de négociation (Walton et McKersie, 1965) tout autant que leurs interactions (Thuderoz, 2010). Nous analysons les comportements et les interactions des acteurs (comment ils agissent et interagissent), ceux des négociateurs, au cours des deux premières phases, confrontés aux comportements et interactions des gestionnaires et salariés/syndicats locaux, au cours de la phase d’application de l’ACI. Lors de la négociation proprement dite, nous précisons deux éléments du contexte, la fréquence des séances et la durée de la négociation, sans détailler la composition des équipes restreintes de négociateurs, car elle varie peu : DG représentée par un ou plusieurs membres de la DGRH, équipe syndicale composée de représentants de la FSI et des principales fédérations nationales présentes dans la FMN, parfois membres d’une ASI.
Les comportements et les interactions des négociateurs influencent le déroulement de la négociation et son résultat. Deux types d’ACI peuvent être distingués : l’ACI de droit, simple rappel des droits fondamentaux au travail, et l’ACI substantif, contenant des engagements précis concernant la gestion du travail et des modalités strictes de contrôle de l’application (Barreau et Ngaha, 2012).
La négociation d’un ACI peut démarrer à l’issue d’un conflit. Pourtant, dans la majorité des cas, les négociateurs ne cherchent pas à maximiser des gains (négociation « distributive »). Ils cherchent à atteindre des objectifs communs et s’engagent dans une négociation « intégrative » (Walton et McKersie, 1965). Le conflit peut réapparaître dans la phase d’application comme moyen pour les salariés/syndicats locaux de dénoncer la non-application de l’ACI par les gestionnaires locaux.
Les interactions entre plusieurs niveaux sont patentes dans la phase d’application de l’ACI, car interviennent des acteurs internationaux (DG de la FMN et FSI) et des acteurs locaux (gestionnaires, salariés/syndicats). Les consultations de la seconde table, qui peuvent intervenir au cours de chacune des trois phases, mettent également en relation plusieurs niveaux, au sein de la ligne hiérarchique de la FMN et au sein du RSI.
Pour comprendre les comportements des négociateurs au cours des trois phases du processus de négociation, nous introduisons la notion de positionnement. Elle révèle l’objectif principal qu’ils poursuivent (Barreau et Ngaha, 2012). Le positionnement est le résultat de négociations intra- organisationnelles (DG, FSI), pour décider s’il faut entrer en négociation et dans quel but.
Pour les DG, le positionnement social vise à instaurer des relations de confiance avec les syndicats partout dans le monde. Le positionnement communicationnel vise à donner à la FMN une image d’entreprise responsable (Barreau et Ngaha, 2012). Le positionnement managérial vise à faire appliquer la politique définie par la DG dans l’ensemble des filiales, en négociant centralement et non entité par entité (Platzer et Müller, 2011 ; Bourguignon et Mias, 2017) et, éventuellement, à obtenir un contrôle syndical de cette application (Bourguignon et coll., 2020). Un positionnement n’est pas pour autant exclusif des deux autres.
Pour les FSI, le positionnementquantitatif vise à signer un nombre maximal d’ACI. Le positionnement qualitatif vise à signer uniquement des ACI contenant des engagements de la direction précis et contraignants (Barreau et Ngaha, 2012 ; Platzer et Müller, 2011, p. 751-752 ; Daugareilh, 2017, p. 56). Les FSI au positionnement qualitatif ne se contentent pas d’un simple engagement au respect des conventions de base de l’OIT.
Cette modélisation processuelle et contextualiste nous conduit à préciser notre question de recherche initiale : comment les positionnements, les comportements et les interactions des négociateurs d’un ACI, confrontés aux comportements et interactions des acteurs locaux, influencent-ils l’effectivité d’un ACI ?
Méthodologie
Pour répondre à notre question de recherche, nous avons retenu la méthode des cas qui permet d’isoler un phénomène afin d’en comprendre la complexité et d’éclairer au mieux les liens entre ses composantes et son contexte (Yin, 2014). Cette méthode, couplée à une perspective longitudinale, vise à suivre l’évolution d’un phénomène et à en comprendre la dynamique (Pettigrew, 1990 ; Langley, 1999). Notre unité d’analyse est le processus de négociation d’un ACI, étudié dans ses trois phases. Nous avons analysé les processus de négociation menés par deux FMN (Danone, FT/Orange) et deux FSI (UNI et UITA). Ces FMN se distinguent par la diversité de leurs situations économiques, leur degré d’internationalisation et leurs relations sociales. Ces FSI ont aussi des histoires différentes. L’UITA, créée en 1920, a conclu 20 ACI. UNI, créée en 2000 par fusion de quatre secrétariats professionnels internationaux, a conclu 53 ACI (sites des FSI, février 2020).
La collecte des données est basée sur des observations (réunions syndicales, comité d’entreprise européen), le recueil de documentation (articles de presse, textes des ACI, comptes-rendus de réunions, communiqués de presse, tracts syndicaux, rapports annuels ou de référence, rapports de responsabilité sociétale de l’entreprise) et sur 38 entretiens (tableau 1). Ils ont été menés avec les négociateurs syndicaux et managériaux des ACI et des syndicalistes de différents niveaux concernés par l’application de ces ACI, de 2008 à 2020. Ces entretiens ont été réalisés, par vagues successives depuis 10 ans, pour actualiser des données existantes ou générer de nouvelles données. Les entretiens avec les négociateurs étaient rétrospectifs ; nous leur demandions de raconter l’histoire de la négociation telle qu’ils l’avaient vécue (Pettigrew, 1990 ; Langley, 1999). Les témoignages des autres acteurs, qui avaient participé à l’application des ACI, complétaient les discours recueillis. Les entretiens ont fait l’objet d’une retranscription sur la base des enregistrements ou des prises de notes. Les retranscriptions ont toutes été relues pour croiser différentes informations et renforcer la validité interne de nos analyses.
Nous inspirant des études de processus stratégiques, nous avons opté pour des stratégies complémentaires d’analyse des données qualitatives collectées pour reconstruire l’histoire d’une négociation et comprendre la dynamique d’application d’un ACI : décomposition temporelle (temporal bracketing), narration (narrative), graphique (visual mapping) (Langley, 1999). La décomposition temporelle se traduit par un classement de nos données en trois phases (avant, pendant, après) du processus de négociation. La première phase se termine lorsque s’ouvre la première séance de négociation. La seconde se clôt par la signature de l’ACI. La dernière peut se prolonger sur plusieurs décennies. Nous faisons les récits du déroulement de chaque phase en restituant les événements marquants, les comportements et les interactions des négociateurs et des acteurs qui participent à l’application des ACI, les relations entre les négociateurs et les acteurs de la seconde table (back stage). Ces récits sont élaborés à partir de la confrontation des discours des deux parties en présence, pour gommer l’effet « reconstruction » a posteriori de négociations qui se sont déroulées longtemps auparavant. La consultation de la documentation joue également un rôle correcteur. Nous proposons un graphique synthétisant notre raisonnement et structurant notre analyse (voir schéma 1).
Contexte structurel et positionnements managériaux et syndicaux
Le PDG de BSN, Antoine Riboud, pose les bases du double projet économique et social, en 1972. BSN fusionne avec Gervais-Danone en 1973 et devient Danone en 1994. À partir de 1996, le nouveau PDG, Franck Riboud, développe l’internationalisation du groupe, principalement en Europe, puis, de 2007 à 2014, hors Europe. La nouvelle direction nommée en 2017 restructure le groupe en trois secteurs (produits laitiers, nutrition médicale et infantile, eaux) et acquiert de grandes entreprises étrangères, dont WhiteWave aux États-Unis en 2017. Le projet social de Danone perdure. « Depuis qu’Antoine Riboud, en a exprimé l’idée, on attend des syndicats qu’ils nous challengent » (DRS, avril 2020).
La direction entretient un dialogue social international depuis les années 1980. « Nous voulons développer une relation de confiance avec les syndicats partout dans le monde » (DRS, avril 2020). En 1984, A. Riboud et le secrétaire général de l’UITA décident de créer une instance de dialogue international, composée de décideurs de BSN et de représentants des syndicats actifs dans le groupe. Elle se réunit annuellement à partir de 1986 et devient le Comité d’information et de consultation (CIC), équivalent à un comité d’entreprise européen, en 1996. BSN et l’UITA signent le premier ACI en 1988. Celui-ci définit quatre principes (fournir une information de qualité, promouvoir l’égalité hommes-femmes, développer une formation qualifiante, respecter les droits syndicaux) qui seront déclinés dans quatre « conventions ». À ces cinq premiers accords s’ajoutent l’avis commun en cas de modification de l’activité affectant l’emploi ou les conditions de travail de 1997, la convention sur la diversité de 2007, l’ACI sur la santé, la sécurité, les conditions de travail et le stress de 2011 (ACI-D2011stcs), l’ACI sur l’emploi durable et l’accès aux droits de 2016 (ACI-D2016edad).
Les cinq premiers accords signés « devaient être renégociés, adaptés aux réalités locales […]. Ensuite on a décliné ce que les principes veulent dire dans la pratique » (permanent UITA, janvier 2009). Car, en 2006, les responsables de l’UITA dressent un bilan négatif des répercussions des ACI sur le terrain. Ils adoptent des normes strictes sur la conclusion des ACI (conseiller UITA, avril 2019), testées dès 2009. La décision de négocier l’ACI-D2011stcs est alors prise, à l’issue de la réunion du CIC, à la demande de l’UITA et avec l’aval du PDG. Les syndicalistes d’Amérique du Sud avaient en effet dénoncé une détérioration des conditions de travail et les syndicalistes européens une forte augmentation du stress des salariés.
Depuis 2015, la position de l’UITA a évolué : « Nous encourageons de plus en plus nos affiliés à interpréter les ACI et à négocier des accords nationaux/locaux qui leur donnent vie » (conseiller UITA, avril 2019). Ses exigences restent cependant élevées. Constatant que les salariés précaires ne bénéficient pas des droits négociés par les syndicats, la FSI juge urgent d’obtenir un accord promouvant l’emploi durable. Après quatre mois d’échanges avec ses affiliés, lui permettant de préciser son mandat de négociation, l’UITA est à l’initiative de la négociation de l’ACI-D2016edad. Au cours des années 2010, le positionnement de Danone reste social et celui de l’UITA, qualitatif.
Le groupe Orange, anciennement France-Télécom (opérateur français historique de télécommunications), a connu plusieurs changements : passage d’un statut d’administration publique à exploitant autonome de droit public en 1990, transformation en société anonyme au capital majoritairement détenu par l’État en 1996, puis privatisation progressive depuis 2004[3]. Il adopte une stratégie de développement de nouveaux services, renforcée par l’acquisition de l’opérateur de téléphonie mobile Orange, en 2000. Dès 2002, l’entreprise démarre un programme de rationalisation de ses activités en cédant des filiales ou participations non stratégiques et en accentuant son internationalisation dans les pays émergents d’Afrique (rapports de référence). Les réorganisations internes et les importantes suppressions d’emplois dégradent fortement le climat social et conduisent au remplacement de l’équipe de direction en 2010. Depuis, l’entreprise poursuit son internationalisation ciblée en Afrique.
L’internationalisation du groupe pose la question du dialogue social, à l’échelle mondiale et dans chacune des filiales. Le rôle d’UNI est déterminant dans la structuration de ce dialogue. Une alliance réunissant l’ensemble des syndicats affiliés à UNI au sein du groupe, présidée par un syndicaliste africain, est créée en 2003. Elle obtient difficilement la reconnaissance de la direction en tant qu’interlocuteur syndical international (2004) puis, en 2006, la négociation d’un ACI sur les droits sociaux fondamentaux du travail (ACI-O2006).
En 2010, la nouvelle DG instaure un comité groupe monde (CGM). Elle envisage la négociation d’un second ACI qui viendrait valoriser sa politique sociale nationale (DRS, juillet 2012). Pour l’Alliance, cette négociation permettrait d’affirmer sa place d’interlocuteur syndical international. La déclaration commune d’Abidjan (28 mars 2014), signée par le président de l’Alliance, le DG d’Orange et le responsable d’UNI ICTS[4], entérine ce rôle et engage la direction à ouvrir une négociation d’ACI sur le thème de la santé et sécurité au travail. La négociation de cet ACI de 2014 (ACI-O2014sst) s’ouvre sur une proposition de la direction. « L’architecture de l’accord provenait de la direction après échange avec nos réseaux de DRH filiales, pour tenir compte de leurs budgets » (DGRH, janvier 2018).
Une nouvelle négociation d’ACI s’ouvre en janvier 2019, sur l’égalité professionnelle femmes-hommes (ACI-O2019ep), thème proposé par la direction des relations sociales (DRS). « Cet accord est une histoire de dynamique : en France, nous en sommes à notre cinquième accord sur l’égalité professionnelle » (DRS, mars 2020). Ce thème a été accepté par UNI et par l’Alliance. Pour UNI, la conclusion d’ACI, indépendamment du contenu, constitue une étape décisive de sa stratégie « aller de l’avant » (site FSI, mars 2020). Pour l’Alliance, il s’agit de confirmer son statut d’acteur légitime de la négociation internationale. Pourtant, certains syndicalistes locaux auraient « préféré négocierun accord sur les projets de restructuration, d’externalisation de l’emploi » (syndicaliste local, mars 2019).
Le positionnement d’Orange a ainsi évolué de communicationnel (Barreau et Ngaha, 2012) à managérial. Celui d’UNI est resté quantitatif.
Les deux FMN ont accentué leur internationalisation dans des zones où les systèmes de relations professionnelles sont très différents de celui que connaît la société mère et où la syndicalisation est plus ou moins développée, voire se heurte à une hostilité managériale. Un climat de confiance DG-syndicats est instauré de longue date chez Danone. Il se construit depuis 2010 dans le groupe Orange, avec l’arrivée d’une nouvelle DG. L’entretien d’un dialogue social international est donc de mise dans les deux groupes, mais dans une perspective différente. La DG de Danone est dans un positionnement social qui la conduit à être à l’écoute des syndicats et à accepter de négocier des ACI sur des sujets sensibles, susceptibles d’accorder de nouveaux droits aux salariés. Ces thèmes sont proposés par l’UITA, après une longue phase de consultation de ses affiliés. La DG d’Orange est soucieuse d’harmoniser sa politique sociale et de transférer ses outils de gestion sociale. Elle choisit de négocier des ACI sur des thématiques qu’elle maîtrise bien par des négociations menées dans la société mère et consulte les DRH des filiales pour évaluer la faisabilité de cette harmonisation. L’Alliance-UNI demande à ses membres de proposer des thèmes, mais la discussion avec la direction aboutit à privilégier les choix de la direction. Elle accepte une situation qui contribue à l’augmentation du nombre d’ACI conclus, mais qui ne permet pas de prendre en compte les revendications des affiliés.
Influence des positionnements, comportements et interactions des négociateurs sur le contenu d’un ACI
Nous analysons les comportements et les interactions des négociateurs et caractérisons les contenus de quatre ACI conclus au cours des années 2010.
Les ACI Danone/UITA sont issus d’une démarche de négociation respectueuse des consultations de la seconde table : « La négociation repose sur deux cercles d’animation, entre nous et nos managers locaux et entre l’UITA et ses affiliés. On se retrouve à une table de négociation pour fixer comment on peut s’accorder sur des principes de fonctionnement forts et actionnables » (DRS, avril 2020).
La négociation de l’ACI-D2011scts s’est déroulée de septembre 2010 à septembre 2011. « Des négociations intenses sur les grands principes ont eu lieu jusqu’en février 2011 » (DRS, juin 2012). Ensuite la DGRH a organisé plusieurs conférences téléphoniques avec des responsables opérationnels situés dans des pays émergents afin de « s’assurer que l’on ne risquait pas d’imposer des contraintes très au-dessus de ce que faisait la concurrence et qui les mettraient en difficulté. Nous ne les avions pas consultés en amont » (DRS, juin 2012). L’UITA, en parallèle, a mené pendant tout le processus « une réflexion avec les syndicats locaux et nationaux pour que le texte final leur soit vraiment commun » (négociateur UITA, juin 2012).
L’ACI-D2011scts engage notamment Danone à former à la sécurité et la santé au travail toutes les personnes intervenant sur ses sites, à analyser tous les accidents du travail, « en liaison avec les intéressés et la représentation du personnel pour en tirer des leçons », à discuter « avec les organisations syndicales et/ou les instances de représentation des salariés » les principales composantes de l’organisation du travail. Une liste d’indicateurs doit être transmise annuellement au comité de pilotage et aux membres du CIC.
La négociation de l’ACI-D2016scts porte sur un sujet sensible, la lutte contre la précarité de l’emploi. La direction de Danone perçoit l’hostilité des cadres opérationnels à ce projet qui vise à limiter strictement le recours à l’intérim et à la sous-traitance. Le directeur général du groupe participe plusieurs fois aux séances de négociation. Le processus de négociation dure un an et demi (conseiller UITA, avril 2019). Cet ACI marque une rupture : il contient des principes et des méthodes dont les applications pratiques doivent être négociées par les directions et les syndicats, localement. Il leur revient de définir conjointement « les circonstances dans lesquelles les emplois à durée déterminée et/ou l’externalisation des services peuvent être justifiés et acceptés par un commun accord » et de négocier les modifications importantes des formes structurelles de l’emploi. « Sur le sujet de l’emploi durable, objectivement, on est allé plus loin que la plupart des autres entreprises. On a essayé de formuler les choses, d’une manière qui soit opérationnelle pour les équipes locales, en les consultant par sondage » (DRS, avril 2020).
Ces deux ACI sont substantifs et portent sur des sujets sensibles (organisation du travail, précarité de l’emploi).
Dans le groupe Orange, la négociation de l’ACI-O2014sst entre l’Alliance, les représentants d’UNI et la direction a duré six mois et a été consensuelle. Le contenu du texte a fait l’objet d’allers-retours entre les équipes de négociation managériale et syndicale. L’Alliance a obtenu une incitation à la parité (direction/syndicat) dans les comités de santé et sécurité chargés localement du suivi de l’accord. Le représentant d’UNI ICTS a exigé l’insertion des fournisseurs et sous-traitants dans le périmètre d’application de l’ACI. Ce n’était pas une revendication prioritaire de l’Alliance ni de ses membres : « Il est très difficile de prendre en compte les revendications des sous-traitants car nous sommes élus par les salariés d’Orange » (syndicaliste local, mars 2019). Cet ACI s’inspire des dispositions appliquées au sein de la société mère et a pour objectif d’instaurer un régime de protection sociale en cas de maladie et de maternité pour les salariés des filiales étrangères. Les modalités de diffusion et de contrôle de l’ACI sont clairement mentionnées dans le texte.
La négociation de l’ACI-O2019ep s’est déroulée de février à juillet 2019, sur la base d’un calendrier et d’un projet de texte proposés par la direction. La monture finale de l’accord est toutefois le fruit d’un travail consensuel. L’accord s’inspire, quant au fond, de la politique du groupe sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et, quant à la forme, des accords négociés en France et des ACI antérieurs. Il est enrichi des propositions de l’équipe syndicale de négociation : sur la violence domestique reconnue comme un problème lié au lieu de travail, sur l’équilibre vie professionnelle et personnelle. « Ce thème a été étoffé, à la demande syndicale, notamment les paragraphes sur le télétravail et les horaires flexibles » (DGRH, mars 2020). UNI ICTS a de nouveau exigé l’inclusion des fournisseurs et sous-traitants. Sur le plan procédural, l’ACI prévoit la mise en place de comités ad hoc et la réalisation d’un état des lieux des pratiques, au sein des filiales.
Cet accord est substantif, à l’instar de celui de 2014.
Les négociations Danone-UITA durent jusqu’à 18 mois car elles portent sur des sujets sensibles qui provoquent inquiétude, voire hostilité des directeurs opérationnels. Les séances sont espacées (d’environ deux mois), car la DG éprouve le besoin de consulter les directeurs opérationnels et l’UITA ses affiliés. Des échanges téléphoniques et électroniques nourris entre les leaders des deux équipes de négociation ont lieu entre deux séances. Les négociations Orange-Alliance-UNI durent quelques mois, au cours de séances rapprochées, orchestrées par la DG. Le rôle des acteurs de la seconde table est très important pour la DG de Danone qui ne consulte pas ses responsables opérationnels avant le démarrage de la négociation, mais plusieurs fois en cours de négociation. L’UITA consulte ses affiliés pendant la négociation et à son issue. La consultation des acteurs de la seconde table semble inutile pour la DG d’Orange et pour l’Alliance/UNI. La négociation proprement dite se passe, dans les deux cas, dans une atmosphère non conflictuelle, car les échanges qui ont eu lieu entre les négociateurs pendant la phase amont ont permis d’esquisser des compromis satisfaisants pour les deux parties. Les positionnements des DG permettent de négocier des ACI substantifs. L’UITA obtient de réelles avancées sociales, grâce au positionnement social de la direction de Danone. L’Alliance obtient des aménagements du texte initial, sans remettre en cause son économie générale.
Positionnements, comportements et interactions propices à l’effectivité d’un ACI
L’analyse de l’effectivité d’un ACI (6.2) nécessite d’étudier, au préalable, le déroulement des trois premières étapes de l’application (6.1).
Diffusion, appropriation et contrôle de l’application d’un ACI
La direction de Danone ne se contente pas de diffuser les textes des ACI conclus à ses gestionnaires locaux. Les ACI « sont des outils importants pour former le management sur des sujets nouveaux, sensibles. Le fait d’avoir un accord global légitime le sujet et permet d’avoir des programmes de formation plus lourds » (DRS, avril 2020). La direction charge les gestionnaires locaux de faire connaître le contenu de l’ACI à l’ensemble de leurs salariés, dans la langue du pays. Cependant l’UITA veille à créer ses propres outils de diffusion (brochure de présentation de l’ACI-D2016epad, affiche sur l’ensemble des ACI UITA-Danone) (conseiller UITA, avril 2019).
L’appropriation des contenus des ACI passe par des visites conjointes, créées à la fin des années 2000, à la demande de l’UITA. Un membre de la DGRH de Danone et un représentant de l’UITA se déplacent dans les usines étrangères du groupe pour « faire comprendre les accords localement » et pour vérifier comment les ACI conclus y sont appliqués. Des réunions bilatérales sont organisées ainsi que des réunions uniquement syndicales ou managériales. Cette activité, réduite de 2016 à 2018, est réactivée depuis février 2019 avec la désignation d’un membre de la DGRH, chargé du suivi des ACI, et d’un conseiller UITA, chargé à temps plein de cette activité (conseiller UITA, mars 2019).
Le contrôle de l’application des ACI est également assuré par le comité de pilotage, composé de représentants de l’UITA, de fédérations nationales et de la direction. Il se réunit quatre fois par an. Par ailleurs, les affiliés et des représentants de l’UITA échangent entre eux, lors d’une demi-journée dédiée au suivi syndical des ACI, lors de la semaine de réunion annuelle du CIC (conseiller UITA, mars 2019).
La direction d’Orange orchestre la diffusion de l’ACI-O2014sst. Elle traduit et transmet le texte à sa ligne managériale. Des formations mixtes (gestionnaires et syndicats) sont organisées localement par la DGRH, en présence du président de l’Alliance. Tous les membres des comités de santé et sécurité locaux en ont bénéficié. Une plateforme numérique d’échange d’informations et de bonnes pratiques permet de maintenir les liens entre les acteurs des comités de santé et sécurité (DGRH, janvier 2017). Le paritarisme dans ces comités n’est « pas toujours effectif » (syndicaliste local, mars 2019). Les données recueillies par ces comités sont communiquées aux DRH des filiales qui les présentent lors de la réunion plénière annuelle Alliance-DG[5]. Par ailleurs, le suivi de l’ACI est traité lors de réunions restreintes Alliance-DG et dans le CGM. Pourtant l’Alliance ne dispose pas de toute l’information nécessaire : « Nous n’avons pas de plan pour organiser nos propres remontées d’information » (syndicaliste local, mars 2019).
La diffusion de l’ACI-O2019ep est assurée par la DG et UNI. La direction met ses outils d’information et de sensibilisation à la disposition des DRH locales, qui sont chargées de les traduire. Cependant, pour cet ACI considéré comme moins « technique » que l’ACI-O2014sst (DGRH, mars 2020), aucune formation n’a été programmée. UNI diffuse largement cet ACI dans ses réseaux (communiqué, juillet 2019). Mais la crise de la COVID-19 ne favorise pas l’instauration des comités ad hoc locaux, prévue dans le texte de l’ACI (DGRH, avril 2020). Aucune rencontre DG-Alliance de suivi n’a eu lieu au printemps 2020 et la DGRH n’attend pas une transmission complète des indicateurs mentionnés dans l’ACI : « Il n’y a pas des indicateurs dans tous les pays » (DRS, mars 2020).
Un positionnement social ou managérial des DG suscite des comportements actifs de diffusion interne et de sensibilisation des directions locales ainsi que l’instauration de dispositifs de contrôle. Dans ces opérations, les FSI, dotées de faibles moyens financiers et humains, sont aidées par les directions (Danone-UITA et Orange-Alliance-UNI).
Mise en conformité des pratiques locales
L’accès au droit à la syndicalisation est une condition nécessaire à l’application de tous les ACI conclus. Cela est un enjeu pour les FSI signataires. « Il faut obtenir en priorité le respect du droit syndical. Sinon les autres ACI ne peuvent pas être appliqués correctement » (conseiller UITA, avril 2019). L’UITA est très active pour promouvoir la syndicalisation des entités de Danone. La direction du groupe ne l’est pas moins. Des avancées très significatives ont été réalisées, aux États-Unis, et d’autres plus modestes en Russie et en Turquie, au cours de l’année 2019.
Le rachat de WhiteWave en 2017 a fait entrer douze usines nord-américaines, en grande majorité non syndiquées, et une direction de WhiteWave antisyndicale, dans le groupe Danone qui possédait alors cinq usines nord-américaines syndiquées et dotées d’accords collectifs. En février 2019, une réunion est organisée par les deux responsables des visites conjointes. Elle rassemble les directeurs RH et opérationnel de Danone–États-Unis, le DGRH, membre du comité exécutif du groupe, des représentants des trois syndicats américains affiliés à l’UITA. « Le représentant de l’UITA et moi avons fait beaucoup de pédagogie pour expliquer ce qu’est Danone, quels sont nos engagements, notre expérience de travail avec les syndicats » (DRS, avril 2020). À la suite de cette réunion, une négociation est ouverte. Elle aboutit à la conclusion d’un accord local, déclinaison de l’ACI UITA-Danone sur l’exercice du droit syndical de 1994 (ACI-D1994), adaptée à la situation américaine. « Nous l’avons appelé accord de neutralité active. Ce qui est un peu paradoxal » (DRS, avril 2020). Cet accord local affirme en effet la neutralité de la direction et prévoit un accès des syndicats aux sites Danone, pendant au moins deux semaines, pour répondre aux questions des salariés. Il confie l’organisation de l’élection à un médiateur indépendant, choisi par accord mutuel entre Danone et le syndicat américain. « Les salariés de Dallas se sont syndiqués et ont négocié une convention collective, signée fin septembre 2019 » (conseiller UITA, mars 2020).
L’accord a été appliqué en Pennsylvanie en février 2020, à l’occasion d’une visite conjointe, en présence de deux autres membres de la DGRH, une présence souhaitée par l’UITA pour convaincre la direction locale (conseiller UITA, mars 2020). Cette usine s’est syndiquée et la négociation d’un accord collectif a été entamée. « Nos affiliés sont très impressionnés par l’application de l’accord parce qu’aux États-Unis on trouve l’engagement de neutralité dans d’autres accords, mais pas l’accès des syndicats aux sites » (conseiller UITA, mars 2020). La FSI a exigé qu’une affiche résumant le contenu de l’accord conclu (neutralité de la direction, présence des syndicats sur le site à telle date, procédure d’élection) porte la signature du directeur local pour donner du crédit à ces engagements (conseiller UITA, mars 2020).
En Russie, la direction de Danone a beaucoup de mal à recruter des gestionnaires comprenant sa politique de conclusion d’accords locaux. L’UITA estime que les progrès sont très lents malgré l’organisation de réunions entre syndicats et directions russes et de trois visites conjointes. En Turquie, en 2019, à la demande de l’UITA, la DGRH de Danone est intervenue auprès de sa direction turque pour qu’elle reconnaisse la syndicalisation de salariés et ouvre une négociation collective (conseiller UITA, mars 2020).
La mobilisation des syndicats locaux est également indispensable à l’application de l’ACI-D2016edad puisque celui-ci doit être décliné en tenant compte des particularités nationales et locales. Actuellement, la seule déclinaison est l’accord signé en mars 2019 dans la filiale belge. Des accords locaux reprennent cependant des éléments de cet ACI, notamment en Pologne. « On y a diminué, de manière forte, la précarité, aussi bien en interne que chez les sous-traitants » (DRS, avril 2020). De même, en Russie, l’ACI-D2011scts est introduit prudemment. Un accord local, signé en 2019, prévoit une gestion paritaire des phases de diagnostic, après un accident du travail. « Cela légitime le rôle des syndicats et leur donne accès à des informations qui déclenchent d’autres discussions » (DRS, avril 2020).
La DGRH d’Orange maintient sa position de neutralité, à l’égard de la syndicalisation, mentionnée dans l’ACI-O2006. Cependant elle affirme être favorable « à l’installation de sections syndicales, s’il y a une volonté locale » (DGRH, mars 2020). La direction met à la disposition de la FSI les moyens de sensibiliser les salariés de filiales dépourvues de syndicat. « Dans les filiales du Libéria et de la Sierra Leone, nous aidons UNI à faire monter en compétences le personnel sur le fait syndical. Nous avons monté un module de formation qui contient des aspects institutionnels sur la syndicalisation et qui présente nos ACI » (DGRH, mars 2020).
La DGRH intervient aussi dans la gestion de conflits internes dans ses filiales. Elle est alertée par l’Alliance, par des syndicats ou des acteurs locaux qui se réfèrent parfois à l’ACI-O2006 pour porter des revendications relatives à la gestion du travail, évoquée sommairement dans cet ACI. Ainsi, au sein du Groupement d’Orange services (GOS), situé en Côte d’Ivoire, un conflit éclate en mai 2018, notamment sur les conditions de travail. Le responsable du syndicat local saisit alors l’Alliance qui est en contact régulier avec la DGRH. Ces échanges aboutissent à l’organisation de rencontres entre les acteurs locaux, un représentant de la DGRH et le président de l’Alliance en juin 2018. Un « mémorandum » a été rédigé et signé par l’équipe de médiation, le DRH local et un représentant du syndicat local. Il décrit les faits et consigne les engagements pris pour désamorcer le conflit. Cette démarche n’a cependant pas abouti à la signature d’un accord local (DGRH, mars 2020).
Les premières étapes de l’application (diffusion, appropriation) sont assurées par la DG auprès des gestionnaires locaux. La DG fait passer un message fort, aux responsables de ses filiales étrangères, sur sa conception du dialogue social et sur ses valeurs (Danone), sur ses politiques sociales (Orange). Les DG utilisent essentiellement des formations et communiquent les bonnes pratiques. Le contrôle est assuré conjointement, au sein de comités, réunissant des représentants de la DGRH et de la FSI/Alliance (Danone et Orange), et au cours de visites conjointes (Danone).
Dans l’étape de mise en conformité, le rôle des syndicats locaux est primordial, pour alerter la FSI/Alliance et éventuellement entrer en conflit avec la direction locale, en cas de non-application de l’ACI, pour décliner l’ACI en accords locaux. Dans les deux cas, l’intervention conjointe de la DG et de la FSI/Alliance sur le site est nécessaire. Le positionnement social de la direction de Danone la conduit à développer la négociation locale, créatrice de droits pour les salariés. Les accords locaux, alors signés, assurent l’accès à la syndicalisation et reprennent certains des engagements des ACI-D2011scts et D2016edad, selon la situation locale, les revendications des syndicats locaux et la réceptivité des gestionnaires locaux. Le positionnement managérial de la direction d’Orange l’amène à privilégier le transfert d’outils de gestion de la société mère, au risque qu’ils soient inadaptés aux situations locales, ou à intervenir pour réguler les relations sociales locales. Une coordination de qualité au sein du RSI est nécessaire, tant pour les étapes de diffusion, d’appropriation et de contrôle que pour l’étape de mise en conformité.
Enseignements tirés de l’application du modèle d’analyse
L’approche processuelle, contextualiste et multi-niveau, permet de mettre en lumière les conditions d’effectivité d’un ACI, les processus d’apprentissage en cours, les particularités des ACI et de la NCI.
Conditions d’effectivité d’un ACI
Notre analyse montre que l’effectivité d’un ACI est conditionnée par les positionnements des négociateurs car ceux-ci influencent leurs comportements et leurs interactions de l’avant-négociation à l’application de l’ACI. Au cours de cette dernière phase, les négociateurs sont confrontés aux comportements et interactions des acteurs locaux (gestionnaires, syndicats, salariés). La relation DG-syndicats-FSI/Alliance est révélatrice des positionnements des DG (Barreau et Ngaha, 2013) : relation de confiance entretenue (Danone), en construction (Orange).
L’effectivité des ACI étudiés est avant tout conditionnée par le positionnement de la DG. Une DG au positionnement social (Danone) ou managérial (Orange) met tout en oeuvre pour diffuser l’ACI, favoriser son appropriation et le contrôle de son application localement et mettre les pratiques locales en conformité avec les dispositions de l’ACI. Les DG organisent des formations et usent de leur pouvoir hiérarchique pour convaincre les gestionnaires locaux d’appliquer les dispositions de l’ACI. Elles sont conscientes d’un préalable à cette application : la présence de syndicats locaux actifs. Elles interviennent pour favoriser la syndicalisation, réactivant ainsi l’application d’ACI de droit, adoptés antérieurement. L’intervention consiste à aider à la conclusion d’accords locaux, dans le cas de Danone, à transférer des outils de gestion, à régler des conflits, à sensibiliser les salariés à la syndicalisation, dans le cas d’Orange.
Les positionnements des FSI/Alliance jouent dans les interactions avec les DG : offensivement, en proposant des thématiques sur des sujets sensibles, en négociant longuement pour ouvrir de nouveaux droits pour les salariés (UITA au positionnement qualitatif) ou réactivement en laissant l’initiative des thématiques à la direction, quitte à apporter quelques amendements et propositions en cours de négociation (UNI au positionnement quantitatif). Pour la diffusion, l’appropriation, le contrôle et la mise en conformité des ACI, les deux FSI/Alliance interviennent dans des actions conjointes avec les directions au positionnement social ou managérial. C’est l’intervention conjointe de la DG et de la FSI/Alliance qui pousse à l’effectivité d’ACI de droit adoptés antérieurement et à celle de quelques dispositions d’ACI substantifs, dans le cas de Danone. Notre étude met ainsi en lumière l’importance des interactions DG-FSI/Alliance insuffisamment éclairées par les travaux existants (Bourque et coll., 2018 ; Hennebert et coll., 2018).
Le rôle des syndicats locaux est essentiel, comme le soulignent les recherches antérieures (voir supra) : pour alerter et se mobiliser, éventuellement entrer en conflit, en cas de non-application (Orange) ; pour négocier les déclinaisons locales d’un ACI (Danone). C’est pourquoi les DG interviennent, en l’absence de syndicats dans des entités nouvellement acquises, pour faciliter l’implantation syndicale (neutralité active de Danone) ou sensibiliser les salariés à la syndicalisation par des formations (neutralité atténuée d’Orange). Les attitudes de ces DG contrastent avec celle de Telefónica qui, sous prétexte de neutralité, refuse de mettre fin aux pratiques antisyndicales de directions de filiales (Bourque et coll., 2018). Dans nos deux exemples, les gestionnaires locaux, soumis à une pression hiérarchique, doivent obtempérer quand la DGRH l’exige.
L’effectivité des ACI étudiés, portant sur la gestion du travail, est conditionnée par la présence de syndicats dans les filiales. Cela incite les DG à veiller à l’application des ACI de droit conclus antérieurement, même si leurs contenus sont minimalistes. Pour les syndicats locaux, le contenu des ACI portant sur la gestion du travail leur donne des moyens de contrôle, des soutiens de revendication, des occasions de négociations locales, s’ils se l’approprient et sont soutenus par les FSI-Alliance. La coordination au sein du RSI joue alors un rôle essentiel (Fichter, Stevis et Helfen, 2012 ; Barreau et Ngaha, 2013 ; Fichter et McCallum, 2015 ; Bourque et coll., 2018 ; Hennebert et coll., 2018).
Les interactions et les comportements observés sont cohérents avec les objectifs des acteurs. Ils sont cependant soumis à des aléas (pandémie de COVID-19) et ne sont pas exempts de contradictions (implantation de Danone en Chine). Nous ne prétendons donc pas définir un enchaînement immuable.
Les processus d’apprentissage de la NCI en cours
Des processus d’apprentissage de la part de la DG et de la FSI sont révélés. Ils sont facilités, dans le cas de Danone, par la stabilité des équipes de négociation tant managériales que syndicales (Barreau et coll., 2020). Nous remarquons notamment une évolution dans le type d’ACI conclu et dans les positionnements des DG et des FSI.
Aux premiers ACI de droit ou de droit amélioré (première génération) se substituent des ACI substantifs (deuxième génération) puis des ACI traitant de sujets sensibles et accordant de nouveaux droits aux salariés, droit de regard sur l’organisation du travail, droit à un emploi durable (troisième génération) (ACI Danone-UITA). Cet apprentissage est mentionné par d’autres études empiriques montrant que chaque FMN française passe par la première phase (Barreau et Ngaha, 2012 ; Barraud et coll., 2020). L’instauration de relations DG-FSI/Alliance est souvent lente et à l’initiative syndicale. Une fois la relation de confiance créée, le passage à la négociation d’ACI de deuxième génération a lieu d’autant plus rapidement que cette négociation est considérée, par les deux parties, comme le moyen de renforcer les liens DG-FSI/Alliance. Le passage à la négociation d’ACI de troisième génération dépend du positionnement qualitatif de la FSI, donc de ses revendications de nouveaux droits pour les salariés.
Un processus d’apprentissage s’opère également dans les positionnements. La DG d’Orange a adopté un positionnement managérial depuis 2010. La découverte du rôle essentiel que jouent les syndicats locaux pour veiller à l’application des ACI l’amène à encourager la syndicalisation dans ses filiales africaines et pourrait l’acheminer vers un positionnement social. La DG de Danone donne un objectif plus ambitieux à la NCI des années 2010 : accorder de nouveaux droits aux salariés. Le changement de DG, intervenu en mars 2021 sous l’impulsion d’un fond activiste, insatisfait par la rentabilité financière du groupe, peut cependant remettre en cause un positionnement social défini dans les années 1980. L’UITA a renforcé son positionnement qualitatif. Elle exige dorénavant la création de nouveaux droits pour les salariés. Le positionnement d’UNI reste quantitatif.
Les particularités des ACI et de la NCI
Les ACI de troisième génération, négociés par l’UITA, mentionnant la nécessité d’une négociation sociale locale pour décliner les principes dans des dispositions adaptées aux réalités locales, sont des accords-cadres. Par contre, les ACI reproduisant une politique sociale de la maison-mère pourraient être qualifiés d’accords mondiaux d’entreprise (Moreau, 2017). Cependant, dans ce dernier type d’accord, les FSI réussissent à introduire des principes qui doivent être déclinés localement (équilibre vie professionnelle et personnelle par exemple, dans l’ACI O2019ep). La dénomination accord-cadre est justifiée.
Nous repérons plusieurs particularités de la NCI dans les cas étudiés. La phase de négociation proprement dite d’un ACI a moins d’incidence que les phases avant et après négociation. Elle n’est pas conflictuelle ; les protagonistes souhaitent aboutir et trouvent des compromis. Par contre, la phase d’avant-négociation est décisive. Dans nos exemples, la décision de négocier un nouvel ACI n’intervient pas à la suite d’un conflit (Fichter et McCallum 2015 ; Hennebert, 2017). Elle repose sur une relation de confiance DG-FSI/Alliance et contribue à l’entretenir ou à la consolider. Le choix de la thématique est délicat et peut exiger des consultations intenses entre les acteurs de la seconde table. L’effectivité d’un ACI se révèle lors de la phase d’application et nous montrons que la qualité de l’accord conclu ne joue pas sur son effectivité (déclinaison de l’ACI-D1994 sur le droit syndical, minimaliste, en un accord américain très précis et contraignant pour les directions américaines d’entités Danone). La NCI est une suite de processus qui s’enchaînent (négociation d’ACI de première génération puis de deuxième, voire troisième génération) mais aussi s’entremêlent (réécriture de dispositions adoptées dans un ACI précédent, Barraud et coll., 2020) et se déploient à différents niveaux (déclinaisons dans des accords locaux). Les positionnements des négociateurs sont très stables dans le temps (sur plusieurs décennies). Les positionnements des DG ne se modifient radicalement qu’à la faveur d’un changement organisationnel important et les positionnements des deux FSI étudiées sont inchangés, sur les 15 dernières années.
Conclusion
Cette recherche visait à analyser comment les positionnements, les comportements et les interactions des acteurs managériaux et syndicaux influencent l’effectivité d’un ACI. En nous appuyant sur quatre études de cas d’ACI substantifs, conclus depuis 2010, nous montrons l’intérêt de recourir au cadre théorique et aux stratégies de recherche des études de processus stratégiques, pour analyser l’effectivité d’un ACI, sous l’angle de la mise en conformité des pratiques locales avec les engagements pris dans l’ACI, en donnant une place centrale au temps. Nous étudions le processus de négociation en insistant particulièrement sur l’avant-négociation, étape souvent négligée, au cours de laquelle se forgent les positionnements des négociateurs, déterminants essentiels de l’effectivité de l’ACI. Nous mettons en évidence et caractérisons les interactions entre les acteurs, tout au long du processus de négociation, approche encore peu privilégiée par les chercheurs. Nous révélons les processus d’apprentissage de la NCI en cours et les particularités des ACI et de la NCI.
Les résultats de cette recherche restent contingents car les positionnements des directions de FMN sont ancrés dans le système français de relations professionnelles. Notre catégorisation des positionnements pourrait être enrichie par des recherches sur d’autres FMN européennes. L’élargissement de notre échantillon à d’autres FMN françaises ayant signé au moins deux ACI (dont un au moins substantif) avec l’UITA ou avec UNI permettra d’affiner l’analyse des particularités de la négociation collective internationale et des processus d’apprentissage qui renforcent la construction de relations professionnelles internationales et sont peut-être aptes à favoriser la conclusion d’ACI de troisième génération.
Parties annexes
Notes
-
[1]
L’ordre alphabétique correspond à une égale contribution de chaque auteure.
-
[2]
UITA : Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes. UNI : Union Network International.
-
[3]
En 2020, l’État détient 23 % du capital.
-
[4]
UNI Information, communication, technologies et services (ICTS).
-
[5]
Elle réunit la DG, le président de l’Alliance, un représentant de chaque syndicat affilié et deux représentants de l’UNI.
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