Résumés
Résumé
L’auteur de ce texte s’adonne d’abord à quelques réminiscences concernant le regretté professeur Alain-François Bisson. L’auteur y rappelle notamment un article qu’il avait publié, sous forme de dialogue platonique entre un juriste expérimenté et son jeune collègue, au sujet de l’usage parfois douteux que font les juges de la Cour suprême du Canada des propos des philosophes et, plus particulièrement, du traitement fâcheux réservé à Aristote dans la discussion de la notion d’égalité dans Andrews (1989). Continuant dans le sillon du professeur Bisson, l’auteur soutient que le rejet par la Cour suprême d’une interprétation de l’article 15 de la Charte canadienne fondée sur l’existence d’une situation similaire est à la fois ironique et erroné. Ironique, parce que depuis l’arrêt Andrews (1989) jusqu’à Québec c A (2013), dans toutes les affaires où les demandeurs ont eu gain de cause, la Cour a utilisé une telle approche. Elle n’a pas appliqué la version légaliste de cette approche, discréditée à juste titre, mais plutôt une version morale substantielle, qui exige que les personnes obtiennent des avantages juridiques égaux lorsqu’un tel résultat est prescrit par le raisonnement moral. L’auteur avance aussi que cette doctrine du droit à l’égalité et à la non-discrimination (baptisée « doctrine des distributions trop limitées ») est attrayante, moralement et dans la pratique, et correspond au rôle de la magistrature en tant que gardienne d’une « culture de justification » en droit public canadien. En fait, il se peut fort bien que ce soit là la doctrine prééminente de l’« égalité réelle » en vertu de l’article 15(1), et de ne pas la reconnaître comme telle a été source de nombreuses errances.
Dans un premier temps, l’auteur explique les éléments de la doctrine des distributions trop limitées et montre qu’elle est inhérente à la jurisprudence relative à l’article 15. Il traite ensuite de son adéquation en tant que doctrine judiciaire. Enfin, il examine ses répercussions interprétatives quant à la notion de « motifs analogues de discrimination » et quant au rôle de l’article premier. Les plus récentes décisions de la Cour suprême sur l’article 15 (Alliance (2018), Fraser (2020) et Sharma (2022)) et leur signification en lien avec la doctrine des distributions trop étroites sont discutées dans une coda.
Mots-clés :
- Droit constitutionnel,
- droits constitutionnels,
- égalité,
- discrimination,
- contrôle judiciaire,
- proportionnalité,
- culture de justification,
- raisonnement juridique,
- Canada
Abstract
This paper begins with a few reminiscences about the much-missed Professor Alain-François Bisson. In particular, it recalls an article the author had published, in the form of a Platonic dialogue between an older professor and his younger colleague, in which the first questioned the sometimes-dubious uses of philosophers made by the Supreme Court of Canada and, more particularly, the shabby treatment offered to Aristotle in the discussion of the idea of equality in Andrews (1989). Following in Professor Bisson’s wake, the author argues that the Supreme Court’s rejection of a similarly-situated approach to section 15(1) is ironic as well as mistaken. It is ironic because from Andrews (1989) to Quebec v A (2013), in every successful section 15(1) case, the Court has in fact been using such an approach. Not its rightly discredited legalistic version, of course, but a substantive, moral version, which requires that persons get equal legal benefits when this is compelled by moral reasoning. It is further argued that this doctrine of equality and non-discrimination (which is called “distributive underinclusiveness”) is attractive, morally and practically, and fits the judiciary’s role as the guardian of a “culture of justification” in Canadian public law. Indeed, it may well be the preeminent doctrine of “substantive equality” under section 15(1), and the failure to acknowledge it has been a source of many wanderings.
The paper begins by explaining the elements of distributive underinclusiveness and showing its immanence in the section 15(1) case law. It then addresses its fitness as a judicial doctrine. Finally, it discusses its interpretive implications as to the notion of “analogous grounds of discrimination” and to the role of section 1. The Supreme Court’s most recent decisions on section 15 (Alliance (2018), Fraser (2020) and Sharma (2022)) and their significance for the doctrine of distributive underinclusiveness are discussed in a coda.
Keywords:
- Constitutional law,
- constitutional rights,
- equality,
- discrimination,
- judicial review,
- proportionality,
- culture of justification,
- legal reasoning,
- Canada