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Introduction

L’intervention technoclinique dans le secteur des services sociaux connait une progression marquée depuis quelques années. Elle se définit comme une intervention d'adaptation ou de réadaptation utilisant les technologies de l'information et de la communication (TIC). Cette expression est de plus en plus utilisée dans les milieux de réadaptation québécois en déficience intellectuelle (DI) et troubles du spectre de l'autisme (TSA) (Lussier-Desrochers, Caouette, & Godin-Tremblay, 2015; Lussier-Desrochers, Caouette, & Hamel, 2013). Elle a également mené au développement d'un nouveau corps d'emploi dans certains milieux de réadaptation soit le «conseiller technoclinique» qui a pour mandat d'accompagner les intervenants et professionnels à intégrer les technologies à leurs interventions (Lussier-Desrochers et al., 2013). Ces éléments montrent concrètement l'amorce d'un virage technologique dans les pratiques d'intervention des programmes spécialisés en DI et TSA des centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Québec (Lussier-Desrochers et al., 2013). Cet intérêt grandissant pour l’intervention technoclinique s’appuie sur les données de recherche démontrant le potentiel de ces technologies lorsqu’appliquées auprès de cette clientèle (Chien, Jhen, Lin, Tang, Taele, Tseng, & Chen, 2015 ; Ganz, Hong, & Goodwyn, 2013 ; Lorah, Tincani, Dodge, Gilroy, Hickey, & Hantula, 2013). Toutefois, ce type d'intervention ne se limite pas seulement à l'utilisation des tablettes numériques. En effet, les développements dans le domaine des technologies se réalisent de manière exponentielle et contribuent à l’offre de produits toujours plus performants (Osborne & Brown, 2005).

La robotique dans le secteur de la santé

Par définition, un robot[1] est «une machine mettanten oeuvre et intégrant des capacités d’acquisition de données avec des capteurs à même de détecter et d’enregistrer des signaux physiques, des capacités d’interprétation des données acquises permettant de produire des connaissances, des capacités de décision qui, partant des données ou des connaissances, déterminent et planifient des actions. Ces actions sont destinées à réaliser des objectifs fournis le plus souvent par un être humain, mais qui peuvent aussi être déterminés par le robot lui-même, éventuellement en réaction à des évènements et des capacités d’exécution d’actions dans le monde physique à travers des actionneurs, ou à travers des interfaces. Le robot peut également présenter des capacités de communication et d’interaction avec des opérateurs ou des utilisateurs humains, avec d’autres robots ou des ressources via un réseau comme l’Internet et une capacité́ transversale aux précédentes, l’apprentissage, qui permet au robot de modifier son fonctionnement à partir de son expérience passée» (Chatila, Dauchet, Devillers, Ganascia, Grinbaum, & Tessier, 2014, p. 12).

Ainsi, le robot est conçu pour réaliser des tâches pour l’être humain. Ces dernières peuvent être physiques ou cognitives. Concrètement, le robot consiste en un ordinateur qui réalise des actions motrices (se mouvoir, se déplacer dans l’espace, prendre des objets). Certains robots peuvent même transmettre des signaux visuels ou sonores qui sont interprétés comme étant des émotions par leurs partenaires humains. Les développements dans le domaine de la programmation font également en sorte que le robot peut capter une forme d’expérience sensorielle (toucher, sons) et réagir à cette dernière comme le ferait un humain. Le robot peut prendre plusieurs formes. On peut alors le qualifier d'anthropomorphique (semblable à l’humain), zoomorphique (semblable à un animal) ou caricatural (une apparence s'éloignant de celle de l'humain ou de l'animal) (Fong, Nourbakhsh, & Dautenhahn, 2003).

Dans le secteur de la santé, la robotique médicale est depuis longtemps utilisée pour réaliser une série de tâches dont la réalisation de certaines chirurgies (Kwon, Yoon, Lee, Ko, Huh, Chung, Park, & Won, 2001), le transport des médicaments (Falconer, 2013) ou le renforcement des capacités physiques et motrices (Bresson, 2013). Les robots de téléprésence équipés de dispositifs de visioconférence sont également utilisés pour réaliser des suivis médicaux (ex. vérifier la guérison des plaies) dans les milieux résidentiels des personnes (Underwood, 2011). Pour les personnes en situation de handicap, le robot peut aussi être utilisé comme assistant en milieu résidentiel et être déplacé dans une autre pièce afin de capter et transmettre des informations visuelles et auditives à distance (Economie Magazine, 2015). Le robot s'est également révélé efficace pour distraire des enfants recevant un vaccin et ainsi réduire la douleur et la détresse associée (Beran, Ramirez-Serrano, Vanderkooi, & Kuhn, 2013). Une majorité d'études scientifiques sur l'utilisation de la robotique dans le domaine de l'intervention démontre qu'une grande partie des résultats publiés portent sur le développement de ces technologies et que peu d'entre elles examinent précisément les effets des interventions réalisées auprès des personnes (Costescu, Vanderborght, & David, 2014).

Les robots en intervention sociale

Dans le secteur de l'intervention sociale, le robot s'implante progressivement en psychothérapie. David, Matu et David (2014) mentionnent que dans ce domaine, le robot peut jouer trois rôles principaux: 1) médiateur-robot (le robot agit comme un catalyseur qui accélère les retombées de l'intervention), 2) assistant-robot (robot utilisé en complémentarité avec les outils cliniques classiques) et 3) thérapeute-robot (le robot remplace complètement le psychothérapeute). Ce dernier domaine est encore dans une phase émergente et peu de recherches ont été publiées sur le sujet (David et al., 2014). L’utilisation de robots dans un contexte d’intervention psychothérapeutique converge avec les récents développements dans le domaine de la robotique sociale. Un «robot social» est un robot dont la fonction principale est l'interaction avec un humain. Ces robots peuvent, par exemple, établir un dialogue, percevoir et exprimer des émotions, établir et maintenir des relations sociales, présenter certains traits de personnalité et peuvent apprendre ou développer des compétences sociales (Fong et al., 2003). Bien qu’il s’agisse d’un domaine en émergence, plusieurs études ont été réalisées sur l’utilisation du robot social auprès des personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme (Cabibihan, Javed, Ang, & Aljunied, 2013; Diehl, Schmitt, Villano, & Crowell, 2012). Cependant, aucune étude ne porte actuellement sur l’utilisation du robot auprès des enfants présentant une DI. Les résultats de ces premières études auprès des personnes TSA, sont encourageants et révèlent des impacts positifs dans un certain nombre de sphères d’intervention. Au plan social, des études révèlent que le robot rend les interactions possibles pour les enfants présentant un TSA, étant donné qu’il est moins complexe que les humains et moins intimidant. De plus, il favoriserait l’apprentissage d’habiletés et permet d’offrir des rétroactions et encouragements à l’enfant. Il semble également que le fait qu’un robot puisse réaliser une action de manière identique et répétée soit favorable pour l’intervention auprès de cette clientèle. Enfin, le robot social pourrait avoir une contribution positive lors de l’évaluation diagnostique du TSA en aidant le professionnel à cibler certains comportements typiques. Toutefois, bien que ces effets s’avèrent prometteurs pour l’intervention clinique, la majorité des études ont été réalisées avec de petits échantillons composés de six participants et moins (Diehl, Schmitt, Villano, & Crowell, 2012).

Le robot, une innovation dans le domaine de l'intervention techno-clinique

Bien que l’utilisation du robot social démontre un potentiel dans le cadre des interventions auprès des personnes présentant un TSA (Cabibihan, Javed, Ang, & Aljunied, 2013; Diehl et al., 2012), son utilisation dans les milieux de réadaptation québécois est rare ou inexistante et n’a pas été documentée. Ainsi le déploiement d'une telle technologie en intervention constitue une inno-vation, car elle introduit un nouvel objet d'intervention dans les programmes en DI et TSA (Osborne & Brown, 2005). Cette introduction exige la mise en place de ressources techniques, la planification financière, la formation des intervenants, etc. À ce titre, une structuration du déploiement de tels outils d'intervention doit être planifiée et accompagnée (Lussier-Desrochers et al., 2013). Une des premières étapes est de réaliser une analyse de situation afin d'identifier les défis et enjeux associés à l’utilisation de telles technologies. Sans la réalisation d'une telle planification, il est peu probable que ces technologies s'implantent de manière optimale. Afin d’appuyer cette réflexion, Lussier-Desrochers et ses collaborateurs (2013) ont développé le modèle d’accompagnement Produit-Public-Structure (MAP2S) afin de bien cerner les enjeux associés au déploiement des technologies en intervention, mais aussi dans l’optique de guider les CRDITED et les programmes DI et TSA dans la mise en place des conditions pour le soutenir. Le modèle développé par les auteurs permet d’analyser les contextes de déploiement en fonction de trois dimensions distinctes, mais interreliées (clinique, technologique, gestion). Les actions qui sont associées à chacune des dimensions s’interinfluencent entre elles et sont donc coordonnées par un mécanisme central au MAP2S (Lussier-Desrochers, Caouette, & Godin-Tremblay, 2014a). Ce modèle a servi de base pour l’analyse des obstacles et enjeux associés à la mise en place de l’intervention technoclinique (Caouette, Lussier-Desrochers, & Godin-Tremblay, 2014; Lussier-Desrochers, Caouette, & Godin-Tremblay, 2014b; Lussier-Desrochers, Caouette, & Godin-Tremblay, 2014c; Lussier-Desrochers, Caouette, Godin-Tremblay, & Sparnaay, 2013a; Lussier-Desrochers, Caouette, Godin-Tremblay, & Sparnaay, 2013b; Lussier-Desrochers, Caouette, & Saucier, 2013; Lussier-Desrochers, Mihalache, Caouette, Ruel, Godin-Tremblay, & Dallaire, 2014).

En somme, il convient actuellement de réfléchir sur l’adéquation entre le déploiement de la robotique sociale en intervention auprès des personnes présentant un TSA et les enjeux, obstacles et conditions à développer pour assurer une utilisation optimale de ce nouveau mode d’intervention. Évidemment, à cela s’ajoute l’importance de réaliser des évaluations permettant d’appuyer les motifs d’utilisation de cette nouvelle pratique sur des données issues de la recherche scientifique. Les prochaines sections présentent une analyse en fonction des trois dimensions du MAP2S.

Analyse des aspects cliniques

Concernant les enjeux cliniques, l’utilisation du robot ne peut se substituer à une évaluation précise des besoins cliniques des enfants présentant un TSA (Diehl et al., 2012). Ces enfants ont des limitations sur le plan de la communication, des interactions sociales, des comportements stéréotypés et des intérêts restreints. Le portrait clinique des enfants TSA est très diversifié notamment en lien avec la combinaison des caractéristiques telles que les difficultés à initier des conversations, à partager des intérêts, à maintenir un contact visuel, à reconnaître des expressions faciales ainsi que la présence d’hyper ou d’hypo réactivité à certains stimuli. (American Psychiatric Association [APA], 2015).

Les caractéristiques du robot social comportent un certain nombre d’avantages pour l’intervention auprès de ces enfants. Premièrement, ses actions sont simples et prédictibles (Cabibihan et al., 2013). Deuxièmement, il peut présenter des stimuli standardisés qui peuvent se répéter dans le temps (Scassellati, 2005). Troisièmement, il est possible de le configurer pour qu’il augmente progressivement le niveau de complexité des activités proposées afin de maximiser la portée des apprentissages (Ferrari, Robins, & Dautenhahn, 2009). Quatrièmement, il peut être programmé pour présenter différentes modalités de renforcement adaptées aux réactions comportementales (Ferrari et al., 2009). Dans le cadre d’études comparatives, on observe également que le robot donne de meilleurs résultats que les logiciels sur ordinateur (Robins, Dautenhahn, Boekhorst, & Billard, 2005) ou les applications sur les tablettes numériques pour le développement de comportements sociaux (Kim, Berkovits, Bernier, Leyzberg, Shic, Paul, & Scassellati, 2013).

Le robot social est également conçu pour établir un lien avec l’humain. À ce titre, Michaud, Duquette et Nadeau (2003) observent que les enfants présentant un TSA apprécient l'interaction avec les robots et qu'ils démontrent un intérêt pour les mouvements de ce dernier. Utilisé auprès de ceux-ci, le robot peut enseigner un certain nombre de compétences sociales par le biais de l’imitation et du modelage (Cabibihan et al., 2013; Dautenhahn & Werry, 2004; Diehl et al., 2012; Ferrari et al., 2009), soutenir la reconnaissance des émotions (Cabibihan et al., 2013), consolider et accélérer le développement de certaines habiletés motrices par le biais de renforcements (Dautenhahn & Werry, 2004; Lee, Obinata, & Aoki, 2014 ; Tapus, Peca, Aly, Pop, Jjisa, Pintea, Rusu, & David, 2012; Michaud et al., 2003), encourager et susciter un engagement dans les interactions sociales (Ferrari et al., 2009; Kim et al., 2013; Scassellati, 2005), améliorer la coordination motrice (Cabibihan et al., 2013), susciter l'énonciation de phrases (Kim et al, 2013), réaliser du renforcement au niveau sensoriel (Ferrari et al., 2012; Michaud et al., 2003) et favoriser le maintien d’un contact visuel (Bekele, Lahiri, Swanson, Crittendon, Warren, & Sarkar 2013; Cabibihan et al., 2013; Lee, Takehashi, Nagai, Obinata, & Stefanov, 2012). Toutefois, les recherches réalisées jusqu’à présent ne permettent pas de savoir si les acquis se maintiennent dans le temps et s'ils se généralisent à l’extérieur de la condition expérimentale (Cabibihan et al., 2013; Robins et al., 2005). Selon Bekele et al. (2013), il s'agit d'une question centrale à étudier au cours des prochaines années. De plus, en ce qui a trait au contact visuel, Robins et al. (2005) et Tapus et al. (2012) mentionnent qu'il est difficile de savoir si les améliorations sont attribuables au robot ou à l'effet de nouveauté.

Les chercheurs sensibilisent toutefois les futurs utilisateurs sur l'hétérogénéité des profils et la diversité des besoins des enfants présentant un TSA (Robins, Otero, Ferrari, & Dautenhahn, 2007). Cet élément fait en sorte que les études sur l'utilisation du robot social auprès de cette clientèle mènent souvent à des conclusions contradictoires. Par exemple, dans leur recension, Diehl et al. (2012) observent une variabilité des réponses des enfants présentant un TSA sous plusieurs dimensions. Dans un premier temps, les auteurs constatent que ce ne sont pas tous les enfants qui ont une attirance pour les robots. Dans un second temps, ils observent que les réponses comportementales des enfants sont modulées par certains facteurs, dont le niveau d'habileté et l'âge. En lien avec ce deuxième élément, Kozima, Nakagawa et Yasuda (2007) mentionnent que l’âge influence notamment le type de contact visuel établi avec le robot. Par ailleurs, dans certains secteurs, par exemple l'imitation de comportements ciblés, l'intervention humaine donne quelques fois de meilleurs résultats que le robot (Diehl et al., 2012). Enfin, plusieurs des études sont réalisées dans des environnements avec stress réduit pour l'enfant et donnant un maximum de liberté. Dans ce type de contexte, le robot semble favoriser l'expression de certains comportements pro-sociaux spontanés (Robins et al., 2005). Toutefois, aucune donnée de recherche ne nous permet actuellement de présumer de la généralisation de ces résultats dans d’autres environnements.

En somme, l'état actuel des connaissances ne permet pas de connaitre précisément les caractéristiques des enfants présentant un TSA pour qui ce type d'intervention donnera des effets optimaux (Cabibihan et al., 2013; Diehl et al., 2012; Robins et al., 2005; Tapus et al., 2012). Rien dans la recherche scientifique publiée jusqu'à présent ne permet non plus d'identifier les prédicteurs associés à l'efficacité d'une telle intervention auprès de ces enfants (Diehl et al., 2012). En somme, plusieurs hypothèses restent encore à vérifier empiriquement.

Analyse des aspects technologiques

La dimension technologique concerne précisément les caractéristiques de la technologie et les conditions à mettre en place pour en assurer une utilisation optimale en intervention auprès des enfants présentant une DI ou un TSA. Selon, Cabibihan et al. (2013) l'apparence, les caractéristiques et les fonctionnalités du robot sont autant de facteurs pouvant influencer les résultats obtenus dans le cadre des interventions. Bien que la recherche dans le domaine de la robotique sociale se développe rapidement, il n’existe actuellement aucune ligne directrice sur la façon de concevoir un robot social spécialement destiné aux enfants présentant une DI ou un TSA (Welch, Lahiri, Warren, & Sarkar, 2010). Toutefois, un certain nombre de recommandations sont identifiées suite aux études réalisées auprès des personnes présentant un TSA.

D’abord, en ce qui concerne l’aspect physique, les études montrent que ce facteur influence la façon dont l'humain approchera la technologie. Par exemple, une personne répondra différemment à un robot d’apparence humaine ou animale (Fong et al., 2003). Pour les enfants présentant un TSA, les chercheurs mentionnent que le critère d’apparence aura une influence directe sur l'efficacité de l'intervention réalisée (Giullian, Ricks, Atherton, Colton, Goodrich, & Brinton 2010). Robins, Dautenhahn et Dubowski (2006) notent que le robot social anthropomorphe en plastique d'apparence robotique (ex. Nao, Pepper, Asimo) suscite un intérêt plus marqué et semble produire les meilleurs résultats en termes d'apprentissage auprès des enfants présentant un TSA. Certaines caractéristiques importantes sont aussi identifiées par Giullian et al. (2010) suite à des consultations avec des intervenants dans le domaine. Ainsi, pour donner les meilleurs résultats, le robot doit être attrayant visuellement (un bon dosage des couleurs, sons, lumières), pas trop complexe au niveau du visage (pour éviter la sur-stimulation ou la confusion); pas trop réaliste (les robots ressemblant trop à l'humain suscitent moins d'intérêt de la part des enfants (Robins et al., 2006)); être approximativement de la même taille que l'enfant et suffisamment fort pour soulever des objets comme de petits jouets. En somme, il doit être conçu pour capter un maximum d'attention (Michaud et al., 2003). De plus, il doit avoir une certaine robustesse afin de résister aux manipulations (Michaud et al., 2003) et aux chocs lors de situations de crise (Cabibihan et al., 2013). Le robot doit également être abordable (Robins et al., 2005) et reconnu pour sa fiabilité (Cabibihan et al., 2013). Certains conseillent également de privilégier des robots dont les pièces peuvent se réparer ou se changer afin de réduire les couts d’entretien (Giullian et al., 2010).

Le volet programmation est également fondamental. À ce titre, les robots ont beaucoup évolué au cours des années. Au départ, ces outils exigeaient la présence de plusieurs personnes qualifiées pour réaliser leur programmation et assurer leur fonctionnement (Diehl et al., 2012). Toutefois, certains utilisateurs observent depuis quelques années, une simplification de la programmation. Malgré tout, le coût de configuration est généralement corrélé positivement avec le cout d’achat initial. Ainsi, plus le robot présente de fonctionnalités, plus il nécessitera des ressources pour le faire fonctionner (temps de programmation, accessoires, ressources techniques). Le défi est alors de trouver le robot présentant le meilleur rapport fonctionnalités-qualité-prix et qui peut être facilement programmé par un parent, intervenant ou enseignant sans nécessiter des compétences techniques avancées (Robins et al., 2005). Lors de la programmation, on mentionne l’importance de créer des activités qui offrent un défi croissant (Scassellati, 2005) et qui encouragent et félicitent l’enfant (Michaud et al., 2003).

En ce qui a trait à ses fonctionnalités, Fong et al., (2003) mentionnent que les impacts les plus significatifs en intervention sont observés lorsque le robot est en mesure de percevoir et d’interpréter adéquatement les émotions de l'humain. Il doit également suivre les normes et les conventions sociales en vigueur et réagir au même rythme que l’enfant. Le robot doit aussi être proactif et persuasif, car il aura pour fonction de changer les comportements et les attitudes de l’enfant avec qui il interagira (Fong et al., 2003). Au niveau sonore, il faut aussi s'assurer que le robot ne fait pas des bruits pour effrayer l'enfant, mais que ses indications sonores attirent suffisamment l'attention (Michaud et al., 2003). Enfin, on mentionne l'importance que le robot ait une certaine fluidité dans les mouvements (Giullian et al., 2010); qu’il puisse illuminer certaines parties de son corps, qu’il diffuse de la musique et qu’il frappe des mains (Michaud et al., 2003).

Analyse des aspects associés à la gestion

Les articles publiés en lien avec l’utilisation des robots dans le cadre des interventions auprès des personnes présentant un TSA n’abordent pas les conditions de gestion à mettre en place pour assurer un déploiement efficient de cette technologie. Toutefois, le robot constitue une innovation clinique qui être encadrée si on veut en tirer les meilleurs bénéfices (Lussier-Desrochers et al., 2013). Étant donné que les programmes DI-TSA des CISSS et CIUSSS offrent des services spécialisés de réadaptation à plus de 10 000 personnes présentant un TSA (Fédération québécoise des Centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement [FQCRDITED], 2014) il est à prévoir que ces organisations joueront un rôle de premier plan dans le déploiement des robots en intervention auprès de ces personnes.

Il convient alors de faire l’analyse des aspects associés à la gestion en tenant compte de cette réalité. Tout comme pour le déploiement des tablettes électroniques dans les CRDITED, l’intégration des robots en intervention nécessitera une planification formelle. En effet, le seul achat d’un robot et sa mise en disponibilité ne constituent pas un gage de son utilisation en intervention (Aspinall & Hegarthy, 2001; Dupont, 2012). À la lumière des données probantes, il faudra identifier les sphères d’intervention ciblées, les objectifs cliniques poursuivis et les critères d’évaluation pour vérifier l’atteinte de ces objectifs (Parsons, Daniels, Porter, & Robertson, 2006). Il faudra ensuite choisir les robots qui répondront le plus justement à ces besoins et évaluer leur rapport fonctionnalités-qualité-prix. Actuellement, les coûts de ces technologies au Québec varient entre 100$ et 13 000$ ce qui peut représenter un frein en fonction des budgets disponibles. Dans l’analyse, il faudra également se méfier de l’engouement envers certains robots fort attachants soutenus par des campagnes publicitaires léchées.

Il sera également important d’identifier clairement les compétences à développer par les intervenants et les ressources techniques pour soutenir l’utilisation de ce nouvel outil. La formation du personnel jouera un rôle central pour assurer le succès de l’initiative (Chalghoumi, Langevin, & Rocque, 2007; Corriveau, 2010; Lussier-Desrochers, Caouette, & Dupont, 2011). Ces acteurs-clés devront disposer de temps pour explorer le matériel et pour développer de modalités d’intervention répondant aux besoins cliniques.

Au niveau technique, les gestionnaires devront également composer avec de nombreux défis. D’abord, il faudra s’assurer que le personnel technique pourra offrir un soutien rapide et efficace (Lussier-Desrochers et al., 2011; Poellhuber, 2001) et ce, même sur les grands territoires. De plus, la confidentialité des données constituera également un défi à plusieurs niveaux. En effet, plusieurs robots peuvent filmer ou photographier et transmettre cette information par le biais du réseau Internet sans fil. Il faudra alors s’assurer que cette information est en tout temps sécurisée et que les utilisateurs présentant une DI ou un TSA ne soient jamais identifiés. Un arrimage avec les spécialistes en informatique du réseau de la santé et des services sociaux sera nécessaire. Enfin, il ne faut pas passer sous silence les nombreux enjeux éthiques associés à l’utilisation de tels outils d’intervention. Par exemple, Turkle (2011) se préoccupe des dimensions liées au lien d'attachement qui se créée entre l'enfant et le robot. L'auteur montre également, que ces derniers leur prêtent des intentions et des sentiments et que de la détresse peut être vécue lorsque les enfants ne sont plus en contact avec le robot. Cela fait également en sorte que des parents se sentent obligés d'acheter un robot pour répondre aux besoins affectifs créés par le robot. Ces éléments ne représentent que certains des nombreux enjeux éthiques associés à l'utilisation d'une telle technologie. Il est évident que ces enjeux devront être discutés et pris en compte lors du déploiement. Ils devront également être présentés en détail dans des publications subséquentes sur le sujet.

Conclusion

Les robots sont de plus en plus accessibles et offrent des possibilités d’intervention intéressantes notamment auprès des personnes présentant un TSA. Toutefois, le déploiement de cette innovation dans les programmes en DI-TSA des CISSS et CIUSSS exige une analyse précise du potentiel clinique, mais également des conditions à mettre en place. Le présent article a permis d'analyser ces conditions en fonction des trois dimensions du modèle MAP2S de Lussier-Desrochers et al. (2013).

D'abord au niveau clinique, il semble exister une adéquation entre les besoins des enfants présentant un TSA et les champs d'application de la robotique sociale. Toutefois, il est essentiel de d'abord bien identifier les besoins des personnes présentant un TSA, avant d'introduire le robot social en intervention. À ce titre, bien que les données de certaines études identifient un certain nombre d'impacts dans plusieurs secteurs (développement de certaines compétences sociales, reconnaissance des émotions, engagement dans les interactions sociales, énonciation de phrases, etc.) il n'est pas encore possible de connaitre précisément le profil des enfants TSA pour qui l'intervention utilisant la robotique donnera les meilleurs résultats. Il semble en effet que certaines variables médiatrices influencent les résultats obtenus. Au cours des prochaines années, la recherche devra identifier précisément ces variables et leurs effets précis en utilisant des devis de recherche rigoureux limitant les sources potentielles de biais. L'accumulation de données de recherche dans le secteur permettra aussi d'examiner les possibilités de généralisation des acquis dans les autres domaines de vie des personnes présentant un TSA. Par ailleurs, la réalisation de recherches auprès des personnes présentant une DI permettra d’examiner le potentiel clinique pour cette clientèle. Il sera alors aussi important de bien identifier les objectifs d'intervention auxquels la robotique sociale pourra répondre pour les personnes présentant une DI ou un TSA. À ce titre, des outils devront être développés pour soutenir les intervenants dans l'identification des besoins des enfants, mais aussi pour aider ces professionnels à choisir, parmi l'éventail de produits offerts, le robot répondant spécifiquement à ces besoins. Il serait aussi intéressant d'étudier la transformation des pratiques professionnelles des intervenants intégrant ce nouvel outil dans leurs activités quotidiennes. Enfin, l'étude des enjeux éthiques constitue un incontournable.

Les aspects technologiques sont aussi à considérer dans le déploiement de cet outil d'intervention. Le présent article montre que les particularités physiques du robot peuvent influencer l'efficacité de l'intervention réalisée. Toutefois, peu d'études comparent l'efficacité de différents types de robots (ex. anthropomorphique, zoomorphique ou caricatural) pour l'atteinte d'un objectif précis d'intervention (ex. renforcement de comportements ciblés). De plus, il faut faire preuve de prudence en lien avec la recherche scientifique sur le sujet. En effet, ce secteur d'intervention établit une convergence de la littérature scientifique en informatique et celle dans le domaine social ce qui peut amener une certaine confusion dans l'interprétation des conclusions. Ainsi, plusieurs études en informatique font part d'effets envisagés de cette technologie (les robots nommés dans les publications n'étant souvent pas disponibles au niveau commercial) sur la clientèle, mais n'ont toutefois pas vérifié empiriquement les hypothèses avancées. Un regard critique sur les publications est nécessaire afin de bien distinguer les conclusions cliniques des conclusions technologiques.

Enfin, au niveau de la gestion, nous constatons que les chercheurs n'ont pas encore étudié les conditions à déployer au niveau de la gestion pour soutenir la mise en place de cette innovation clinique. Par contre, cette troisième condition est essentielle dans une optique d'utilisation optimale et pérenne du robot social. En effet, elle permettra non seulement aux gestionnaires de choisir les bons robots, mais aussi de mettre en place les conditions nécessaires pour assurer un arrimage entre les caractéristiques de ces technologies et les capacités techniques des milieux d'accueil. De plus, il sera pertinent d'étudier précisément le processus de déploiement de ces technologies afin d'identifier les ressources humaines et matérielles à prévoir.

En conclusion, la conjugaison des travaux dans les trois domaines (clinique, technologique, gestion) permettra ultimement d'assurer un déploiement optimal des robots en intervention clinique auprès des enfants présentant un TSA. Il sera également pertinent d’examiner l’efficacité du robot social auprès des personnes présentant une DI. Notre équipe réalise actuellement une recherche dans un programme DI et TSA du Québec et les résultats préliminaires démontrent que le robot a un potentiel clinique pour cette clientèle. D’autres recherches seront toutefois nécessaires pour valider cette hypothèse. Enfin, il sera intéressant de réfléchir sur l'applicabilité de telles technologies auprès d'autres clientèles du secteur des services sociaux. D’ailleurs, certaines études concernant l’utilisation du robot auprès des personnes âgées ont déjà été entamées (Bemelmans, Gelderblom, Jonker, & de Witte, 2012). Une comparaison des diverses utilisations possibles du robot social en intervention pourrait permettre de découvrir de nouvelles avenues.