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Le présent texte s’appuie sur une enquête de terrain pour analyser l’articulation des rapports sociaux dans la migration et le travail des femmes. En devenant servantes à Port-au-Prince, les paysannes haïtiennes facilitent la réussite professionnelle et la migration internationale d’autres femmes qui deviennent à leur tour travailleuses domestiques au service de la réussite professionnelle des femmes du Nord. Je me suis interrogée sur les mécanismes qui transforment les migrantes en travailleuses domestiques, en Haïti et en France, et fondent l’exploitation de leurs patronnes dans le travail non domestique. Mon hypothèse était la suivante : l’exploitation des migrantes dans le domestique et des non-migrantes dans le travail non domestique constituent les deux faces d’un même système d’oppression autour duquel s’articulent les rapports sociaux au fondement de la production et de la reproduction familiale, nationale et internationale. De 2009 à 2012, j’ai interviewé 69 femmes réparties en cinq catégories : des paysannes, servantes et patronnes en Haïti, des migrantes haïtiennes en France et des patronnes françaises[1]. Les entretiens individuels et en groupe m’ont permis d’approfondir différents rapports sociaux (sexe, classe, race) de même que les confrontations Nord/Sud et urbain/rural.

J’ai défini quatre types de travail :

  1. le travail domestique caractérisé par sa gratuité dans le féminisme matérialiste;

  2. le service domestique (Fraisse 2009) correspondant au travail domestique payé effectué dans une famille;

  3. le service domestique institutionnel (Glenn 2009) réalisé dans un cadre institutionnel;

  4. le travail non domestique ou travail hors domus (Joseph 2015a) réservé aux hommes, critiqué par les théoriciennes de la division sexuelle du travail (Kergoat 1998) et de l’égalité professionnelle (Laufer 1984; Maruani 2013). Ce secteur qui compte de plus en plus de femmes (Sassen 2006 et 2010) semble rester fermé aux migrantes (Morokvasic 1984). D’où l’intérêt d’analyser l’agencement de ces types de travail dans le contexte de la mondialisation néolibérale où s’articulent les rapports sociaux (Falquet 2010).

Ces rapports expliquent la substitution des personnes les unes aux autres et comment la pression qui vient d’en haut est recanalisée vers le bas. Les personnes dominées en exploiteraient d’autres qui sont davantage dominées, et ce, pour accéder à plus d’égalité avec le groupe dominant : voilà un paradoxe de l’égalité[2]. Il s’exprime dans une polarisation du marché opposant les femmes cadres à celles dont l’emploi est précaire et qui sont investies dans le service domestique (Messant-Laurent 2001), y compris le soin (care) (Cresson et Gadrey 2004). En superposant au rapport hommes-femmes le rapport femmes-femmes (Kergoat 1998; Hirata 2003), la mondialisation néolibérale accentue cette polarisation. Les recherches sur l’externalisation (Kergoat 2005) montrent que les femmes tentent de se dégager du travail domestique pour s’investir dans le travail non domestique souvent en engageant une travailleuse. En recherchant l’égalité professionnelle avec les hommes, elles participent directement à l’exploitation de travailleuses pauvres, racisées ou originaires du Sud. Ce paradoxe de l’égalité porte à remettre en question tant le confinement des femmes dans le domestique que le surinvestissement des hommes dans le secteur non domestique. Intégrer les hommes dans l’analyse impose de regarder la division sexuelle du travail en considérant à la fois l’hétérogénéité de la classe des femmes et celle des hommes.

Je reviendrai d’abord sur l’absence des hommes dans le travail domestique et les analyses produites à cet égard. Ensuite, je considérerai le double investissement des patronnes pour critiquer le discours des répondantes sur cette absence des hommes. Je regarderai alors la complexité de leurs propos et leurs apparentes contradictions, ainsi que les différents modes de justification de cette absence selon l’appartenance sociale des femmes. Enfin, je critiquerai le fait d’oublier les plus dominées ou de ne pas parler des dominants, en soulignant la nécessité de restituer le point de vue des personnes dominées.

Ces hommes absents

En ce qui concerne mon terrain de recherche, le travail domestique reste sans surprise une affaire de femmes. Les hommes sont absents dans les faits et ne font pas partie du discours des répondantes. Cette absence qui témoigne de la rigidité de la division sexuelle du travail (Hirata et Sénotier 1996) se normaliserait : tout se définit entre femmes, l’organisation du travail comme les différents arrangements. Elson (2010) déplore que l’emploi des femmes ne soit pas accompagné d’un plus grand engagement des hommes dans le travail domestique. En effet, ils demeurent surreprésentés dans le travail non domestique. Je parlerai ici de « management (gestion) des hommes » pour signifier leur surinvestissement temporel ainsi que leur position hiérarchique et privilégiée dans ce travail. Cela est imbriqué au surinvestissement des femmes dans le domestique, comme le souligne Palmieri (2002) à propos de la ménagérisation des femmes. Pourtant, si le travail domestique reste une affaire de femmes, l’absence des hommes ne s’explique pas forcément par leur surinvestissement au travail.

Des hommes dominants, des hommes dominés

Les hommes ne sont pas tous surinvestis dans le travail non domestique. En France[3] et en Haïti[4], ceux qui connaissent le chômage, le sous-emploi ou le non-emploi ne s’y engagent pas forcément. La dichotomie travail domestique/travail non domestique dépasse ainsi l’investissement réel ou concret au travail.

Par ailleurs, tous les hommes n’ont pas une situation enviable au travail. Certains sont comptés dans le « salariat subalterne » (Siblot et autres 2015). Les travailleurs migrants pauvres ou racisés du Sud, ou les deux à la fois, n’apparaissent pas dans les recherches sur le travail et les analyses féministes de l’égalité professionnelle, ces dernières étant souvent focalisées sur les entreprises, comme en témoigne le travail de Laufer et Silvera (2006). Les recherches en question ciblent également les relations de travail mixte, alors que ces travailleurs exercent des professions presque entièrement masculines. Ne rencontrant pas les femmes dans la confrontation directe au travail, ils sont oubliés dans la plupart des revendications pour l’égalité professionnelle qui perdent de vue les rapports sociaux par une trop grande focalisation sur les relations de travail (Joseph 2012). Que peut nous apprendre la situation des hommes moins privilégiés sur la division sexuelle du travail et les rapports sociaux de sexe? Sont-ils plus absents ou présents que les autres pour ce qui est du travail domestique? Seraient-ils des dominants pas comme les autres? Où et sur qui s’exerce concrètement leur domination?

En s’articulant, les rapports sociaux ne créent pas que des divisions entre classes (divisions intercatégorielles, entre classe des hommes et classes des femmes par exemple) : ils entraînent aussi des subdivisions à l’intérieur de chaque classe (divisions intracatégorielles, entre hommes riches et hommes pauvres par exemple). Chaque personne appartient non à une seule classe mais simultanément à plusieurs. C’est en considérant l’hétérogénéité de la classe des hommes que l’on doit analyser leur investissement dans le travail domestique ou leur absence de ce dernier. Les revendications pour l’égalité ont la limite de s’attaquer principalement aux hommes supérieurs hiérarchiques et collègues mieux payés, souvent des hommes blancs de la classe moyenne du Nord que « les femmes » côtoient au travail. Les autres hommes n’ont alors de place que dans les préjugés.

La « figure de l’étranger »

La « figure de l’étranger » est représentée à la fois par l’« homme migrant » dit dangereux, violent avec les femmes ou sa propre conjointe, et corollairement par la « femme migrante » à sauver des griffes de ces hommes par le service domestique. Comme si l’externalisation sauvait les femmes du Sud du sexisme de leur partenaire ou que la migration les protégeait des pays sexistes. La professionnalisation du travail domestique et du care serait plus bénéfique à ces migrantes pauvres et racisées du Sud qu’aux patronnes qui cherchent un équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle. Et les migrants seraient pires que les autres. Cette vision des migrants, implicite dans différents discours, se trouve aussi chez les Haïtiennes et marque certains projets migratoires. Vanya[5] décide ainsi de quitter Haïti après une grande déception amoureuse et dit à sa mère : « Maman, je pars. Je vais prendre un Blanc. Je veux plus d’homme… haïtien. » Elle déclare : « Si je dois avoir un homme, ce sera un étranger. Ce n’est pas un Haïtien » ou encore « Si mon bonheur se trouve dans un Haïtien, je le perds. Parce que je ne m’arrêterai pas pour eux sur mon chemin. Non! » Morokvasic (1984) précise que la migration des femmes a aussi pour but de fuir les oppressions sexistes, voire de lutter contre elles. Cependant, ce type d’oppression n’est pas exclusif aux pays d’émigration, les rapports sociaux de sexe s’exprimant dans les pays d’immigration également. Les inégalités réelles entre hommes et femmes qui expliquent par exemple le confinement des femmes du Sud dans le domestique ‒ voir notamment les travaux de Mireille Neptune Anglade (1986) sur Haïti ‒ sont ainsi occultées dans le discours des travailleuses migrantes qui ne critiquent que leur propre vie familiale. Pour leur part, les patrons français sont « angélisés », survalorisés dans ces discours où les hommes du Sud moins favorisés sont les plus récriminés. En outre, les patrons français sont plus considérés que leur propre conjointe.

Le travail de toutes les femmes

La mondialisation néolibérale est marquée par une forme de « management des femmes », de plus en plus présentes dans le travail non domestique, comme le montrent les recherches sur la féminisation du marché du travail à l’échelle mondiale (Sassen 2006; Talahite 2010). Toutefois, à l’analyse de mes entretiens avec les patronnes, il apparaît qu’elles sont surresponsabilisées dans la recherche d’arrangement entre « management » et « ménagérisation », couramment appelée « conciliation travail-famille » (Heinen, Hirata et Pfefferkorn 2009; Lefèvre, Pailhé et Solaz 2009; Tremblay 2009). Dans certaines recherches, on critique le fait que la conciliation est considérée presque exclusivement pour les femmes (Junter-Loiseau 2001; Beeman 2011). Elle pose un défi plus important certes, l’articulation entre le secteur dit reproductif et le secteur dit productif, rappelle Malenfant (2011), étant antagoniques. Au coeur des enjeux de l’égalité professionnelle, la conciliation détermine, dans bien des cas, le temps partiel des femmes et le recours à l’externalisation.

L’accessibilité des moins pauvres à l’externalisation porte à se demander si le travail domestique, vu comme une affaire de femmes, est aussi l’« affaire de toutes les femmes ». Madame Aix[6], femme de banquier et mère de trois enfants, âgés de 2 à 8 ans, travaille environ de 9 à 10 heures par jour comme journaliste. Elle a de grandes possibilités d’externalisation. Une nounou haïtienne est employée chez elle 10 heures par jour : elle s’occupe des enfants (soins et repas), du « petit ménage » et de la lessive. Une femme de ménage vient deux jours par semaine pour faire le « gros ménage » et le repassage. Une ou des gardiennes restent environ 1 heure ou 1 heure 30 minutes après le départ de la nounou à 18 heures. Et avec la scolarisation de la plus jeune, nounou et gardienne(s) sont remplacées par une jeune fille au pair. Logée dans la chambre de bonne, la jeune fille au pair s’occupe des enfants de la sortie d’école au retour de Madame Aix, aide à la préparation des repas, lui « tient compagnie ». Ce personnel est parfois surutilisé dans des tâches débordant les limites du contrat. Pourtant, il reste des responsabilités domestiques et familiales que cette patronne cumule avec sa suresponsabilisation dans l’organisation et la gestion du travail externalisé, le matin et le soir.

Les heures oubliées

Avant l’arrivée de la nounou, Madame Aix prépare le petit déjeuner, accompagne les enfants pour le repas et habille les plus jeunes. Puis elle passe le relais à la nounou et accompagne les deux plus grands à l’école. Ce travail du matin est pourtant invisibilisé dans le discours de Madame Aix ou des autres femmes que j’ai interrogées en France et en Haïti, qu’elles soient travailleuses domestiques ou patronnes. Elles font systématiquement commencer leurs responsabilités quotidiennes à leur arrivée au bureau pour les unes, chez la patronne pour les autres. Les hommes sont quasiment absents de ces descriptions, ce que confirment les travailleuses domestiques. Or, les patronnes surévaluent leur prétendue participation au travail domestique. Madame Aix n’imagine même pas la possibilité d’une plus grande participation de son conjoint : « Après il y a euh… Oui, mais mon mari il fait déjà beaucoup. Le week-end, il s’en occupe énormément, mais enfin bon. » Elle emploie d’autres formules pour le justifier : « C’est pour vous dire qu’il participe […] Donc, je ne me plains pas. » Dans la même logique, elle explique le manque de stress du conjoint quant aux responsabilités familiales par une différence de tempérament :

Mais en revanche, la façon de prendre les choses… Je suis plus eee, on va dire stressée, angoissée que lui […] [Les enfants] sont malades, ça m’angoisse hein. Ils toussent toute la nuit, je ne suis pas bien. Mon mari, il dort comme une bûche à côté; moi, je me réveille à chaque toux. Je me dis : « Pourvu que ça ne s’aggrave pas! » Je suis tout l’temps… Lui, il me dit : « Arrête! C’est bon! C’est qu’un rhume! C’est pas grave. »

Pourtant, Madame Aix ajoute que son conjoint peut stresser devant le travail, ce qui ne l’amène pourtant pas, elle, à remettre en question le fait qu’il soit plus apte à se laisser stresser par le travail que par les responsabilités familiales : « Est-ce qu’on peut expliquer le fait qu’il soit cool et pas stressé par… Il peut être stressé par son travail. Ça, oui. » Autant elle surévalue l’apport de son conjoint, autant elle oublie ses propres tâches dans les descriptions.

Comme le travail du matin, le travail du soir est ainsi occulté. Pourtant, à ma demande, Madame Aix décrit de nombreuses responsabilités : faire attention aux trois enfants qui se chamaillent, préparer le repas du soir, mettre la table, ranger encore malgré les derniers rangements de la nounou, accompagner les enfants et les surveiller pendant le dîner. Puis elle s’occupe de la vaisselle et prépare la table pour le petit déjeuner. Si Madame Aix peine à énumérer ces tâches, elle insiste pourtant sur l’effort physique et mental fourni. Il lui faut aussi préparer les enfants pour le sommeil (bain, brossage des dents, habillement) et assumer les lectures du soir pour trois enfants d’âge différent qui se disputent une place sur ses deux genoux : « 22 heures, extinction des feux », dit-elle avant d’expliciter son soulagement et l’envie de s’écrouler sur le canapé. Cependant, elle doit encore gérer le courrier, effectuer des démarches administratives par Internet et faire le travail de planification familiale : le « management du domestique » incombe aux femmes de mon échantillon. Le conjoint est absent des récits sur le travail du soir, et celui de Madame Aix qui n’est pas là au dîner peut rentrer à 23 heures.

Il en ressort que la substitution dans le travail domestique n’est souvent que partielle, ce qui porte à remettre en cause l’image des ménages « sans épouse » décrits par Sassen (2010 : 33) dans les villes globales. Les femmes de ces villes se surinvestiraient dans le travail non domestique jusqu’à devenir absentes des maisons, grâce aux travailleuses domestiques du Sud. Selon cette auteure, le foyer de cadres sans épouses qui marque la mondialisation crée le retour des classes servantes. Or même si elle externalise, Madame Aix reste une « épouse » ou conjointe : elle travaille seule, donc en partie à la place de son conjoint, à la gestion du domestique et du care, le matin et le soir. Il semble encore très ou peut-être plus juste de parler de ménages « sans époux » (Joseph 2015a : 451). Par ailleurs, le travail du matin et du soir permet de visibiliser l’exploitation outrancière des travailleuses à demeure, en Haïti (certaines servantes et les enfants en domesticité dit « restavèk ») ou dans d’autres pays comme le Canada (Galerand et Gallié 2014). Leur cohabitation souvent forcée avec les personnes qui les emploient les rend disponibles dans les maisons pour ce travail du matin et du soir, ce qui permet ainsi aux patronnes de réduire au maximum leurs responsabilités domestiques. Et les hommes, entre temps, restent absents du matin jusqu’au soir. Comme si cela allait de soi, les patronnes ne s’en révoltent pas, ce que Glenn (2009) avait constaté chez les Blanches aux États-Unis.

Ces hommes que l’on ménage

Malgré son recours à différentes employées, Madame Aix dû réduire son investissement dans le travail non domestique. En plus de ses trois congés maternité qui lui ont coûté des promotions, elle a pris un congé parental et travaille depuis à temps partiel. Un choix, dit-elle : « C’est un choix de prendre un congé parental […] Si, c’est injuste! Mais euh, après, voilà! Il faut savoir ce qu’on veut! » Elle développe :

Moi, en fait, j’ai assez vite compris que, pour moi, c’était plus important de pouvoir m’occuper de mes enfants et de ne pas culpabiliser de ne pas m’en être occupée. En ne travaillant que quatre jours par semaine, en prenant des congés à chaque fois plus longs que le minimum légal. Et moi ça me convenait. Et je ne suis pas rédactrice en chef adjointe… Mais bon! Je ne suis pas mécontente de ce que j’ai non plus, bon… Voilà!… Et c’est mon choix!

« C’est mon choix », dit Madame Aix, en déresponsabilisant tout à la fois les entreprises dans lesquelles elle a travaillé et son conjoint. Son affirmation rappelle certaines interprétations ethnologiques qui, selon Mathieu (1991 : 127), présentent les femmes comme des « trop-sujets » en prétendant qu’elles auraient du pouvoir et le choix, y compris celui de consentir à la domination. On peut aussi dire que Madame Aix se fait « sujet malgré tout » (Gaulejac et Léonetti 1994 : 153) en se disant maîtresse d’une situation qui la dépasse. Ou veut-elle rester « sujet malgré tout » en se présentant comme portant la responsabilité de ce qui est l’échec de la société? Comment ne pas se présenter en tant que sujet aujourd’hui après des années de luttes féministes pour l’accès à certains droits? Soit les femmes disent qu’elles ne font que subir la réalité, donc qu’elles ne sont pas libérées ni émancipées, ce qui revient par ailleurs à critiquer les oppresseurs (leur conjoint). Soit elles disent qu’elles ont le choix, ce qui leur permet de garder le confort de la famille normale, tout en « choisissant » les modes d’arrangement nécessaire au maintien d’un équilibre dans le foyer. L’externalisation quoique partielle est alors le mode privilégié des patronnes.

Une autre formule employée par les patronnes se résume en cette phrase : « Il n’a pas le choix. » Devant l’absence de son conjoint, Madame Aix explique : « Il aurait voulu être plus présent, mais il ne peut pas! » Elle énonce aussi : « Oui, mais mon mari il fait déjà beaucoup […] S’il le peut, il le fait quoi. Si… si… si son boulot lui laisse la possibilité, il le fait. » Le surinvestissement des hommes dans le travail non domestique persiste à justifier leur absence de la maison. À ma question sur la participation du conjoint au travail domestique, Madame Laguerre, autre patronne française, me répond : « Mais oui! Mais le problème, c’est qu’ils ont des horaires de travail encore plus longs. » L’idée que les femmes ont le choix, contrairement aux hommes coincés au travail, est une illusion. L’« illusion de l’égalité » est ainsi présentée par Patricia Roux (2008 : 128) :

[En] s’affirmant égalitaires tout en prônant des modèles d’organisation domestique inégalitaires, les hommes montrent un certain intérêt à vivre dans l’illusion de l’égalité. Les femmes pour leur part vivraient dans la désillusion, du moins celles qui ne voient plus d’autres perspectives de justice que la réalité, souvent inégalitaire, qu’elles doivent affronter.

Mes résultats me conduisent à avancer que celles qui peuvent externaliser le travail domestique entretiennent une autre forme d’illusion de l’égalité qui consiste à « décrire un modèle d’organisation domestique inégalitaire sans questionner l’implication des hommes dans l’installation et la perpétuation de cette organisation injuste » (Joseph 2015a : 348). Elles nient ainsi le rapport inégalitaire qu’elles entretiennent avec leur conjoint, font comme s’il n’y avait plus de lutte à mener, alors que c’est aussi leur exploitation dans le domestique qui reproduit et renforce celle des migrantes pauvres et racisées. Glenn (2009) soutient que la situation des femmes en tant que productrices de travail reproducteur domestique non payé est inextricablement liée à celle des femmes qui se trouvent productrices de travail reproductif payé.

La justification de la « ménagérisation » par le « management »

Le « management » justifie la « ménagérisation », et plus le premier rapporte, plus il est excusé. L’apport économique des hommes semble important dans la conception des répondantes à propos des relations sentimentales ou conjugales et leur degré de tolérance relativement au non-partage des tâches. La forme de l’échange économico-sexuel (Tabet 2015) dépend d’un calcul perte/gain qui se mesure au degré d’accès à l’externalisation. La vie de couple n’est utile que lorsqu’elle autorise l’externalisation qui, alors, garantit l’absence de tension autour du partage des tâches. Elle permet aux patronnes françaises de ménager leur conjoint, de sauver leur couple, de « faire famille normale ». Molinier (2009) affirme que la femme de ménage permet d’éviter les scènes de ménage.

Quant aux travailleuses haïtiennes, elles critiquent le non-partage des tâches en rappelant qu’elles travaillent elles aussi (dans le service domestique). Toutefois, souvent les plus pauvres confient chercher moins le partage des tâches qu’une aide économique. Ce discours est paradoxalement partagé par celles dont le conjoint gagne davantage, comme cette paysanne mariée à un cadre paysan :

Mais si l’homme travaille et qu’il n’a pas de temps du tout, c’est comme si tu avais un petit bébé chez toi. Parce que lui il travaille, et il travaille pour toi. Parce qu’il y a des hommes qui travaillent, qui gagnent de l’argent et qui « plient[7] » la monnaie comme il faut, et le plus intéressant dans tout ça, c’est qu’il rentre et te dit : « Ma chérie, tiens, voici ma paie! » Et à ce moment-là, voilà que cet argent rentre à la maison, cet argent vient sous mon contrôle! « Je sais que je travaillais durement à la maison, toi tu travaillais durement dehors, tu n’avais pas le temps de tout faire, mais l’argent rentre à la maison. » Et c’est cet argent qui va faire croître l’amour encore plus! Qui me fera travailler encore plus! Ma chère, ce petit bébé [conjoint chéri[8]], je vais en prendre soin pour qu’une autre femme ne vienne pas me le piquer!

Plus que le partage des tâches, ce sont les rapports sociaux de sexe qui sont occultés par l’argent des hommes (et corollairement le recours à l’externalisation). Plus les hommes ont de l’argent, moins ils paraissent sexistes, laissent penser les répondantes, pauvres ou non, patronnes ou travailleuses. Les femmes ménagent les hommes! Cependant, elles ne ménagent pas tous les hommes. Toutes ne les ménagent pas, et elles ne les ménagent pas toutes de la même manière.

Les travailleuses domestiques en France et en Haïti ménagent leur patron français (le conjoint de leur patronne) en surévaluant sa participation aux activités domestiques. Elles le trouvent plus gentil que la patronne alors qu’il reste absent de la confrontation directe au travail. « Lougarou fanm pi mal pase lougarou gason » (La diablesse est pire que le diable), affirment-elles. Ces travailleuses disent, pour la plupart, que « les hommes pauvres sont les pires maris », que « les Français font de meilleurs maris que les Haïtiens », que « les Noirs sont plus sexistes que les Blancs ». Lorsque le (sur)investissement dans le travail ne permet pas de gagner suffisamment pour assurer les frais d’externalisation, les hommes ne sont pas ménagés. L’absence des hommes pauvres est ainsi survisibilisée à cause de l’absence de toute travailleuse domestique au service de ces familles. La mise en couple servirait peu aux femmes pauvres qui doivent supporter les faibles revenus de leur conjoint, n’ont aucune compensation par rapport à l’absence masculine, et doivent, de surcroît, gagner leur vie en travaillant chez les autres. C’est ainsi que les Haïtiennes que j’ai interrogées vivaient souvent « seules ». Le célibat, la monoparentalité, le couple sans cohabitation, les alliances temporaires, les alliances sans attache sont autant de stratégies pour les femmes pauvres. Or, ces stratégies ne permettent pas tant de réduire la charge de travail – la division sexuelle du travail existe encore dans ces familles sans hommes ‒ que de ne pas ménager les hommes. Par ailleurs, quelques migrantes haïtiennes cherchent à vivre avec un homme blanc français, quitte à faire passer la tranquillité économique ou administrative avant les sentiments. Vanya résume : « Ici on n’est pas là pour aimer, mais pour survivre! »

Les patronnes en Haïti ont des positions qui varient en fonction de leur appartenance de classe. La moins aisée, imprégnée de morale chrétienne, défend un partage égal des tâches dans la famille entre parents, et entre enfants, avec ou sans travailleuse domestique. Les répondantes plus aisées des familles à forte capacité d’externalisation avec deux revenus importants, critiquent l’absence de leur conjoint qui ne cause pas de dispute. Une autre femme de la classe moyenne désapprouve la division sexuelle du travail, mais elle insiste sur d’autres éléments qui la portent à refuser le couple :

On vit dans un pays extrêmement difficile. Il faut gérer le problème lié à l’eau. Il faut gérer le problème lié à l’électricité. Il fait chaud, il faut mettre le ventilateur, il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas ça. Tu vois, à chaque fois que tu contournes un problème, que tu déploies des efforts, de l’argent, pour contourner les problèmes, ça t’épuise! Tu dois gérer les susceptibilités. Tu dois gérer ci. Tu dois gérer ça. Tu gères… Mais si je me mets avec quelqu’un, Bon Dieu, c’est pour me rendre la vie plus facile! Ce n’est pas pour avoir un problème supplémentaire! J’ai besoin d’un homme pour me faire rire. Nous pouvons blaguer, nous pouvons discuter. Nous pouvons… Tu comprends? […] Si un mec ne peut pas m’aider à gérer les problèmes, que je dois continuer à les gérer comme s’il n’était pas là, admettons que j’accepte ça. Mais alors, c’est quoi son rôle? Et bien, c’est l’amour, la tendresse, c’est le rire… […] Ils ne sont même pas à la hauteur de faire ça! Pourquoi donc je m’emmerderais à en avoir un?

L’analyse du travail des femmes, travail ou service domestique et travail non domestique dont elles parlent trop peu, me mène à considérer leur rapport au couple. L’obsession à « faire famille normale » chez les unes est étroitement liée au rejet du couple, voire à la renonciation à l’amour chez d’autres, de telles sortes que l’infortune des nounous solos (sans conjoint ni enfant à la maison) fait le bonheur familial des patronnes. N’ayant pas la même place dans les rapports sociaux, les femmes n’ont pas toutes des expériences identiques relativement au travail et à la vie familiale (Glenn 2009), ce qui explique la diversité des discours et des stratégies. Pour leur part, Kergoat (1978) et Galerand (2006) proposent de regarder la classe dans l’analyse des rapports sociaux de sexe. Pour comprendre la division sexuelle du travail, il est essentiel de considérer l’hétérogénéité de la classe des femmes.

Les impensés de la domination subie ou exercée

Après avoir insisté sur les représentations des rapports hommes-femmes par différentes catégories de femmes et sur la manière dont la domination exercée par des hommes privilégiés ou non peut être occultée, je me tourne vers les rapports entre femmes. Je considère ici le paradoxe de l’égalité qui met les femmes pauvres et racisées du Sud au service de la réussite des autres.

Des femmes plus asservies que d’autres

Considérons ces Haïtiennes qui font le ménage de deux manières : elles s’investissent dans le ménage (le service domestique en général et pas que le nettoyage); elles soutiennent les ménages (couples, familles) du Nord. On a vu qu’elles déchargent leur patronne de quantité de tâches, soutiennent sa recherche d’équilibre entre « management » et « ménagérisation », ce qui permet finalement à leur patronne de ménager son propre ménage (couple). On a observé aussi qu’elles ménagent moins leur patronne que leur patron français présumé moins sexiste que les conjoints haïtiens. Cependant, on peut également remarquer que ces travailleuses restent les moins ménagées.

Ces Haïtiennes cumulent service domestique et travail domestique, double journée dans le domestique, « double ménagérisation ». Or, il me semble que cette réalité reste sous-étudiée. Dorlin (2006) ou Garabige et Trabut (2015) rappellent que ces travailleuses aussi ont besoin de concilier. Elles sont surtout considérées dans les recherches sur l’internationalisation ou la professionnalisation du care et du travail domestique. C’est le cas notamment en vue de souligner l’importance de leur travail pour la conciliation des autres femmes investies dans le travail non domestique[9]. Elles sont alors vues uniquement comme des « travailleuses », non comme des « femmes (de) » ou « mères », exception faite de certaines recherches sur la chaîne globale du care (Parreñas 2001; Hochschild 2003) ou d’autres analyses du maternage à distance (Lutz et Palenga-Möllenbeck 2012; Baldassar et Merla 2014). L’idée de chaîne du care a été critiquée comme étant familialiste, naturaliste, psychologisante. Or on n’utilise pas ces étiquettes pour les recherches sur la conciliation (Joseph 2012) qui, ne serait-ce qu’indirectement, insistent sur la relation mère-enfant. Rappelons que c’est le service domestique de ces femmes invisibilisées qui permet aux autres de rechercher l’égalité professionnelle. Par ailleurs, le cas des Haïtiennes porte à considérer non seulement les mères des familles transnationales, mais aussi celles qui vivent avec leurs enfants au Nord, cumulant ainsi une double responsabilité de care.

Tout cela pose la question du « point de vue situé » (standpoint theory). La division du travail militant (Fillieule et Roux 2009) n’étant pas que sexuelle, on peut se demander si ces travailleuses parfois mobilisées en association (Faure et Thin 2007; Garabige et Trabut 2015) participent à l’élaboration des discours sur « les femmes », l’égalité professionnelle ou la conciliation. À la lumière des critiques de hooks (2008), on doit se questionner à savoir si ces discours ne sont pas majoritairement portés par des Blanches de la classe moyenne du Nord, elles dont les critiques sur l’égalité professionnelle semblent cibler, comme on l’a vu, les hommes dominants. L’égalité défendue par les femmes privilégiées contre les hommes privilégiés se révèle problématique, parce qu’elle invisibilise non seulement la réalité des hommes dominés mais aussi celle des femmes moins privilégiées. Et pour les Haïtiennes parallèlement invisibilisées dans les revendications de leurs compatriotes, on peut reprendre les propos de Gloria T. Hull, Patricia Bell Scott et Barbara Smith (1982) afin de dénoncer leurs marginalisations croisées. En s’adressant particulièrement aux féministes, on pourrait s’interroger sur l’aspect suivant : ces travailleuses domestiques sont-elles des femmes (Joseph 2012)?

Plus invisibles encore que les femmes invisibles dans l’économie politique, les Haïtiennes sont davantage exploitées que les autres femmes exploitées. Celles-ci connaissent la « double journée », mais échappent à la « double ménagérisation ». Certaines auteures, comme Carby (2008), Glenn (2009) ou Carneiro (2005) ont raison de souligner que les femmes ne sont pas toutes confinées de la même manière dans le domestique. Il est fondamental de regarder aussi la conciliation/articulation travail domestique – service domestique (Joseph 2012 et 2015a) et éviter de réduire l’emploi au travail non domestique des femmes. En outre, plus invisibles et exploitées que les hommes pauvres et racisés au Sud ou migrant au Nord sont leurs conjointes/compatriotes. Comme le montre Falquet (2010), c’est surtout sur elles que repose la mondialisation néolibérale. Elles représentent les infrastructures de la mondialisation (Sassen 2010) et des ménages (Joseph 2011). C’est précisément le sort de ces femmes qu’il faut considérer pour comprendre la domination masculine telle qu’elle est subie, c’est-à-dire du point de vue des personnes qui la subissent. Cela impose aussi d’examiner la domination telle qu’elle est exercée, donc de regarder les hommes.

Parler des hommes

Mathieu (1991 : 82) reprend Rayna Rapp Reiter, qui critique le « double biais » androcentrique de l’anthropologie dominante où chercheurs et ethnologisés sont des hommes. Pour répondre à l’invisibilisation des Haïtiennes, j’ai tenté d’adopter un « point de vue gynécocentrique » (Mathieu 1991 : 140) dans ma recherche par, pour et avec des femmes. Leur description d’un monde où les hommes ‒ absents dans les faits ‒ sont très peu « parlés » vient de cette différenciation établie par Mathieu (1991 : 126) entre « domination exercée » et « domination subie », qui pose la question du point de vue situé et impose de considérer non seulement celui des chercheuses et chercheurs, mais aussi celui des personnes interrogées. Fallait-il écouter les hommes pour accéder à l’oppression exercée? Donner la parole aux hommes ne faisait pas partie de mes ambitions méthodologiques. Cependant, leur faible présence dans les descriptions des répondantes à mon enquête faisait que leur absence des responsabilités domestiques était à la fois critiquée et paradoxalement normalisée.

J’ai alors incitées les répondantes à parler des hommes, les faisant advenir dans la parole des femmes, pour accéder, ne serait-ce que partiellement, à des mécanismes de la domination exercée. Grâce au recours à différents outils méthodologiques, ces femmes parlant peu des hommes ont parlé aux hommes (dans des conversations imaginaires par des psychodrames émotionnels) ou ont joué le rôle des hommes (par des sociodrames) (Joseph 2015c). D’où un recueil de mots d’hommes rapportés par des femmes, exprimant la violence verbale, la maltraitance des filles par leurs pères, l’abandon des hommes, la paternité au rabais, autant de phénomènes étonnamment liés au travail des femmes. J’ai alors constaté combien les rapports aux hommes marquent les stratégies des femmes.

Par contre, cette parole des femmes ne suffit pas à régler certaines questions : pourquoi les hommes sont-ils absents? Que font-ils pendant leur absence? Comment la justifient-ils? À ces questions restées en suspens s’en ajoutent d’autres. Ces femmes, patronnes ou travailleuses domestiques, évoquent peu le travail non domestique. Que font-elles quand elles sont « absentes »? En quoi consiste réellement leur travail? Le non-dit pour les femmes qui ont participé à ma recherche ne concernerait pas seulement le travail des hommes mais plus généralement le travail non domestique.

Finalement, en plus de l’absence des hommes du quotidien et des discours, j’ai remarqué plusieurs impensés qui révèlent les difficultés à voir les patronnes à la fois comme des employeuses et comme des travailleuses; les travailleuses domestiques comme des femmes (de), des mères, des êtres humains tout simplement. Les patronnes ignorent la cause des travailleuses, et les secondes ne parviennent pas à regarder les premières comme des « femmes », c’est-à-dire comme devant affronter, elles aussi, la division sexuelle du travail.

Conclusion

Ma recherche m’amène à résumer l’organisation du travail ainsi (Joseph 2015b) : « Les hommes managent, les femmes ménagent, et les femmes qui font le ménage restent les moins ménagées. » Faut-il définir une vision plus inclusive de l’égalité qui, sans distinction, visibiliserait toutes les femmes et critiquerait tous les hommes? Cela supposerait, d’une part, de reconnaître le service domestique dans l’analyse de l’égalité professionnelle et de la conciliation. D’autre part, l’analyse de la division sexuelle du travail devrait tenir compte de l’hétérogénéité de la classe des hommes. Les luttes ne se réduiraient pas à des slogans contre certains hommes ou à des arrangements entre femmes. Les discours sur l’égalité ciblant majoritairement les hommes privilégiés enferment les autres hommes dans des préjugés occultant la domination réelle qu’ils exercent. Et l’externalisation comme arrangement entre femmes nourrit une illusion de l’égalité chez celles qui sont des privilégiées. Parallèlement, l’externalisation égare les travailleuses domestiques qui se trouvent incitées à ne pas considérer la division sexuelle du travail parmi les causes de leur confinement dans le service domestique. Les rapports sociaux de sexe sont ainsi occultés dans l’analyse du service domestique et instrumentalisés dans celle de leur vie familiale qu’elles expliquent uniquement par le genre. L’externalisation, stratégie des femmes aspirant à l’égalité professionnelle, est alors un frein pour « le féminisme » de même que pour les autres luttes. En refilant vers le bas la pression qui vient d’en haut (Joseph 2011), elle « blanchit » les hommes privilégiés et « diabolise » les autres hommes. D’où l’obligation de considérer l’hétérogénéité tant de la classe des femmes que de celle des hommes et de retravailler le concept de « division sexuelle du travail ». Les hommes sont absents du domestique non seulement parce que leur conjointe les y remplace, mais aussi parce que celle-ci peut se faire remplacer. Ce n’est donc pas la division sexuelle du travail qui explique, à elle seule, l’absence des hommes ou le recours à l’externalisation, mais une articulation des divisions du travail (sexuelle, sociale, ethnique, internationale, voire nationale quand on regarde le cas d’Haïti) (Joseph 2017). Lorsqu’elles ne considèrent que la division intercatégorielle hommes/femmes, les patronnes ‒ ainsi que les recherches sur l’égalité professionnelle ‒ ignorent les personnes les moins privilégiées. Et quand les migrantes se focalisent uniquement sur les divisions intracatégorielles entre femmes (elles et leur patronne), elles oublient le poids de la division sexuelle du travail dans leur situation d’emploi ou la vie familiale de leur employeuse. De leur côté, les patronnes ne regardent pas les travailleuses comme des êtres humains, alors que celles-ci ne les considèrent pas comme des femmes. Frontière dans l’humanité? Frontière dans la féminité? Le défi reste intact : aimer ses ennemis!