Résumés
Résumé
Cet article discute de l’institutionnalisation croissante du champ de recherche des fat studies. Entremêlant savoirs militants et connaissances universitaires, ce courant interdisciplinaire et intersectionnel veut dénoncer la discrimination basée sur le poids dans les sociétés occidentales en mettant en avant le vécu des personnes fat. Puisque ces théories et ces pratiques sont peu connues des communautés féministes francophones, en raison d’un déficit de traduction, l’auteure a choisi de présenter certains enjeux liés à la construction sociale des discours sur la « corpulence » et la reconnaissance des « corps gros » comme sujets épistémiques.
Mots-clés :
- poids corporel,
- discrimination,
- stéréotypes,
- féminisme (mouvements sociaux),
- femmes et université,
- subjectivité,
- interdisciplinarité,
- émancipation
Abstract
This article discusses the growing institutionalization of fat studies. It approaches this interdisciplinary and intersectional field of research, which focuses on the fat experience by interweaving activist and academic knowledge to challenge weight-bias in Western societies. Because of the lack of translation these rich theories and practices are little known to French-speaking feminist communities. The author chose to present some issues in relation to the discursive construction of « fatness » and recognizing « fat bodies » as epistemic subjects.
Resumen
En este artículo se analiza la creciente institucionalización del campo de búsqueda de los fat studies. Entretejiendo saberes activistas y conocimiento académico, esta corriente interdisciplinaria y interseccional tiene como objetivo denunciar la discriminación basada en el peso en las sociedades occidentales con la presentación de las experiencias de la gente gorda. Dado que estas teorías y prácticas no son muy conocidas de las comunidades feministas francófonas, debido a un déficit de traducción, esto se quiere una oportunidad para introducir algunas cuestiones relacionadas con la construcción social de discursos sobre « corpulencia » y el reconocimiento de los « cuerpos gordos » como temas epistémicos.
Corps de l’article
D’un discours de pandémie à celui de discrimination
D’abord annoncé dans le contexte états-unien, puis à l’échelle globale, l’amalgame entre surpoids, obésité et danger a pris la forme d’une « guerre[1] ». Depuis les années 90, le « gras » (fat)[2] est devenu le symbole d’un problème urgent de santé publique dans les sociétés occidentales. Les discours répétés sur cette dite « épidémie[3] » médicalisant la corpulence[4] (fatness), prononcés par des autorités en matière de « bien-être » (médecins, nutritionnistes, etc.), ont eu pour effet de répandre la phobie de la grosseur/corpulence (fatphobia). Bien entendu, la conception des normes corporelles, balisant l’appréhension du poids humain en fonction de corps dits « naturel », « beau », « en santé », est culturellement et historiquement située. Conséquemment, le présent article n’a pas pour objet de faire la généalogie du stigmate négatif envers les personnes de grande taille (big size), ni de traiter des causes épidémiologiques, médicales, sociales, économiques ou politiques de cette discrimination basée sur le poids ou la taille (weightism, sizeism, fat discrimination). Ma contribution se situe plutôt sur le plan théorique et épistémologique afin de jeter les bases conceptuelles expliquant l’institutionnalisation croissante des fat studies (FS) dans les sciences sociales de langue anglaise.
Compte tenu que les FS sont le résultat de la rencontre entre des communautés politiques identitaires fat et des courants universitaires se préoccupant de développer des postures critiques relativement aux représentations dominantes au sujet du poids humain, c’est donc en investissant à la fois les vécus fat et les « discours sur l’obésité » que je consacre la première section de mon article à la lutte pour la reconnaissance de la discrimination systémique subie par les personnes fat. Dans la deuxième section, j’expose certaines pratiques et champs d’intervention (ex. : institutions, groupes associatifs et figures militantes majeures) promus par le fat activism movement (FAM). Enfin, dans la troisième et dernière section, je trace un portrait des institutions universitaires des FS, en mettant l’accent sur l’engagement des auteures et des auteurs quant à leurs objets. L’ensemble de ce travail de contextualisation s’appuie sur l’idée que la visibilisation des « corps gros » (fat bodies, fat persons, fat people)[5], à l’oeuvre au sein des FAM et des FS, est le fruit de jeux de subjectivation politique et scientifique incessants.
En tant que femme cisgenre, je continue d’être affectée par les contraintes normatives liées au poids, bien que j’aie profité, une bonne partie de ma vie, du « privilège de minceur » (thin privilege)[6]. Ainsi, ce que je retire de la critique des FS, c’est que les schémas de honte, de culpabilité ou de mépris qui m’ont menée à une série de privations, d’inconforts et d’obsessions[7] portent un nom : fat-shaming. Par l’entremise des expériences des chercheuses et des chercheurs ainsi que des activistes fat, je m’approprie des ressources afin de travailler à déconstruire ma vision genrée, racisée, capacitaire, classiste, du « corps-soupesé » puissant, attrayant ou révulsant. Mon article se veut donc un apport aux discussions entamées par quelques rares spécialistes de la recherche féministe francophone[8], dont Geneviève Rail (2014) au Québec, qui n’emploient pas d’euphémisme pour parler de « grosseur » et de « corps gros », espérant ainsi rendre accessible le vocabulaire des FS à l’extérieur de la littérature de langue anglaise.
La diversité des tailles et les inégalités sociales basées sur le poids
L’obésité est ainsi un repoussoir absolu, le degré zéro de la valeur. L’obèse est rejeté dans le hors sexe, le hors humanité, par dérogation aux normes implicites de séduction et de santé. Corps […] témoignant d’un abandon moral insupportable.
Le Breton 2010 : 20
La citation en exergue fait état des jugements négatifs qui déprécient couramment la vie des personnes corpulentes. Or, ces biais cognitifs à l’égard de la grosseur (fat/weight bias) – associant cette caractéristique physique à un indice d’immoralité, de défaillance, voire de laideur – touchent particulièrement les corps féminins (voir, par exemple, Tiggemann et Rothblum (1988), Rothblum (1992) et Royce (2009)). Puisqu’il a été argumenté à maintes reprises que les FS touchent des enjeux féministes (voir, par exemple, Fikkan et Rothblum (2012a et 2012b), Saguy (2012) et Roehling (2012)), je concentrerai mes propos sur le cadrage des discriminations défendu par les fat activists et les fat scholars au sujet des « discours sur l’obésité ».
Ces actrices et ces acteurs réfutent l’emploi des termes « obèse » ou « obésité » – issus des sciences médicales – afin de marquer une rupture radicale avec la logique de pathologisation de la grosseur. Conséquemment, la plupart des chercheuses et des chercheurs de même que les militantes et les militants rejettent aussi les termes « sous-poids » (underweight), « surpoids » (overweight), « poids normal » (normal weight), puisque ces derniers suggèrent un idéal, qui serait non déviant (Rothblum 2011 : 174; Lupton 2013 : 6). Le fait de mettre l’accent sur l’expérience de la discrimination permet de contester la classification dominante (et arbitraire) de l’indice de masse corporelle (IMC)[9].
À noter que les analyses produites par le FAM (j’y reviendrai dans la deuxième section) ont joué un rôle précurseur pour les FS. Ces dernières, construites à partir des expériences personnelles de discrimination et d’exclusion sociale en raison des préjugés basés sur le poids et la taille, ont démontré les logiques punitives à l’oeuvre envers les corps qui transgressent les normes corporelles dominantes. Ces discours fat ont permis de faire émerger un sujet épistémique revendiquant sa place et sa valeur. Inspirée par de nombreuses luttes des droits civiques, les approches militantes mises au point par le FAM ont puisé abondamment dans les travaux féministes sur l’image corporelle, la corporéité et les contraintes normatives de minceur (voir, par exemple, Orbach (1978), Chernin (1981) et Bordo (1993)). Puisqu’une imposante littérature interdisciplinaire existe au sujet du rapport poids/taille, je ne peux me permettre de traiter ici des forces idéologiques et sociopolitiques des corpus annonciateurs et apparentés aux FS. Cependant, je veux souligner que trois courants se détachent des récents travaux critiques au sujet du poids corporel, soit les critical weight studies[10], les critical obesity research (ou scholarship)[11] et les FS. Leurs approches du « problème » de la corpulence ne sont pas unifiées, mais ces courants refusent de reproduire, de légitimer et d’endosser les discours biomédicaux (Monaghan, Colls et Evans 2013 : 251) fondés sur la croyance suivante : « Fat is bad. » Le plus souvent, ceux-ci emploient des approches poststructuralistes et féministes afin d’analyser les relations entre le pouvoir, le langage et la subjectivité.
Dans cette entreprise de déconstruction, les « corps gros » – prétendument indisciplinés dans les sociétés occidentales qui valorisent les critères de minceur et de capacitisme – peuvent alors être lus comme des revolting bodies (LeBesco 2004), c’est-à-dire comme ayant le potentiel de contestation politique devant des normes assujettissantes. En suivant cette logique de subversion des discours « anti-obésité », les personnes « incomptées » d’hier – termes que j’emprunte ici à Jacques Rancière (1995) – apparaissent sous des identités nouvelles, qui marquent la distance par rapport aux normes culturellement prescrites. Il n’est donc pas surprenant de constater que plusieurs auteures et auteurs décrivent les « discours anti-obésité » comme participant à une microphysique du pouvoir tâchant de (re)produire des corps dociles (voir, par exemple, Wright et Harwood (2009), Levay (2010) ainsi que Rail, Holmes et Murray (2010))[12].
Dans le contexte états-unien, l’anxiété sociale créée par la peur de la pandémie d’obésité appelle régulièrement des pratiques de contrôle de populations « à risque », qui, au-delà du genre, exigent la prise en considération des processus de « racialisation » et de paupérisation (voir, par exemple, Shaw (2006), Roehling, Roehling et Pichler (2007), Ernsberger (2009) et Daufin (2015)) afin de saisir les impacts croisés des discours dévaluant la vie des sujets fat. Voici comment Bianca D.M. Wilson (2009 : 55) décrit son expérience des effets intersectionnels de cette identification :
I am reminded that I belong to the « target populations » of fat black or lesbian people […] Their talk about my impending early death due to my body size is juxtaposed with my experiences and work in black gay communities, which demonstrate that there are far greater enemies to the health and well-being of black lesbian and bisexual women than the fat on our bodies, such as violence, poverty, and psychological oppression.
Articuler les violences matérielles et symboliques des discours anti-obésité en relation avec d’autres inégalités (par exemple, de « race », de classe, de genre, d’identité/orientation sexuelle, d’âge ou de capacité) est exigeant. En outre, le simple fait de parler de discrimination basée sur le poids, signifie d’accepter que les regards scrutateurs se posent sur soi. J’en ai moi-même fait l’expérience lors d’un colloque en 2015 où je présentais mes réflexions préliminaires au sujet des FS. Une personne de l’assistance m’a demandé si tenir des propos « pro-fat » (on m’accusait d’être complaisante avec le mouvement) n’encourageait pas un style de vie destructeur. Je m’attendais à une dissonance cognitive en abordant ce thème, cependant, au-delà du ton méprisant, trois éléments m’ont choquée : a) on m’excluait du « problème » soulevé par le courant des FS – puisque je n’étais pas lue comme fat (dans le cas inverse, j’aurais été coupable de « défendre mes intérêts »); b) j’étais dans l’erreur de présenter (légitimement) la violence envers les personnes fat en termes de « discrimination basée sur le poids » – le poids étant perçu par cette personne comme un « choix »; c) on remettait en question mon jugement scientifique en méprisant mon intérêt de prendre comme objet les vécus fat. Ce moment d’inconfort a été le point de départ de ma réflexion sur l’impensé du « corps gros[13] » dans la production de sujets politiques et scientifiques.
Les racines militantes des FS
En affirmant la valeur, la fierté et les compétences d’une personne indépendamment de son poids, les FS doivent une bonne partie de leur prise de conscience au FAM. Comme le dit Cooper (2010a et 2011a), peu de travaux documentaires ont été effectués au sujet du FAM depuis sa naissance au cours des années 60. C’est dans le but de pallier cette lacune que cette activiste, écrivaine et chercheuse fat vient de publier l’histoire de plus de quatre décennies d’activisme (2016)[14]. Loin de vouloir substituer mes recherches au travail entrepris par Cooper, je vise ici à matérialiser les discussions précédentes au sujet du stigmate de la corpulence, en rapport avec les forces sociopolitiques qui alimentent les pratiques militantes d’associations, de collectifs et d’individus s’associant explicitement aux vocables fat ou size. À retenir que, même si les courants qui forment le FAM sont variés (tant dans leurs analyses que dans les moyens qu’ils préconisent afin que cesse l’oppression basée sur le poids), il est toutefois possible de les regrouper d’après trois grandes tendances (non exclusives) : « fat is beautiful », « fat is consistent with health », « fat as a basis rights claims » (Saguy 2013 : 161).
Aux États-Unis, l’essor du FAM s’impose au même moment que les mouvements civiques LGBT, féministe, pouvoir noir (Black power), pour ne nommer que ceux-ci (Farrell 2011 : 140). Cette inscription historique a contribué à tisser des solidarités, notamment avec le mouvement féministe lesbien qui, lui aussi, rejetait les frontières de la féminité traditionnelle. En consonance avec d’autres mouvements d’affirmation identitaire, le FAM est traversé par l’hétérogénéité de ses idéologies et de ses pratiques. Pour certaines personnes, l’attitude à adopter envers le rapport poids/taille est celle d’une quête de bien-être ou d’une forme d’acceptation de soi (self-acceptance), tandis que, pour d’autres, la résistance appelle à déconstruire l’objet de l’oppression. La diversité de postures présentes au sein du FAM invite à prendre un moment pour réfléchir à « qui » peut être activiste fat.
Par rapport aux frontières de l’appartenance aux communautés fat et de l’exclusion de ces dernières (in/out group), je retiendrai deux tendances majeures. Tout d’abord, il y a celle qui veut préserver des milieux non mixtes, par exemple des cours de yoga fat (Schaeffer 2015), auxquels les personnes en deçà d’un certain poids (ou d’une apparence) ne peuvent participer. Par ailleurs, d’autres affirment qu’il est arbitraire de vouloir fixer un seuil de poids (par exemple, 90,70 kg (200 lbs)) et que c’est plutôt l’autodéfinition qui importe, comme le décrit Cooper : « people should be free to define themselves as they wish » (2011b : 166). Cette approche du « poids ressenti », pour lier les expériences vécues au contexte culturel et historique, a été adoptée par plusieurs activistes qui s’inspirent des alliances tissées dans le mouvement LGBT et déclarent que « toutes et tous peuvent devenir des fat acceptance activists » (Chastain 2012a; traduction libre).
Parmi les organisations nationales états-uniennes qui font la promotion de l’acceptation de la santé à tous les poids et sensibilisent contre la discrimination, le travail pionnier de la National Association to Advance Fat Acceptance (NAAFA), fondée en 1969 est à souligner. Cette organisation se démarque notamment par ses campagnes publicitaires d’estime personnelle, l’encouragement à la pratique du sport et de l’activité physique ou encore la signature de pétitions pour l’avancement des protections juridiques. Au même moment se développe la philosophie Health at Every Size (HAES) : celle-ci fait la promotion du changement des attitudes opprimantes envers les personnes fat en mettant l’accent sur l’amélioration de la nutrition, la joie de l’alimentation et du mouvement (voir, par exemple, Bacon (2008), Burgard (2009) et Chastain (2012b)). Aujourd’hui représentée par l’Association for Size Diversity and Health, la philosophie HAES se résume à un « non-weight loss health paradigm » (Cooper 2010a : 1024), teinté de loving self-care (Rothblum 2011 : 179), qui a pour objet l’inclusion et le respect de toutes les personnes sans égard à leur poids ou à leur taille. Voici un extrait témoignant des effets émancipateurs de la philosophie HAES (Kirby et Harding 2009 : xiii) :
We gave up dieting and learned to love our fat bodies. We learned to enjoy several different kinds of exercise – walking, yoga, swimming, belly dancing, waterobics, cycling – because they were fun and made us feel better mentally and physically, as opposed to serving as a painful, dreadful punishment for fatness along with a big scoop of self-loathing.
Après plus de 50 ans de présence médiatique de la philosophie HAES[15] et de la NAAFA[16], des tensions subsistent toujours entre ces organisations et le courant des fat politics (Michelle 2013). Sans m’engager en profondeur relativement à ces discussions, je souligne que, pour certaines militantes et militants du FAM, le mouvement égalitariste pour les droits des personnes fat (usant de moyens tels que des conférences, des lettres ouvertes, des publications et des programmes de sensibilisation) ne va pas assez loin. La prise de conscience de l’oppression du poids nécessite une révolution culturelle, comme l’avançait le Fat Liberation Manifesto (Freespirit et Aldebaran 1973)[17]. À titre d’exemple, je retiendrai ici la forme du fat burlesque (dont une figure emblématique demeure celle de Heather McAllister, fondatrice, performeuse et directrice du Big Burlesque et de la revue Fat-Bottom durant les années 90) qui n’a cessé d’inspirer les foules[18] et les artistes[19] en reconnaissant les personnes fat comme des sujets sexués et sexuels. Certes, l’occupation du domaine de la sexualité par les militantes et les militants fat n’est pas un hasard. La construction d’« images [imaginaires] sexuellement explicites » (Snider 2010 : 182) permet de mettre en scène des préférences sous-représentées dans la culture visuelle dominante, ce qui ouvre ainsi des espaces d’expression souvent niés aux personnes fat[20].
Parmi d’autres initiatives touchant la visibilité positive de la corpulence (fat pride), il y a la tendance à encourager le dévoilement de son identité à la manière d’une affirmation de son identité sexuelle (coming out)[21]. Selon mon analyse, cet appel lancé par l’activiste états-unienne Marylin Wann (1998) a eu pour effet de rapprocher les fat affirmative politics des fat queer politics. Néanmoins, les préjugés sont tenaces, comme l’illustre l’accueil mitigé d’un article d’Anna Mollow (2013) faisant appel à la solidarité entre les mouvements LGBT et fat : « Clearly, the politics of homophobic hate are inseparable from our culture’s fear and hatred of fat people. The slur “ fat, ugly dyke ”, used to police women of all sizes and sexual orientations, exemplifies the deeply rooted intersections between fatphobia and homophobia ».
En ligne, les commentaires les plus virulents concernant le poids s’adressaient à la notion de choix, réfutant ainsi tout lien avec l’orientation sexuelle (qui, elle, n’est pas choisie). D’autres internautes interpellaient le principe de la réalité vécue et défendaient la pertinence de se solidariser. Bien qu’il soit de portée limitée, cet exemple fait réfléchir aux frontières de groupe et force à se demander si le déficit de crédibilité trop souvent associé aux « corps gros » – « supposedly unhealthy, unathletic, and unskilled bodies » (Sykes et McPhail 2008 : 71) – ne fragilise pas la construction d’alliances entre le FAM (par extension, les FS) et d’autres mouvements de défense des droits ou de pensées critiques. En dépit des résistances rencontrées, les contributions singulières du FAM ont permis de situer les « sujets fat » à l’extérieur du paradigme de l’obésité (Cooper 2011a). Voyons maintenant la façon dont les FS participent à la légitimation de la posture fat comme manière de faire l’expérience du monde.
Les racines universitaires des FS
Fat studies is a field of scholarship that critically examines societal attitudes about body weight and appearance, and that advocates equality for all people with respect to body size. Fat studies seeks to remove the negative associations that society has about fat and the fat body […] Fat studies scholars ask why we oppress people who are fat and who benefits from that oppression. In that regard, fat studies is similar to academic disciplines that focus on race, ethnicity, gender, or age.
Rothblum 2012 : 3
Nonobstant le fait que le FAM génère depuis 50 ans un vocabulaire pour parler des normes du rapport poids/taille et élabore des stratégies de sensibilisation et de riposte, il y a moins de dix ans que les chercheuses et les chercheurs se rassemblent sous la bannière des FS. Dans le but de situer ce champ de recherche, j’exposerai d’abord les signes de l’institutionnalisation croissante des FS, puis j’explorerai l’engagement scientifique des auteures et des auteurs dans la production et la défense des subjectivités fat.
Tracer un portrait de l’institutionnalisation progressive du champ interdisciplinaire des FS dans les sciences sociales invite à penser le moment à partir duquel l’expression fat studies[22] s’est popularisée dans le monde de la recherche. À ce sujet, bien que plusieurs désignent le tournant de 2005[23], l’année 2008 demeure le marqueur temporel le plus largement reconnu. Celui-ci correspond aux appels de textes en vue de la publication de l’anthologie The Fat Studies Reader (Rothblum et Solovay 2009), suivie la même année de l’ouvrage Fat Studies in the UK (Tomrley et Naylor 2009). En 2012, l’arrivée du journal Fat Studies. An Interdisciplinary Journal of Body Weight and Society assure une visibilité à ce champ en formation, et ce, bien que les thèses des FS aient déjà commencé à circuler dans des journaux tels que Sex Roles ou encore Women’s Studies Quarterly et aient, plus récemment, fait l’objet de numéros complets de Sociology of Sport Journal (vol. 25, n° 1, 2008) et d’Antipode (vol. 14, n° 5, 2009).
Comme je l’ai expliqué plus haut, depuis le tournant paradigmatique de l’« épidémie d’obésité » déclenché par l’OMS (1998), il s’est opéré un changement dans les stratégies de riposte contre la stigmatisation des personnes fat, et plus globalement dans les présuppositions éthiques et scientifiques entourant les discours de santé publique. Les discours critiques envers les politiques publiques et les attitudes problématisant la taille, le poids, la corpulence, se sont déployés sous un vocable de justice sociale[24], notamment marqué par des revendications liées à la défense légale des droits socioéconomiques, comme dans l’ouvrage Tipping the Scales of Justice (Solovay 2000), ou encore postulé en termes de réinvention des identités et de la prise en considération de l’agentivité des sujets en lutte, comme dans l’ouvrage Bodies Out of Bounds (Braziel et LeBesco 2001). Lupton (2013 : 6) précise d’ailleurs que c’est « the growing popularity of adopting the word “ fat ” to describe corpulent embodiment » qui a ensuite justifié la dénomination (FS) de ce champ spécifique de recherche.
Parmi les figures universitaires marquantes qui ont osé faire l’usage du f word (fat), on compte Esther Rothblum, Kathleen LeBesco, Amy Farrell, Samantha Murray, Abigail Saguy, pour ne nommer qu’elles. Cet engouement pour les études critiques sur le poids corporel au sein des universités anglo-saxonnes se dénote par l’ajout de programmes d’études[25] explicitant les approches des FS et de la philosophie HAES. Ces formes de reconnaissance sont importantes lorsqu’un champ d’études tend à formaliser son rôle et sa place, comme c’est le cas pour les fat scholars au sein des universités. Parmi les actions accomplies dans l’idée d’affirmer et de pérenniser leurs approches, leurs théories et leurs méthodes, on note l’article « Fat Studies : Mapping the Field » (Cooper 2010a), l’entrée encyclopédique « Fat Studies » (Rothblum 2011) et l’introduction de l’ouvrage Fat Studies Reader (Rothblum et Solovay 2009 : 2) qui forment un début d’assemblage afin que les étudiantes et les étudiants, les activistes ainsi que les membres du corps professoral s’initient à un « interdisciplinary field of scholarship marked by an aggressive, consistent, rigorous critique of the negative assumptions, stereotypes, and stigma place on fat and the fat body ».
En se structurant, les FS mettent en valeur les actions positives du FAM, qui ont permis de faire reconnaître que les « fat bodies have social value » (Cooper 2010a : 1020). Par cet aveu (qui veut rétablir l’estime envers un groupe social minorisé), les sujets fat se sont engagés dans un processus de subjectivation politique[26]. Devant ce processus complexe, je retiendrai l’idée que les sujets, dont l’intégrité morale est compromise par des discours sociaux haineux ou dévalorisants (dans le cas qui nous concerne, réduits à leur corpulence perçue), sont appelés à se positionner par rapport à des normes prescrites. Il en résulte un dispositif de représentations qui joue sur les thèmes de l’hypervisibilité et de l’invisibilité de leur présence dans l’espace public.
Par exemple, pour lutter contre la tendance à réduire le vécu fat à sa corporéité, Murray (2005a : 273) aborde phénoménologiquement la position ambivalente de son corps, en affirmant ceci : « I am simultaneously being brought into being by my fat body, and refusing this body. » On pourrait décrire cette dialectique comme exprimant le litige entre la désignation sociale (ici être fat), qui somme le sujet de se nommer, se reconnaître, et la manière dont il se perçoit en fonction des contextes sociaux. De cet acte de négociation, naissent des jeux d’appréhension quant à l’agentivité des sujets qui tentent de formuler des réponses entre leur reflet et l’appréhension du regard d’autrui. La mise en récit de l’oppression vécue devient alors un outil – révélateur affectif et relationnel de jeux d’attribution, d’appartenance et de contestation – qui exprime l’idée que « fat is a fluid subject position relative to social norms, it relates to shared experience » (Cooper 2010a : 1021). Voilà une puissante stratégie pour faire face aux forces normalisatrices dans l’institution universitaire et à l’extérieur de cette dernière.
L’une des figures manifestes de cette intersection où se situent les activistes pour la recherche (research-activists), est Charlotte Cooper. Engagée depuis plus de 30 ans dans le queer fat activism, elle joint la pratique à la théorie très tôt avec la publication de son mémoire de maîtrise intitulé Fat and Proud : The Politics of Size (1998) et d’un article innovateur liant les inégalités de poids aux études sur le handicap (1997)[27]. Formée en journalisme et comme psychothérapeute, elle s’avère l’un des piliers prolifiques des FS, quoiqu’elle préfère se qualifier de « para-universitaire » (para-academic) (révélant davantage son statut de chercheuse indépendante). Médiatrice culturelle, Cooper s’est aussi illustrée sur la scène militante fat au Royaume-Uni et à l’internationale (par exemple, elle a été performeuse (« The Beefer » Cooper) dans la troupe The Chubsters, a publié une nouvelle, Cherry (2002), a été musicienne et se consacre présentement à des projets de danse fat). De plus, par l’entremise de ses activités de blogueuse sur son site Web (obesitytimebomb.blogspot.ca), Cooper réussit à transmettre ses réflexions militantes sous la forme d’archives multidisciplinaires. Elle formalise aussi ses analyses en rédigeant des articles, tels que celui qui relate la démarche entourant les Fattylympics de 2012 (l’événement satirique était organisé en réaction à la tenue des Jeux olympiques à Londres). Un collectif, dont faisait partie Cooper, s’interrogeait sur la manière dont « fat can be used as a lens to interrogate the Olympics » (2010b : 11). En plus de dénoncer la phobie de la grosseur (fatphobia) et l’homophobie, ce projet créatif rejetait les normes corporatistes et capitalistes de ces épreuves sportives internationales en proposant des exercices loufoques aux participantes et participants fat.
Ces mises en scène témoignent du fait que les préoccupations envers la corporéité forment un paradigme central du projet politique et scientifique des FS (LeBesco 2011). Or, certaines postures épistémologiques se révèlent plus difficiles à négocier, notamment lorsqu’elles semblent entrer en contradiction avec les visées émancipatrices, voire déconstructivistes, du corps au sein du FAM. Cela a été le cas de la chercheuse fat Samantha Murray qui, à la suite de graves problèmes de santé, a décidé de subir une chirurgie bariatrique. Connue dans le passé pour avoir tenu une position critique envers cette intervention invasive, Murray (2009) a été amenée, à la lumière de son expérience, à repositionner son analyse en réitérant son engagement pour la fat liberation. La crédibilité d’une autre chercheuse, Ann Cahill, a aussi été remise en question lorsque celle-ci a perdu plusieurs dizaines de kilos en raison de changements alimentaires et de l’accroissement de sa pratique sportive. Justifiant sa démarche à l’extérieur d’impératifs esthétiques, Cahill (2010) soutient qu’elle a voulu gagner de la force afin de mener ses combats dans un corps vigoureux. Il apparaît, à l’aune de ces deux exemples, qu’il se reproduit des frontières normatives à l’intérieur d’un groupe donné (ici délimité par l’engagement dans les FS), ce qui représente un autre défi pour penser l’ambivalence des « corps gros » et les tensions qui traversent les discours de légitimation. Ces derniers, fondés sur des représentations, des pratiques, des croyances (soumises aux pairs), continueront de se négocier au fur et à mesure que le champ d’études se développera.
Après ce bref survol des repères institutionnels des FS dans les sciences sociales, il nous est permis d’entrevoir certains défis pour la pérennisation de ce champ durant les prochaines années. D’une part, la confrontation aux logiques de professionnalisation et à la division du travail dans la recherche risque de rendre plus difficile l’incorporation des réflexions de l’activisme FAM. D’autre part, compte tenu que les préjugés basés sur le poids se reproduisent aussi dans le monde universitaire, les chances des candidates et des candidats fat d’être engagés, comme le relate Bacon (2009 : 1), sont réduites. D’où la nécessité de poursuivre le travail d’affirmation et de sensibilisation afin de déconstruire les amalgames entre le poids corporel, la santé et les apparences.
Conclusion
Au fil de mon article, j’ai discuté de la manière dont l’expérience de la corpulence pouvait être considérée comme la condition de possibilité des connaissances des discours sur l’obésité et du fait même, le lieu de contestation de l’impensé des « corps gros ». J’ai ensuite exploré le pouvoir subversif des approches critiques de la corpulence en situant les revendications fat et les pratiques d’intervention du FAM. Enfin, à travers la synthèse de signes de l’institutionnalisation universitaire des FS, j’ai rendu compte de l’importance de la lutte pour la reconnaissance de la subjectivité des personnes fat, tout en documentant la collaboration entre l’univers de la recherche et celui du militantisme.
Bien entendu, l’importance de reconnaître la corpulence comme tributaire du langage et de la culture politique dans lesquels évoluent les sujets lui donnant sens implique la prise en considération des réalités géographique et historique des oppressions vécues. Ce travail de contextualisation mérite d’être poursuivi par d’autres chercheuses et chercheurs et activistes francophones, d’autant plus que l’accessibilité du champ des FS en langue française demeure une entreprise en friche. Dans cette perspective, j’espère avoir ajouté une pierre à l’édifice de la pérennisation des FS, tout en offrant une occasion de diffuser des outils de riposte et de réflexion afin que l’on arrête de s’excuser de son poids!
En guise d’ouverture vers de futures recherches dans le champ des FS, je veux soumettre deux pistes prometteuses. La première touche à la documentation des origines du FAM et des FS, en insistant sur le besoin mentionné par Cooper (2009 : 329) de décentrer les analyses fat des États-Unis pour offrir une représentation élargie des réalités vécues par les personnes fat. La seconde piste implique les enjeux de pédagogie liés à l’enseignement des FS, une thématique déjà bien abordée dans la littérature (voir, notamment, Guthman (2009), Boling (2011), Watkins, Farrell et Hugmeyer (2012) et Cameron (2015)), qui sera sans doute un vecteur important de diffusion des FS au cours des prochaines années.
Parties annexes
Remerciements
Je remercie Catherine Browne pour son aide à la révision de la traduction terminologique, Éléonore Devevey, Louis Chartrand et Julie Silveira pour leurs relectures éclairantes, ainsi que les évaluatrices de mon article pour leurs suggestions. Toute omission ou mésinterprétation m’est imputable.
Note biographique
Audrey Rousseau est doctorante en sociologie à l’Université d’Ottawa. Ses recherches principales traitent des politiques de mémoire. L’exploration des fat studies découle de son examen synthèse au sujet de la sociologie du corps. Ce champ d’études en émergence rejoint ses centres d’intérêt pour les études culturelles et de genre ainsi que pour les mouvements sociaux.
Notes
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[1]
En ce début de xxie siècle, deux médecins-chefs du Service de santé de l’armée américaine (surgeon general) ont contribué à faire de l’obésité l’ennemi public n° un. Le premier, C. Everett Koop, popularise l’expression « guerre à l’obésité » d’abord en 1995 durant une campagne de santé publique intitulée Shape Up America, puis en 1997 lorsqu’il dramatise le taux de mortalité élevé au pays (Monaghan 2008 : 1). Le second, Richard Carmona, diabolise les « risques » liés à l’obésité en soutenant que ce phénomène est aux États-Unis « a greater threat than terrorism » (Tumulty 2006 : 40), « the terror within » (Kirkland 2008 : ix).
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[2]
Pour assurer une compréhension univoque en langue française, plusieurs termes conserveront leur forme anglicisée : d’une part, parce que la littérature des fat studies (FS) est principalement anglo-saxonne, l’emploi fréquent de néologismes rend complexes les équivalences de traduction; d’autre part, puisque le terme fat est issu des politiques identitaires, il apparaît décontextualisé de faire usage des termes « gros » ou « grosse » sans que ces derniers soient revendiqués publiquement par des communautés politiques francophones. À ma connaissance, il n’existe qu’une association de soutien aux personnes corpulentes en France (Allegro Fortissimo, créée en 1989), ce qui en fait une figure d’exception dans le monde francophone.
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[3]
À la fin des années 90 souffle un vent de panique morale (fat panic) (Saguy et Almeling 2005 et 2008), comme l’a été le VIH/sida durant les années 80 (Gilman 2008 : 14). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclare l’« épidémie d’obésité ». Cette « maladie » est attribuée « to sedentary lifestyles and high-fat, energy-dense diets » (OMS (1998 : xv, xvi)). Des équipes spécialisées (obesity task force) sont créées, notamment aux États-Unis, au Canada, en Irlande et en Australie, pour intervenir dans cette crise sociale et économique. Pour plus d’information sur la manière dont l’obésité est devenue une maladie épidémique, consulter Michael Gard et Jan Wright (2005), J. Eric Oliver (2006) ainsi que Jan Wright et Valerie Hardwood (2009).
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[4]
Voici un exemple de traduction problématique : fatness devrait être synonyme d’« embonpoint »; toutefois, dans la littérature en langue française, c’est plutôt l’expression « (forte) corpulence » ou le terme « obésité » qui est le plus souvent mobilisé pour décrire les « corps gros ». Pourtant, une traduction littérale mènerait à la même graphie en langue anglaise (corpulence). En vue de trancher temporairement ce débat, les termes « corpulence » et « grosseur » seront employés dans cet article pour qualifier les personnes de forte corpulence (large build) ou de grande taille (large size), et ce, bien que l’aspect péjoratif associé à fatness ne puisse trouver d’équivalence.
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[5]
Concernant l’emploi du terme fat – sous toutes ces déclinaisons –, celui-ci est revendiqué par une communauté d’appartenance. Certaines personnes préféreront peut-être utiliser le terme size (« taille ») pour décrire la corpulence humaine, mais fat est un terme semblable à celui de queer employé dans la communauté lesbiennes, gais, personnes bisexuelles et transgenres (LGBT), où la subversion de l’insulte « reinforce its signification as a term of pride and identity » (Cooper 2010a : 1021). Les activistes fat ont depuis longtemps articulé l’énoncé « Why do we use the word fat so freely? » Voici une réponse parmi les plus communes : « “ Fat ” is not a four-letter word. It is an adjective, like short, tall, thin, or blonde. While society has given it a derogatory meaning, we find that identifying ourselves as “ fat ” is an important step in casting off the shame we have been taught to feel about bodies » (NAAFA 1999 : 11).
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[6]
Le privilège de minceur n’est pas une question de poids pesé, mais de perceptions sociales supportant l’idée populaire que « mince, c’est mieux ». Par conséquent, dans ce régime normatif, plus une personne est considérée comme « mince », moins elle risque de souffrir du stigmate ou des discriminations basées sur le poids. Dans la littérature des FS, c’est à Linda Bacon (2009) que l’on attribue le développement expérientiel de l’analyse du privilège de minceur. Bacon explique que celui-ci découle directement des structures d’oppression de poids qui attribuent des avantages injustes aux uns et aux unes aux dépens des autres. Elle souligne que l’expérience du privilège de minceur est souvent inconnu des personnes qui en profitent et que les bénéfices doivent être analysés en fonction d’autres systèmes de privilège (sexe/genre, âge, « race », etc.) (Bacon 2009 : 2). À la lumière de cette notion, la majorité des chercheuses et des chercheurs des FS se positionnent donc par rapport aux bénéfices octroyés aux minces, en situant d’où leur parole provient, d’autant plus que « thinness in our culture is what sociological call an “ unmarked catergory ” » (Saguy 2013 : 25).
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[7]
Au Canada, une adolescente sur cinq est au régime (Findlay 2004), ce qui rejoint les statistiques d’autres études menées auprès d’adolescentes (ex. : australiennes, états-uniennes, anglaises) qui indiquent que de 41 à 66 % des jeunes filles et de 20 à 30 % des jeunes hommes ont déjà tenté de perdre du poids (Daee et autres 2002). Devant ces chiffres, précisons que les personnes fat sont plus nombreuses à multiplier les diètes au cours de leur vie (Gaesser 2009).
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[8]
À mon avis, une revue de littérature extensive mériterait d’être réalisée, car les ouvrages de langue française ne se revendiquent pas explicitement de la terminologie fat ni d’une affiliation aux FS. En France, parmi les travaux critiques au sujet de la « grosseur », notons ceux de Solenn Carof (2008 et 2015), qui étudie la corpulence féminine d’après la construction des catégories médicales de poids (mobilisant la notion de stigmate), et de Thibaut de Saint Pol (2008 et 2010), qui analyse le croisement entre les inégalités de genre et la pauvreté dans l’appréhension médicale de la corpulence et de l’obésité.
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[9]
L’IMC a pour ancêtre les règles de mensurations anthropométriques d’Alfred Quetelet (xixe siècle). L’IMC est obtenu d’après un calcul simple : le poids (kg) sur le carré de la taille (cm). Les résultats sont alors répartis sur une échelle de six grades qui permettent de classifier les individus. Plusieurs problèmes émergent de ce calcul dont le ratio (Evans et Colls 2009) ne peut, en définitive, rien dire de la physionomie d’une personne (silhouette), encore moins de sa santé. Pour ce faire, on devrait tenir compte d’autres mesures, telles que le rapport taille/torse, la répartition de la graisse, l’âge, le sexe ou encore la masse musculaire; sans quoi cet indice propose des portraits erronés, notamment pour les femmes enceintes ou bien les sportifs ou les sportives de haut niveau (Saint Pol 2006 : 650), mais aussi pour les femmes racisées et les personnes en situation de handicap.
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[10]
Comme le mentionne Jeannine A. Gailey (2014 : 166), il n’existe aucune définition officielle de ce champ. Selon ma compréhension, bien que les critical weight studies soient parfois employées comme synonyme des FS, les écrits s’en revendiquant semblent plus distants du FAM et admettent plus ouvertement l’emploi du terme « obésité » dans leur cadre d’analyse. À mon avis, la faible théorisation des relations entre les critical weight studies et les critical obesity scholarship rend les comparaisons difficiles. À cet égard, il est à espérer que la publication récente de l’anthologie de Jenny Ellison, Deborah Macphail et Wendy Mitchinson (2016) contribuera à baliser culturellement, politiquement et historiquement, les enjeux de bien-être et de santé entourant la fat panic ou l’obesity epidemic au Canada.
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[11]
Comme je l’ai mentionné précédemment, les courants des critical weight studies et des critical obesity scholarship recoupent depuis les dix dernières années plusieurs des préoccupations des FS. À titre d’exemple, un bon nombre des recherches interdisciplinaires (tant en sciences sociales et en éducation que dans le domaine de la santé publique) des critical obesity scholarship s’inspire des écrits de Gard et Wright (2005) pour développer une critique des définitions biomédicales des représentations corporelles qui (re)produisent, dans les sociétés (néo)libérales, des enseignements relatifs à l’« obésité ». Ces savoirs et ces pratiques, qualifiées de biopedagogies (Rail et Jette 2015), contribuent notamment à expliquer la construction et la diffusion des compréhensions culturelles dominantes du « bien manger » ou encore du « poids santé » (McPhail 2013), qui justifient les orientations de santé publique relativement aux discours sur l’obésité et les fat politics (Monaghan, Colls et Evans 2013). Un récent numéro de Cultural Studies ↔ Critical Methodologies (2015) propose d’ailleurs un éventail de projets employant des théories, des démarches méthodologiques et des outils d’intervention pour penser la santé, non plus dans une logique de « risque », mais dans une perspective de justice sociale.
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[12]
Les analyses foucaldiennes de la gouvernementalité et de la biopolitique sont largement mobilisées pour répondre aux discours de santé publique sur l’obésité. À cet égard, les personnes fat sont non seulement dépréciées (de facto) en fonction de croyances liées à leur apparence physique, mais elles se voient prescrites des attitudes et des agissements individuels, à défaut desquels elles risquent de tomber dans l’abjection. À titre d’exemples, les unes, dépeintes asexuelles (Murray 2004 : 237) sont perçues comme illégitimes d’éprouver des sentiments amoureux ou des désirs sexuels, tandis que les autres sont encouragées à perdre du poids pour s’assurer une promotion de carrière (plusieurs études prouvent que la mobilité sociale diminue fortement lorsqu’un individu est considéré comme étant en « surpoids » (voir, par exemple, Rothblum et autres (1990), Fikkan et Rothblum (2005), Régnier (2006) et NAAFA (2009)), sans compter les personnes fat qui se voient humiliées par la surveillance de leur consommation d’aliments dans les lieux publics (voir, par exemple, Mitchell (2005 : 240), Bergman (2009 : 141) et Lupton (2013 : 76)).
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[13]
Consciente de l’essentialisme présumé de cette expression, je fais le choix délibéré de parler du « corps gros » puisque ce positionnement social (ontologique), perçu comme évidence (ex. : femme, sourde, réfugiée), est le signifiant qui sert à marquer les frontières identitaires entre soi et autrui. Le « corps gros » – sa silhouette, ses attributs adipeux, sa démarche – devient le marqueur visible des discours sur la corpulence invitant les sujets à se positionner par rapport à leur grosseur présumée, attribuée ou ressentie.
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[14]
Il est attendu que cet ouvrage contribuera, tout comme la récente publication de Helen Hester et Caroline Walters, intitulée Fat Sex : New Directions in Theory and Activism (2015), au positionnement de l’activisme fat comme domaine d’intervention des FS. À cet égard, les travaux antérieurs de Cooper, dont la parution de l’ouvrage Fat and Proud (1998) et la publication de sa ligne du temps Queer and Trans Fat Activist (1967-2010) (2011a : 18-31), s’inscrivaient déjà dans cet effort de synthèse du FAM à partir de son militantisme créatif, radical et expérientiel.
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[15]
En 2012, les campagnes publicitaires de la philosophie HAES (We (I) STAND, lancées par Marilyn Wann), visaient à riposter à Strong4 Life qui misait sur le fat-shaming pour prévenir l’obésité chez les enfants de Géorgie.
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[16]
Parmi les interventions publiques, on note celles contre la compagnie Hallmark (1989-1992) qui produisait des images « humoristiques » offensantes, ou encore la présente campagne de sensibilisation envers les compagnies d’aviation afin que cessent les surcharges financières envers les persons of size et les personnes handicapées (qui doivent fréquemment payer le billet en double si elles occupent deux sièges).
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[17]
Les auteures du manifeste se sont désaffiliées de la NAAFA (pour cause de divergences politiques) et ont cofondé le Fat Underground. On consultera Sara G. B. Fishman (1998) – alias Aldebaran – pour l’histoire de ce groupe affinitaire.
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[18]
Depuis les années 80, il s’est développé une demande pour les représentations BBW (Big Beautiful Women – expression consacrée depuis la fondation du magazine féminin du même nom, par Carole Shaw en 1979). Plusieurs industries ont subi l’influence de ce courant, notamment la mode et la pornographie. La mode, qui développe des lignes de vêtements « tailles plus » depuis des décennies, présente désormais quelques mannequins (ex. : Ashley Graham, Fluvia Lacerda, Tara Lynn) célébrées pour leurs courbes « féminines », mais toujours contenues. Bien entendu, il existe des tensions découlant des attitudes capitalistes qui marchandent la corpulence (LeBesco 2004 : 70), mais l’industrie de la mode comprend aussi des courants tels que le fatshionista (terme créé en 2004 par Amanda Piasecki), qui incluent certaines préoccupations envers la justice sociale et l’accessibilité économique des vêtements. Dans un autre ordre d’idées, l’industrie du sexe n’est pas en reste avec le développement du fat porn, laissant la place à des représentations du BBW, aux fat admirers (Goode et Preissler 1983), au feederism (pour une explication, voir Hanne Blank (2000 : 240); pour une critique, voir Samantha Murray (2004 : 244)) ou encore aux figures gaies du chaser et du chub (Whitesel 2014).
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[19]
On y trouve des groupes formés durant les années 2000 (ex. : The Chainsaw Chubettes ou The Chubsters), mais aussi des scènes spécialisées telles que The Fat Bottom Cabaret ou le Va Va Boombah valorisant des artistes : Alotta Boué, Pussy Flambé (Asbill 2009), Mr. Hunter, Lillian Bustle, etc.
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[20]
Une logique similaire concerne le domaine sportif, où les personnes fat ont longtemps été ridiculisées ou exclues, et ce, malgré l’arrivée de publications valorisant la pratique sportive, peu importe la taille (voir, par exemple, Lyons et Burgard (1988), Scott-Dixon (2008) et Chastain 2015 : t. 2). Dans ce domaine, la présence d’activistes HAES a permis d’adapter certains mouvements afin que les personnes fat puissent se sentir à l’aise de pratiquer la danse ou le yoga ou encore de constituer des équipes de nage synchronisée tels que Aquaporko (Sydney) ou Padded Lilies (Oakland).
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[21]
Cette expression empruntée au mouvement LGBT associe une valeur transformative positive au fait de déclarer publiquement une identité politique et personnelle (pour un survol du phénomène dans les communautés fat, consulter Abigail C. Saguy et Anna Ward (2011)). Or, le sentiment de fierté et les bénéfices sous-tendus par cette action sont à nuancer comme l’analyse Samantha Murray (2008 : 87-105). Cette auteure critique notamment le « sujet volontariste » impliqué dans l’acte du coming out en revenant sur les thèses d’Eve K. Sedgwick et de Judith Butler, relativement aux interactions constitutives du « sujet ». Murray en profite pour remettre en question la pression que le fait de living large (assumer sa corpulence et se délester de ses croyances) peut exercer sur les personnes qui restent dans le « placard » (96; ma traduction). Au-delà de cet aspect normatif, Murray considère sa corporéité fat comme « éminemment ambiguë, multiple et contradictoire » (Murray 2005a : 270; ma traduction). Elle souligne que « le seul fait de vivre dans un corps gros est un acte de défiance » (Murray 2005b : 155; ma traduction) puisqu’il n’y a pas d’endroit où dissimuler ses chairs. Elle considère que la déclaration émancipatoire du coming out as fat ne semble pas toujours considérer les tensions qui existent dans la négociation ininterrompue de son identité fat.
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[22]
Esther D. Rothblum (2012 : 3) associe l’un des premiers emplois de l’expression à l’activiste fat Marilyn Wann.
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[23]
Parmi les premières initiatives universitaires employant l’expression, on compte notamment les conférences de la Popular Culture Association (qui organise un fat studies panel depuis 2005), ainsi que la création en 2007 du groupe de discussion sur les FS à la National Women’s Studies Association, suivie, en 2008, d’un séminaire d’une journée à York (Royaume-Uni) sur les FS (Cooper 2011a : 183).
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[24]
Plusieurs études font état des expériences négatives vécues par les personnes fat, par exemple dans le système de santé états-unien, où les préjugés des médecins tendent à reproduire un traitement différencié dévalorisant les patientes et les patients fat (Rothblum 2011), sans oublier que l’impact négatif du stress lié au stigmate de grosseur augmente les risques de maladies chez les sujets discriminés (Ernsberger 2009). De plus, aux États-Unis, les personnes fat occupent des emplois moins bien rémunérés que leurs collègues « minces » (Roehling 1999; Solovay 2000), ce qui a justifié la mise en oeuvre d’un cadre de protection légal contre la discrimination basée sur le poids (voir, par exemple, Roehling, Roehling et Wagstaff (2013)).
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[25]
Parmi les établissements innovants dans ce domaine, on compte l’Oregon State University, le Dickinson College (Pennsylvanie), le Lake Forest College (Illinois) et la Macquarie University (Sydney, Australie). Cette liste, loin d’être exhaustive, illustre l’adhésion que suscitent les courants d’analyse des FS, et ce, sans considérer les cursus (toutes disciplines confondues) qui traitaient déjà de sujets relatifs à l’image corporelle, aux pratiques alimentaires ou aux approches critiques de l’obésité.
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[26]
Dans le présent article, l’emploi des expressions « modes de subjectivation politique » ou « subjectivation politique » s’inspire de l’approche ranciérienne (Rancière 1995) du processus de subjectivation qui a pour objet de décrire les litiges qui apparaissent et disparaissent entre les identités sociales attribuées et les ruptures occasionnées par les actions d’un sujet devenu « sujet politique ». La conceptualisation de ce dernier ne se réduit pas à son caractère « identifiable », bien que sa visibilité – la manifestation « matérielle » de sa présence dans l’espace politique – soit à prendre en considération. C’est plutôt dans le processus de négociation/dissolution des identités, révélant l’occupation ou le réaménagement des places et des rôles à l’intérieur d’un groupe donné, que la subjectivation rend visibles l’inclusion et l’effacement des « sans-part » ou des personnes « incomptées » (Rancière 1995 : 161) comme faisant partie, ou non, de la communauté politique. Dans mon article, j’ai proposé d’étendre cette appréhension des modes de subjectivation au processus « scientifique », autrement dit, aux positions des chercheuses et des chercheurs fat dans l’univers universitaire, et ce, bien qu’un tel usage dépasse largement l’analyse proposée par Rancière.
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[27]
Cooper est ainsi parmi les premières, avec April Herndon (2002) et Kathleen LeBesco (2004), à soutenir que ces approches théoriques sont productives afin de comprendre les oppressions basées sur le poids. Bien que ce rapprochement suscite encore beaucoup de méfiance – notamment à cause des biais capacitaires –, les efforts explicatifs récents de Mollow (2011, 2013 et 2015) dévoilent ces préjugés qui nuisent à la solidarisation des luttes.
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