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De par son format, cet opuscule de Mariette Julien ne permet certes pas de longs développements. Cependant, la lectrice ou le lecteur y trouvera une information accessible qui ne sacrifie rien à la précision. Dès le premier chapitre, intitulé « Qu’est-ce que la mode hypersexulisée », Mariette Julien situe son objet – la mode hypersexualisée – dans le phénomène plus large de l’hypersexualisation. La précision s’avère utile, car l’auteure, docteure en communication à l’École supérieure de mode de Montréal, rattachée à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM), se concentre surtout sur « l’esthétique de l’apparence qui met l’accent sur la sexualité » (p. 12). Cette dernière dimension constitue effectivement le fil conducteur de la réflexion proposée.
La focalisation sur la sexualité permet à Julien d’aborder les manifestations de l’hypersexualisation autant chez les hommes que chez les femmes, chez les enfants que chez les adultes, et ce, à travers les générations. Julien se dissocie ainsi des auteurs et des auteures qui n’associent l’hypersexualisation qu’à l’apparence ou encore exclusivement à une tranche d’âge, par exemple l’adolescence. La section sur la mode hypersexualisée comprend de brèves présentations sur l’allure prostituée et l’allure proxénète suivies d’énumérations sur les tenues vestimentaires particulières, les accessoires, les transformations et les soins du corps tels la coiffure, la manucure et le maquillage. S’y trouvent aussi quelques lignes sur les vêtements hypersexualisés pour bébés.
Le deuxième chapitre, ayant pour titre « Ses influences vestimentaires et corporelles », livre la contribution la plus intéressante de la professeure Julien. Elle montre comment la mode hypersexualisée « se nourrit d’emprunts à l’exotisme, au passé et à la sexualité […] et trouve son inspiration dans des styles appartenant aux générations précédentes, à des cultures différentes et à des univers sexuels pluriels » (p. 21). Julien parle ainsi de l’héritage du mouvement hippie, du courant punk et de l’apport plus récent des Harajuku Girls. Citant Florence Montreynaud, elle décrit la contribution des grands créateurs de mode qui mettent « en scène les fantasmes les plus échevelés ». Enfin, Julien se penche sur l’influence de la jeunesse rebelle des six dernières décennies et sur la pin-up qui alimente l’imaginaire collectif depuis 1950. Ce chapitre compte aussi deux brefs paragraphes sur le rôle joué par les poupées – Barbie et Bratz – relativement à la construction de l’identité féminine.
Au troisième chapitre, intitulé « Les facteurs sociaux », Julien effleure les multiples dimensions qui modélisent sa problématique. Elle se réfère à des travaux sociologiques, culturels, psychologiques ou philosophiques axés sur la « pornographisation », l’emprise du marketing, la dictature du « tout voir et être vu », la quête de la célébrité, l’immédiateté, l’hyperconsommation, la recherche d’authenticité – entre autres – sans compter la désaffectation envers certaines religions institutionnalisées. Bon nombre de ces thèmes éveillent la curiosité intellectuelle, d’autant plus qu’ils sont présentés dans un contexte de sobriété obligée par le format de publication. La revue de la documentation s’avère prégnante, sans qu’on réussisse pour autant à harmoniser les dimensions mises en évidence les unes après les autres. L’absence d’une argumentation fine pour articuler ces divers facteurs affaiblit la section et ne rend pas justice aux travaux qui ont balisé la recherche en ce domaine.
Le texte d’introduction du livret présente en des termes très mobilisateurs le glossaire qui termine cet ouvrage (p. 77-106), soit une « mine de renseignements sur l’origine, le sens et la symbolique de tout ce qui peut être associé à l’esthétique hypersexualisée ». Son ampleur séduit d’emblée puisqu’il compte une centaine de notions. En fait, il contient peu de concepts savants tels que l’« acomoclitisme », la « nymphoplastie » ou la « scarification ». L’outil est surtout constitué d’expressions et de termes familiers comme le string, le jean, le legging, le glamour ou la lolita. Limité dans son pouvoir de définition, il permet surtout de situer ces éléments à l’intérieur de certains courants sociaux actuels et passés de même que leur influence sur la mode hypersexualisée. Ainsi, la démarche contextuelle s’avère utile et informative, mais sa portée est limitée par des évidences et des redondances. On comprendra facilement, par exemple, que les termes « bretelles-spaghetti », « dos-nu », « cami », « gilet-bedaine » ou « minidébardeur » renvoient sensiblement au même genre de tenue. Fallait-il les présenter séparément ou les réunir? L’outil semble de même un peu superflu pour s’informer sur le bronzage, les cils artificiels, les lèvres pulpeuses ou la couleur fuchsia.
Il va sans dire qu’une publication sous forme d’un petit recueil de 100 pages pose tout un défi à ceux et celles qui abordent des sujets riches, complexes et multidimensionnels. Prenons acte de cette difficulté pour anticiper le plaisir de lire Mariette Julien.