Résumés
Résumé
Les émissions de téléréalité sont révélatrices d’une certaine conception de la femme, même si elles ne se réclament d’aucun féminisme. Les stéréotypes de la « féminité », c’est-à-dire un ensemble d’attentes concernant la façon dont les femmes doivent se comporter en public comme en privé, y sont sur-représentés, sur un mode quasi pornographique. Cette « quasi-pornographie » a pour fonction de favoriser l’acquisition de la norme d’internalité, c’est-à-dire celle par laquelle la fillette intériorise les critères de réussite et se les approprie, sur la base de la présentation de soi telle qu’elle est renforcée par la téléréalité – le modèle étant la vedette ou son avatar, la Lolita. Ces émissions participent ainsi de la surveillance sociale, surveillance-spectacle qui s’appuie sur l’intérêt des jeunes filles pour les mécanismes d’inclusion et d’exclusion sociale, qui influent sur la constitution de leur identité personnelle. Elles tendent à favoriser le discours féminin, perçu comme en phase avec le modèle télévisé commercial et la notoriété des marques et à évacuer le discours féministe, potentiellement critique à l’égard des pratiques, des déplacements et des dépendances véhiculées par le média. Il se dégage la nette impression d’une régression sur les acquis antérieurs des mouvements sociaux féministes et d’un grand désarroi des représentations collectives devant la précarité de l’émancipation. Cette difficulté à pérenniser les gains place les nouveaux enjeux du féminisme dans l’articulation entre libération des sexes et différence des générations.
Abstract
Reality TV programs reveal a certain vision of women, though they don’t claim any explicit relation to feminism. The stereotypes of femininity (i.e. the expectations about the way in which women are to behave in public as in private spheres) are over-represented, on a quasi-pornographic mode. Such quasi-pornography functions in order to favor the acquisition of the norm of internality whereby a young girl internalizes the social criteria for success and interprets them on the basis of the self-presentation that is re-enforced by reality programming – the role model being the star or its avatar, the Lolita. Such programs partake in social surveillance, turned into a spectacle that feeds on the young girl’s interests in understanding mechanisms of social inclusion and exclusion that in turn will influence the way she will construct her personal identity. They tend to favor a discourse on femininity, in congruence with the audiovisual commercial model and the notoriety of brands, and to exclude a discourse on feminism, that could potentially be critical of the practices, displacements and dependencies created by the media. There results a clear impression of regression from the past inroads of feminist social movements and a great sense of disarray in relation to the precariousness of emancipation. Such difficulty in maintaining feminist gains implies to posit the new stakes of feminism in the need to bridge the gap between the generations as much as between the sexes.
Corps de l’article
Les émissions de télévision sont celles où une certaine idée de la femme a été représentée le plus dans les imaginaires sociaux, même si elles ne se réclament d’aucun féminisme (Dow 1996). Selon la plupart des chercheurs et des chercheuses, les émissions de téléréalité ont pris le relais des feuilletons ou téléromans (soap opera) et des séries dramatiques. Elles se déclinent toujours en vase clos, en sous-catégories variées, allant de la sociabilité quotidienne (Loft Story/Big Brother, Nice People) au jeu-aventure (Koh-Lanta/Survivor, FearFactor, Le maillon faible), en passant par la séduction (L’île de la tentation, Bachelor, Greg le millionnaire). Cependant, les plus populaires sont les émissions à caractère musical, comme Pop Stars ou Star Academy, qui suivent les épreuves d’apprentissage de jeunes chanteurs et chanteuses en herbe[1]. Par leur focalisation sur la concurrence et sur la sexualisation des situations quotidiennes, ces émissions semblent se placer à la croisée des chemins entre le féminisme deuxième vague de la période 1960-1980 (en vue de la libération par le travail et le droit), et le féminisme troisième vague des années 1990 et 2000 (en vue de la libération par la sexualité et le corps)[2].
La recherche sur le sujet s’est focalisée tantôt sur les questions de « genre » au sens de format, tantôt sur celles de « genre » au sens de gender, avec une prédilection pour le public des jeunes (Lochard et Soulez 2003). Les études de génétique audiovisuelle explorent les relations et les prolongements de ces émissions avec des formats antérieurs, comme les feuilletons ou téléromans ou encore les telenovelas (Von Feilitzen 2005). Ces analyses montrent comment les émissions en question mettent en scène des rêves de séduction, d’amour et de romance et permettent au public féminin d’évaluer ses propres expériences et d’apprendre de la représentation des autres, tout en prenant part activement au processus de sélection des joueurs et des joueuses qui est un mécanisme pour s’adjoindre sa participation (Hill 2004). Les études de gender, souvent associées à des approches de réception dans les pays où les émissions sont diffusées (France, Grande-Bretagne, Canada, États-Unis, Argentine, Inde, Corée, Australie, etc.), s’inscrivent dans le prolongement de cette analyse; elles montrent la participation des jeunes filles, en fait de positionnement social, autour de choix de consommation et de questions de classe, comme fondement de la création de l’identité personnelle et collective (Von Feilitzen 2005 : 41-43). Elles tendent à souligner les processus d’adoption, d’imitation réitérée et de circulation d’expressions et de modes dérivées de ces émissions.
Cependant les deux perspectives de « genre » sont insuffisantes pour donner l’ampleur des processus en jeu. La filiation avec les feuilletons ou téléromans est contestable, car les émissions de téléréalité fonctionnent sur un mode différent, où les adultes ainsi que les experts et les expertes observent, dans des conditions de laboratoire et en position d’autorité, les comportements des jeunes. La volonté de démontrer la liberté participative de l’audience et ses modes d’appropriation ne permet pas de voir le peu de degré de liberté laissé à la volition tant des joueuses que des spectatrices. Préoccupés de démontrer l’utilité sociale de ces émissions et leur appropriation par les spectatrices, les spécialistes de la recherche dans ce domaine insistent sur le contrôle de soi (agency), de manière peu convaincante. Leurs études ne tiennent pas compte de l’acquisition de la « norme d’internalité » (Dubois 1994), celle par laquelle la fillette ou l’adolescente procède à l’évaluation de son utilité sociale d’après la désirabilité de certains comportements, ce qui brouille les résultats et ne permet pas d’en tirer toutes les implications pour la féminité et le féminisme. Ainsi, aucune recherche ne critique les comportements de consommation compulsive associés à ces émissions…
C’est d’autant plus paradoxal que certaines personnes soulignent la fonction de surveillance sociale de ces émissions, surveillance-spectacle qui révèle l’intérêt des jeunes pour les mécanismes d’inclusion et d’exclusion sociale. Par l’examen des relations interpersonnelles en situation de laboratoire, les jeunes se socialisent à la façon de se construire une identité personnelle. Et ce, au moment même où les médias cessent de leur offrir des émissions ciblées pour leur classe d’âge (Frau-Meigs 2003a). Les conditions de production de cette surveillance-spectacle nécessitent de s’intéresser à l’économie politique de la télévision et à ses propres enjeux de représentation, qui viennent tantôt utiliser, tantôt contrecarrer certaines avancées de la société, et le féminisme en particulier.
En quoi le spectacle des jeux de téléréalité peut-il faire évoluer ou régresser les représentations sociales de la femme ou du féminisme? Quel impact peut-il avoir sur la façon dont les femmes, surtout les plus jeunes, perçoivent leurs propres rôles sexuels, les enjeux de leur féminité et la base de leur féminisme? Y a-t-il un gain à en attendre en matière de transmission des modèles féministes? Ces questions sont pertinentes en ce que la téléréalité se réclame de la réalité et en ce que sa montée en puissance correspond à une résurgence sociétale du phénomène de la Lolita, la femme-enfant qui imite les vedettes et séduit les hommes d’âge mûr.
La mise en miroir, sinon en concordance, du mode de représentation de la femme dans ces émissions et du cadrage cognitif socialisé qui lui est proposé mérite donc d’être analysée. Il s’agit moins de montrer un conflit ou désaccord violent (clash) des féminismes que leur évolution en matière de choix de vie (individuels ou collectifs) et leur exploitation dans un système de production audiovisuelle commerciale, encore largement dominé par des hommes. Les deux thèmes principaux du travail et de la sexualité révèlent les jeux et les enjeux au coeur de la norme d’internalité. Ils tendent à créer un déplacement du féminisme par la téléréalité, loin du politique et de ses rôles qui construisent le « genre », vers l’économique et la notoriété de ses marques qui régissent le « sexe ».
La représentation de la femme : féminité et « quasi-pornographie[3] »
Les stéréotypes de la « féminité », c’est-à-dire un ensemble d’attentes concernant la façon dont les femmes doivent se comporter en public comme en privé, sont sur-représentés dans ces émissions. Ils sont accentués par la réduction des situations et leurs standards implicites : l’apparence (=la beauté), la sexualité (=la nudité), la capacité relationnelle (=la conversation), la domesticité (=l’enfermement). Les rôles des personnes qui y participent sont très reconnaissables, tant dans la distribution (casting) initiale des candidats et des candidates que dans les « épreuves » auxquelles ils sont soumis ou les accessoires qu’ils doivent manipuler; pour les filles, ces rôles tendent à tourner autour des figures de la confidente, de la bavarde, de l’allumeuse, de la chipie, etc., en fort contraste avec les garçons (le fort, l’humoriste, le beau gosse, etc.). Leur participation est très contrainte par l’espace clos et par l’obligation de découper l’oisiveté forcée en deux phases, le temps des épreuves orchestrées par la production, le temps du bavardage relationnel et interpersonnel, perçu comme un moment de libre expression et de libre antenne.
Le travail féminin et l’infantilisation
Ce faisant, les émissions de téléréalité se calquent sur le découpage domestique du temps féminin (les tâches quotidiennes entrecoupées de pauses relationnelles) et reproduisent le modèle du travail féminin traditionnel, c’est-à-dire une activité « naturelle », et donc en tant que telle non qualifiée et non rémunérée. Cette approche féminine s’entend au sens d’une représentation des joueurs et des joueuses bâtie sur des oppositions très nettes entre action/passivité, travail/loisir, production/reproduction. Les participantes et les participants sont traités comme on le fait avec un public féminin, c’est-à-dire sans que leur travail soit reconnu et donc sans salaire. Leur séparation de l’espace public (comme lieu de travail) et leur confinement dans l’espace domestique privé (le loft ou la maison comme lieu de loisirs) renforce cette féminisation de leurs tâches. Le fait que cela soit présenté comme un jeu naturalise d’autant cette activité, la retire de la sphère du travail et de la rémunération.
À cette féminisation s’ajoute une infantilisation qui efface l’apparente parité dans le jeu, acquise par la présence égale de partenaires féminins et masculins. L’infantilisation du travail féminin se manifeste dans des lieux clos, coupés du reste de la société, sous l’autorité d’adultes qui savent (ceux et celles qui assurent l’animation ou l’enseignement). Le modèle de l’école et de ses rapports d’autorité imprègne en effet bon nombre de ces émissions. La dépendance financière est réelle (pas de rémunération pour les programmes, au mieux une indemnisation) et explique partiellement la motivation pour y participer. Cette infantilisation du travail télévisé ramène la femme au même statut social que le ou la jeune. La téléréalité entretient ainsi la confusion entre jeunesse (non pas biologique mais sociale), féminité et spectacle.
Autre discrédit sur le travail : le fait que les candidates et les candidats puissent être « renvoyés » par le vote du public, ce qui n’a rien à voir avec la professionnalisation, ou la compétence, et entérine la loi du marché comme seule décision, arbitraire, de la réalité du travail. Le travail est vécu comme une obligation de concurrence, pas comme une forme de liberté et de réalisation de soi. Les valeurs féministes du travail émancipateur et vecteur de respect de soi ne sont que peu représentées. En outre, le mode ludique empêche toute évocation des luttes sociales et féministes de la deuxième vague autour du travail, que ce soit l’égalité des salaires, le harcèlement (sexuel, verbal, moral), la maternité, le plafond de verre, l’éthique professionnelle, etc. Ces émissions évacuent la possibilité de critiquer la réalité du monde de l’emploi (la précarisation, les faux métiers, les salaires décroissants) et manifestent une forme réelle de désengagement des participants et des participantes à toute activité autre que narcissique.
Le seul travail qui vaille la peine d’être pris au sérieux, à part l’activité relationnelle de la conversation où les émotions sont révélées (et là les femmes sont clairement supérieures aux hommes), c’est celui de devenir vedette, avec l’idée que l’argent est alors facile. Cependant, même ce contexte se révèle la représentation d’occasions de prédation sexuelle plutôt que de valorisation de soi et d’indépendance financière… En fait, le travail est dévalué s’il ne suscite pas de plaisir sexuel et s’il ne conduit pas à plus de consommation (signifiée par la présence des prix attribués à la fin du jeu). Les femmes sont bien représentées comme des consommatrices, l’acte de consommation étant le réel travail visé : non rémunéré, il est présenté comme naturel alors qu’il est la clé de voûte de l’édifice corporatiste. À vrai dire, la banalisation du « travail » consumériste et la banalisation de la sexualité consumériste vont de pair dans ces émissions, qui agissent selon la maxime que le sexe fait vendre…
Malgré l’innovation sociale et audiovisuelle qu’elles se targuent d’apporter, notamment en raison de la participation « active » du public, ces émissions se fondent sur un renforcement de l’exploitation de leurs participants et les participantes : leur statut d’audience devient l’objet même du spectacle, mais reste gratuit. C’est ainsi que la société audiovisuelle néo-libérale concilie le mythe de l’offre qui rencontre la demande du public et celui de la demande du public qui se reconnaît comme cible acceptable des publicitaires. Ce n’est possible que si le public ainsi que les participants et participantes acceptent que l’acte culturel d’être-spectateur ou spectatrice-ensemble est un non-travail, une activité passive, qui « se produit », sans talent spécifique, sans savoir préalable, sans conditions sociales d’exploitation avérées.
Une mise en scène quasi pornographique
Les femmes sont encouragées à exprimer leur féminité, qui se réduit souvent à leur capacité de séduction, quelles que soient les catégories d’émissions de téléréalité examinées, avec une focalisation sur le corps, qui devient leur seul outil de travail. Ces émissions se caractérisent en effet par une sexualisation de toutes les situations quotidiennes, qui peuvent donner lieu à une charge sexuelle en tout lieu (les toilettes, le canapé) et à toute heure (le jour comme la nuit). Il ne s’agit pas seulement d’érotisme léger, mais de quasi-pornographie. La promiscuité sans inhibitions passe pour de la libération sexuelle. Le seul changement du type féministe relevant de la troisième vague est le fait que les filles peuvent être aussi agressives sexuellement que les garçons; elles peuvent devenir aussi peu sensibles en amour que les hommes, sans censure ni tabous, sans attente de relation stable ou à long terme, dans le plaisir passager et sans durée.
Les codes audiovisuels conduisent plus subtilement les stéréotypes par leur charge non verbale, en utilisant des marqueurs qui relèvent des angles de caméra, des projecteurs de lumière de même que des expressions faciales et corporelles. Les codes visuels et formels de la téléréalité ne dérogent pas à ce principe, mais ils en accusent les traits par une forte utilisation du corps féminin. Les caractéristiques de la pornographie sont toutes convoquées, qui organisent l’érotisation et la sexualisation : les expressions faciales, le positionnement des jambes, les vocalisations préverbales et les mimiques suggestives de plaisir, de surprise, etc. (Frau-Meigs 2003b : 78-89)[4]. Ce vocabulaire expressif du plaisir reflète aussi le déficit de parole et le manque de contrôle devant la caméra, qui est recherché chez les participants et les participantes et les infantilise d’autant.
Qu’il y ait simulation ou pas, l’effet recherché est incitatif, et exprime une invitation au désir, même en l’absence de désir (laquelle est patente, dans la mesure où ceux et celles qui participent à l’émission sont forcés de créer avec des personnes parfaitement inconnues des ententes et des solidarités privées, normalement dédiées à des intimes). Cette montée du désir téléréel fonctionne selon le modèle du désir en pornographie, c’est-à-dire avec une érotisation qui ne demande ni amour ni attachement, dans le contexte d’un acte sexuel commercial. Le doute est d’ailleurs levé par le money shot qui atteste une certaine réalité de l’échange, sinon son authenticité. En pornographie, le moneyshot, la « prise qui paie », fait référence à l’éjaculation devant la caméra; en télévision, elle correspond au paroxysme que représente la saisie du moment d’émotion intense, celui où un joueur ou une joueuse « craque » en direct. Ce moment paroxystique allie présentation de soi et participation du public; il fonde l’image comme vecteur du sentiment, de la mise en émotion de toute une section de l’audience par un ou une de ses membres.
L’existence du confessionnal[5], qui donne accès à l’arrière-scène des sentiments et fonctionne dans l’inversion voyeuriste, puisqu’il est public, facilite la mise en scène du money shot : l’échange impudique du secret confié y est scellé, tout en révélant sa limite, car il est unilatéral. Par mesure de sécurité, « au cas où », le money shot peut aussi se reproduire en dehors du site clos, durant des émissions annexes entourant les émissions de téléréalité, comme les émissions de plateau invitant des proches, des experts ou des expertes, des témoins. Ce sont autant d’occasions de provoquer des émotions fortes, voire des révélations en direct. L’attente de la « prise qui paie », au sein de longues phases ennuyeuses où il ne se passe pas grand-chose à l’écran, est aussi ce qui fidélise le public de la téléréalité, transformé en voyeur.
Outre le money shot, les autres caractéristiques de l’échange pornographique sont également présentes, à savoir anonymat, substitution, distance, service et recommencement (Frau-Meigs 2003b : 80-83). L’anonymat tient à l’absence de connaissance de l’identité réelle de l’autre, qui peut se présenter sous un prénom d’emprunt (comme c’est souvent le cas pour les prostituées, dont le patronyme est effacé). La substitution relève d’une logique d’échangisme, selon laquelle les partenaires peuvent se succéder en série, sans engagement. La distance tient à plusieurs traits : le contact avec le corps de l’autre est distancé par l’absence d’amour et d’attachement; le contact physique, dans le cas du voyeurisme ou du narcissisme, se fait par le regard qui est un attouchement à distance. Le service est monnayable, avec un contrat à la clé, notamment celui qui fait que la personne privée renonce à ses droits, et que le participant ou la participante accepte toutes les règles du jeu, quelles qu’elles soient. Le recommencement tient à ce que la satisfaction du désir est volontairement temporaire. Il n’est assouvi que pour un temps, son obsolescence est programmée : elle organise le renouveau du manque, ce qui relance le cycle du désir et de la consommation pornographique tout comme audiovisuelle.
Le marché a besoin de ce manque de comblement pour faire perdurer l’acte de consommation; la satisfaction ne peut qu’être temporaire, pour qu’un nouveau produit vienne saisir l’attention. L’usage du corps féminin lui laisse toutes sortes d’occasions à explorer. Le véritable jeu derrière le jeu est dans le réveil du désir du public, pas dans sa réalisation; il s’agit de titiller, sans organisation définitive de la transgression, pour permettre le recommencement et susciter la fidélisation. La transgression à l’oeuvre dans ces émissions tient à l’opposition construite entre l’interaction du type vie domestique (qui met l’individu en situation de « vacance ») et l’interaction du type pornographique (qui met la sexualité en libre circulation). Le marché accompagne la troisième vague du féminisme, semble-t-il, dans son désir d’explorer la sexualité, mais par alliance objective plutôt que par conviction.
Il s’agit cependant bien d’un flirt avec les codes pornographiques, d’une « quasi-pornographie », pour ne pas dépasser le seuil du tolérable et ne pas susciter trop précisément l’outrage moral ou politique d’une partie du public, y compris féminin. Les critères et les codes visuels pornographiques ne sont donc pas présents tous en même temps dans la plupart des émissions de téléréalité. La combinatoire des possibles leur permet une hybridation et une diversification très large, allant de la pornographie légère (soft porn) à la pornographie dure (hard core), comme les catégories existantes l’attestent : sociabilité douce (Big Brother), jeu-aventure sado-maso (Fear Factor) ou séduction plus ou moins torride (L’île de la tentation).
Le brouillage des codes joue également dans la proximité calculée avec l’érotisme. Ce dernier aussi fonctionne sur un certain engagement sexuel tout en suggestion, auquel s’ajoute l’attente créée de la romance, de la promesse possible d’une rencontre romantique entre certains candidats ou candidates (des émissions allant jusqu’à demander à la gagnante ou au gagnant de vivre ensemble un certain temps après le jeu, dans la réalité non télévisée). Le pornographique joue alors sur un contraste formel avec l’érotique, notamment en ce qui concerne la beauté, le standard implicite de toutes ces émissions. Alors que l’érotisme s’inscrit dans des registres de beauté canoniques (comme en témoigne la publicité), les normes de présentation en pornographie peuvent dévier de la convention et laisser la place à une certaine banalité physique, voire à la laideur ordinaire (MacCannell et MacCannell 1987 : 206-238).
C’est cette variation sur les canons, mêlée à la proximité des deux registres, qui peut faire croire au pouvoir libérateur de ces émissions, à l’impression de réalité qu’elles créent, à la proximité qu’elles établissent avec la ménagère de moins de 50 ans. Elles parviennent, comme en pornographie, à créer l’image d’une power girl à la Madonna, car de temps en temps le plaisir de la femme n’est pas subordonné au plaisir de l’homme. Ces émissions présentent un petit défi au double standard classique, de la femme passive et pudique et de l’homme actif et penché vers la promiscuité. Dans la convention pornographique, ne montre-t-on pas les deux partenaires comme étant consentants et à parité?
Ces émissions sont très ambiguës, car, par leur quasi-pornographie, elles ne peuvent donner complètement prise à la critique sur la victimisation des femmes : elles y sont souvent montrées en contrôle, actrices de leur propre vie, prenant des initiatives sur des règles par ailleurs arbitrairement fixées. Ces émissions ne donnent guère l’occasion de procéder à une critique classique de la pornographie, car elles ne font pas de la féminité un enjeu, seulement une mise en scène de jeux. La virginité n’y est pas non plus l’enjeu mais le jouet, dont la femme use comme d’un accessoire, à la Madonna.
Toutefois, cette apparence de puissance est à relativiser, du fait même de la banalisation de l’acte quasi pornographique. L’injonction implicite de ces émissions, à savoir qu’il est interdit de ne pas tout montrer, est prescriptive et laisse les femmes, littéralement, nues. Cette injonction place la sexualité dans le marché, et plus précisément dans l’économie libérale, où tout s’exhibe et s’échange comme une marchandise, avec un prix et un coût. L’écran est un simple présentoir, avec l’« effet vitrine » qui l’accompagne : on peut tout voir mais ne rien toucher. Au lieu d’être un partage, la sexualité est un échange, faussement paritaire dans le cas de la télévision, car il bénéficie à deux tierces parties : l’instance de production et le téléspectateur ou la téléspectatrice. Ce sont ces deux parties qui ont le pouvoir, l’une de modifier les règles du jeu, l’autre de voter pour ou contre le maintien d’un candidat ou d’une candidate… Il s’agit bien de faire l’économie de l’autre (dans tous les sens du terme) tout en jouissant de sa personne, dans un échange qui n’est ni partage ni rencontre.
À la désocialisation du travail (et sa féminisation infantilisée) s’associe la désocialisation de la sexualité (elle aussi infantilisée). Elles correspondent logiquement à l’atomisation sociale ambiante et à la grande précarisation des individus, de leurs attaches et appartenances. Les lieux d’affiliation et d’intégration sont en déclin et la télévision y participe, dans son suivi de l’évolution du marché. La survalorisation des actionnaires des entreprises (au détriment des autres instances que sont les cadres, les personnes salariées, les syndicats) est à mettre en parallèle avec la survalorisation des spectateurs et des spectatrices (au détriment des scénaristes, des acteurs et des actrices, etc.). À un appauvrissement du tissu de l’entreprise correspond un appauvrissement du tissu médiatique. La loi de l’audimat tout comme la loi de la bourse règnent, qui ont pour objectif commun de maximiser les rendements à court terme. Toutes les deux sont dans le jeu, la spéculation et l’arbitraire. Dans les deux cas, actionnariat et public sont des entités faites de cellules individuelles isolées, malgré le collectif que leur nom avance.
Le cadrage cognitif socialisé de la femme : les petites Lolita et la norme d’internalité
Étant donné la signification de ce type de représentation, la popularité des émissions de téléréalité auprès des jeunes (8 ans et plus), à qui elles ne sont pas principalement destinées, pose question. En France, une enquête de l’Observatoire européen des 5‑25 ans, publiée dès juin 2003, montre que 87 % des enfants français âgés de 5 à 7 ans et 90 % des 8‑10 ans ont regardé au moins une émission de téléréalité. Dans le palmarès de tête (à 85 % pour les 8‑10 ans) s’inscrivent avant tout les émissions musicales, comme Star Academy ou Popstars, suivies de celles du type socialité en vase clos (71 %). Les émissions d’aventures les intéressent relativement moins (67 %) de même que celles qui jouent sur le registre de la séduction (62 %). Les émissions qui mettent en scène des individus inconnus sur qui les jeunes peuvent se projeter semblent les intéresser beaucoup plus que celles qui montrent des vedettes déjà établies (La ferme des célébrités), moins accessibles. La possibilité de devenir vedette présente le plus d’attraits, ce qui paraît se confirmer par le phénomène de la Lolita, le spectacle de ces fillettes qui s’habillent en string, moulent leurs jeunes seins dans des tee-shirts de pacotille, prennent des poses aguichantes et tiennent des propos surprenants pour leur âge.
Le prototype de la vedette : sauvegarder une copie
Le cadrage cognitif socialisé proposé par la Lolita correspond à ce que notre arbitraire culturel conçoit comme le prototype d’individualité féminine, soit la vedette. Elle incarne une personnalité narcissique, prisonnière de l’approbation sociale et vide de conviction interne, tout en prolongeant l’infantilisation du travail féminin. Alternativement, dans le psychisme, elle peut jouer le rôle d’un mécanisme de déplacement qui est un mécanisme de défense pour lutter contre l’angoisse des pulsions sexuelles que les fillettes ne comprennent pas. La Lolita (tout comme la vedette en devenir) est également très présente en pornographie où sa figure connote la femme enfantine, mi-ange, mi-pute, qui tente les hommes d’âge mûr.
Les Lolita s’affichent et donnent dans la provocation sans vraiment savoir qu’elles flirtent avec la sexualité privée de toute relation amoureuse. Ce qui les intéresse, c’est leur genre, c’est-à-dire la construction de leur identité sociale féminine (sinon féministe). Ce travail de refonte se manifeste par un certain narcissisme, la modification des représentations d’elles-mêmes, et une sexualisation qui tend à repousser les tendances incestueuses, en les idéalisant, en se trouvant des modèles et des désirs en dehors de la famille, pour se différencier de leur mère[6].
Ce travail de refonte sur le genre correspond au moment de l’acquisition de la norme d’internalité, celle par laquelle la fillette intériorise les critères de réussite et se les approprie, avec une causalité interne : elle s’attribue les résultats, sans les percevoir comme une pression de l’extérieur. Les renforcements positifs envoyés par les adultes lui donnent une meilleure perception de contrôle de soi, surtout vers l’âge de 10-14 ans qui est considéré comme un pic de l’internalité (même si cela varie d’individu à individu, selon le milieu social, familial et l’âge). Selon Nathalie Dubois, l’acquisition de l’internalité présente une véritable torsion selon l’appartenance sexuelle : les garçons s’attribuent plus volontiers la responsabilité de leur succès, tandis que les filles s’accordent davantage celle de leurs échecs, perpétuant ainsi leur image de victime (Dubois 1994 : 122-125).
Par les imitations et mises en scène répétées des gestes de vedettes, les fillettes s’approprient leur rôle, se donnent leur genre : elles travaillent sur leur propre mémoire qui, peu à peu, va oublier l’original et ne garder que la copie qu’elles vont sauvegarder, ce qui permet l’acquisition du comportement souhaité, la mise en conformité, tout en l’effaçant de la conscience. Elles transforment ainsi une situation en une disposition[7]. Par cette copie conforme, elles s’insèrent dans une vision « personnaliste » et individualiste du libéralisme, qui tend à leur faire croire qu’elles choisissent seules d’être des femmes fatales, alors qu’elles n’ont pas de modèle autre que médiatique, avec la complicité maternelle souvent. Elles en viennent à s’attribuer la fatalité de leur rôle, les hommes en étant les victimes, alors que c’est bien de l’inverse qu’il s’agit. La signification réelle de l’histoire de la Lolita de Nabokov est en effet tout autre : il s’agit d’un déplacement, notamment du blâme, reporté de l’agresseur à la victime. L’image négative du pédophile meurtrier est gommée et toute la négativité est transférée sur la victime, manipulatrice de l’homme qui l’a abîmée. L’innocence est du côté des adultes et des hommes, la culpabilité du côté des enfants et des femmes. Ce déplacement perpétue chez les femmes l’attribution de l’échec, doublée d’un sentiment diffus de culpabilité.
Il ne s’agit pas ici d’opposer l’innocence de l’enfant à la perversité de l’adulte, mais de montrer comment l’enfant intériorise les messages des adultes, aux prises avec leurs propres tentations voyeuristes, pédophiles, et leurs angoisses quant à la limite d’âge (qui annonce les limites de leur performance sexuelle). Les petites Lolita ont sans doute une plus grande conscience de la désirabilité sociale des comportements sexuels et des jeux de la séduction physique que d’autres fillettes, moins conscientes des enjeux ou préservées par l’environnement familial et scolaire. Les émissions de téléréalité les confortent dans leur besoin de comprendre l’univers instable et arbitraire des relations entre adultes, aux modes d’évaluation divers et obscurs. Ces émissions fonctionnent dans l’arbitraire et l’utilitaire, jouant sur la fin des références stables; elles transforment le jeu en sanction et attisent l’appât du gain en échange de comportements outranciers et sexualisés[8]. Elles poussent le comble à faire sanctionner les très jeunes candidats ou candidates (choisis pour leur apparence (look) pubère) par le reste de la société, par l’entremise du vote des participants et des participantes ainsi que du public.
Ces émissions sèment d’autant plus la confusion dans les jeunes têtes que les parents y assistent comme dans Opération séduction : les parents s’en mêlent (en France sur M6 en 2004) et que le personnel enseignant est aussi mis à contribution (Star Academy). Les images diffusées par la téléréalité véhiculent donc des situations d’évaluation en public, avec le consentement actif d’adultes qui font autorité[9]. Elles procèdent à un formatage des attentes qui rend les fillettes inaptes à penser leur expérience autrement que par la culture audiovisuelle et médiatique, même après le pic d’internalité. Comment se construire quand le langage de l’autorité (les adultes, qu’ils soient parents, enseignants ou enseignantes ou encore animateurs ou animatrices à la télévision) démonte l’autorité? Ou, alternativement, quand l’autorité des médias bafoue celle de la famille et de l’école?
Car ce débat sur la sexualité a bien à voir avec l’autorité, celle de la famille tout comme celle de l’école. Il est interdit d’interdire est un déni d’autorité mais qui enlève la possibilité de tous les ailleurs, de l’inédit, de l’expérience personnelle. La confrontation avec un présent sans attaches crée de l’angoisse et de l’incertitude et mène à la précarisation des individus, y compris dans leur santé mentale (en relation à la baisse de tous les tabous, et surtout celui de l’inceste). Les surenchères sont toutes possibles, au détriment de l’équilibre psychique et de l’intégrité de la personne et la fillette est très vulnérable à ce stade de son évolution où son corps se transforme en dehors de son contrôle, avec des modifications plastiques spectaculaires (stature, soulèvement mammaire, menstruation, etc.).
Le scénario cognitif de la féminité : la présentation de soi
Or la circulation entre réalité et fiction est bel et bien affichée puisque ces émissions affirment que les « personnages » de la télé sont les mêmes que dans la réalité. Elles établissent sans cesse l’équivalence entre les deux mondes, sans barrière entre public et privé, entre fiction et réalité. Elles montrent une forme de navigation sociale, avec une trajectoire particulière dans un environnement dynamique, émergeant, changeant. Elles renforcent par là l’autorité réelle de ces modèles de filles passées à la télé, qui retournent à la vie quotidienne (et que l’on se garde bien de suivre ensuite), sauf les deux ou trois dont la carrière de vedette est alimentée par le soutien du public jeune de la téléréalité. Le système se reproduit ainsi de lui-même.
Les Lolita ont le sentiment de participer à la connivence sociale sur les normes attendues des filles, sur la féminité. Elles s’alignent sur un scénario cognitif qui leur fournit d’emblée leur utilité sociale plutôt que leur identité profonde. Elles s’enferment ainsi dans deux registres catégoriels, l’un par rapport à leur description (elles sont aguichantes, car il faut plaire), l’autre relativement à leur évaluation par l’adulte (c’est une petite pute en puissance). Il n’y a pas chez les petites Lolita de développement de compétences particulières (elles n’apprennent pas vraiment à chanter ni à danser), ni de développement cognitif (elles n’apprennent rien de très précis sur leur sexualité ou celle des adultes). Elles acquièrent des procédés de comportement par induction et par modelage, en fonction des gains sociaux qu’elles espèrent acquérir ce faisant. Ce qu’elles internalisent chacune à leur manière, c’est la valeur sociale des stratégies de présentation de soi, sans être particulièrement très discriminantes sur le contenu absorbé, ce qui ouvre la voie à toutes sortes de manipulations des adultes.
Le jugement social porté par grand nombre des adultes qui les voient n’est pas tendre, comme le montrent les évaluations produites dans certaines émissions de téléréalité ou dans les émissions de plateau qui les encadrent; celui de leurs camarades dans la cour de récréation n’est pas plus agréable, qui pousse d’autres filles à se distancer d’elles au point de se survêtir (par le recours au voile, par le port systématique du pantalon ou l’empilement de tee-shirts). Toutefois, les petites Lolita ne reçoivent pas le message d’opprobre social ou elles y passent outre, car ce qui les intéresse, c’est l’usage qu’elles peuvent faire des constructions médiatiques pour la présentation de soi. C’est pourquoi elles apprécient les procédés d’animation participative, conviviaux et non directifs (en apparence seulement, car tout est truqué et manipulé) de la téléréalité, car ceux-ci facilitent leur internalisation des stratégies, sous une forme socialement et moralement acceptable, celle de la fidélité à soi-même (répétée à satiété par la formule injonctive « sois toi-même !»).
Dans leur quête d’efficacité communicationnelle, les petites Lolita agissent en réaction au fait qu’elles se sentent tout le temps sous la surveillance du groupe (parents, pairs, enseignantes ou enseignants, médias, etc.). Elles essaient de retourner le regard, pour savoir ce à quoi se conformer afin d’être des individus dominants et performants (par rapport à d’autres filles moins actives ou intéressées) dans un groupe dominé (les femmes par rapport aux hommes). Socialement elles espèrent être récompensées par plus de succès et le bilan médiatique, en apparence positif à l’égard des vedettes, peut les séduire. Dans leur recherche active, ce sont de très grosses consommatrices, tant de médias (les sites Web liés aux émissions qu’elles préfèrent, la presse populaire à sensation (magazine people), etc.) que d’accessoires, car elles suivent la mode de près. Leurs choix d’informations sont soigneusement relayés par la chaîne commerciale des produits dérivés. La circularité et la complémentarité des médias contribuent par ailleurs à créer un univers de signes cohérents autour du processus d’induction. Elles ont pour avantage de livrer les fillettes à la publicité et à la fascination des marques, qui sont une manière de rétablir du collectif, sous la forme du conformisme (« être soi-même » tout en étant « comme tout le monde »). La mise en conformité active ainsi instaurée est celle qui établit une équivalence totale entre présentation de soi et fidélité à soi-même.
Le caractère normatif (de jugement et de comportement) fortement induit par les médias reste caché, effacé, mais il demeure sous-jacent et activable (à la prochaine petite vedette)[10]. Les émissions de téléréalité jouent donc un double jeu, révélateur des pratiques de pouvoir dans le contexte néo-libéral, par la survalorisation des pratiques d’évaluation et leur mise en concurrence : 1) elles accompagnent le processus d’autonomisation des préadolescentes; 2) elles manipulent la sexualité à des fins de consommation, par la surenchère du comportement narcissique. Elles maintiennent cette ambivalence par le brouillage des codes entre monde des adultes et monde de l’enfance, entre masculin et féminin, entre libéral et social. Elles transforment un processus de maturation normal chez l’enfant en un processus de « juvénilisation » chez l’adulte, qui traduit sa fascination pour l’adolescence prolongée et les nouveaux modes de vie qu’elle permet. Les femmes adultes présentent une apparence de plus en plus enfantine, tandis que les fillettes sont de plus en plus présentées comme de jeunes adultes allumeuses, et ce, autour de l’idée prétendument féministe du girl power, version commerciale allégée, de plus en plus érotisée.
Cette fascination n’épargne pas les jeunes garçons, dont le traitement médiatique est en train d’évoluer rapidement lui aussi vers une forme d’exploitation sexuelle, proche de l’échangisme qui apparaît comme le dernier avatar des relations sexuelles qui se reconfigurent à la télévision comme dans la société néo-libérale. S’il permet de mieux circonscrire ce qui, dans ces émissions, est plus particulier aux femmes, par rapport à ce qui pourrait être également valable pour les hommes, cet échangisme est cependant très révélateur d’une impensable féminité : il se fonde sur le principe pornographique de la substitution sérielle, de l’interchangeabilité. Il est censé exprimer une liberté individuelle et sexuelle en dehors de toute institution, en dehors de toute filiation ou parenté, en dehors de tout interdit. Sa prégnance peut être liée à l’absence de la figure du père de toutes les questions traitant de la sexualité et du féminisme, comme le laissent à penser les écrits d’Evelyne Sullerot (1992) et de Christiane Olivier (1994)…
Cet échangisme correspond à un affaiblissement de la famille et au manque de questionnement sur les relations maternité/paternité qui est sans doute une des faiblesses des différents mouvements de libération sexuelle récents (sans parler des théories psychanalystes) qui n’ont pas pris en considération les avancées de la cognition en termes d’« attachement » comme fonction structurante de la tendresse et de l’amour[11]. Il est également lié à la disparition progressive du clivage enfance-adolescence qui s’apparente à celle du clivage masculin-féminin; il correspond au déplacement des frontières, vers un être androgyne, qui est une figure souple, adaptable, échangeable, qui peut dépasser les antagonismes sexuels. Il reflète les grandes incertitudes sur l’identité personnelle, qui rend les identités de rechange encore plus saillantes et désirables à l’adolescence, et au-delà.
Les émissions de téléréalité profitent ainsi de la fragilisation actuelle de la famille et de l’école, en manque d’autorité. Elles jouent sur les mécanismes de présentation de soi et d’identification; elles s’adossent aux graduations du développement (bien réel et naturel) pour le subvertir par des représentations dont les gratifications dans la vie réelle sont loin d’être établies. Elles ont un rôle de régulateur du comportement sexuel et générique de la fillette de 8 à 14 ans, âge critique. Elles récupèrent les besoins de rupture et de différenciation des adolescentes et les recyclent à des fins de consommation. Elles s’inscrivent dans le marché, qui de plus en plus privilégie la « consommation de soi » (Quesada 1999), sans besoin ni désir d’autrui pour s’épanouir. Sans états d’âme, ces émissions ont aussi récupéré l’émancipation des sens féministe, l’inscrivant dans le principe de rendement de l’économie corporatiste néo-libérale.
Le discours féminin opposé au discours féministe ou l’impensable féminité
Cette représentation sexuelle et quasi pornographique, refondue et réinterprétée par la norme d’internalité, laisse impensée et irrésolue la question de la transmission du modèle féministe (de la deuxième comme de la troisième vague). Ce sont les jeunes générations, et particulièrement les adolescentes et les préadolescentes, qui constituent la population à risque par l’embarras des choix de féminité dont elles disposent. Or, d’après les recherches, elles adoptent un discours féminin tout en adhésion et en accompagnement complice par rapport à ces émissions[12]; les jeunes générations ne tiennent pas un discours féministe qui serait plus en dénonciation et en résistance relativement à leurs contenus et à leur contexte de production. Les émissions elles-mêmes favorisent le discours féminin, perçu comme en phase avec le modèle télévisé et la notoriété des marques; elles évacuent le discours féministe, potentiellement critique à l’égard des pratiques, des déplacements et des dépendances qu’ils créent. Il se dégage la nette impression d’une régression sur les acquis antérieurs des mouvements sociaux féminins, une difficulté à pérenniser les gains. Ainsi, le fait d’être nées « dedans » ou après les vagues activistes ne semble pas suffire à assurer la transmission des valeurs féministes. L’enjeu du féminisme consiste désormais à articuler la libération des sexes autour de la différence des générations.
Une conquête paradoxale
Paradoxalement, les Lolita sont donc le fruit à la fois de la libération sexuelle des femmes, qui a produit une certaine déculpabilisation à l’égard des rapports sexuels, et d’une régression de cette libération, qui induit des comportements d’une féminité décalée par rapport à leur âge. C’est comme si le prix à payer pour la libération sexuelle était la levée des protections morales et des tabous de société qui préservaient quelque peu l’intégrité de la personne et la latence de l’enfance. Alors que les femmes vivent dans le troisième âge du féminisme, les limites de cette libération se font saillantes. Réinscrire le développement de la fillette dans la situation féminine nécessite de politiser une lecture cognitive du phénomène qui tendrait à le naturaliser, sans tenir compte des avancées culturelles depuis 50 ans.
Or, dans les mentalités, en dépit de la déconstruction des notions de sexe et de genre et des avancées de la sociologie, de la psychologie, voire de la psychanalyse, le continent « noir » de Freud continue à faire des ravages : la petite fille n’est qu’une boîte vide, qui doit se conformer à l’image que s’en font certains hommes, et certaines femmes, plus âgés. Malgré la libération de la femme, c’est toujours la sexualité, si ce n’est plus la virginité, qui reste l’enjeu, sans réel accès au désir et au plaisir qui est le sien. Le désir en téléréalité, réduit à la promiscuité et à la frénésie des rapports sans tabous, ne contribue pas vraiment à la promotion du bien-être sexuel des femmes. Se libérer des contraintes anciennes semble emprisonner dans des contraintes nouvelles, d’autant plus difficiles à secouer qu’elles donnent l’apparence de relever de choix individuels alors que ceux-ci restent contraints par des explications « situationnelles » et non « dispositionnelles ». Au bout du compte, chacun des deux sexes est renvoyé à sa sauvagerie, ce qui alimente la peur du sexe des femmes chez l’homme mal libéré. Ce dernier s’en sort en s’appuyant sur les mécanismes induits par la norme d’internalité et les pratiques d’évaluation qui assujettissent les femmes au moment où elles sont les plus vulnérables, soit la préadolescence et l’adolescence, sans violence autre que symbolique. La sexualité de la fillette est l’enjeu parce qu’elle conditionne le relationnel de l’adulte à venir, notamment sa plus ou moins grande soumission à la sexualité de l’homme.
Les phénomènes concomitants de la téléréalité et de la Lolita représentent donc à leur manière une phase d’enfermement (enclosure) des femmes par l’image et les marques, après une phase de libération par les droits. S’ils traduisent l’angoisse des femmes à assumer les nouveaux rôles libérés, ils reflètent également l’angoisse des hommes devant la chute progressive du patriarcat. À leur manière, ces phénomènes correspondent à un pic de résistance dans l’avancement de l’égalité des sexes. Les hommes peuvent d’autant mieux le faire qu’ils contrôlent les moyens de production de l’imaginaire social. La classe d’âge des «mâles blancs[13]» qui arrive dans les lieux de pouvoir et de décision des médias (les opérateurs, les producteurs, les diffuseurs, etc.) est socialisée au libéralisme et à la libération sexuelle : ils en apprécient surtout le fait qu’ils n’ont plus à assumer de responsabilité économique ou émotionnelle; pour eux, la téléréalité augmente l’offre sexuelle tout en en faisant baisser le coût et les barrières d’accès.
Sous des dehors innovants, les médias font preuve d’une grande force conservatrice. Ils agissent dans la perpétuation de la crainte féminine universelle : ne pas être aimée de l’autre, ne pas plaire assez. Ils l’utilisent pour pousser ce qui est à la mode, ce qui fait que l’on s’adapte vite, par raccourci, par accessoire interposé, à ce qui plaît. Ils gèrent cette « conquête paradoxale, c’est-à-dire un progrès qui génère sa propre négation[14] » sur le désir : elle consiste à exprimer un épanouissement sans contrainte du corps, dans le rejet des interdits, mais, dans le même temps, à introduire de nouvelles brimades sur ce corps, par une nouvelle cruauté, celle des obsessions narcissiques sur l’apparence (toujours plus jeune), sur la ligne (toujours plus mince). Cette conquête n’est pas étrangère à tous les dérèglements et mortifications dont les médias font aussi leur miel (dépression, anorexie, boulimie, etc.), avec tout le commerce collatéral que cela génère (chirurgie esthétique, consommation pharmaceutique, médicalisation du corps, régimes alimentaires et diététiques, équipements sportifs et aérobiques, etc.). Les souffrances privées sont déplacées, pas abolies. Le scénario de la répétition compulsive des gestes de la vedette apparaît alors comme une sorte de formation compulsive à la consommation de produits vecteurs de narcissisme, comme les crèmes de beauté, les vêtements, les chaussures, etc.[15]
La téléréalité produit une certaine négation de la sexualité, en ce qu’elle exploite l’émancipation des femmes et les enferme dans leur peur ancestrale en leur donnant à voir les limites de la conquête sexuelle quand elles se heurtent à celles de la fidélité proclamée à soi-même (l’injonction récurrente du « sois toi-même ! »). L’enfermement symbolique des émissions de téléréalité rejoue le drame de l’enfermement d’autrefois dans le mariage sans désir, dans la cohabitation forcée, voire résignée, entre individus qui doivent maintenir l’apparence de la sociabilité. Alors que la deuxième vague féministe a réussi à résoudre le manque de désir et d’amour dans le mariage par le divorce, la téléréalité détourne cette sortie d’union, car c’est la loi arbitraire du vote du spectateur ou de la spectatrice qui force la séparation du groupe, pas la liberté de choix de l’individu. La morale individuelle de la fidélité à soi-même n’en est pas confortée, pas plus que la morale du désir et de la passion. À ce jeu, tout le monde perd, car le modèle imposé est celui de la rupture arbitraire, qui relance la promiscuité temporaire nécessaire au recommencement quasi pornographique.
La téléréalité donne cependant une image joyeuse de cette quête en matière de sexualité toujours recommencée, qui peut conforter l’idée de la troisième vague féministe d’un nécessaire apprentissage de la maîtrise du désir, volontariste et hédoniste. De ce point de vue-là, sans être une réelle conquête, ces émissions restent un des lieux où se joue l’utopie permissive d’une forme d’émancipation sexuelle, utopie provisoirement réalisée, vite défaite par les règles du jeu et somme toute schématique, où l’émancipation mène à la solitude finale du gagnant ou de la gagnante. Le marché finit par fonctionner au bénéfice des personnes les plus fortes en mise en scène de soi, pas nécessairement au bénéfice de toutes les femmes. Celles-ci se trouvent offertes au regard masculin de manière encore plus crue qu’auparavant, sans les mécanismes de soutien et de protection traditionnels. Comment faire alors pour ne pas prêcher un retour au mariage bourgeois, à l’engagement monogamique, à la pudeur servile…? Comment ne pas s’engager à l’inverse dans un séparatisme féministe radical, voire l’abstinence? La défaite du discours amoureux est ce qui apparaît le plus clairement dans la réalité de la télé.
Le désarroi des représentations collectives et la précarité de l’émancipation
L’invention des nouvelles formes du féminisme, de l’individualisme et de la sociabilité passe sans doute par les médias et par les ambiguïtés de la téléréalité, en ce qu’ils proposent un corpus de représentations majoritaires partagées, et en ce qu’ils construisent le processus symbolique sur des logiques très situées dans le temps et l’espace. La téléréalité est là pour rappeler la force de ces représentations collectives, moulinées par la machine à images de la télévision dans leur expression parfois la plus caricaturale et stéréotypée. Au-delà de leur exploitation qu’il faut critiquer, ces émissions permettent de mesurer la précarité de l’émancipation; elles appellent à son décryptage pour mieux comprendre les âpres enjeux qui se jouent sous la surface lisse de l’écran.
Le risque est grand d’une pétrification dans ces oppositions de discours sur la sexualité, qui reste sur le mode de la querelle et ne concourt ni à l’intelligence de la situation ni à sa résolution satisfaisante. La démystification de la sexualité, si elle est une liberté nouvelle, cache mal les menaces qu’elle charrie sur la sociabilité : elle génère un réel cynisme et un manque de confiance en l’autre qui sont frappants dans les émissions de téléréalité et qui peuvent induire une réelle désocialisation. Le souci d’utilité sociale, réduit à la promiscuité sexuelle et au plaisir comme acte biologique, met en scène des représentations dont les clichés sont sclérosants; elle empêche les adolescentes et les femmes d’écrire le nouveau scénario de leur vie d’adultes libérées. Le fait d’avoir de son côté, le droit, la morale et la politique (lois d’égalité, déclarations des droits de la personne, parité, etc.) signale bien que la dernière frontière est celle des représentations symboliques, telles qu’elles s’inscrivent dans nos têtes, par l’entremise d’émissions comme celles de la téléréalité.
Résister à l’hypnotisme de ces représentations est d’autant plus difficile que les facteurs de désirabilité sociale (autonomie, participation, etc.) et de statut socioéconomique (réussite, opportunité financière, etc.) y sont sans cesse activés. La tendance de la téléréalité à déplacer les contraintes situationnelles (la production et ses pressions, les adultes et leurs perversions) au profit d’explications personnelles (l’attitude, le comportement, etc.) lui permet en outre de bloquer la remise en cause des dispositifs propres aux rapports de pouvoir sexués. Il ne s’agit pas à cet égard d’exonérer les médias de leur part de responsabilité dans la reproduction des blocages; leur discours défensif qui consiste, par une pirouette, à se débarrasser de la critique en proclamant que le système audiovisuel n’a pas pour vocation de représenter la dimension politique, sociale et collective ne tient plus dans les situations de socialisation actuelles, d’autant que les jeux de téléréalité, prédiqués sur la vie réelle, leur infligent un démenti de l’intérieur.
Une telle analyse oblige à conclure sur l’impact très relatif de l’idéologie féministe sur l’imaginaire de l’idéal social de la jeunesse contemporaine, malgré le travail des mouvements de femmes pour lutter contre les stéréotypes sexuels, dans les manuels comme dans les médias. Les fillettes et les adolescentes qui essaient de transposer le vécu de la télévision à leur vie quotidienne ordinaire tentent de devenir des praticiennes des deux codes (celui de la télévision, celui de la réalité), en essayant de reformuler l’un dans l’autre. Cela n’accroît pas nécessairement leur compétence ni leur agilité dans la reformulation des deux modèles du féminisme, en butte avec une impensable féminité. Et ce, d’autant plus que le spectacle de la téléréalité n’a pas fait énormément évoluer les représentations sociales de la femme, même s’il se caractérise par une certaine féminisation du message avec le retour du sujet parlant, relationnel, au sein du dispositif en production et avec l’acceptation de la relativisation des normes sociales.
Le gain à en retirer en matière de transmission du féminisme consiste bien en la prise de conscience qu’il faut articuler la libération des sexes autour de la différence des générations. Le besoin se fait sentir d’une mutation du discours féministe, pour prendre en considération ces nouveaux défis et enjeux. Cela suppose sans doute de réintégrer des dimensions négligées, comme celle de la parentalité, voire de la famille, et aussi de la culture amoureuse associée à celle des sentiments, elle aussi délaissée au profit de la sexualité. Cela suppose également de ne pas laisser l’autorité des modèles à la seule télévision, qui reste toujours dans la représentation narcissique de l’individualisme, dans le parcours de la consommation de soi, avec des incursions croissantes dans la surveillance des goûts et des pulsions intimes de la personne, afin de lui vendre le type de service dont elle ignore avoir besoin. Or la féminité et le féminisme ne sont pas des services.
Parties annexes
Note biographique
Divina Frau-Meigs
Divina Frau-Meigs est professeure à l’université Paris 3 Sorbonne, rédactrice en chef de la Revue française d’études américaines et membre du comité de rédaction de Médiamorphoses (INA). Boursière Fulbright, diplômée de l’université de Stanford (Palo Alto) et de l’Annenberg School for Communications (Philadelphie), elle est sociologue des médias. Outre de nombreux articles, elle a publié Médiamorphoses américaines (Economica 2001), Médias et Technologies : l’exemple des États-Unis (avec Françis Bordat et John Dean, Ellipses, 2001). Elle a récemment coordonné le Dossier de l’Audiovisuel « Les programmes jeunesse : réenchanter la télévision » (108, mars-avril 2003) et le dossier « Les médias à la rencontre des jeunes » de la revue MédiaMorphoses (10 avril 2004). Son dernier ouvrage s’intitule : Qui a détourné le 11 septembre ? Information, journalisme et démocratie aux États-Unis (De Boeck, à paraître).
Notes
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[1]
La présente étude se fonde sur des analyses sociosémiotiques appliquées à un échantillon des émissions mentionnées, ainsi que sur des données récoltées lors du second séminaire international de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) (été 2001) et des études de cas explorées dans le numéro spécial de MédiaMorphoses sur Big Brother, coordonné par Guy Lochard et Guillaume Soulez (juin 2003).
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[2]
Pour des définitions et des analyses entre ces deux vagues et leurs thèmes et enjeux principaux, voir notamment Lynne Segal (1994), Rebecca Walker (1995), René Denfeld (1995), Jennifer Baumgardner et Amy Richards (2000), Jane Gerard (2002) et Christina Hoff Summers (2002).
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[3]
J’emploie le terme « quasi-pornographie » pour marquer que le plus intéressant pour ces émissions n’est pas de faire une concurrence frontale à la pornographie dont les émissions font l’objet d’une vigilance réelle de la part des autorités comme des observatoires de téléspectateurs et de téléspectatrices, mais de faire baisser les barrières sociales et culturelles concernant l’exploitation du corps féminin (et masculin) dans les émissions grand public, sur les chaînes généralistes et non plus confidentielles.
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[4]
Sont particulièrement à observer les expressions faciales (coupure faciale yeux-bouche), le positionnement des corps (séparation visage bas-ventre, écartement/fermeture de l’entre-jambes), et la vocalisation et leur indexation. Voir aussi MacCannell (1989 : 158-164) et Goffman (1955 : 213-231).
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[5]
Le confessionnal s’apparente aux backrooms des années 70 ou aux glory holes des discothèques des années 80, où l’échange sexuel se faisait dans l’anonymat, pour dissiper toute pudeur, dans l’absence symbolique de l’autre réduit à son organe anatomique. On est dans la prestation de service.
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[6]
Cette phase adolescente a pour objet de faire intégrer à l’enfant qu’il lui faut accepter des restrictions sur ses comportements sexuels et respecter certains tabous. Ces derniers ne sont pas sans nécessité développementale : ils sont censés protéger leur intégrité psychique, car il est important, pour se constituer, de se séparer de ses parents.
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[7]
La préférence pour les « explications dispositionnelles » aux « explications situationnelles » est idéologique (Dubois 1994 : 156).
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[8]
L’utilitaire en société est ici à prendre dans une perception quasi économique, qui apparaît plus crûment encore dans d’autres émissions-jeux, comme Combien ça coûte? ou Le juste prix, également très prisées des jeunes.
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[9]
Cette section reprend partiellement mon analyse dans « Le moment Lolita ou les médias Pygmalion » (Frau-Meigs 2005).
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[10]
Dans son analyse du narcissisme contemporain, Richard Sennett (1974) démontre le mécanisme par lequel l’échange commercial avec l’autre s’établit sur le mode de l’obligation contractuelle de révélations personnelles à égalité, avec une recherche maximale de l’authenticité de l’émotion.
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[11]
Voir des chercheurs comme Hubert Montagner (1988) ou Boris Cyrulnik (1992).
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[12]
Voir les exemples nationaux donnés dans Von Feilitzen (2004).
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[13]
Le sous-titre du roman de Nabokov est « Les confessions du mâle blanc enveuvé » (The Confessions of The White Widowed Male).
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[14]
Guillebaud (1998 : 450). Il développe l’idée que la sexualité occulte la question fondamentale de la famille.
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[15]
Dans leur dernier avatar, les émissions de téléréalité s’attaquent désormais à cette étape d’intervention à même le corps, avec des émissions sur la chirurgie esthétique (The Swan) ou de cure d’amaigrissement (J’ai décidé de maigrir).
Références
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- Dow, Bonnie J., 1996 Prime-Time Television, Media Culture and the Women’s Movement since 1970. Philadelphie, University of Pennsylvania Press.
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- Frau-Meigs, Divina (dir.), 2005 « Le moment Lolita ou les médias Pygmalion », dans M. Palacios (dir.), Enfants, Sexe innocent? Paris, Autrement : 146-157.
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- Frau-Meigs, Divina (dir.), 2003b « Téléréalité et pornographie », MédiaMorphoses, numéro spécial international « Big Brother » : 78-89.
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- Goffman, Erving, 1995 « On Face-Work : An Analysis of Ritual Elements in Social Interaction », Psychiatry, 18, 3 : 213-231.
- Guillebaud, Jean-Claude, 1998 La tyrannie du plaisir. Paris, Points.
- Hill, A., 2004 Reality TV: Audiences and Popular Factual Television. Londres, Routledge.
- Hoff Summers, Christina, 1994 Who Stole Feminism? New York, Simon and Schuster.
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- MacCannell, Dean et Juliet MacCannell, 1987 « The Beauty System », dans Nancy Armstrong et Leonard Tennenhouse (dir.), The Ideology of Conduct. New York, Methuen : 206-238.
- MacCannell, Dean, 1989 « Faking it : Comment on Face-Work in Pornography », The American Journal of Semiotics, 6, 4 : 158-164.
- Montagner, Hubert, 1988 L’attachement et les débuts de la tendresse. Paris, Odile Jacob.
- Olivier, Christiane, 1994 Les fils d’Oreste ou la question du père. Paris, Flammarion.
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- Walker, Rebecca, 1995 To Be Real : Telling the Truth and Changing the Face of Feminism. New York, Anchor.