Résumés
Résumé
L’article présente un bref bilan des trente dernières années quant au traitement de la question des femmes par les Nations Unies. Il analyse les débats menés au sein des mouvements internationaux de femmes quant à la pertinence de revendiquer la tenue d’une Cinquième Conférence mondiale sur les femmes en 2005. Ces discussions laissent entrevoir une crise au sein des mouvements internationaux de femmes, crise liée autant à des facteurs internes aux mouvements (démobilisation, dépolitisation, manque de représentativité) qu’à des facteurs externes (contexte politique international défavorable à la promotion des droits des femmes). Divers éléments de solution à cette crise sont abordés en conclusion.
Summary
This article presents a brief appraisal of the last thirty years of the United Nations (UN) engagement on women’s issues. It examines recent debates amongst international women’s movements concerning the strategic benefits and dangers of a fifth UN conference on women in 2005. This article concludes that these discussions reveal a crisis among international women’s movements. This crisis is linked to internal factors (such as demobilisation, depolitisation and lack of representativeness) and external factors, such as an international political context where there is a risk of backlash against women’s rights. This article also highlights some solutions to this crisis.
Corps de l’article
L’année 2005 marque le dixième anniversaire de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, tenue à Beijing en 1995, ainsi que le trentième anniversaire de l’Année internationale de la femme. Pourtant, après maints débats, il n’y aura pas en 2005 de Cinquième Conférence mondiale sur les femmes organisée sous l’égide des Nations Unies ni de Forum organisé par et pour les organisations non gouvernementales (ONG) afin de célébrer et de souligner ces événements[2]. Prenant comme point de départ les discussions au sein des mouvements de femmes quant aux arguments pour et contre la tenue d’une cinquième conférence, je veux dresser ici un bilan des perspectives qui se dégagent des mouvements internationaux de femmes sur les effets positifs ou négatifs de l’organisation par les Nations Unies de conférences mondiales sur les femmes et par les ONG du Forum des ONG depuis 1975. Je m’intéresse également aux critiques formulées par les groupes de femmes et aux propositions faites lors de ces discussions afin de re-politiser et de démocratiser les mouvements internationaux de femmes[3].
J’en arrive à la conclusion que ces discussions laissent entrevoir une crise au sein des mouvements internationaux de femmes et que celle-ci résulte autant de facteurs internes que de facteurs externes. Parmi les facteurs internes, mentionnons le renouveau, dans ces mouvements, de l’hégémonie de la classe moyenne blanche occidentale et, en particulier, américaine, et ce, malgré 30 ans de critiques formulées par divers courants de pensée portées par des féministes du Sud, socialistes, « de couleur », etc. On observe également le manque de représentativité de certains de ces groupes, leur adoption de pratiques de lobbying détachées de processus de consultation et de délibération auprès de la base des mouvements de femmes ; ajoutons aussi la dépolitisation qui résulte de l’institutionnalisation de ces mouvements en ONG légalement constituées, sans souci de préserver le lien avec leur base. Quant aux facteurs externes de la crise, ils sont principalement liés à un contexte politique défavorable à la promotion des droits des femmes sur la scène mondiale avec l’unilatéralisme américain, la montée des fondamentalismes et les effets négatifs de la mondialisation capitaliste sur les conditions de vie des femmes. Devant cette crise, divers éléments de solution sont proposés par les actrices en présence.
Afin de saisir les lignes de continuité et de rupture entre les pratiques et les stratégies actuelles des groupes de femmes présents aux Nations Unies, et celles qui ont été adoptées lors des quatre conférences mondiales sur les femmes depuis l’Année internationale de la femme, je présente en première partie un bref bilan des points forts et des points faibles de ces conférences. Dans la seconde partie, je propose une analyse des formes de contribution apportées au forum de discussion sur Internet mis sur pied par le groupe Women in Development Europe (WIDE) quant aux arguments pour et contre la tenue d’une cinquième conférence mondiale sur les femmes en 2005 et lors de rencontres de groupes de femmes traitant des stratégies à adopter envers un Beijing + 10. En conclusion, je présente les facteurs internes et externes liés à la crise des mouvements internationaux de femmes et j’explore quelques solutions de rechange mises en avant par divers groupes de femmes sur différentes scènes mondiales afin de répondre à cette crise.
Les points forts et les points faibles des conférences mondiales traitant des droits des femmes
Dès 1972, des groupes de femmes et d’autres ONG[4] présentes aux Nations Unies revendiquent qu’une année internationale soit consacrée aux femmes (Stienstra 1994 : 96-99 ; Druelle 2002 : 148-150). À la suite du processus bureaucratique et des négociations qui caractérisent les Nations Unies, l’Assemblée générale a déclaré que 1975 serait l’Année internationale de la femme (AIF) et a décidé d’organiser une conférence mondiale sur les femmes à cette occasion[5] (United Nations 1996 : 33-34). Parallèlement à cette conférence, le Comité des ONG sur la condition féminine[6] organise la Tribune de l’Année internationale de la femme[7] qui attire alors près de 6 000 personnes (Stienstra 1994 : 167). Cette tribune et cette conférence constituent des événements qui ont marqué le début d’une nouvelle ère de mobilisation, de concertation, de rapports de pouvoir et de luttes entre des groupes de femmes sur la scène internationale.
Pendant l’AIF en 1975, les discussions qui dominent l’ordre du jour des Nations Unies laissent entrevoir les rapports de pouvoir à l’oeuvre. Entre les deux superpuissances de la guerre froide (États-Unis et Union soviétique), un nombre impressionnant d’États « non alignés » du Sud, le groupe des 77, établissent un rapport de force au sein de l’Assemblée générale où chaque État a droit à un vote[8]. Plusieurs de ces États, nouvellement décolonisés, tentent alors de s’affranchir de politiques coloniales ou impérialistes. Profitant de sa majorité à l’Assemblée générale, le groupe des 77 utilise régulièrement, à compter de 1974, le recours au vote pour promouvoir un nouvel ordre économique international. C’est en raison de cette dynamique que le rapport de la Première Conférence mondiale sur les femmes mentionne, à plusieurs reprises, l’importance d’établir un nouvel ordre économique international (Nations Unies 1976). La Déclaration adoptée à cette occasion dénonce les effets négatifs de l’ordre économique capitaliste mondial sur les conditions de vie des femmes (Stienstra 1994 : 125). Les tensions Nord-Sud et Est-Ouest sont si fortes qu’aucun des documents discutés lors de la conférence ne peut être adopté par consensus. Le plan d’action traite pêle-mêle de thèmes divers tels que le développement, l’égalité, la paix, la santé, l’éducation, la famille, la participation politique et l’emploi (Stienstra 1994 : 125). Dans la foulée de cette conférence, les Nations Unies déclarent les années 1976-1985 la « Décennie internationale de la femme[9] ».
Du côté de la Tribune des ONG, des féministes américaines, à la tête de qui se trouve Betty Friedan, prennent l’initiative de formuler des propositions d’amendements au projet de plan d’action en négociation entre les États participant à la conférence officielle[10]. Or, les hispanophones qui ont aussi préparé des propositions rédigées en espagnol voient celles-ci simplement annexées au rapport présentant les propositions rédigées en anglais (Stephenson 1995 : 142-143). De plus, lors de la présentation du rapport à la présidente de cette conférence, la Finlandaise Helvi Sipila, les porte-parole américaines semblent avoir « omis » de présenter l’annexe, ce qui a valu aux féministes américaines d’être accusées d’impérialisme par les représentantes de groupes de femmes du Sud (Stienstra 1994 : 126). Malgré ces tensions, à la suite de la Tribune, on voit émerger sur la scène internationale différents groupes de femmes et d’autres initiatives féministes en vue de maintenir des liens entre les femmes de divers pays ayant participé à la Tribune[11]. Désirant se démarquer de l’appropriation par les Nations Unies du traitement de la « question » des femmes, des groupes venant surtout du Nord organisent en 1976 le Tribunal de Bruxelles contre les violences faites aux femmes[12] (Stienstra 1994 : 104). Les liens établis lors du Premier Forum des ONG et les groupes créés à la suite de cette rencontre constituent donc les premières retombées positives de tels événements. De plus, l’organisation même d’un tribunal, en réaction à l’absence du traitement du thème de la violence lors de la première conférence des Nations Unies, constitue une « retombée indirecte » du traitement de la question des femmes sur la scène mondiale. Les ONG présentes lors des événements des années 70 et du début des années 80 sont toutefois principalement dirigés par des féministes nord-américaines et européennes qui ne remettent pas en question, ni dans leurs analyses ni dans leurs pratiques, leurs privilèges en tant que femmes blanches issues de sociétés ayant profité historiquement de politiques coloniales ou impérialistes. Cette réalité donne lieu à de nombreuses critiques par des féministes originaires des pays du Sud.
Les conférences mondiales et régionales de la Décennie des Nations Unies pour la femme
À la suite de la Conférence de Mexico, des conférences régionales sur les femmes sont organisées par les diverses commissions économiques régionales des Nations Unies[13] dans les régions de l’Afrique, de l’Amérique latine et de l’Asie. Ces rencontres régionales stimulent aussi la mobilisation de groupes de femmes dans ces diverses régions. Par exemple, l’Association des femmes africaines pour la recherche et le développement (AFARD) est fondée à Dakar au Sénégal la même année que la première conférence régionale africaine des femmes[14]. Ce groupe est actif au cours du Forum des ONG de Copenhague en 1980 où il dénonce l’impérialisme féministe occidental (Stienstra 1994 : 110 ; 128). Fatou Sow note ceci (1995 : 176) :
En 1975, on compte des milliers d’associations africaines de femmes, mais peu d’ONG et de mouvements capables d’imposer le point de vue de l’Afrique des communautés sur le plan national et international. Aussi, devant la puissance des mouvements occidentaux et surtout américains (É.-U.) les Africaines sont désarmées. Toutefois, elles arrivent mieux préparées à Copenhague, mais en position de défense contre l’impérialisme féministe.
La tenue en 1980 de la Deuxième Conférence sur les femmes[15] et de son forum des ONG à Copenhague, sur le continent européen, contribue au maintien de l’hégémonie féministe occidentale au sein du Forum des ONG. L’adoption par consensus du programme d’action négocié entre les États s’est révélée impossible et ce dernier a dû être adopté par vote (94 pour, 4 contre et 22 abstentions). Les principaux thèmes en litige ont été ceux du sionisme, de l’apartheid et du nouvel ordre économique international, alors que les autres thèmes traités concernaient l’emploi, la santé et l’éducation (Stienstra, 1994 : 126). Certaines féministes du Nord dénoncent alors les prises de position politiques des États du Sud comme ne relevant pas des « problèmes » des femmes et créent ainsi une fausse dichotomie entre ce qui est « féministe » et ce qui est « politique » (Catagay et Funk 1981 : 777). Selon Stienstra (1994 : 30), la Conférence de Copenhague s’est démarquée par le manque d’attention accordée à la diversité des expériences des femmes.
À partir de 1984, la tendance à l’hégémonie féministe occidentale se résorbe quelque peu, alors que des groupes de femmes du Sud s’organisent et réussissent à prendre un certain leadership afin de promouvoir des questions d’intérêt pour les femmes vivant dans des pays du Sud au sein des mouvements internationaux de femmes[16]. Le fait qu’en 1985 la Troisième Conférence mondiale sur les femmes[17] ait lieu sur le continent africain, à Nairobi au Kenya, facilite la participation et la mobilisation des femmes vivant sur ce continent au Forum des ONG[18]. Les thèmes abordés lors de la conférence officielle de Nairobi se diversifient. Le document proposant des stratégies prospectives d’action de 1985 à 2000 fait état d’une analyse de la discrimination dont sont victimes les femmes et propose des mesures pour un ensemble impressionnant de secteurs allant de l’égalité (juridique, sociale, politique) au développement (dans les domaines de l’eau et de la nourriture jusqu’à l’habitation en passant par l’industrie, les sciences et la technologie, l’environnement, l’énergie, etc.) pour finir avec le thème de la paix (dans les zones de conflits armés, en Afrique du Sud où sévit l’apartheid et en Palestine) (United Nations, 1986). Aux trois thèmes récurrents de la Décennie des Nations Unies pour la femme s’ajoute un chapitre sur les domaines d’intérêts spéciaux qui accorde une attention particulière aux femmes rencontrant des obstacles marqués en raison de diverses conditions[19]. Par contre, aucune mention de l’avortement n’est faite dans ce document[20]. La plupart des documents négociés lors de cette conférence sont adoptés par consensus, le vote n’étant demandé qu’à l’égard de quelques paragraphes relatifs aux blocus économiques, au nouvel ordre économique international, au sionisme et à l’apartheid (Patton 1995 : 66, 69-70).
La « question des femmes » et les diverses conférences thématiques des années 90
Au cours des années 90, les Nations Unies organisent une série de conférences en vue d’établir un ordre du jour mondial pour le xxie siècle. En raison des modifications apportées aux règles d’accréditation des ONG à ces conférences, leur participation à ces événements connaît une croissance exponentielle[21], ce qui permet la présence de nouveaux groupes aux rencontres des Nations Unies et l’instauration de nouvelles pratiques de lobbying plus systématiques. On peut attribuer en partie à ces nouvelles règles le fait que deux groupes américains, le Center for Women’s Global Leadership (CWGL)[22] et la Women, Environment and Development Organization (WEDO)[23], prennent un leadership sans précédent au sein des mouvements internationaux de femmes présents aux Nations Unies au cours des quinze dernières années[24]. Les groupes CWGL et WEDO, qui n’ont pas de membres, ne cherchent pas à établir leur crédibilité sur une certaine représentativité mais plutôt sur l’« expertise » de leurs équipes d’employées et le « prestige » ou le leadership de leur directrice ou fondatrice. Une grande attention est d’ailleurs accordée à la notion de leadership au sein de ces organisations[25].
Une des stratégies mises en avant par la WEDO lors de la préparation à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement tenue à Rio en 1992 (connue sous le nom suivant : Sommet de la Terre) a été de coordonner des caucus de femmes tout au long du processus dans le but de mettre la « question des femmes » au coeur des débats. De plus, le groupe a veillé à la formulation, par certaines « expertes », d’amendements précis aux textes soumis à la négociation par les délégations gouvernementales participant à la conférence. Ces stratégies de coordination et de formulation d’amendements ont été définies comme une approche « pragmatique » par Amy Higer (1999 : 138). Lors du processus menant à la Conférence internationale sur la population et le développement tenue au Caire en 1994, la WEDO a également joué un important rôle de coordination en partenariat avec l’International Women and Health Coalition (IWHC)[26]. Des tensions entre les tenantes d’une approche pragmatique et les tenantes d’une approche et d’une critique « radicales » lors de la Conférence du Caire ont été observées. Par exemple, les « pragmatiques » se sont dites très satisfaites du résultat du Caire[27], alors que des militantes du Sud ont vivement critiqué, dans le Programme d’action du Caire, l’absence flagrante de questions relatives au développement et aux effets destructeurs des programmes d’ajustement structurel (PAS) et des politiques relatives au service de la dette des pays du Sud[28] (Higer 1999 : 138). Higer attribue ces différences d’interprétation en partie au fait que plus de 90 % du texte du projet de programme d’action a été négocié lors des commissions préparatoires (prepcom) tenues à New York au cours des trois années qui ont précédé la Conférence du Caire et que seulement une minorité de représentantes d’ONG ont pu participer à cette démarche. Cette dernière est en fait typique des processus de négociation adoptés dans l’ensemble des conférences des Nations Unies. Selon Higer (1999 : 139) :
The NGO activists that attended three prepcoms, however, tended to be self-selected, they had sufficient resources, foreign sponsors, and/or sufficient knowledge of the UN conference process to know the strategic importance of these meetings. The result was that activists who attended the prepcoms and who were responsible for shaping the Women’s Caucus agenda tended to be a more elite group than both those who attended the conference itself and those representing the grass roots of the movement […] This suggest that, although the Women’s Caucus is a promising innovation for feminist organizing at the UN, it has not overcome perennial difficulties for social movements over questions of representation — who speaks for whom in the policy debate, and whose voices are left out ?
Notons que c’est également depuis la Conférence du Caire que le Vatican a adopté de nouvelles stratégies d’alliance avec des États catholiques ou musulmans et a lancé un appel aux groupes provie et aux autres groupes catholiques afin qu’ils jouent un rôle plus actif d’opposition aux droits des femmes en matière de sexualité et de procréation lors des rencontres internationales (Druelle 2000a). Les négociations du Caire sur cette question ont ainsi été longues et ardues, tandis que les effets de cette nouvelle stratégie se sont fait sentir lors du processus préparatoire en vue de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing en 1995[29].
Lors de la Conférence de Beijing, les États ont adopté par consensus[30] une déclaration et un programme d’action qui traite de douze domaines d’action pour les femmes (pauvreté, éducation, santé, violence, conflits armés, économie, pouvoir, mécanismes de promotion, droits fondamentaux, médias, environnement, petite fille). Sous la pression des mouvements internationaux de femmes[31], ces documents reconnaissent la diversité de ces dernières, de leurs expériences et des obstacles qu’elles rencontrent. L’ampleur des thèmes traités laisse entrevoir comment les Nations Unies s’inscrivent dans un système « biopolitique » mondial qui s’intéresse à la gestion de toutes les dimensions de la vie humaine et participe à la gestion sociale des femmes[32]. Deux thèmes ont fait l’objet de débats ardus : les droits des femmes en matière d’orientation sexuelle et la justice économique internationale avec une reconnaissance des effets néfastes sur les femmes de la mondialisation, des PAS et de la dette des pays du tiers-monde.
Du côté du Forum des ONG, la WEDO et le CWGL ont également tenté de jouer un rôle de coordination. Cette tentative a toutefois donné lieu à de nombreux conflits avec le comité du Forum des ONG composé, entre autres, de représentantes régionales. Ce comité jouissait d’une plus grande légitimité afin de « parler au nom » des mouvements internationaux de femmes. Il entendait aussi être le principal porte-parole légitime des ONG participant à ce processus (Stienstra 1999 : 264 et 2000 : 216). Le Forum des ONG a également opté pour une approche pragmatique en invitant diverses représentantes de ces organisations à la dernière commission préparatoire tenue à New York en mars 1995 à participer à la rédaction d’amendements au projet de programme d’action produit par la bureaucratie onusienne en vue des négociations entre États[33]. Ce processus de consultation pour l’élaboration d’amendements constitue certes un effort de mise en commun des perspectives de diverses ONG. Par contre, il a été limité aux personnes qui ont pu se rendre à New York quelques mois avant la tenue de la Conférence de Beijing afin de participer à cette commission préparatoire et à celles qui ont pu s’exprimer en langue anglaise pour formuler leurs propositions[34]. Finalement, malgré l’existence de ce texte produit par le Forum des ONG, c’est sur le terrain que les « expertes » des groupes de femmes et les autres ONG tentent d’influencer les négociations entre États en proposant au fur et à mesure du déroulement des négociations des formulations qui pourront être reprises par les délégations gouvernementales. Cette démarche entraîne souvent de nombreux compromis[35].
La Commission de la condition de la femme des Nations Unies a été chargée d’assurer les suites à donner à la Conférence de Beijing[36]. En juin 2000 se déroule une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies destinée à l’évaluation de la mise en oeuvre des stratégies prospectives de Nairobi pour la promotion de la femme et du Programme d’action de Beijing[37]. Afin de faciliter la négociation de textes entre États, la Division de la promotion de la femme du Secrétariat des Nations Unies avait produit un projet de déclaration et de document devant servir de base de discussions entre les délégations gouvernementales. Ce document était cependant tellement mal structuré qu’il a en fait compliqué le travail de négociation entre les États[38]. L’Earth Negotiations (ENB 2000) rapporte que les négociations pour l’adoption d’un texte commun lors de Beijing + 5 ont été parmi les plus difficiles de cette période. On y a même noté une certaine hostilité entre les délégations[39]. Les thèmes les plus controversés portaient, tout comme en 1995, sur les références à l’orientation sexuelle[40] et les effets négatifs de la mondialisation sur les femmes (ENB 2000)[41].
Du côté des ONG, la participation à Beijing + 5 a été tellement restreinte que plusieurs personnes représentant des ONG n’ont pas eu accès aux édifices des Nations Unies. Par ailleurs, comme la rencontre avait lieu au siège social des Nations Unies à New York, peu de groupes du Sud ont pu payer les frais de déplacement et de séjour afin d’y participer[42]. De plus, il n’y a pas eu de véritable forum des ONG. Par contre, quelques événements ont été organisés par le Comité des ONG sur la condition féminine ailleurs dans la ville de New York. Les ONG ayant eu accès aux édifices des Nations Unies, quant à elles, ont continué à organiser des caucus sur les lieux mêmes, ignorant ainsi les déléguées non admises. Un autre fait qui a marqué la dernière commission préparatoire pour Beijing + 5 en mars 2000, et qui a eu un effet sans précédent, a été la présence massive de déléguées et de délégués (plus de 300 personnes dont une majorité d’hommes) de la droite chrétienne américaine revendiquant leur position « provie » et « profamille » mais s’opposant à la promotion des droits des femmes et au Programme d’action de Beijing qualifié de document dangereux[43].
C’est à l’occasion des rencontres des ONG lors de cet événement que la stratégie de réclamer la tenue par les Nations Unies d’une cinquième conférence mondiale a été mise en avant. En même temps, certaines militantes ont commencé à discuter l’idée d’une conférence qui serait organisée par des femmes et à laquelle seraient invités les gouvernements et les institutions internationales (Jain 2000). Dans la section qui suit, je présente les grandes lignes des débats qui ont eu lieu au sein des mouvements internationaux de femmes relativement à une cinquième conférence mondiale des femmes et à Beijing + 10.
Les débats et les stratégies autour d’une cinquième conférence mondiale sur les femmes en 2005 et de Beijing + 10
Lors de la réunion de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies en mars 2002, les États membres n’ont pris aucune décision quant à l’organisation d’une conférence mondiale sur les femmes en 2005[44]. Comme il faut habituellement compter trois ans pour organiser une conférence aux Nations Unies, il était de plus en plus improbable qu’elles choisissent une telle option. Néanmoins, en juin 2002, le Comité finlandais pour une cinquième conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes a fait circuler une lettre invitant d’autres groupes de femmes et des ONG à unir leurs efforts afin de convaincre leurs gouvernements nationaux respectifs d’appuyer une résolution en faveur d’une conférence mondiale en 2005 lors de l’Assemblée générale des Nations Unies ou de la Commission de la condition de la femme en mars 2003. À la suite de la diffusion de cette lettre, le groupe WIDE[45] a lancé en septembre 2002 un forum de discussion Internet portant sur les arguments en faveur de la tenue d’une cinquième conférence mondiale sur les femmes en 2005[46] et sur les arguments contre celle-ci. La lettre du Comité finlandais a été reproduite comme première intervention de ce forum[47]. La page d’accueil, rédigée en langue anglaise seulement, indiquait que les mouvements de femmes discutaient des arguments pour et contre la tenue d’une telle conférence et résumait, en un bref paragraphe, les positions de la manière suivante :
Whereas some gender activists argue that the fifth WCW in 2005 is crucially important for keeping up the global momentum and continuation of the process for empowerment of women, others fear a backlash : the risk to loose what was gained at earlier UN Women’s conferences seems greater than the chance to influence global players with a feminist agenda. Instead of entering another time — energy — and resource — consuming assessment process it seems more important to define our own feminist agenda and to work on alternatives.
In order to facilitate this ongoing discussion process WIDE has opened this discussion forum[48].
Deux colonnes d’arguments — pour[49] et contre[50] la tenue d’une conférence — complétaient cette page. Un mois après l’ouverture de ce forum de discussion, l’Association for Women’s Rights in Development (AWID) [51] tenait son neuvième forum à Guadalajara au Mexique, sur le thème : « Réinventer la mondialisation ». Lors de la séance d’ouverture, Joanna Kerr, directrice de l’AWID, a fait la déclaration suivante :
Je crois qu’il est temps de porter un regard différent sur l’engagement de la conférence des Nations Unies. Par rapport à cela, je vais faire une déclaration très provocatrice : il ne devrait PAS avoir un Beijing + 10. Je dis cela pour deux raisons, nous avons trop à perdre : si nous considérons les événements récents comme le Sommet des enfants ou le Sommet sur le développement durable à Johannesburg, des heures de travail et des ressources rares ont été utilisées juste pour empêcher les engagements existants de chavirer. Deuxièmement, et ceci est en rapport avec la première raison, trop d’ONG ont présentement été cooptées dans un processus qui permet au « service des lèvres » [lip service] de devenir le langage le plus parlé. Avant qu’aucune causerie [talk shops] [sic] n’ait lieu encore, les ONG devraient choisir de ne pas y participer[52].
Kerr 2000
Cette critique du rôle des ONG et de leur possible récupération par les systèmes politiques internationaux (notamment par les Nations Unies) laisse entrevoir une crise de légitimité de certaines ONG présentes aux Nations Unies et qui s’autoproclament leaders des mouvements internationaux de femmes. J’y reviendrai en conclusion de cet article.
Les effets du forum de l’AWID se répercutent sur la page d’accueil du forum de discussion du groupe WIDE, qui a été modifiée substantiellement pour refléter les propos tenus au cours de ce forum et après sa tenue[53]. Entre le moment du lancement du forum de discussion du groupe WIDE en septembre 2002 et la dernière intervention, datée du 4 octobre 2004[54], le site a reçu 65 interventions (4 d’entre elles n’ayant pas de lien avec le sujet débattu), la majorité étant en langue anglaise et 6 seulement, soit 10 %, en français[55]. Sur les 61 interventions pertinentes, 25 % provenaient de l’Amérique du Nord[56], 18 % de l’Europe[57], 21 % de l’Asie du Pacifique[58], 13 % de l’Afrique[59] et 5 % de l’Amérique latine[60]. Aucune ne parvenait de l’Asie de l’Ouest[61] et 18 % n’ont pu être classées selon une appartenance régionale[62]. Au moins 46 % des interventions venaient de participantes du monde occidental[63], en particulier des États-Unis. La très faible participation des groupes latino-américains ou l’absence de participation de groupes de l’Asie de l’Ouest[64] ne reflètent toutefois pas la vitalité des mouvements de femmes de ces régions, et il convient davantage d’attribuer cette absence d’intervention au débat du groupe WIDE à la langue des débats (la langue anglaise plutôt qu’une diversité de langues) entre autres choses. Au total, 34 interventions (soit 56 %) étaient clairement favorables à la tenue d’une cinquième conférence en 2005, et même la majorité de celles qui exprimaient leur désaccord avec cette proposition se disaient ouvertes à l’idée d’organiser une conférence plus tard. Les positions favorables étant moins critiques du processus des conférences mondiales des Nations Unies et proposant moins de solutions de rechange, je présenterai brièvement ci-dessous les grandes lignes des interventions favorables et défavorables en mettant l’accent sur les solutions proposées dans les interventions défavorables.
Des interventions favorables
Les interventions en faveur de la tenue d’une cinquième conférence mondiale en 2005 appuient implicitement le travail réalisé jusqu’à maintenant par les Nations Unies et l’utilité des documents négociés lors des conférences mondiales ; elles estiment qu’il s’agit là d’un bon moyen de rendre les États responsables de leurs engagements ; elles invoquent que les conférences et les forums des ONG permettent de créer des réseaux entre des militantes de diverses régions du monde et que les mouvements de femmes se sont consolidés lors de ces rencontres[65]. Certaines interventions, tout en étant en faveur d’une conférence mondiale, insistent toutefois aussi sur la nécessité de conférences régionales afin de répondre aux besoins spécifiques régionaux[66]. Une intervenante indique ainsi qu’il faut « revitaliser » cette conférence en permettant aux perspectives des femmes exclues de s’y exprimer, car elle croit que « le mouvement des femmes en Occident est devenu un club sélect non ouvert à toutes les femmes » (traduction libre de l’auteure)[67].
Certaines interventions suggèrent qu’il est temps de négocier un nouveau document qui tiendrait compte des réalités et des problèmes nouveaux et qui permettraient aux groupes de femmes d’être proactifs sur ces questions contemporaines[68]. Finalement, quelques interventions répondent aux arguments des groupes qui s’opposent à la tenue d’une cinquième conférence mondiale. Celles qui sont sensibles à l’argument des risques de recul (backlash) se disent en faveur d’une telle conférence à la condition que les thèmes déjà traités dans le Programme d’action de Beijing ne soient pas renégociés[69]. Reprenant le même argument des risques de recul, la coordonnatrice du groupe de travail du groupe WIDE-Autriche pour le suivi de Beijing souligne l’urgent besoin d’organiser une conférence mondiale, précisément « afin de combattre le backlash omniprésent, de faire en sorte que les États remplissent leurs obligations de mettre les paroles en action et de redonner de la vitalité au mouvement international des femmes[70] » (traduction libre de l’auteure). Elle propose également que la conférence ne traite que de quelques thèmes, tels que la violence contre les femmes, leur participation politique (y compris dans la résolution de conflits) et leur autonomisation économique.
Des positions défavorables ou des propositions de rechange
Plusieurs intervenantes se prononcent contre l’organisation d’une conférence mondiale en raisons du coût, du temps et des efforts nécessaires à sa réalisation et qui font que les maigres résultats de ces grandes conférences ne semblent pas valoir l’investissement fourni. Un groupe de chercheuses et de militantes du Sud, Development Alternatives for a New Era (DAWN), prend clairement position contre une cinquième conférence en 2005[71]. Sonia Corrêa, du groupe DAWN, croit qu’il ne faut pas que de nouvelles négociations traitant des droits des femmes aient lieu au cours des prochaines années. Elle insiste tout de même sur la nécessité pour les féministes de relever le défi d’atteindre un consensus et de trouver de nouvelles stratégies afin d’évaluer de manière appropriée la mise en application du Programme d’action de Beijing aux niveaux national, régional et mondial[72]. Le groupe DAWN estime que le contexte politique actuel de militarisme et de fondamentalisme agressifs présente des risques sérieux pour les droits des femmes partout dans le monde. Les représentantes de ce groupe considèrent qu’une négociation de textes entre États, tels qu’une déclaration politique ou un document sur des nouvelles mesures comme celui qui a été adopté lors de Beijing + 5, ne pourra conduire qu’à un recul des droits des femmes par rapport à ce qui est déjà contenu dans les programmes d’action de Beijing et du Caire, et ce, d’autant plus que les féministes ont déjà dû travailler très fort lors des processus de révision du Caire + 5 en 1999 et de Beijing + 5 en 2000 afin de maintenir les acquis [73].
Plusieurs intervenantes opposées à une conférence mondiale sont favorables à des modèles différents de rencontres – celles qui peuvent être organisées par l’utilisation de nouveaux médias, des conférences régionales, des échanges de courriels, des échanges régionaux et des visites — afin de s’assurer qu’un plus grand nombre de femmes puissent y participer et apprendre les unes des autres[74]. Ces positions proviennent de l’Afrique, de l’Asie du Pacifique, de l’Amérique latine et des Caraïbes[75]. Appuyant l’idée de tenir des conférences régionales, une spécialiste du « genre » de Trinidad et Tobago recommande aux hôtesses du forum de discussion d’ajouter à leur page d’introduction une liste d’arguments en faveur de l’organisation de conférences régionales et contre celles-ci. Elle en suggère elle-même plusieurs pour et quelques-uns contre[76]. Elle conclut ainsi : « en d’autres mots, alors que le monde vit sous la pression de tendances à l’échelle mondiale, le besoin de mettre l’accent sur les spécificités devient encore plus fort et des conférences régionales peuvent bien être la solution pour que des voix soient entendues[77] » (traduction libre de l’auteure). L’Asia Pacific Women’s Watch et l’Asian Pacific Caucus[78], qui réunissent diverses ONG de la région de l’Asie du Pacifique, appuient fortement la tenue de conférences régionales dirigées par les Nations Unies et qui pourraient mener à une session extraordinaire des Nations Unies. Par contre, ces ONG soulignent qu’il ne faudrait pas que cette rencontre fournisse une occasion de renégocier des principes déjà reconnus dans les documents des Nations Unies, mais qu’elle doit mettre plutôt l’accent sur de nouveaux enjeux. De plus, bien que ces ONG s’opposent à l’organisation d’une cinquième conférence mondiale par les Nations Unies, elles appuient fortement l’idée que des ONG organisent une conférence mondiale des femmes de manière à conserver le dynamisme et le moral de leurs mouvements[79].
Certaines interventions au forum de discussion du groupe WIDE sont plus neutres et diffusent de l’information pouvant éclairer le débat. C’est le cas d’une intervention (cosignée par Carol Barton, coordonnatrice de la WICEJ[80], Charlotte Bunch, du CWGL, et Martha Salazar, du groupe danois KULU et membre du groupe WIDE) précisant les stratégies discutées lors de diverses rencontres internationales entre des groupes de femmes en prévision de la réunion de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies du 1er au 12 mars 2004. Au nombre de celles-ci, on peut mentionner : 1) la rencontre d’un groupe de leaders de mouvements internationaux de femmes visant à revivifier le mouvement international féministe, qui a eu lieu à Kampala en Ouganda en juillet 2002 lors du 8e Congrès Women’s World (Shyam et autres 2002) ; 2) celle des ONG ayant participé à la Commission de la condition de la femme des Nations Unies en mars 2003 et qui a fait l’objet d’un rapport cosigné par le CWGL, le Comité des ONG, la WEDO et le Lobby européen des femmes (CWGL et autres 2003) ; 3) une rencontre de militantes des droits des femmes organisée par le CWGL en novembre 2003 (CWGL 2003) ; 4) la rencontre d’une vingtaine de militantes lors du Forum social mondial de Mumbai en janvier 2004 (WICEJ et autres 2004) a été lancée par Devaki Jain[81] lors de la conférence parallèle des ONG de Beijing + 5 en juin 2000. À cette occasion, elle recommandait qu’un groupe d’une dizaine de femmes « sages » se réunisse afin de recueillir de l’information sur les luttes, les rébellions, les actions publiques et les efforts intellectuels menés par des femmes et de produire un projet de plate-forme de recommandations qui émergeraient de ce corpus. Elle proposait que cette plate-forme serve de base à l’organisation d’une conférence ou d’un forum convoqué par ces dix femmes et auquel seraient invités, à titre d’observateurs, les gouvernements et les Nations Unies (Jain 2000). Cette idée ayant fait son chemin, un collectif de femmes venant principalement du Sud se sont réunies en juillet 2002 à Kampala en Ouganda afin de discuter de la « revivification du mouvement féministe international[82] ».
Un des objectifs principaux de la rencontre de ce groupe de femmes était de revisiter le mouvement des femmes à partir d’une perspective des femmes du Sud. Il s’agit également de :
[r]ethink the movement’s premises in ways that are more inclusive, more grass-roots-oriented, more culturally relevant and nuanced, and more apt to appeal to a large segment of the world’s population that West-focused and initiated efforts of the past that were shaped primarily by the experience of the developed world.
Shyam et autres 2002 : 3
Une des critiques mises en avant par Jain dans ce rapport est que le mouvement des femmes s’est institutionnalisé par l’entremise des ONG et que, d’une certaine façon, ces ONG sont devenues partie intégrante du secteur privé et du cadre économique libéral (Shyam et autres 2002 : 13). Dans le même ordre d’idées, lors d’une discussion sur Beijing + 10 à l’occasion du Forum social mondial à Mumbai en Inde le 21 janvier 2004, une quarantaine de représentantes de groupes de femmes ont traité à plusieurs reprises de la nécessité de « re-politiser » l’ordre du jour des mouvements de femmes, plutôt que de suivre l’ordre du jour minimaliste des États membres des Nations Unies, et de mobiliser un plus grand nombre de femmes (WICEJ et autres 2004).
Lors de la 48e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies tenue à New York en mars 2004, le Comité des ONG sur la condition féminine à New York, la WEDO et le CWGL, ont organisé des rencontres afin de débattre des stratégies à adopter dans le contexte du processus de révision des Nations Unies pour Beijing + 10 (WEDO et autres 2004). Le rapport présentant les grandes lignes des discussions de mars 2004 précise que, s’il est entendu que les Nations Unies n’organiseront pas de cinquième conférence mondiale sur les femmes en 2005, elles tiendront tout de même une réunion de haut niveau afin d’évaluer la mise en oeuvre du Programme d’action de Beijing et les documents adoptés lors de Beijing + 5 (WEDO et autres 2004). Ce rapport indique également que les Nations Unies n’ont pas encore pris de décision à savoir s’il y aurait ou non négociation de nouveaux documents à cette occasion.
Du côté des ONG, quelques-uns des buts principaux énoncés dans ce rapport étaient :
[de] célébrer Beijing + 10 et les trente ans de l’Année internationale de la femme ; de mobiliser les mouvements de femmes et de leur redonner de l’énergie sur tous les plans ; de réviser la mise en oeuvre du Programme d’action de Beijing ; de mettre l’accent lors de cette révision sur les forces mondiales qui touchent les femmes, tels le militarisme, les fondamentalismes, le racisme et la mondialisation, et de faire des liens entre la race, les oppressions multiples et le genre de manière plus efficace .
traduction libre de l’auteure
Ce rapport mentionne finalement que les groupes se sont aussi entendus sur la nécessité de mettre au point une stratégie afin de remettre à l’ordre du jour de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies l’idée d’une cinquième conférence mondiale sur les femmes entre 2007 et 2010[83]. Le point frappant dans ce rapport est que les seuls groupes mentionnés sont ceux qui ont organisé la rencontre, soit la WEDO, le CWGL et le Comité des ONG sur la condition féminine à New York. Les autres groupes ayant participé aux discussions sont invisibles et donc présentés d’une certaine manière comme insignifiants[84].
Il se dégage de ces discussions que plusieurs militantes perçoivent que les mouvements internationaux de femmes traversent une crise liée autant à des facteurs externes, tel le contexte politique international, qu’à des facteurs internes, tels que la structure des mouvements, les modes de leadership privilégiés, l’institutionnalisation et la privatisation des groupes en ONG souvent dépourvues de vie associative et de liens avec une base plus large. Tout en développant brièvement la nature de ces facteurs internes et externes, la conclusion qui suit explore quelques pistes de solution.
Conclusion : une crise des mouvements internationaux de femmes et des pistes de solution
À l’occasion des 30 ans de l’Année internationale de la femme et de la Première Conférence mondiale sur les femmes organisées par les Nations Unies, les mouvements de femmes qui ont choisi d’agir sur la scène mondiale et auprès des Nations Unies traversent une période de profonde remise en question de leurs pratiques, de leurs stratégies et de leurs discours. La plupart des critiques formulées lors des discussions au sein des mouvements de femmes se présentent sous la forme d’autocritiques explicites – par exemple, celles qui dénoncent la domination occidentale dans les mouvements (Shyam et autres 2002), certaines interventions soumises au Forum de WIDE, la récupération de certaines ONG par les institutions politiques internationales et leurs pratiques de lip service (Kerr 2002), l’institutionnalisation des groupes en ONG et leur assimilation au secteur privé et au cadre économique libéral (Shyam et autres 2002 : 13). On trouve aussi des autocritiques implicites en lisant entre les lignes des recommandations formulées par des intervenantes participant à la rencontre de Mumbai en 2004. Ces recommandations ont trait au besoin de politiser l’ordre du jour des groupes de femmes et de le distinguer de celui, minimaliste, qui est promu par les Nations Unies (autrement dit, les mouvements de femmes sont dépolitisés et dépendent des Nations Unies afin d’établir leur ordre du jour) ainsi que de redonner de la vitalité aux mouvements et de mobiliser davantage de femmes (en d’autres termes, les mouvements sont démobilisés et manquent de vitalité ou, pire, sont moribonds).
Il est encourageant que la plupart des critiques adressées aux groupes de femmes soient en fait des autocritiques formulées par les principales intéressées qui cherchent également des solutions aux facteurs internes rattachés à la crise. Par contre, la crise que traversent les mouvements internationaux de femmes est aussi liée à des facteurs externes sur lesquels ils exercent peu de pouvoir. Les uns et les autres méritent d’être brièvement explicités avant d’explorer les solutions de rechange qui pourraient permettre aux mouvements internationaux de femmes de sortir enrichis de cette saine remise en question.
Des facteurs externes liés à la crise : un contexte politique international défavorable aux droits des femmes
Entre l’Année internationale de la femme et la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, plusieurs militantes et chercheuses féministes estiment que de nombreux gains ont été enregistrés au sein des Nations Unies. Les gouvernements participant aux conférences mondiales sur les femmes ont en effet adopté des programmes d’action pour assurer la promotion des droits des femmes en matière économique, sociale, politique et juridique. En plus des éléments soulignés dans la section portant sur le bilan des 30 dernières années, une convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été mise en vigueur en 1980 et son protocole d’application a été adopté en 2000. Cependant, et peut-être bien grâce à ces gains et à la bonne organisation des groupes de femmes sur la scène mondiale, des groupes de droite ont adopté comme stratégie d’accroître leur présence aux Nations Unies afin de s’opposer à l’adoption de mesures favorables aux droits des femmes. Dans cette démarche, ils trouvent des appuis de taille auprès de la délégation du Vatican aux Nations Unies et, depuis janvier 2001, auprès du gouvernement républicain des États-Unis[85], ces derniers tissant des liens avec d’autres gouvernements qui s’appuient sur des interprétations conservatrices des religions musulmanes ou chrétiennes afin de justifier leurs prises de position contre les droits des femmes en matière sexuelle, reproductive, politique, économique et sociale. Dans ce contexte, la crainte d’un recul des droits des femmes semble bien fondée.
Les effets de ces nouvelles stratégies de la droite se sont manifestés lors d’autres rencontres d’importance pour les droits des femmes qui ont eu lieu au sein des Nations Unies, telles les sessions extraordinaires de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH/sida en 2001 et sur les enfants en mai 2002[86] (aussi connu comme le Sommet des enfants), ainsi que le Sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg du 26 août au 4 septembre 2002. Les négociations qui se sont déroulées durant chacune de ces rencontres ont toutes fait craindre un recul en matière de droits des femmes et d’autres dispositions progressistes. À ces rencontres, l’administration Bush a nommé au sein de la délégation officielle des États-Unis divers représentants d’ONG de la droite chrétienne américaine opposés aux droits des femmes[87].
Au cours de la brève histoire des conférences mondiales sur les femmes depuis 1975, ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement républicain proche de la droite chrétienne américaine est au pouvoir pendant une conférence mondiale sur les femmes. En effet, en 1985, lors de la Conférence de Nairobi, les pratiques de l’administration Reagan étaient très comparables à celles de l’administration George W. Bush. Par contre, le contexte politique international était différent. Le monde était alors bipolaire et l’Union soviétique se trouvait encore à la tête du bloc de l’Est. L’apartheid sévissait toujours en Afrique du Sud. Margaret Thatcher dirigeait le Parti conservateur au pouvoir en Grande-Bretagne et plusieurs dictateurs étaient encore en poste en Amérique latine (dont Pinochet au Chili). De plus, le discours sur les droits des femmes aux Nations Unies n’avait pas encore fait l’objet d’une campagne de lobbying afin qu’il soit intégrer plus systématiquement (mainstreaming) au discours sur les droits humains tandis que la notion de droit à l’avortement était rarement débattue lors de rencontres des Nations Unies. Malgré ce contexte politique hautement défavorable aux droits des femmes dans plusieurs pays, des féministes occidentales ont évalué fort positivement les résultats et retombées de la Conférence de Nairobi et du Forum des ONG organisé en parallèle (Stienstra 1994 : 130 ; West 1999 : 177).
Pourtant, le principe reconnaissant la nécessité de mettre sur pied un nouvel ordre économique international pour améliorer les conditions de vie des femmes du Sud, énoncé lors des trois premières conférences mondiales sur les femmes de 1975 à 1985, a été adopté, bien qu’il ait été abandonné par la suite. De plus, à partir de la crise de la dette qu’a connue le Mexique en 1982, le Fonds monétaire international a imposé à de nombreux pays du Sud l’adoption de PAS inspirés du modèle de développement capitaliste néolibéral. Bien que l’abandon de la revendication pour un nouvel ordre économique international et la mondialisation capitaliste néolibérale aient constitué un recul significatif pour les femmes vivant dans des pays du Sud, peu des analyses menées par des féministes du Nord en font état. En outre, malgré la présence d’un président démocrate à la tête des États-Unis de 1993 à 2000, soit au cours de la majorité des conférences mondiales des années 1990 et notamment lors de la Conférence de Beijing en 1995 et de son processus de suivi en 2000, les négociations sur la question des droits des femmes ont souvent été très longues et ardues, ce qui démontre que les facteurs externes ne sont pas les seuls responsables de la crise des mouvements internationaux de femmes[88]. Il faut aussi chercher au sein des mêmes mouvements les facteurs qui contribuent à leur remise en question.
Des facteurs internes liés à la crise et la recherche de « solutions »
Divers rapports de pouvoir qui découlent, entre autres, du colonialisme et de l’impérialisme, de la race et de la classe traversent également les mouvements internationaux de femmes. Il s’avère donc nécessaire pour les groupes de mettre en évidence ces rapports de pouvoir et de se donner les moyens de les transformer en rapports justes et égalitaires. Ainsi, malgré 30 ans de critiques formulées par divers courants de pensée portés par des féministes du Sud, socialistes, noires, « de couleur » ou autochtones, on constate un certain renouveau de l’hégémonie des femmes de la classe moyenne blanche occidentale, en particulier américaine, dans les mouvements de femmes aux Nations Unies. Par exemple, les groupes américains WEDO et CWGL jouent des rôles autoproclamés de leadership lors des rencontres d’ONG aux Nations Unies lorsqu’il est question de droits des femmes. Pourtant, ces groupes n’ont été élus par personne afin de jouer ces rôles et ils n’ont pas de structure démocratique interne, c’est-à-dire qu’ils n’ont ni vie associative, ni membres, ni assemblée générale pour orienter leurs positions.
La solution proposée, lors du forum du groupe WIDE, par des intervenantes de l’Afrique, de l’Asie du Pacifique, de l’Europe de l’Est, de l’Amérique latine et des Caraïbes, soit de tenir des rencontres ou des conférences régionales, pourrait limiter l’hégémonie occidentale en renforçant les échanges entre les femmes d’une même région géographique. Par contre, il importe également que les mouvements de femmes se donnent des structures plus démocratiques et plus transparentes afin d’assurer une meilleure représentativité que celle de certaines ONG qui, souvent en raison des contraintes liées au financement, se sont assimilées au secteur privé et au cadre économique néolibéral.
Les pratiques de lobbying privilégiées par les groupes présents aux Nations Unies, selon les habitudes du lobbying américain qui favorise un modèle élitiste, sont aussi un facteur qui contribue à la dépolitisation des mouvements internationaux de femmes, car il fait appel à des expertes et laisse peu de place aux femmes de la base. En effet, ces pratiques de lobbying sont souvent détachées de processus de consultation et de délibération auprès de la base des mouvements de femmes. De plus, en s’attachant à la formulation d’amendements à des textes rédigés par des bureaucrates plutôt que par des représentantes des mouvements de femmes, les ONG participant à ce processus cautionnent les institutions politiques internationales et l’ordre du jour qu’elles imposent plutôt qu’un ordre du jour qui serait défini à partir de la diversité des besoins des femmes. Il faut donc trouver d’autres moyens d’établir l’ordre du jour des mouvements internationaux de femmes indépendamment des Nations Unies ou d’autres organisations internationales.
La multiplication de lieux différents de mobilisation sur la scène mondiale depuis les années 2000 est fort prometteuse quant à la « re-politisation » et à la mobilisation des mouvements internationaux de femmes. Pensons, notamment, au potentiel des forums sociaux mondiaux et régionaux, aux initiatives telles que la Marche mondiale des femmes en l’an 2000 et la Charte des femmes pour l’humanité qui sera adoptée en 2005, aux multiples rencontres organisées par des groupes internationaux de femmes qui s’efforcent d’adopter des structures démocratiques, telle l’AWID qui organisera en 2005 son dixième forum, et aux projets d’organiser une conférence mondiale des femmes qui serait indépendante des Nations Unies. Par contre, il faudra que les militantes restent vigilantes à l’égard de la tentation de maintenir en place des structures élitistes. Si un véritable souci d’assurer la représentativité au sein des mouvements internationaux de femmes anime les militantes, ce dernier pourrait limiter le pouvoir concentré dans les mains des Américaines et des Européennes. On observe actuellement un problème relativement au mode de leadership privilégié dans les mouvements internationaux de femmes. Pour le rendre visible à court terme, il faut au moins commencer par nommer les groupes qui participent aux rencontres de discussions aux Nations Unies et dans les autres lieux de rencontres.
Les forums des ONG, tenus parallèlement aux conférences mondiales des Nations Unies sur les femmes, ont joué un rôle important en vue de faciliter la mobilisation des mouvements internationaux de femmes au niveau international au cours des 30 dernières années. Cependant, il est maintenant possible et nécessaire d’envisager d’autres modes et lieux de mobilisation féministe sur la scène mondiale sans dépendre de l’ordre du jour établi par les institutions intergouvernementales. Par contre, comme des groupes conservateurs ayant un ordre du jour antiféministe se mobilisent désormais au sein des organisations internationales, il importe aussi que les groupes de femmes ne désaffectent pas ces lieux. Le risque de perdre ainsi les quelques acquis en faveur des droits des femmes sur la scène internationale sont bien réels. Tout en proposant des modèles différents de développement et de mobilisation, il faut poursuivre, à mon avis, des politiques « créactives », soit des politiques qui conduisent à la fois à la création de solutions de rechange et à des stratégies de résistance à l’intérieur même des institutions que l’on critique afin d’éviter que celles-ci deviennent carrément hostiles aux droits des femmes.
Parties annexes
Annexe
Annexe
Chronologie de quelques faits marquants les trente dernières années de mobilisation de groupes de femmes sur des scènes mondiales
1972 - La Fédération internationale démocratique des femmes (1945) et une dizaine d’ONG revendiquent une année internationale des femmes auprès de la Commission sur la condition de la femme des Nations Unies.
1974 - ISIS International, www.isiswomen.org/organization/index.html (ONG féministe visant à répondre aux besoins d’information et de communication des femmes. Initialement basés à Rome, les bureaux ont été déménagés à Manille aux Philippines en 1991. Deux autres bureaux ont été ouverts au Chili et en Uganda).
1974 - Première conférence intergouvernementale des Nations Unies sur la population, Bucarest.
1975 - Année internationale de la femme, Conférence mondiale de l’Année internationale de la femme et Tribune des ONG. Déclaration de 1976-1985 « la Décennie de la femme : Égalité, Développement, et Paix ».
1976 - Centre international de la Tribune des femmes - International Women’s Tribune Centre (www.iwtc.org). Créé afin de maintenir un lien entre les militantes ayant participé à la Tribune de l’Année internationale de la femme.
1976 - Tribunal (des ONG) sur les crimes contre les femmes, Bruxelles. Actes publiés par ISIS International.
1977 - Première rencontre internationale sur la santé des femmes, Rome. La 9e rencontre a eu lieu à Toronto en 2002. La 10e rencontre aura lieu du 21 au 25 septembre 2005 à New Delhi, Inde (www.10iwhmindia.org/default.htm).
1977 - Association des femmes africaines pour la recherche et le développement - Association of African Women for Research and Development, Sénegal (www.afard.org). Fondée la même année que la première conférence régionale africaine sur les femmes, Mauritanie.
1978 - Réseau mondial des femmes pour les droits sur la reproduction - Women’s Global Network for Reproductive Rights (www.wgnrr.org, basé à Amsterdam, Pays-Bas).
1979 - Adoption par les Nations Unies de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes - Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women (www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/). Il n’y a pas de mention explicite de la violence contre les femmes.
1980 - Conférence mondiale de la Décennie des Nations Unies pour la femme, Copenhague, et Forum des ONG.
1981 - Première Rencontre féministe latino-américaine. La 9e rencontre a eu lieu au Costa Rica en 2002 sur le thème : « Résistance active face à la mondialisation néo-libérale » (voir : www.fire.or.cr/dic02/articulos/articulo7.htm).
1982 - Crise de la dette au Mexique. Imposition par le Fonds monétaire international des premiers Programmes d’ajustement structurel (PAS) sur les pays du Tiers monde endettés.
1982 - Association pour les droits de la femme et le développement - Association for Women’s Rights in Development, initialement fondée aux États-Unis ; désormais les bureaux sont à Toronto, (Canada), à Mexico (Mexique) et en Afrique du Sud (www.awid.org).
1984 - Development Alternative for a New Era (www.dawn.org.fj).
1984 - Réseau femmes sous lois musulmanes (www.wluml.org).
1984 - International Women’s Health Coalition (www.iwhc.org/index.cfm).
1984 - Tribunal international et rencontre sur les droits reproductifs, Amsterdam.
1985 - Conférence mondiale chargée d’examiner et d’évaluer les résultats de la décennie des Nations Unies pour la femme : Égalité, développement et paix. (Nairobi, Kenya) et Forum des ONG. Adoption des Stratégies prospectives d’action.
1985 - Women in Law and Development in Africa (site.mweb.co.zw/wildaf/).
1985 - Network Women in Development Europe (www.eurosur.org/wide/home.htm).
1987 - Comité de América Latina y el Caribe para la Defensa de los Derechos de la Mujer (www.eurosur.org/CLADEM).
1988 - Asia Pacific Forum on Women, Law, and Development (www.apwld.org).
1989 - Center for Women’s Global Leadership, États-Unis (www.cwgl.rutgers.edu/).
1990 - Women, Environment and Development Organization, États-Unis (www.wedo.org).
1990 - 1996 Conférences mondiales des Nations Unies: Sommet des enfants (1990), Sommet de la terre (1992), Droits de l’homme (1993), population et development (1994), développement social (1995), femmes (1995), et habitat (1996).
1993 - Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes.
1994 - Nomination de la Rapporteur spéciale de la Commission des Nations Unies sur les droits de l’Homme sur la violence faite aux femmes, ses causes et ses conséquences www.unhchr.ch/html/menu2/7/b/mwom.htm.
1995 - Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, Beijing et Forum des ONG.
2000 - Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies, « Femmes 2000 : Égalité entre les sexes, développement et paix pour le xxie siècle », Beijing + 5. www.un.org/womenwatch/daw/followup/beijing+5.htm.
2000 - Women’s International Coalition for Economic Justice (www.wicej.addr.com/about.html).
2000 - 2005 : Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence faite aux femmes (www.marchemondiale.org/) (6000 groupes de femmes dans 161 pays).
2000 - Première grève mondiale des femmes (womenstrike8m.server101.com) initiée en Angleterre. Se répète tous les 8 mars depuis l’an 2000.
2001, 2002, 2003, 2005 - Forums sociaux mondiaux à Porto Alegre, Brazil, et en 2004 à Mumbai en Inde. www.forumsocialmundial.org.br/home.asp.
2001 - Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH/Sida.
2002 - Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les enfants.
2002 - Sommet mondial sur le développement durable, Johannesburg.
2005 - Beijing +10, Commission de la condition de la femme, Nations Unies.
Note biographique
Anick Druelle
Anick Druelle est chercheuse postdoctorale à l’Institute for Women’s Studies de la Lancaster University d’Angleterre depuis janvier 2003. Auparavant, elle était agente de recherche à l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM (IREF) (1996-2001) et coordonnatrice à la diffusion de l’Alliance de recherche IREF/Relais-femmes (2001-2002).
Notes
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[1]
Je tiens à remercier Christine Piette, directrice de la revue, pour ses nombreux conseils judicieux qui m’ont guidée dans la rédaction du présent article. Je remercie également les évaluatrices ou évaluateurs anonymes pour leurs commentaires constructifs. Une chronologie de quelques faits marquants les trente dernières années de mobilisation de groupes de femmes sur des scènes mondiales est présentée en annexe à ce texte.
-
[2]
Le Forum des ONG est habituellement organisé par le Comité sur la condition féminine de la Conférence des organisations non gouvernementales ayant un statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies.
-
[3]
La présente étude se situe en continuité avec mes travaux de recherches doctorales qui ont traité des quatre conférences mondiales sur les femmes de 1975 à 1995, plus particulièrement des stratégies mises en avant et des discours tenus à l’occasion de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes (ci-après : la Conférence de Beijing). Ces travaux sont à paraître dans un ouvrage intitulé : Droits des femmes et mondialisation. Les Nations unies et les luttes des femmes pour leurs droits. (Québec, Les Presses de l’Université Laval). Cette étude se base également sur mon observation participante aux rencontres préparatoires en vue de Beijing + 5 de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies en mars 1999 et en mars 2000, ainsi qu’en vue de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur Beijing + 5 du 5 au 9 juin 2000. Finalement, pour rendre compte des débats tels qu’ils sont accessibles à un grand nombre de femmes, j’ai opté pour une analyse des documents consultables sur Internet qui traitent des stratégies à adopter à l’égard des Nations Unies et de la tenue d’une cinquième conférence mondiale sur les femmes en 2005 ou plus tard.
-
[4]
Il est intéressant de noter que le groupe qui a pris l’initiative de cette revendication est la Fédération internationale démocratique des femmes. Cette fédération a été fondée en 1945 dans des pays communistes de l’ancien bloc de l’Est. Les ONG en présence détenaient un statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies, ce qui leur donnait le droit de soumettre des exposés écrits à l’attention des membres des Nations Unies selon la résolution du Conseil économique et social 1296 (XLIV) du 23 mai 1968.
-
[5]
La conférence mondiale de l’Année internationale de la femme : « Égalité, développement et paix », s’est tenue à Mexico en 1975. Dès la création de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies en 1946, il avait été recommandé, sans succès, d’organiser une conférence mondiale sur les femmes. La Conférence de Mexico n’a fait l’objet d’un processus préparatoire que de six mois, alors qu’il faut habituellement trois ans pour organiser une conférence au sein des Nations Unies. Le résultat de ce manque de préparation s’est traduit dans le nombre record de résolutions soumises mais non débattues lors de la Conférence (United Nations 1996 : 33, doc. 43 ; Nations Unies 1975 : 28 ; Nations Unies 1976).
-
[6]
Le nom officiel de ce comité est le Comité sur la condition féminine de la conférence des ONG ayant un statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies.
-
[7]
La Tribune est l’équivalent d’un forum des ONG.
-
[8]
Dans le club sélect du Conseil de sécurité des Nations Unies, seuls cinq États (les États-Unis, l’URSS (actuellement la Fédération de Russie), la France, le Royaume-Uni et la Chine) détiennent un droit de veto.
-
[9]
Cette décennie a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans la résolution 3520 (xxx) (United Nations 1986 : par. 2).
-
[10]
Par contre, en raison des règles d’accréditation des ONG aux conférences en vigueur avant 1992, la plupart de ces militantes n’avaient pas accès aux lieux où la conférence officielle avait lieu. Seulement 114 ONG ont été accréditées à la Conférence de Mexico en 1975 (Stephenson 1995 : 140) ; 131, à Copenhague en 1980 (Forum 80, 28 juillet 1980) ; 163, à Nairobi en 1985 (Patton 1995 : 66) ; et 2 100 à Beijing en 1995 (Nations Unies 1997).
-
[11]
Au nombre de ces initiatives, on compte la mise sur pied, en 1976, de l’International Women’s Tribune Centre, basé à New York, afin de favoriser l’échange d’information entre les personnes ayant participé au Forum (www.iwtc.org).
-
[12]
L’ISIS International (International Women’s Information and Communication Service), fondé en Europe en 1974, a publié et diffusé les actes de ce tribunal. D’autres groupes ISIS ont été mis sur pied. L’ISIS-WICCE (Women’s International Cross-Cultural Exchange) a été fondé en Suisse en 1974. Depuis 1993, il est basé en Ouganda (www.isis.or.ug). En 1991, le bureau d’ISIS International qui avait son siège à Rome est déplacé vers Manille, aux Philippines (www.isiswomen.org/). Des bureaux sont également ouverts au Chili et en Amérique latine.
-
[13]
Les premières conférences régionales ont été organisées à la suite de la conférence de l’AIF de manière à planifier la mise en oeuvre des plans d’action dans ces diverses régions. Ces commissions économiques regroupent les cinq régions suivantes : 1) l’Asie de l’Ouest, 13 États membres (y compris l’Égypte ; exclusion : Israël) (www.escwa.org.lb) ; 2) l’Asie du Pacifique (y compris la France, les États-Unis et le Royaume-Uni) ; 3) l’Amérique latine et les Caraïbes (y compris le Canada, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne, le Royaume-Uni et les États-Unis (www.eclac.cl) ; 4) l’Afrique (y compris l’Égypte) (www.uneca.org) ; 5) l’Europe (y compris l’Amérique du Nord et Israël) (www.unece.org). Ce n’est qu’en 1994, à l’occasion des préparatifs en vue de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, que la Commission économique pour l’Europe a organisé sa première conférence régionale sur les femmes pour cette région (y compris l’Amérique du Nord et Israël).
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[14]
La Première Conférence régionale sur les femmes pour l’Afrique a eu lieu à Nouakchott, en Mauritanie, en 1977. Puis deux autres conférences régionales africaines ont été organisées en 1978 et en 1979 pour préparer la Conférence de Copenhague en 1980. En 1999, dans le contexte des suites à donner à Beijing + 5, la Sixième Conférence régionale africaine a été organisée. La Septième Conférence régionale africaine sur les femmes a eu lieu à Tanger du 19 au 21 avril 2004 (Commission économique pour l’Afrique : www.uneca.org).
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[15]
Le nom officiel de cette conférence était le suivant : « Conférence mondiale de la Décennie des Nations Unies pour la femme : égalité, développement et paix ».
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[16]
Au nombre des groupes de femmes du Sud créés à cette époque, on compte notamment : 1) la Development Alternative for a New Era (dont il sera question dans la seconde partie du présent article) ; 2) le Réseau femmes sous lois musulmanes, créé en 1984 en vue de briser l’isolement des femmes et « d’offrir un soutien, ainsi qu’une opportunité de nouer des liens, à toutes les femmes dont les vies peuvent être affectées par les lois musulmanes » (www.wluml.org), voir également Hélie-Lucas (1991) ; 3) le groupe Women in Law and Development in Africa, créé en 1985 (site.mweb.co.zw/wildaf/) ; 4) le Comité de América Latina y el Caribe para la Defensa de los Derechos de la Mujer, mis sur pied en 1987 (www.eurosur.org/CLADEM) ; et 5) l’Asia Pacific Forum on Women, Law, and Development initié à Nairobi en 1985 et créé en 1988 (www.apwld.org).
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[17]
Cette conférence mondiale était chargée d’examiner et d’évaluer les résultats de la Décennie des Nations Unies pour la femme : égalité, développement et paix.
-
[18]
Fatou Sow (1975 : 176) note que, à : « Nairobi, en terre africaine, un dialogue s’amorce enfin entre les Africaines et les autres, entre les Africaines elles-mêmes ». À cette occasion, 60 % des 15 000 personnes participant au Forum de Nairobi en 1985 viennent de pays du Sud (Stienstra 1994 : 130) et 3 000 d’entre elles sont du Kenya, soit 20 % du total des participantes (Catagay, Grown et Santiago 1986 : 406). Selon Forum 80 (28 juillet 1980), le journal du Forum des ONG de la Conférence de Copenhague, le pourcentage des participantes venant du Sud à cette conférence n’était que de 17 %, dont 4 % de l’Afrique. En effet, il y avait 222 Africaines sur 5 580 participantes au Forum des ONG. Au total, 976 femmes de pays du Sud sur 5 580 ont participé au Forum de Copenhague, soit 17 %, 64 % des participantes venaient de l’Europe avec une large proportion de femmes du Danemark (40 %) et 15 % de femmes de l’Amérique du Nord (Forum 80, 28 juillet 1980). À la Tribune de Mexico en 1975, pour ce qui est des 4 000 à 6 000 personnes présentes, le tiers des participantes sont des Nord-Américaines, le tiers des Latino-Américaines, et le tiers viennent de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique (Allan, Galey et Persinger 1995 : 39-40).
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[19]
Ce sont des conditions liées à la sécheresse, à la pauvreté urbaine, à l’âge (personnes âgées ou jeunes), à la violence, à l’extrême pauvreté, au trafic sexuel et à la prostitution involontaire, aux handicaps, à la migration, à la discrimination envers les minorités et les peuples autochtones, etc. (United Nations 1986 ; Stienstra 1994 : 131-132).
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[20]
Plutôt que du droit à l’avortement, il est question du droit des femmes au contrôle de leur fertilité (United Nations 1986 : par. 29). À ce sujet, le Vatican a émis une réserve, ne s’étant pas joint au consensus à la Conférence sur la population et le développement tenue à Mexico en 1984.
-
[21]
C’est au cours du processus préparatoire menant au Sommet de la Terre à Rio en 1992 que les règles d’accréditation des ONG ont été modifiées pour la première fois, ce qui a créé ainsi un précédent (Willetts 1996 : 58). Ces nouvelles règles ont été appliquées à toutes les autres conférences des années 90. En 1996, le Comité des ONG des Nations Unies a généralisé ces nouvelles pratiques à l’ensemble des ONG participant aux travaux du Conseil économique et social des Nations Unies (United Nations 1996 : 1360).
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[22]
Le CWGL est une unité de l’Institut for Women’s Leadership, institut universitaire rattaché à la Rutgers University (université d’État du New Jersey). Par conséquent, le CWGL n’a pas de vie associative ni de membres et n’est donc pas orienté par une assemblée générale constituée de membres. Le CWGL a été fondé en 1989 par Charlotte Bunch qui en est directrice. Bunch est également professeure en women’s and gender studies à l’Université Rutgers (www.cwgl.rutgers.edu). Charlotte Bunch est une militante américaine de longue date. Au cours des années 70, elle était membre de la collective lesbienne The Furies et elle a co-dirigé un recueil des analyses intersectionnelles entre le sexe, la classe et la sexualité, proposées par ce collectif (Bunch et Myron 1974). En 1990, elle a publié un texte redéfinissant les droits des femmes dans le cadre des droits de la personne (Bunch 1990). Joachim (2003) attribue un rôle prépondérant au leadership ou à l’entrepreneuriat de Charlotte Bunch et de son centre dans la reconnaissance, par la Conférence des Nations Unies sur les droits de l’Homme, tenue à Vienne en 1993, que les droits des femmes sont des droits de la personne et que les violences faites aux femmes constituent des violations de ces droits. À cette période, on note au sein des groupes de femmes un certain délaissement du paradigme de l’intégration des femmes au développement (dominant de 1970 à 1990) en faveur de celui des droits des femmes comme droits de la personne (Connors 1996 : 152).
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[23]
La WEDO a été fondée en 1990 par Bella Abzug et Mim Kelber. La première a été membre du Congrès américain de 1971 à 1977, et la seconde, journaliste, a également été conseillère d’Abzug lors de son passage au Congrès. Abzug est décédée en 1998 et Kelber, en 2004. Ce groupe n’a pas de membres et donc pas d’assemblée générale pour orienter l’organisme. Par contre, la WEDO a un conseil d’administration composé de huit membres : trois sont des États-Unis et détiennent les postes de présidente, vice-présidente et trésorière, deux viennent de l’Amérique latine, deux de l’Afrique et une de l’Europe. Le but de la WEDO est « d’accroître le pouvoir des femmes dans le monde en tant que décisionnaires à tous les niveaux au sein des gouvernements, des institutions et des forums, afin d’atteindre la justice sociale et économique, une planète pacifique et en santé, et les droits de la personne pour toutes et tous » (traduction libre de l’auteure) (www.wedo.org).
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[24]
Si les règles antérieures avaient été maintenues pour ces conférences, ces groupes n’auraient pu obtenir d’accréditation puisque, malgré leur nom, ils n’ont pas de structures représentatives internationales.
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[25]
En particulier, le CWGL, qui se traduit en français par le « Centre pour le leadership mondial des femmes » organise, depuis sa création, des rencontres afin de développer le leadership des femmes. Quelques-uns de ces séminaires ont été mis sur pied en collaboration avec le réseau Femmes sous lois musulmanes. Leur approche semble être inspirée par les théories américaines sur les mouvements sociaux qui traitent de l’entrepreneuriat des leaders de ces mouvements. Jutta Joachim (1999 et 2003) applique justement ce modèle à l’analyse des luttes sur la scène internationale contre la violence faite aux femmes au sein desquelles le CWGL a joué un rôle de leadership.
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[26]
Il est frappant que ce groupe, basé à New York, fonctionne comme la WEDO sans membres à la base (www.iwhc.org).
-
[27]
Ainsi, Joan Dunlop, présidente de l’IWHC en 1994, a indiqué au Los Angeles Times qu’« elles » ont obtenu près de 98 % de ce qu’« elles » espéraient. Ce que les « pragmatiques » ont évalué comme des gains à la Conférence du Caire est ce qu’elles appellent la mise en place d’un nouveau paradigme qui met la question de l’autonomisation (empowerment) des femmes au coeur des politiques de population plutôt que de soumettre les femmes à des considérations purement démographiques (Higer 1999 : 123).
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[28]
Un article dans le bulletin du Women’s Global Network on Reproductive Rights (WGNRR) de juillet-septembre 1994 indiquait ceci : « We find the Plan of Action to be nothing but an insult to women, men and children of the South who will receive an ever-growing dose of population assistance, while issues of life and death will have to await the Social Development Summit of 1995 in Copenhagen » (Higer (1999 : 138-139). Le WGNRR est un réseau basé à Amsterdam réunissant près de 900 membres collectifs et individuels (dont 440 individus, selon l’information obtenue auprès du secrétariat du WGNRR, au cours d’un échange de courriels en date du 30 août 2004) venant de divers pays du Nord et du Sud. Il est frappant que le WGNRR ait une analyse plus critique du résultat du Caire, alors que l’IWHC, qui n’a pas de membres à la base qui contribuent à l’orientation de la « coalition », s’en dise satisfaite. On se demande au nom de quelles femmes parlait Joan Dunlop de l’IWHC.
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[29]
Bien que des groupes de la droite chrétienne américaine et d’autres pays soient déjà présents lors de la Conférence de Nairobi, c’est à compter de la Conférence de Beijing qu’ils commencent vraiment à faire sentir leur présence. Pour plus ample information sur ces groupes et leurs stratégies, voir Druelle (à paraître (b) et 2000a) ainsi que Buss et Herman (2003).
-
[30]
Par contre, de nombreuses réserves et déclarations interprétatives ont été enregistrées dans le rapport définitif de cette conférence.
-
[31]
Près de 2 100 ONG ont pu assister aux travaux et faire du lobbying dans les couloirs de la Conférence (Nations Unies 1997).
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[32]
Les travaux de Michel Foucault (1976, 1997) et de Colette Saint-Hilaire (1993, 1995) m’ont inspirée dans cette analyse développée davantage dans ma thèse (Druelle 2001). Par « biopolitique », Foucault entend une transformation dans les modalités du pouvoir qui s’intéressent désormais à la biologie et à la vie en soi plutôt qu’au droit de souveraineté des États.
-
[33]
Pour une analyse comparative des textes produits par le Forum des ONG avec le projet de programme d’action de la bureaucratie onusienne et le Programme d’action de Beijing finalement adopté à Beijing, voir Druelle (2001).
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[34]
Divers problèmes ont surgi lors de ce processus. Par exemple, la rencontre n’a duré que deux courtes journées, les discussions étaient en anglais seulement et toutes les propositions soumises n’ont pas été reprises dans la version définitive du document. Il n’était pas clair à savoir sur quelle base une proposition était reprise ou laissée de côté. Il apparaît qu’un grand pouvoir réside donc dans les mains de celles qui prennent le leadership dans la retranscription des débats et la production des rapports définitifs.
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[35]
Par exemple, bien que les amendements du Forum des ONG proposent une vingtaine de références aux droits des lesbiennes en employant précisément le terme « lesbienne » pour répondre au besoin de visibilité revendiqué par plusieurs mouvements de lesbiennes, les « expertes » des ONG sur le terrain optent pour des raisons « stratégiques » ou pragmatiques pour la promotion des termes « orientation sexuelle » ainsi que pour le principe plus général de la reconnaissance du droit des femmes d’être maîtresses de leur sexualité (Otto 1995; Druelle 2004a et 2004b). Cependant, malgré ce « compromis », le concept d’orientation sexuelle s’est tout de même révélé trop « controversé » pour être accepté par la majorité des États participant à la Conférence de Beijing. Par contre, en partie grâce à ce lobbying, certaines négociatrices gouvernementales ont obtenu que la première partie du paragraphe 96 du Programme d’action de Beijing affirme ceci : « Les droits fondamentaux des femmes comprennent le droit d’être maîtresses de leur sexualité, y compris leur santé en matière de sexualité et de procréation, sans aucune contrainte, discrimination ou violence, et de prendre librement et de manière responsable des décisions dans ce domaine. » Cependant, plusieurs États ont émis des réserves à ce sujet. De plus, on trouve tout de même des traces de ces débats sur le concept d’orientation sexuelle dans le rapport même de la Conférence qui fait état des déclarations interprétatives et des réserves de diverses délégations gouvernementales. Les États qui ont clairement pris position contre ces droits fondamentaux des femmes sont le Vatican, certains États latino-américains à majorité catholique et certains États à régime islamique (avec l’Iran en tête).
-
[36]
Chaque année, de 1996 à 2000, la Commission a examiné l’état d’avancement du Programme d’action de Beijing en fonction de chacun des grands thèmes mentionnés dans ce programme. Les Nations Unies n’ont pas opté pour la tenue d’une cinquième conférence mondiale sur les femmes en l’an 2000.
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[37]
Cette session était intitulée « Femmes 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le xxie siècle », mais elle est couramment nommée « Beijing + 5 ». Elle a eu lieu du 5 au 9 juin 2000. Au cours de cette session extraordinaire, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une déclaration politique et un texte intitulé : Nouvelles mesures et initiatives pour la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing (Nations Unies 2000).
-
[38]
En mars 1999, lors d’une séance de discussion entre ONG afin de proposer des amendements à ce texte, séance à laquelle j’ai participé, j’ai été frappée par le conservatisme de certaines de mes interlocutrices membres du conseil du Comité des ONG sur la condition féminine. À toutes les propositions de modifications suggérées, elles soulevaient des objections du genre suivant : « Le Secrétariat des Nations Unies sait ce qu’il fait, nous devrions lui faire confiance, pourquoi modifier le texte qu’il nous a soumis? » Une autre représentante d’ONG m’a indiqué qu’elle trouvait ces discussions tellement inutiles qu’elle allait plutôt faire du lobbying directement auprès des États en partenariat avec des ONG plus efficaces (Amnistie internationale, par exemple).
-
[39]
Le BNT fait un lien entre ce phénomène et l’échec des négociations à Seattle en décembre 1999 dans le contexte de l’OMC. De plus, il s’inquiète du risque d’éclatement du groupe des 77 comme groupe de négociation à la faveur de plusieurs sous-groupes réunissant quelques États latino-américains dans un sous-groupe, des États du Sud de l’Afrique dans un autre, puis des États islamiques dans un autre encore.
-
[40]
Cette proposition a été faite par l’Afrique du Sud et le groupe de négociation réunissant entre autres, le Japon, les États-Unis, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande (JUSCANZ).
-
[41]
Cette proposition a été faite par le groupe des 77.
-
[42]
De plus, de nombreux problèmes peuvent survenir relativement aux visas nécessaires pour franchir les douanes américaines. Cela est encore plus grave depuis le resserrement des mesures de sécurité post-septembre 2001.
-
[43]
Cette délégation a opté pour des pratiques d’intimidation qui n’avaient jamais été observées au sein des Nations Unies, telles que la formation de cercles de prière autour de déléguées d’autres ONG par des frères franciscains du Renouveau ou des jeunes provie. Pour plus ample information à ce sujet, voir Butler (2000a, 2000b, 2000c) ainsi que le rapport sur les groupes antiféministes aux Nations Unies, produit par l’équipe de recherche sur les stratégies et discours religieux aux conférences des Nations Unies traitant des femmes (Druelle 2000a).
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[44]
Pour qu’une conférence des Nations Unies puisse être correctement organisée, il faut compter au moins deux années complètes de préparation. La décision doit donc être prise au moins trois ans avant la tenue de la conférence pour que toutes les étapes de la prise de décision au sein des Nations Unies soient respectées. Dans le cas des conférences mondiales sur les femmes, c’est habituellement la Commission de la condition de la femme qui prend cette décision et en fait la recommandation à l’Assemblée générale des Nations Unies. Une exception de taille à ce processus a été la Première Conférence mondiale sur les femmes à Mexico en 1975.
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[45]
Le groupe WIDE a une vie associative et des membres réunis en assemblée générale, une fois l’an, élisent leur conseil d’administration (www.eurosur.org). Ce groupe est composé de 65 individus et de 29 organisations situées en Europe en 2004 (selon l’information obtenue auprès du secrétariat du groupe WIDE par courriel (info@wide-network.org) en date du 16 novembre 2004. Le groupe WIDE est également membre de l’Association for Women’s Rights in Development (AWID) et de la Women International Coalition for Economic Justice (WICEJ).
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[46]
Ce forum de discussion est encore actif et est accessible par l’entremise du site Internet du groupe WIDE : (www.eurosur.org/wide/UN/WCW.htm). Une des invitations à participer au forum de discussion sur Internet du groupe WIDE rédigée en anglais, avec un très bref résumé en français et en espagnol, a circulé sur une liste de diffusion de l’AWID (AWID 2002a). Le forum de discussion du groupe WIDE est ouvert à toute personne désirant y apporter sa contribution et il est accessible en ligne au grand public. En cela, il diffère des listes de discussion animées (moderated), où les personnes qui désirent participer à la liste doivent s’inscrire et le contenu de leur contribution peut faire l’objet d’une objection de la part de l’animatrice.
-
[47]
Intervention 1 (20 juin 2002).
-
[48]
(www.eurosur.org/wide/UN/WCW.htm), consultée le 24 septembre 2002.
-
[49]
Les arguments invoqués en faveur de la tenue d’une cinquième conférence sont les suivants (traduction libre de l’auteure) : 1) Les questions relatives aux femmes obtiendraient l’attention des médias, c’est une occasion pour mobiliser l’opinion publique ; 2) Les questions relatives aux femmes seraient portées à nouveau à l’ordre du jour des institutions internationales ; 3) C’est une occasion de renforcer et de générer de la volonté politique ; 4) C’est une occasion d’échanger de l’information, d’améliorer le réseautage, de construire de nouveaux partenariats, de mettre au point des stratégies communes ; 5) C’est une occasion de renforcer la solidarité mondiale ; 6) L’expérience de la conférence peut être une occasion de donner de l’énergie, de l’inspiration aux femmes alors qu’elles peuvent célébrer ensemble et sentir leurs forces ; 7) C’est une occasion de renforcer la coopération avec les gouvernements et d’accroître l’influence sur ces derniers ; 8) Il est important de garder le rythme de croisière mondial et de continuer le processus en faveur des femmes ; 9) La mise en oeuvre du Programme d’action de Beijing a besoin d’être évaluée ; 10) C’est une occasion de discuter des stratégies pour l’avenir ; 10) Cela offre la possibilité d’inclure de nouvelles femmes et de nouvelles générations dans le mouvement.
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[50]
Les arguments invoqués contre la tenue d’une cinquième conférence sont les suivants (traduction libre de l’auteure) : 1) La peur d’un recul (backlash); le risque de perdre les gains faits au cours des conférences antérieures sur les femmes semble plus grand que les chances d’influencer les acteurs mondiaux avec un ordre du jour féministe ; 2) Le coût est trop élevé pour les résultats que l’on peut obtenir ; 3) Le gaspillage de temps et d’énergie à tenter de préserver des acquis plutôt que d’aller de l’avant ; 4) Les militantes sont fatiguées de participer à des conférences ; 5) Le Programme d’action est un excellent outil pour la promotion des droits de la femme, il n’est pas nécessaire de rouvrir la discussion sur le sujet ; 6) Il est difficile de coordonner, de suivre de près et d’évaluer des événements d’une telle envergure ; 7) Une nouvelle conférence n’est pas nécessaire tant que les objectifs du Programme d’action n’auront pas été réalisés ; 8) Plus d’argent devrait être dépensé pour la mise en oeuvre du Programme, et non pour une nouvelle conférence ; 9) Comment financer la participation des ONG ? Les bailleurs de fonds ne semblent pas s’intéresser à la tenue d’une autre conférence sur les femmes ; 10) La peur de perdre la place que les ONG ont gagnée dans le système des Nations Unies.
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[51]
Le site Internet de l’AWID précise que près de 5 000 individus et 108 organisations ou institutions sont membres du groupe en date du 14 octobre 2004 (www.awid.org). Cette association a été fondée en 1982 par des Américaines et son siège social a longtemps été basé aux États-Unis. Depuis quelques années, le secrétariat de l’AWID est situé à Toronto et deux autres bureaux ont été ouverts en Afrique du Sud et au Mexique. Les membres du conseil d’administration sont élues par les membres qui peuvent voter par courriel, par télécopieur ou par courrier. Tous les trois ans, l’AWID organise un forum qui réunit plusieurs centaines de militantes féministes et spécialistes concernant le genre et le développement. Le Neuvième Forum a eu lieu du 3 au 6 octobre 2002.
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[52]
D’autres ont défendu avant elle une position similaire. Voir, par exemple, les interventions qui ont été faites avant octobre 2002 sur le forum de discussion du groupe WIDE. Cette citation est la traduction française, reproduite sur le site de l’AWID, du discours prononcé en anglais lors de l’ouverture du forum en question. Le texte en version originale conclut : « As a brilliant colleague Pat Mooney says « if the UN throws a party and civil society doesn’t RSVP there’s no party… » A thousand suits dragging their sorry briefs into a conference hall are a media « flat line » unless somebody clambers onto the roof. Herein lies NGOS strength [...] not on rooftops […] in not being either on the roof or in the room » (Kerr 2000). À la suite de ce forum, l’AWID a lancé une liste de discussion ouverte à ses membres et aux personnes ayant participé au forum en question, sur la pertinence des conférences mondiales et le rôle stratégique que les militantes féministes peuvent jouer au cours de ces rencontres. Cette liste était sous la responsabilité d’une animatrice (moderated).
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[53]
Au lieu du paragraphe cité plus haut, à compter du 20 novembre 2002, j’ai observé cette modification. Depuis, la page n’a pas été modifiée et était encore en ligne telle quelle au 3 décembre 2004. On y trouve alors quatre paragraphes dont les trois premiers reprennent presque textuellement l’intervention faite quelques jours après la tenue du forum de l’AWID par Leslie Wright, alors présidente du Comité des ONG sur la condition féminine aux Nations Unies à New York (intervention no 15, 10 octobre 2002). Ces paragraphes se lisent comme suit (le souligné est dans le texte) :
Also from the women’s movement there is no clear consensus coming to support another high level UN conference on women in 2005.
Many activists that have been involved in conferences in the past, and especially those who have been involved recently, were expressing concern that there is a negative situation among many of the countries right now -- a real backlash against women that could lead to an erosion of position (as experienced at the UNGASS on HIV/AIDS, the UNGASS on Children, and again at the WSSD). They further argue that we should spend the money on implementation, not on another conference.
Among those who are speaking in favour of having a WCW in 2005, most from developed countries, it is more that they would like to be supportive if women from the developing world want to have a conference. However, there does not seem to be overwhelming support, but there is support.
Lately, another perspective seemed to be emerging (AWID Conference, October 2002): Yes, we want to have a conference - but not at this very moment, we should postpone it until better global conditions for women are in place. This position implies that we should urge governments to affirm and plan for a fifth world conference on women, but it should be convened only by the end of the decade. This suggestion is a both/and position, because of the political dangers of a negotiated process given the current US administration and the rise of rightwing forces in the UN, and because women’s organizations could benefit from the time to lay out a clear agenda for assessment and moving forward, e.g., how to best utilize such an event. Some feel unwilling to turn all their resources to a World Conference at this time.
-
[54]
Cette information était à jour en date du 26 novembre 2004. Certaines intervenantes ou groupes sont intervenus plusieurs fois, notamment pour répondre aux arguments énoncés par d’autres.
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[55]
Il s’agit principalement des interventions africaines et d’une intervention iranienne. Il y avait également une intervention en allemand, mais, après traduction, elle a été écartée de l’analyse, car elle ne concernait pas le sujet débattu. Je remercie Christine Straehle pour la traduction de cette intervention.
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[56]
La majorité des quinze interventions (par treize intervenantes) a été faite par des individus en leur nom propre plutôt que par des organisations, et dix d’entre elles étaient clairement en faveur d’une cinquième conférence mondiale sur les femmes Une seule des interventions de cette région provenait du Canada. De surcroît, il s’agissait d’une position individuelle. Il est surprenant que l’Alliance féministe canadienne pour l’action internationale, qui découle du Comité coordonnateur canadien pour Beijing, ne soit pas intervenue à ce forum.
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[57]
Les onze interventions étaient en faveur d’une conférence mondiale en 2005. Une seule intervention provenait de l’Europe de l’Est (Moldavie, intervention no 51 qui insiste également sur l’importance des conférences régionales pour répondre aux problèmes propres à chaque région).
-
[58]
On compte treize interventions, dont une de la Nouvelle-Zélande et une de l’Australie. Huit d’entre elles (provenant de l’Iran, des Îles Fiji, du Kirghizstan, du Pakistan, de la Thaïlande, du Vietnam, ainsi que de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie) étaient pour une cinquième conférence.
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[59]
Sur un total de huit interventions, trois étaient clairement pour, deux étaient clairement contre, et trois autres étaient neutres, donnant ou demandant de l’information ou faisant un appel à l’aide plutôt général pour les femmes africaines. La plupart des interventions provenant de cette région sont très brèves comparativement aux interventions d’autres régions.
-
[60]
Seulement trois interventions ont été classées dans cette région. Les trois n’étaient pas en faveur d’une conférence mondiale en 2005.
-
[61]
Plutôt que de parler du « Moyen-Orient », j’ai retenu le nom que les Nations Unies emploient pour cette région. Les treize pays suivants sont membres de la Commission économique des Nations Unies et proviennent de cette région : l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, l’Irak, la Jordanie, le Kuweït, le Liban, Oman, la Palestine, le Qatar, la Syrie, le Yémen et l’Égypte (qui est également membre de la commission pour l’Afrique) (www.escwa.org.lb). L’initiative des dix femmes sages pour la « revitalisation du mouvement international des femmes » consiste en partie à donner davantage de place aux femmes issues de ces régions dans les mouvements internationaux de femmes, comme nous le verrons dans la conclusion du présent article.
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[62]
Ces interventions ont été classées dans la catégorie Autres soit parce qu’elles n’étaient pas identifiées, soit parce que les groupes en question étaient des groupes internationaux. Au nombre de ces groupes, on compte Soroptimist International, le Comité des ONG en condition féminine, ayant un statut consultatif auprès des Nations Unies, et l’International Federation of Business and Professional Women. Par contre, plusieurs des leaders de ces mouvements viennent de l’Amérique du Nord ou de l’Europe. J’ai classé deux des trois des interventions du groupe DAWN dans la région de l’Asie du Pacifique et une de Sonia Corrêa, du Brésil, dans la région de l’Amérique latine ; celles de WICEJ et du CWGL, tous les deux basés à New York, dans la région de l’Amérique du Nord. Parmi les onze interventions classées dans la catégorie « Autre », on en compte une majorité en faveur d’une conférence mondiale. C’est le cas notamment du groupe Soroptimist International (intervention no 7, 27 septembre 2002) et de l’International Federation of Business and Professional Women (intervention no 42, 4 mars 2003).
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[63]
Ce nombre est une addition des interventions américaines et européennes ainsi que des deux interventions de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. À cela, on pourrait ajouter un certain nombre de dirigeantes de groupes internationaux de femmes qui viennent de l’Amérique du Nord ou de l’Europe.
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[64]
L’absence d’intervention de cette région indique également un manque de lien entre les groupes assumant un leadership dans les débats, c’est-à-dire les groupes de femmes du Nord et les groupes de femmes situés en Asie de l’Ouest.
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[65]
Voir, par exemple, les interventions nos 35 (20 janvier 2003) et 37 (15 février 2003).
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[66]
C’est le cas notamment d’interventions provenant de l’Europe de l’Est et de l’Afrique.
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[67]
Intervention no 30 (12 décembre 2002).
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[68]
Voir, par exemple, l’intervention du Pacific Women’s Watch de Nouvelle-Zélande (intervention no 35, 20 janvier 2003).
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[69]
Ainsi, le Lobby européen des femmes propose que la conférence mette l’accent seulement sur de nouveaux enjeux tels que les femmes et les conflits, la mondialisation et les fondamentalismes religieux, afin d’éviter de rouvrir les débats passés (intervention no 25, 13 décembre 2002). De même, l’International Federation of Business and Professional Women se dit en faveur d’une conférence mondiale dans la mesure où le contenu du Programme d’action de Beijing n’est pas rouvert à la négociation ni dilué (intervention no 42, 4 mars 2003).
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[70]
Intervention no 14 (10 octobre 2002) qui a été faite quelques jours après le forum de l’AWID.
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[71]
Interventions nos 26 et 27 (13 novembre 2002), et 39 (6 mars 2003). Le groupe DAWN, qui réunit des chercheuses et des militantes du Sud, a été fondé en Inde en 1984 et son secrétariat est situé aux Îles Fiji en Asie. Cependant, les membres et responsables du groupe vivent dans divers pays du Sud. Des membres de ce groupe ont produit un véritable plaidoyer pour les femmes du Sud avant la tenue de la Conférence de Nairobi en 1985. Il a été publié sous le titre : Development, Crises and Alternative Visions : Third World Women’s Perspectives (Sen et Grown 1988). À partir des informations contenues sur le site Internet du groupe DAWN, il n’est pas aisé de préciser le recrutement de ses membres et sa vie associative. Seule la liste de noms d’une vingtaine des fondatrices du groupe est consultable sur le site (www.dawn.org.fj).
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[72]
Une des trois interventions est un texte de Sonia Corrêa, coordonnatrice de la recherche du groupe DAWN au Brésil. Ce texte est un résumé d’une communication présentée lors d’un débat intitulé « The Great Debate : Do UN Conferences Benefit Women? », tenu lors du forum de l’AWID en octobre 2002 (intervention no 27) (13 novembre 2002). Les deux autres interventions du groupe DAWN sont également en faveur d’autres processus d’évaluation de l’application du Programme d’action de Beijing.
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[73]
Intervention no 39 (6 mars 2003). Cette déclaration a été postée lors de la 47e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies.
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[74]
Intervention no 4 (9 septembre 2002).
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[75]
Pensons notamment au Japan’s Women’s Watch (intervention no 20, 26 octobre 2002), à l’Asia Pacific Women’s Watch et à l’Asia Pacific Caucus (intervention no 41, 31 mars 2003). Le Japan’s Women’s Watch est une coalition de groupes japonais qui était connue sous le nom de « Japan NGO Report Preparatory Committee for 2000 » lors du processus de Beijing + 5. Elle est membre du comité de gestion de l’Asia Pacific Women’s Watch. L’intervention de ce dernier est une retranscription de la déclaration lue au nom de l’Asia Pacific Women’s Watch et de l’Asia Pacific Caucus par Susanna George d’ISIS International-Manille, lors de la discussion organisée par le Comité des ONG sur la condition féminine parallèlement à la 47e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies à New York en mars 2003. L’Asia Pacific Women’s Watch est une coalition de diverses ONG de la région, qui a été lancée par le groupe ISIS International–Manille. Un bref historique de la coalition qui remonte à la conférence de Beijing ainsi que la liste des ONG participant au comité de gestion de cette coalition sont consultables sur le site internet de ce groupe (apww.isiswomen.org).
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[76]
Les animatrices du forum de discussion ont donné suite à cette recommandation en recopiant les points en faveur et à l’encontre de conférences régionales sur leur page d’accueil. Quelques semaines plus tard, cette section a été retirée lorsque la page d’accueil a été modifiée pour reprendre les éléments du débat formulés après le forum de l’AWID.
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[77]
Intervention no 3 (7 septembre 2002).
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[78]
Intervention no 41 (31 mars 2003).
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[79]
L’idée d’une conférence organisée par les ONG a été proposée, entre autres, par Devaki Jain (2000) et l’idée d’organiser une « conférence des femmes sur l’état du monde » soumise par Maria Suarez Toro, productrice de FIRE basé au Costa Rica, lors du forum de l’AWID et diffusée sur le site du groupe WIDE (intervention no 21, 29 octobre 2002).
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[80]
Cette coalition réunissant une quarantaine de membres (dont une vingtaine de l’Amérique du Nord et de l’Europe) a été mise sur pied en 2000 : « À partir d’une approche sur les droits de la personne, elle veut faire des liens entre le genre et les politiques macroéconomiques sur les scènes politiques internationales. Cette coalition adopte une analyse féministe intégrée qui fait des liens entre les systèmes multiples qui oppriment les femmes et reconnaît la diversité de leurs expériences selon la race, l’ethnicité, la classe, l’origine nationale, le statut de citoyenneté et d’autres facteurs » (traduction libre de l’auteure). Cette information est tirée du site de la WICEJ (www.wicej.addr.com). Carol Barton a également signé une intervention en son nom personnel en tant que citoyenne américaine critique de son gouvernement et qui s’inquiète de la montée des fondamentalismes religieux dans divers États, y compris les États-Unis (Intervention no 44, 7 avril 2003).
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[81]
Devaki Jain, d’origine indienne, a été l’une des cofondatrice du groupe DAWN.
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[82]
Des femmes détenant ou ayant détenu des postes au sein des Nations Unies, tels que ceux de la direction du Programme des Nations Unies sur la population et le développement et du Fonds des Nations Unies pour les femmes, étaient au nombre de ces « femmes sages ». Cette démarche relativement élitiste me laisse perplexe quant à sa capacité d’être plus inclusive et orientée vers la base des mouvements de femmes. Le rapport faisant état de cette rencontre est intitulé : Revitalising the International Feminist Movement, et est sous-titré by a group of women who initiated what has been called the […] Wise Women Process. (Shyam et autres 2002).
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[83]
Les ONG présentes aux Nations Unies en 2003 et en 2004 visent la tenue d’une telle conférence entre les années 2007 et 2010 en espérant que le contexte politique sera plus favorable et que les risques de recul se seront résorbés. On peut se demander si elles envisageaient l’élection à la fin de 2004 d’un nouveau président des États-Unis davantage favorable aux droits des femmes ? Malheureusement, avec la réélection en 2004 du président républicain George W. Bush aux États-Unis qui restera en poste jusqu’en décembre 2008, rien ne permet de croire que la situation ira en s’améliorant pour les droits des femmes sur la scène mondiale.
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[84]
De plus, en insistant sur le fait d’être nommés à titre de groupes coorganisateurs en parts égales avec le Comité des ONG sur la condition féminine lors des rencontres organisées parallèlement à la Commission de la condition de la femme des Nations Unies, ces deux groupes indiquent qu’ils refusent de s’intégrer à la structure que des ONG se sont donnée au sein des Nations Unies pour coordonner leurs actions. Ces deux groupes évitent ainsi de courir le risque de ne pas être élus à des postes de responsabilités au sein de ce comité. Cela suggère peut-être aussi une critique implicite de ce comité par ces deux groupes qui ont les ressources nécessaires pour jouer un rôle prépondérant dans la production d’avis experts, la diffusion de l’information et l’organisation efficace d’événements et d’activités de réseautage, alors que les membres du Comité des ONG sont plus souvent des bénévoles non professionnelles et que les groupes membres de ce comité ont eu peu d’impact lors des trois premières conférences mondiales sur les femmes (Stienstra 1994 : 100). Par contre, les autres groupes ayant participé aux rencontres ne sont pas nommés dans les rapports produits par la WEDO, le CWGL ou le Comité des ONG. En vue d’en arriver à une plus grande transparence et à une plus grande visibilité des groupes participant à ces discussions, il importerait de donner la liste des participantes en annexe de chaque rapport, comme cela a été pratiqué lors du Forum social mondial de Mumbai en janvier 2004 (WICEJ et autres 2004) et de la rencontre « Revitalising the International Feminist Movement » (Shyam et autres 2002).
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[85]
Par exemple, l’arrivée au pouvoir du président républicain George W. Bush aux États-Unis en 2001 aura eu plusieurs effets négatifs concernant les droits des femmes sur la scène mondiale. Dès le premier jour de son entrée en fonction en janvier 2001, le président Bush a rétabli la « politique de Mexico » adoptée en 1984 par Reagan, à savoir que le gouvernement des États-Unis ne financerait plus les activités du Fonds des Nations Unies pour la population ni les ONG qui font la promotion de l’avortement dans quelque pays que ce soit. Cette politique avait été abolie en 2000 par le président démocrate Bill Clinton (Parent 2001; Buss et Herman 2003 : 65). En septembre 2001, alors que la Conférence mondiale contre le racisme touchait à sa fin à Durban, en Afrique du Sud, les attentats du 11 septembre en territoire américain, contre des cibles américaines hautement symboliques tels que le World Trade Center et le Pentagone, ont donné au président Bush le prétexte afin de déclarer la guerre contre l’Afghanistan (2001) puis la guerre contre l’Irak (2003). Au cours des diverses étapes de cette « guerre contre le terrorisme », les États-Unis et leurs quelques alliés ont fait fi de plusieurs résolutions adoptées par les Nations Unies et ont montré leur dénigrement de cette organisation internationale. Ces pratiques font craindre l’adoption de plus en plus systématique de politiques unilatéralistes de la part du gouvernement (ou plutôt de l’empire) américain.
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[86]
Cette session devait avoir lieu du 19 au 22 septembre 2001, mais, en raison des attentats contre le World Trade Center, elle a été reportée au 8 mai 2002.
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[87]
Par exemple, au Sommet sur les enfants en 2002, plusieurs représentants de la droite chrétienne faisaient partie de la délégation américaine, tels que Janice Shaw Cruse, du Beverly Lahaye Institute affilié au groupe antiféministe Concerned Women for America, Bill Saunders, du Family Research Council, et John Klink, ancien ambassadeur du Vatican auprès des Nations Unies (Buss et Herman 2003 : 53 et 150). La pratique de nommer des personnes représentant des ONG au sein de délégations gouvernementales n’est pas nouvelle, plusieurs autres États le font aussi. Par contre, sous l’administration Clinton, les personnes invitées à participer aux délégations officielles venaient de groupes en faveur des droits des femmes. Buss et Herman soulignent d’ailleurs que les groupes de la droite chrétienne américaine avaient été très critiques de cette pratique à l’époque (2003 : 53).
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[88]
Les facteurs externes ont également des effets sur les facteurs internes liés à la crise, notamment en ce qui a trait à l’hégémonie américaine, à la domination blanche occidentale et à la généralisation du modèle de développement capitaliste néolibéral qui conduit à l’institutionnalisation et à la privatisation des groupes de femmes.
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