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Introduction

Le tiers secteur regroupe des organisations qui ne relèvent ni de l’État ni du secteur privé. Il inclut les entreprises d’économie sociale, les organismes communautaires et bénévoles, ainsi que d’autres organismes à but non lucratif (OBNL) (Bélanger, 1999; Mazzei, Teasdale, Calò et Roy, 2020). Bien qu’à priori hétérogènes, ces organisations ont en commun une action de proximité et l’adhésion à des valeurs de solidarité et d’entraide (Bélanger, Sullivan et Sévigny, 2000). De plus, leur rôle s’avère en partie complémentaire à celui de l’État et du secteur privé dans la mesure où ils contribuent à produire des services qui le seraient difficilement autrement, puisque jugés non indispensables, dispendieux ou peu lucratifs (Bélanger, Sullivan et Sévigny, 2000). Les pratiques qu’ils proposent sont également alternatives compte tenu de leur caractère plus informel, convivial et égalitaire (Duval et al., 2005; René, 2007). Au Québec, le tiers secteur occupe une place importante dans la mise en oeuvre des politiques publiques depuis les décennies 1980-1990, ce qui a valu au modèle québécois d’être désigné en tant qu’État partenaire[3] (Vaillancourt, 2011).

En matière de santé et bien-être, la présence des organismes du tiers secteur précède le modèle de l’État providence. Avant 1960, plusieurs organisations mises sur pied par l’Église ou par des syndicats assumaient — avec le secteur informel — la majorité des soins aux personnes (Vaillancourt et al., 2001). Sans les faire disparaitre complètement, l’étatisation des services de santé en 1960–1970 les a reléguées à un rôle plus marginal et a réduit leur visibilité (Vaillancourt et al., 2001). À partir des années 1980, la présence des OBNL en santé et services sociaux a toutefois cru de manière exponentielle, notamment avec la création de nombreux organismes communautaires autonomes (Fortin, 2003). Le nombre d’organismes recevant du financement du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) par le biais du programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) est passé d’environ 30 OBNL en 1973 à 3 360 en 2013 (MSSS, 2015)[4]. Leur croissance numérique s’est doublée d’une reconnaissance plus formelle et d’un nombre croissant d’emplois générés par les OBNL (Bélanger, 1999). Il importe aussi de souligner la contribution multiple de ces organismes. Ces derniers fournissent non seulement des services de première ligne, mais concourent à la reconnaissance des besoins de la population et de plusieurs problèmes sociosanitaires (Bélanger, 1999). Ces organismes s’illustrent également par leur contribution bénévole ou citoyenne importante, leur gouvernance démocratique, leur créativité et leur capacité à s’adapter rapidement à l’évolution des communautés (Bélanger, 1999).

Jusqu’à présent, les OBNL de certains domaines sociosanitaires ont fait l’objet d’une analyse détaillée, dont ceux en santé mentale (Grenier et Fleury, 2009; 2014) et en itinérance (Grenier, 2013). Les organismes en périnatalité[5] n’ont toutefois pas fait l’objet d’un examen aussi attentif. La mise en oeuvre de la politique de périnatalité interpelle pourtant le tiers secteur quant à la prestation de services aux familles et à l’amélioration de leurs conditions de vie (MSSS, 2008). De plus, les OBNL sont partie prenante des services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance (SIPPE), que ce soit par l’accompagnement des familles ou par la promotion d’environnements favorables à leur santé (MSSS, 2004; 2019). Les OBNL en périnatalité incluent plusieurs catégories d’organismes non mutuellement exclusives, dont les organismes en promotion et soutien à l’allaitement maternel, des organismes communautaires familles (OCF) ayant développé des services périnataux et des centres de ressources périnatales (CRP). Ces derniers se distinguent par ailleurs par la position mitoyenne qu’ils occupent dans le tiers secteur : ils sont majoritairement issus de l’action communautaire autonome[6] dans le champ de la famille, mais se réclament tous de l’économie sociale[7]. Le cadre de référence adopté par le Réseau des CRP[8] (Réseau des CRP, 2009) précise leur domaine d’intervention en leur confiant un mandat triple par rapport aux familles en période périnatale :

  1. Fournir aux familles des services et un milieu de vie, incluant du soutien personnalisé, de la formation et de l’entraide entre pairs;

  2. Promouvoir leurs intérêts et le développement d’environnements adaptés à leurs besoins et conditions;

  3. Favoriser l’évolution des mentalités et pratiques dans une optique de respect de la physiologie de la maternité et de promotion de la santé globale.

En 2020, le Réseau des Centres de ressources périnatales compte dix-huit membres, répartis dans onze régions administratives du Québec (Réseau des CRP, 2020). Parmi ces organismes, dix sont reconnus officiellement en tant que CRP par le MSSS et sont subventionnés par ce même ministère pour leur volet d’économie sociale.

Jusqu’à présent, les écrits scientifiques concernant les CRP apparaissent limités. Bien qu’il existe quelques monographies au sujet de CRP spécifiques (A.-Lizotte, 2014; Élie, 2014; Mercier, 2014; Picard, 2014), celles-ci ne permettent pas de donner une vue d’ensemble de ces organisations ou de faire ressortir leurs caractéristiques et enjeux communs. Cinq CRP avaient néanmoins fait l’objet d’une évaluation d’implantation (Beaudoin, 2002). Suivant les différentes réformes qui ont transformé le réseau de la santé et des services sociaux, ces données ne reflètent plus nécessairement leur situation contemporaine. Afin d’offrir un portait actuel et exhaustif des CRP arrivés à maturité, les données issues d’une étude élargie (Roch, 2014) ont ici été mobilisées dans le but de dégager les caractéristiques spécifiques aux CRP du Québec. L’article se subdivise en trois sections : 1) la méthode de recherche utilisée, à savoir la démarche d’échange d’information stratégique; 2) les résultats, organisés en neuf dimensions de l’environnement interne et externe des CRP; 3) la discussion, permettant de faire le pont entre cette « photo » des CRP et les enjeux de fond avec lesquels ces organismes composent de nos jours.

Méthode

Plus connue sous le nom de scan environnemental, la démarche d’échange d’information stratégique est un moyen efficace et organisé pour recueillir des informations sur l’environnement interne et externe d’une institution (Côté, Lauzon et Kyd-Strickland, 2008; Pashiardis, 1996; Porterfield et al., 2012). Il existe une multitude de techniques et de sources qui peuvent être utilisées pour collecter et analyser les informations recueillies par le biais de cette méthode (Hatch et Pearsons, 1998). Dans le cadre de cette étude, trois sources de données ont été utilisées : 1) sources documentaires internes aux CRP (n = 423); 2) sources documentaires externes (n = 50); 3) entretiens structurés auprès de représentantes (n = 13) des CRP participants. Les sources documentaires constituaient les principales sources de données, puisque présentant plusieurs avantages : 1) couverture d’une longue période de temps et d’un large éventail d’aspects; 2) précision et exactitude des informations, particulièrement des données quantitatives; 3) caractère peu intrusif et énergivore pour les organisations participantes; 4) facilité de traitement, puisque accessibles rapidement et pouvant être consultées à plusieurs reprises (Yin, 2000). Les entretiens ont quant à eux servi à compléter l’information manquante et à valider/clarifier certains aspects spécifiques relevés dans l’analyse documentaire (Pashiardis, 1996). Les informations ont été recueillies avec le soutien d’un comité formé de six représentantes mobilisées par le Réseau des CRP. Dans une logique de recherche collaborative, elles ont notamment contribué à faciliter les stratégies de collecte des données, à interpréter les constats ressortant des analyses préliminaires et à maximiser l’application des connaissances en pratique (Baumbusch et al., 2008). Neuf des dix CRP invités ont accepté de participer à l’étude. La collecte des données s’est déroulée d’avril à novembre 2013. Pour les données administratives recueillies, l’année de référence retenue est l’année 2011-2012. Les sources documentaires internes ont été recueillies auprès des directrices et via les sites Web des CRP participants sur la base d’une liste préliminaire de sources potentielles qui a été bonifiée par les informateurs-clés. Les sources documentaires externes ont principalement été recueillies via des sites Web gouvernementaux et des bases de données statistiques pour compléter la caractérisation des CRP au niveau de leur environnement, des politiques publiques qui les encadrent et des acteurs externes qui influencent leurs services. Une fois les données extraites des sources documentaires et classifiées sur la base d’une grille sommaire s’inspirant de Comeau (2000), les informations ont été complétées via les entretiens de vérification auprès des acteurs impliqués dans la gouverne des CRP. Les 13 entretiens ont été conduits par téléphone auprès d’informateurs et informatrices-clés issus des neuf CRP participants, principalement des directrices et des coordonnatrices. Les entretiens n’ont pas été enregistrés, mais les réponses des personnes participantes étaient consignées à même la grille. Selon le cas, des sources documentaires additionnelles étaient transmises à l’appui des informations s’ajoutant et/ou se précisant. L’ensemble des informations issues des sources documentaires et des entretiens était saisi à l’intérieur de tableaux Excel. L’analyse en profondeur de ces données a été réalisée à partir d’une adaptation de la grille de Comeau (2000) pour l’étude des entreprises d’économie sociale. Nous l’avons adaptée de deux façons aux fins du présent projet :

  1. En l’utilisant pour faire le portrait des organisations à l’étude (n=9) (la grille initiale était faite pour réaliser des monographies portant sur une organisation spécifique);

  2. En ajustant les indicateurs et dimensions aux réalités des CRP, tout en s’assurant de couvrir les grandes dimensions initiales : l’environnement actuel, le contexte d’émergence, les acteurs et les actrices, la dimension institutionnelle et la dimension organisationnelle, ainsi que le bilan de l’organisation.

Pour documenter plus spécifiquement le bénévolat au sein des CRP, les tâches réalisées par les acteurs et les actrices agissant comme bénévoles ont été analysées selon la classification proposée par Vézina et Crompton (2012). Suivant l’endroit où les données ont été traitées, l’étude a été conduite avec l’autorisation du comité d’éthique et de la recherche du CHU de Québec-Université Laval.

Résultats

Neuf dimensions des environnements interne et externe des CRP ont été documentées : 1) territoire d’intervention; 2) origines; 3) population ciblée; 4) mission; 5) programmation; 6) structure de gouvernance; 7) financement; 8) ressources humaines; 9) relations externes.

Territoire d’intervention

Les CRP interviennent sur des territoires d’étendue très variable (voir Tableau 1). Sur les neuf CRP étudiés, cinq interviennent dans leur municipalité régionale de comté (MRC) respective, tandis qu’un seul étend son action à toute sa région sociosanitaire. Les trois autres CRP desservent des territoires couvrant respectivement : quelques arrondissements; une ville; plus d’une MRC.

Tableau 1

Territoires d’intervention couverts par les CRP en 2011-2012

Territoires d’intervention couverts par les CRP en 2011-2012

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Origines

Les CRP étudiés se sont plus précisément constitués en tant qu’OBNL entre 1979 et 1998. Deux CRP ont donc une existence de plus de 30 ans et six existent depuis plus de 20 ans. L’acquisition de leur statut de CRP est toutefois plus récente et s’échelonne de 1998 à 2001 (certains CRP s’étant constitués à partir d’OBNL préexistants offrant déjà des services aux familles). En fait, le concept de CRP trouve son ancrage dans un projet pilote né à la fin des années 1990 et mené jusqu’en 2004, lequel réunissait le ministère de la santé et des Services sociaux et divers acteurs et actrices des mouvements féministe, communautaire et de l’économie sociale. Ce projet visait en fait à implanter une quinzaine d’organismes offrant des services en périnatalité dans différentes régions du Québec, dont les coûts seraient partagés par l’État, les familles usagères et d’autres partenaires, et ce avec l’intention d’atteindre les objectifs de prévention énoncés dans les politiques québécoises de santé et de périnatalité (Beaudoin et al., 2002; Comité aviseur en périnatalité, 2004; Naissance-Renaissance et Chantier de l’économie sociale, 1998; Regroupement Naissance-Renaissance, 2004; Thibodeau, 2002).

Population ciblée

Parmi les neuf CRP étudiés, quatre cherchent à rejoindre exclusivement les familles en période périnatale, soit de la conception jusqu’à la première ou la deuxième année de vie du bébé. Un CRP a fixé l’admissibilité à ses services de la période préparatoire à la naissance, jusqu’à la cinquième année de vie de l’enfant. Les quatre autres s’adressent à l’ensemble des familles, peu importe l’âge des enfants. Dans tous les cas, la population ciblée ne se limite pas aux familles qui présentent les critères de vulnérabilité généralement reconnus par les bailleurs de fonds gouvernementaux[9]. Le nombre de familles desservies par l’ensemble des activités varie d’un organisme à l’autre (voir Tableau 2). En 2011–2012, il fluctuait de 309 à 2 017 familles avec un nombre médian de 761 familles. Le Tableau 2 situe chacun des CRP étudié en fonction du nombre de familles rejointes.

Tableau 2

Nombre de CRP selon le nombre de familles rejointes en 2011-2012

Nombre de CRP selon le nombre de familles rejointes en 2011-2012

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Mission

L’examen de la mission des CRP fait ressortir quatre orientations faisant écho à la classification de Belleau (1999) adaptée par le comité sectoriel de main-d’oeuvre de l’économie sociale et de l’action communautaire (2007). Premièrement, les CRP visent à être des milieux de vie, c’est-à-dire à générer des liens d’appartenance et à renforcer le réseau social des familles. Deuxièmement, ils se veulent aussi des milieux d’apprentissage, où les parents peuvent développer leurs compétences parentales. Troisièmement, tous sont des milieux de production de biens et de services, notamment des ateliers sur des sujets variés et des visites de soutien à domicile. Quatrièmement — bien que de manière moins soutenue — les CRP visent à être des milieux de défense et de promotion de la famille, notamment en faisant valoir les intérêts des familles de jeunes enfants et en améliorant les ressources qui leur sont offertes.

Programmation

Bien que selon leur cadre de référence, trois grandes orientations structurent l’action des CRP (offre de services; défense des droits; sensibilisation grand public), on constate que dans la pratique, l’essentiel de leur programmation se concentre autour de l’offre de services directs aux familles. Par ailleurs, il importe de souligner que la programmation de tous les CRP ne se limite pas à la périnatalité. En fait, cinq des CRP étudiés offrent également un volet de services s’étendant au-delà de cette période, soit durant l’enfance et l’adolescence[10].

La programmation périnatale peut être subdivisée en dix catégories de services et activités : 1) la préparation à la naissance et à l’arrivée du bébé; 2) la mise en forme pré et postnatale; 3) l’apprentissage des soins à donner au bébé et le développement des compétences parentales; 4) le soutien à domicile; 5) le répit ; 6) le soutien à l’allaitement; 7) la stimulation des bébés; 8) l’échange entre parents; 9) le soutien pré et postnatal aux parents vivant des situations particulières; 10) le soutien matériel. Le Tableau 3 à la page suivante précise les services de chaque catégorie et le nombre de CRP qui les offrent.

La programmation hors-périnatalité se subdivise, pour sa part, en sept catégories, similaires à celles offertes en période périnatale. Une catégorie lui est cependant spécifique, soit les activités récréatives et éducatives destinées aux enfants et adolescents. Le détail et la fréquence de chaque catégorie figurent au Tableau 4 (page 91).

Tableau 3

Catégories d’activités/services périnataux offerts par les CRP en 2011-2012

Catégories d’activités/services périnataux offerts par les CRP en 2011-2012

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Tableau 4

Catégories d’activités et de services offerts par les CRP en 2011-2012 au-delà de la période périnatale

Catégories d’activités et de services offerts par les CRP en 2011-2012 au-delà de la période périnatale

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Structure de gouvernance

À l’instar de la majorité des OBNL, la structure de gouvernance des CRP se compose de trois paliers : l’assemblée générale, le conseil d’administration (C.A.) et divers comités de travail. Le membership des CRP inclut jusqu’à trois catégories. La première est constituée des membres « réguliers », lesquels sont autorisés à participer aux assemblées générales, à voter et à être élus au C.A. Tous les CRP reconnaissent ce type de membres. La deuxième catégorie est constituée des membres « de soutien », qui peuvent participer aux assemblées et voter, mais ne peuvent pas être élus. On retrouve cette catégorie dans six CRP. La troisième catégorie est celle des membres « corporatifs », soit des organisations du milieu qui adhèrent aux CRP. Ces dernières ne peuvent voter ou être élues au C.A., mais peuvent assister aux assemblées. Ce type de membres se retrouve dans deux CRP étudiés.

La composition des C.A. est sujette à variation. Certains CRP prévoient la présence de membres de la communauté (n=5) ou un nombre minimal d’usagers au sein du C.A. (n=4). Par ailleurs, les règlements généraux de huit CRP prévoient la présence de la direction. Toutefois, quatre précisent qu’elle n’a pas droit de vote, tandis que les autres le lui octroient (n=1) ou ne le précisent pas (n=2).

En fonction des besoins du C.A., des comités de travail formés de personnes usagères et de personnel salarié peuvent être constitués. Ces derniers effectuent des tâches nécessaires au fonctionnement, notamment en lien avec la gestion, le financement et l’offre de services.

Financement

Les CRP tirent leurs revenus de cinq sources : 1) financement à la mission globale; 2) subvention pour le volet d’économie sociale; 3) revenus de vente de biens et de services; 4) financement par projet ; 5) autofinancement.

La quasi-totalité des CRP (n=8) reçoit un financement récurrent afin de soutenir la réalisation de leur mission et fonctionnement de base, lequel leur est offert par le MSSS (n=5) ou le ministère de la Famille et des Ainés (MFA) (n=3). L’autre CRP étudié était en attente d’un tel octroi. En 2011-2012, le montant reçu par les huit CRP soutenus pour leur mission globale variait de 44 316 $ à 146 080 $ avec une valeur médiane de 88 065$. Dans l’ensemble, le financement à la mission globale représente 16,9 % du financement total des CRP étudiés.

Tous les CRP étudiés reçoivent une subvention annuelle du MSSS pour leur volet d’économie sociale. Ce financement découle d’une entente conclue avec ce ministère lors du processus d’expérimentation débuté en 1998. À l’origine, il était prévu que le montant versé aux CRP varierait en fonction de divers critères. Toutefois, celui-ci a été plafonné avec une indexation au coût de la vie. En 2011-2012, les CRP recevaient un montant variant de 101 775 $ à 316 580 $ avec une valeur médiane de 138 992 $. Les sommes reçues à ce titre représentent en moyenne 37,0 % du financement total annuel des CRP.

Les CRP tirent une part importante de leurs revenus de la vente de biens et services. Se classent dans cette catégorie les revenus tirés de la tarification de certains ateliers. Il peut également s’agir de revenus tirés de la location d’espaces à d’autres organismes. S’y rangent aussi les revenus générés par des ententes de services. Celles-ci sont établies avec différents paliers de gouvernement et couvrent, en totalité ou en partie, la prestation de services complémentaires aux services publics. Tous les CRP étudiés ont conclu des ententes de ce type avec différents partenaires, bien que de nature et d’ampleur variables. Parmi celles-ci, on compte les sommes reçues dans le cadre du Programme d’action communautaire pour les enfants (PACE) et du Programme canadien de nutrition prénatale (PCNP). En 2011-2012, au moins quatre CRP bénéficiaient d’un montant médian de 51 332$ du PACE afin d’offrir des services à des familles d’enfants 0–12 ans présentant certains facteurs de risque. La même année, au moins trois d’entre eux reçoivent un montant médian de 10 500 $ pour offrir des services à des femmes enceintes dans le cadre du PCNP. On compte également des ententes conclues avec les CSSS (maintenant fusionnés à même les CISSS et CIUSSS[11]) dans le cadre du programme SIPPE (n=4) ou d’ententes de gré à gré visant la prestation de relevailles à des familles ciblées (n=3). Certains CRP (n=5) reçoivent aussi des sommes du MFA pour leur halte-garderie communautaire.

Les CRP (n=9) reçoivent du financement pour mettre en oeuvre divers projets, par exemple des activités de promotion de l’allaitement maternel ou de valorisation de la paternité. Bien que le financement par projet soit en principe non récurrent, la réalisation de certaines de leurs activités repose sur ce type de financement depuis plusieurs années.

Enfin, tous les CRP font de l’autofinancement. Celui-ci provient des contributions financières et cotisations des usagers et usagères, ainsi que des dons de particuliers ou entreprises.

Ressources humaines

Trois catégories d’acteurs et d’actrices composent les ressources humaines des CRP : les membres réguliers, les bénévoles et les membres de l’équipe de travail. En ce qui a trait aux membres réguliers, leur nombre varie entre 40 et 1 800 familles avec une médiane de 601 familles. Leur contribution consiste notamment à assister aux assemblées générales et à élire le C.A.

Le nombre de bénévoles impliqués dans les CRP varie quant à lui entre 31 et 187 avec une médiane située à 75 bénévoles. Leur contribution prend des formes variées se déclinant en 10 catégories de tâches 1) enseignement et mentorat; 2) participation à un conseil ou à un comité; 3) sollicitation de fonds ; 4) collecte ou distribution de nourriture et d’autres biens; 5) entretien et réparations; 6) transport; 7) travail de bureau ou tenue de livres; 8) organisation d’évènements; 9) counseling; 10) autres activités (ex. : accueil).

Par rapport aux membres de l’équipe de travail, notons d’abord que leur nombre est variable d’un CRP à l’autre. Ainsi, en 2011-2012, la taille des équipes fluctuait de 7 à 33 personnes salariées avec un nombre médian de 15 personnes. On retrouve six types de postes au sein des CRP : 1) direction et soutien à la direction; 2) soutien administratif et accueil; 3) coordination de secteurs; 4) animation et intervention; 5) assistance périnatale à domicile; 6) autres postes. En 2011-2012, des proportions similaires de travailleuses et de travailleurs étaient employés à temps plein (35 heures et plus par semaine) et à temps partiel ou sur un mode occasionnel. Certains postes étaient toutefois surreprésentés dans la deuxième catégorie, soit les postes d’animation, d’intervention ou d’assistance périnatale.

Relations externes

Les CRP ont développé des liens variés avec des organisations issues de plusieurs secteurs. Bien qu’ils ne résument pas l’ensemble de leurs collaborations et partenariats, les relations entretenues avec les organisations du tiers secteur et du réseau public de la santé et des services sociaux apparaissent essentielles à la vie des CRP.

Les liens tissés avec les organismes du tiers secteur sont surtout établis à travers la participation à des organisations intermédiaires, soit des regroupements, des tables de concertation et des coalitions. Tous les CRP sont membres du Réseau des centres de ressources périnatales du Québec. Cette adhésion joue un rôle important dans le développement et la reconnaissance des CRP à l’échelle provinciale. Des CRP adhèrent également à d’autres regroupements nationaux selon leurs préoccupations et leur programmation (Fédération québécoise des organismes communautaires Famille; Regroupement Naissance-Renaissance; Association des haltes-garderies communautaires du Québec, etc.). Les CRP participent également à de nombreuses tables de concertation en petite enfance, économie sociale et développement social. Dans une moindre mesure, ces derniers contribuent aussi à des coalitions locales ou régionales portant sur des enjeux variés (pauvreté, logement social, allaitement, etc.).

Concernant les liens avec les établissements publics, les CRP étudiés entretenaient tous des liens avec les établissements de première ligne en santé et services sociaux (notamment les Centres locaux de services communautaires CLSC) par l’intermédiaire des tables de concertation en périnatalité et petite enfance. De plus, tous collaboraient directement avec ces établissements, que ce soit par le biais de la promotion de services ou de références de clientèles, d’ententes de services ou encore, de transfert d’expertise professionnelle. La formalisation d’ententes de collaboration varie toutefois d’un territoire à l’autre et il ressort que la majorité des relations demeurent de nature informelle. Cinq CRP ont développé des liens avec le centre hospitalier de leur territoire, se traduisant surtout par la promotion des services des CRP. Finalement, quelques CRP ont établi des liens avec un centre jeunesse (n=2) ou une maison de naissance lorsque présente sur le territoire (n=1).

Discussion

Le présent article avait pour but de caractériser les CRP, soit des organismes qui offrent aux futurs et nouveaux parents du Québec des activités et services visant à répondre au mieux à l’évolution de leurs besoins en période périnatale. Pour ce faire, neuf dimensions ont été documentées sur la base de la méthode du scan environnemental (Côté, Lauzon et Kyd-Strickland, 2008; Pashiardis, 1996). Les caractéristiques dégagées par l’analyse descriptive permettent de faire ressortir le profil distinct des CRP, de même que leurs forces, en plus d’esquisser plusieurs enjeux et défis auxquels ils peuvent être confrontés. Ces derniers ont été regroupés en sept constats-clés.

Le premier constat est à l’effet que les CRP couvrent des territoires très contrastés. Ces derniers sont non seulement d’étendues et de densité démographique variables, mais les populations vivant sur leurs territoires se distinguent également selon : 1) l’âge; 2) la structure des ménages; 3) le revenu; 4) la scolarité; 5) le solde migratoire international; 6) le nombre de naissances et le taux de natalité (voir Roch et al., 2014). Les caractéristiques des communautés territoriales desservies influencent évidemment l’intensité des besoins et le volume de demandes de services (Roch et al., 2014). Toutefois, elles orientent également l’action des CRP vers des sous-populations distinctes et influencent la nature des activités et des services spécifiques, offerts dans chacun des CRP (ex. : pour familles recomposées, à faible revenu, immigrantes, etc.) (Roch et al., 2014). Cet ancrage dans les besoins des communautés locales apparait par ailleurs souhaitable pour répondre efficacement aux problèmes sociosanitaires des familles tout en renforçant leur pouvoir d’agir (Carey, Crammond et De Leeuw, 2015).

Le deuxième constat concerne les origines hybrides des CRP. En fait, ces derniers s’imposent comme les héritiers de plusieurs mouvements sociaux québécois : 1) les mouvements féministe et d’humanisation des naissances; 2) le mouvement communautaire, particulièrement la filiale des organismes communautaires du secteur de la famille; 3) le mouvement de l’économie sociale. Cette filiation particulière confère aux CRP une originalité qui se reflète notamment dans leur capacité à métisser les logiques redistributives (activités et services gratuits), réciprocitaires (bénévolat et entraide entre pairs) et marchandes (vente de biens et services) dans leur fonctionnement (Laville, 2010, cité dans Bergeron-Gaudin et al. 2011, p. 2).

Le troisième constat a trait à la clientèle « universelle » des CRP. Ces derniers se distinguent d’autres organismes par leur volonté d’offrir des services à l’ensemble des familles en période périnatale, indépendamment de leurs ressources financières ou d’autres caractéristiques. La préférence des CRP pour une offre de services dite universelle repose sur le constat clairement démontré que la période périnatale constitue une transition porteuse de vulnérabilité aux plans biologique, psychologique, cognitif et social pour toutes les familles (Hamelin-Brabant et al., 2014). Ce faisant, les CRP se distancient d’une approche ciblée, qui consisterait à ne desservir que les familles les moins favorisées en adoptant davantage une logique s’inscrivant dans l’universalisme (HELP, 2011). Bien qu’il s’agisse en partie d’un point positif, les CRP auraient peut-être avantage à mettre davantage en évidence la forme particulière d’universalisme qu’ils souhaitent privilégier. À ce propos, notons qu’on en distingue généralement deux formes principales, soit l’universalisme simple et l’universalisme proportionné. Le premier consiste essentiellement à offrir à toutes les familles les mêmes ressources de manière impartiale, c’est-à-dire indépendamment de leur profil (Carey, Crammond et De Leeuw, 2015; HELP, 2011). Le second, combine une plate-forme de services accessibles à tous et des services additionnels, spécialement conçus pour les familles ayant des besoins plus intenses, en plus de prévoir des mécanismes visant à réduire les obstacles à l’accessibilité des services généraux pour ces dernières (Carey, Crammond et De Leeuw, 2015; HELP, 2011).

Malgré que des débats soient possibles, une approche d’universalisme proportionné apparait potentiellement comme la forme la plus avantageuse à promouvoir dans le domaine de la périnatalité (Carey, Cramond et De Leeuw, 2015). Il est en effet bien établi dans les écrits que la vulnérabilité chez les enfants existe à tous les niveaux du gradient social, mais que sont les enfants les moins favorisés qui sont les plus à risque d’éprouver des problèmes de développement (Kershaw et al., 2009). Dans les faits, plusieurs CRP adhèrent à une forme d’universalisme proportionné en fournissant des services à des familles dites vulnérables dans le cadre des programmes fédéraux prévus à cet effet et en offrant, selon la disponibilité des ressources, des services aux familles plus favorisées. Toutefois, il pourrait s’avérer judicieux pour les CRP de l’affirmer plus explicitement dans leur discours et même de le valoriser dans leurs orientations et leurs revendications. Ajoutons à ce propos qu’un enjeu à prévoir pour ces organisations est de veiller à ce que la bonification de l’offre de services destinés aux familles de la classe moyenne (par ailleurs souhaitable) ne se fasse pas au détriment de la reconnaissance et de la réponse aux besoins des familles fragilisées par divers facteurs de risque (pauvreté, faible scolarité, racisme, etc.). Dans une optique d’équité en santé, il importe de reconnaître que si toutes les familles sont susceptibles de rencontrer des difficultés et donc de nécessiter du soutien, toutes ne sont pas égales face aux risques sociosanitaires. En pratique, cette conviction nous invite à privilégier un modèle d’organisation des services par paliers ou par étapes dans le champ de la périnatalité et de la petite enfance, ce qui permettrait de répondre à des besoins de nature et d’intensité différentes (voir à ce propos Carey, Crammond et De Leeuw, 2015).

Un quatrième constat tient au caractère holiste de la philosophie d’intervention des CRP. Relativement à leur mission, on note d’abord que ces derniers visent non seulement à fournir des services psychosociaux et des ateliers éducatifs aux familles, mais qu’ils aspirent également à leur offrir un milieu de vie et à défendre leurs droits, ainsi que leurs intérêts. En ce sens, les CRP partagent plusieurs caractéristiques avec les OCF (Lacharité et al., 2016; 2019; Mailloux, 2020; René, Soulière et Jolicoeur, 2004). À l’instar de ces derniers, les CRP permettent aux familles de participer à la vie quotidienne de l’organisation, que ce soit simplement en étant présents sur place et en échangeant dans un cadre informel ou en participant à la définition des orientations et priorités organisationnelles. La programmation des CRP témoigne également d’une grande diversité. Celle-ci est composée d’une dizaine de catégories de services et d’activités allant de la préparation à la naissance au soutien matériel. Un trait intéressant de la programmation des CRP est qu’elle excède les frontières de l’intervention individuelle en intégrant notamment des groupes de soutien ou d’échanges. Or, ces interventions peuvent constituer un tremplin entre intervention individuelle et action collective (Wood et al., 2011). En partageant leurs expériences respectives, les participants et les participantes au groupe en viennent à tisser des liens entre leur propre situation et celles des autres. Dans un premier temps, cela peut permettre de prendre conscience des facteurs structurels qui contribuent à l’émergence ou au maintien des difficultés individuelles, conjugales et familiales. Ultimement, cet exercice peut déboucher sur l’identification de solutions collectives (Lapierre et Levesque, 2013). Dans l’ensemble, l’approche d’intervention des CRP s’avère très cohérente avec l’approche écologique (Bronfenbrenner, 1977), puisqu’elle cible à la fois les facteurs personnels et environnementaux, susceptibles d’influencer la santé et le bien-être des familles et qu’elle propose une diversité de leviers pour les renforcer. Néanmoins, bien que ces différents volets de mission et de programmation soient complémentaires, il peut s’avérer difficile de les équilibrer concrètement sur le terrain (René, Soulière et Jolicoeur, 2004). À ce propos, des observateurs notent tout comme nous une tendance à l’individualisation de l’intervention au sein des OBNL, particulièrement chez ceux oeuvrant auprès des familles et des jeunes (René, 2009). Ce phénomène serait attribuable aux besoins et attentes des personnes rejointes par les services, à la professionnalisation des ressources humaines du tiers secteur et aux exigences de l’État et des autres bailleurs de fonds (René, 2009).

Un cinquième constat concerne l’importance de la structure démocratique des CRP. Comme pour d’autres OBNL, leur mode de gouvernance fait d’eux des espaces propices au développement du pouvoir d’agir (René, 2009). Ces organisations favorisent la participation sociale des parents et d’autres individus de la communauté à divers degrés, que ce soit à travers les assemblées générales, l’implication au conseil d’administration, la participation aux comités de travail ou d’autres formes de bénévolat (Ninacs, 2008). Le rôle des comités de travail (ex. : comités d’embauche, de collecte de fonds, d’implantation de politiques) réunissant parents, bénévoles et personnel salarié mérite particulièrement d’être souligné. Ceux-ci sont non seulement nécessaires au bon fonctionnement des CRP, mais constituent des espaces alternatifs d’exercice de la démocratie (Duval, 2007; Duval et al., 2011). Comparativement aux instances de pouvoir formel, leur mandat correspond souvent mieux aux intérêts et compétences des personnes usagères compte tenu qu’il s’avère plus concret et ponctuel (Duval, 2007). Les comités de travail offrent tout de même la possibilité de développer des compétences, de renforcer l’estime personnelle et de consolider la solidarité entre les membres (Duval, 2007). Par les relations externes qu’ils entretiennent, les CRP participent également à consolider le pouvoir d’agir de leur communauté en créant un espace où les acteurs et les actrices du milieu peuvent renforcer leurs liens et générer du capital communautaire (Ninacs, 2008).

Un sixième constat correspond à la diversité du financement des CRP. En effet, ces derniers puisent leurs revenus de sources multiples : financement à la mission globale, subvention pour le volet d’économie sociale, vente de biens et services, financement par projet, autofinancement. Une telle diversité apparait à prime abord comme un élément positif d’autonomisation à l’égard des bailleurs de fonds. Toutefois, celle-ci n’est pas sans poser de défis. En effet, le financement par projet et par ententes de services comporte plusieurs contraintes majeures. Celui-ci : 1) oriente le choix des populations à rejoindre, de même que les modalités et pratiques d’intervention à privilégier; 2) modifie le rapport entretenu avec les membres en induisant une logique clientéliste ou consumériste; 3) peut parfois mener à des pratiques silencieuses pour contourner les conditions des ententes de financement ou à l’abandon de certains services (Jeté, 2008; Métivier, 2017; René, Soulières et Jolicoeur, 2004). Plus fondamentalement, ce type de financement peut limiter l’autonomie des organismes en les plaçant dans un rapport contractuel et hiérarchique avec l’État (Métivier, 2017; René, 2009; St-Germain et al., 2017). Il ne faudrait pas non plus oublier qu’il oblige les OBNL à investir beaucoup de ressources dans la recherche de financement et la reddition de comptes au détriment de la prestation de services directs (René et al., 2007; St-Germain et al., 2017). Le financement ponctuel a aussi une incidence sur la composition des ressources humaines en favorisant l’emploi à contrat, ce qui risque d’entraîner une instabilité de l’équipe de travail et de miner la continuité des activités (René, Soulières et Jolicoeur, 2004). Le financement à la mission globale reçu par les CRP n’est pas non plus exempt de lacunes, puisque sa valeur relative tend à diminuer avec le temps (René, 2009). Le fait que le financement des CRP concerne à la fois les ministères de la Santé et des services sociaux et de la Famille amène par ailleurs différents enjeux, notamment des inégalités de financement entre les organismes financés par chacun[12].

Un septième constat concerne la vitalité des relations externes que les CRP nouent avec des organismes du tiers secteur et du réseau public. Globalement, les types de collaborations et de partenariats entretenus par les CRP correspondent à ceux identifiées par Savard, Turcotte et Beaudoin (2003) chez d’autres organismes en enfance-famille, soit : 1) la participation à des regroupements; 2) le soutien professionnel et matériel; 3) les ententes formelles de services; 4) la gestion de projets conjoints; 5) la collaboration quotidienne via la référence de clientèle. Si ces formes de collaboration sont essentielles au fonctionnement des CRP, elles n’en comportent pas moins certains risques. En termes d’avantages, la participation des CRP à plusieurs instances de concertation peut leur permettre de faire connaître leurs services et de mieux connaître ceux offerts par d’autres, ce qui pourrait favoriser une meilleure coordination des ressources du milieu (Savard, Turcotte et Beaudoin, 2003). La participation à des tables de concertation leur donne, qui plus est, accès à des informations stratégiques (Savard, Turcotte et Beaudoin, 2003). En contrepartie, elle ne leur permet pas nécessairement d’influencer les pratiques et décisions des partenaires publics : le pouvoir des OBNL y étant souvent limité à la consultation (Depelteau, 2013). Par ailleurs, la multiplication des tables peut mener à une hyperconcertation, coûteuse en temps, énergie et ressources (Savard, Turcotte et Beaudoin, 2003). Cela est particulièrement vrai en petite enfance où un dédoublement des tables de concertation est survenu sous l’influence de fondations privées (Depelteau, 2013). Des constats analogues peuvent être formulés quant à la participation des CRP à des regroupements et coalitions. D’une part, ces instances peuvent permettre aux organismes participants de renforcer leur identité et de défendre leurs intérêts communs (Savard, Turcotte et Beaudoin, 2003). D’autre part, la solidarité au sein de ces instances peut être minée par l’hétérogénéité des philosophies d’intervention, les écarts de financement et la compétitivité (Savard, Turcotte et Beaudoin, 2003). Les formes de collaboration plus directes entre CRP et établissements publics comportent aussi des risques, dont celui de les placer dans un rapport hiérarchique où l’État assume un rôle de supervision, tandis qu’ils se voient confinés à celui de sous-traitants (Depelteau, 2013). Cette tendance serait accentuée par la généralisation des ententes contractuelles avec le secteur public, dont les termes sont souvent déterminés de manière unilatérale par ce dernier (Bourque, 2006). Concernant finalement la référence de clientèle, les CRP pourraient se heurter — à l’instar d’autres OBNL en enfance-famille — à un phénomène de dumping et à une méconnaissance de leurs services par le réseau public (Savard, Turcotte, Beaudoin, 2003). Ce phénomène pourrait d’ailleurs s’être accentué avec les récentes réformes du réseau public de la santé et des services, alors que les territoires d’intervention se sont agrandis et que les centres de décision se sont centralisés (Bellot, Bresson et Jetté, 2013).

Limites

La présente recherche comporte certaines limites. D’une part, les résultats sont limités par la nature et l’envergure des sources de données mobilisées. Par exemple, les informations recueillies concernent seulement l’année 2011-2012, ce qui n’offre pas un portrait dynamique, tenant compte de l’évolution des CPR. Par ailleurs, l’analyse des sources documentaires comporte un biais de sélectivité : les documents analysés étant pour la plupart des documents officiels, remis par les responsables des CRP ou diffusés publiquement. D’autre part, la manière qu’ont les CRP de colliger l’information a pu influencer les analyses. Des mesures d’harmonisation s’appuyant sur des cadres externes ont toutefois été prises afin de minimiser l’incidence de ce problème.

Conclusion

Cet article a rendu compte d’un segment méconnu du tiers secteur québécois. Il a plus spécifiquement mis en relief le caractère original des CRP, notamment leur aptitude à catalyser la participation sociale des parents et leur capacité à répondre aux besoins multiples des familles par une approche d’intervention globale. Ces éléments gagneraient à être valorisés et réaffirmés dans les pratiques quotidiennes, puisqu’ils leur confèrent un potentiel intéressant en matière de promotion de la santé et une plus-value par rapport aux autres acteurs susceptibles d’intervenir en périnatalité, particulièrement ceux du secteur privé. Plusieurs aspects évoqués mériteraient toutefois d’être approfondis, notamment les défis de financement et de partenariat. Dans la même lignée, la mise en oeuvre d’entrevues auprès d’acteurs et d’actrices des CRP aurait permis de dresser une description plus complète, notamment au chapitre de la participation sociale et des pratiques d’intervention. Le portrait offert dans cet article demeure également parcellaire, puisqu’il ne fait état que des CRP reconnus par le MSSS. L’inclusion d’autres membres du Réseau des CRP et OBNL actifs en périnatalité dans une étude similaire fournirait un portrait plus exhaustif de ce domaine d’intervention. Une étude quantitative pourrait, quant à elle, offrir une image plus précise des OBNL périnataux, en permettant notamment de quantifier les catégories de services offerts, ainsi que l’étendue et l’intensité de leurs relations de collaboration ou de partenariat.

Financement

La réalisation de cette recherche a été rendue possible grâce au soutien financier d’Avenir d’enfants par le biais du projet VICTOIRES du Réseau des Centres de ressources périnatales (CRP) du Québec et du ministère de la Santé des Services sociaux du Québec.