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Le trouble de stress post-traumatique est un état qui se caractérise par une réaction psychologique, le développement de symptômes spécifiques qui font suite à l’exposition à un événement traumatique affectant l’intégrité d’une personne, du fait qu’elle a été menacée ou atteinte (par exemple : torture, viol, accident grave, menaces de mort ou de mort violente, agression, maladie grave, guerre ou attentat). Dans le cadre de ce Lu pour vous, ma lecture porte principalement sur l’aide à apporter aux victimes d’agressions à caractère sexuel aux prises avec ce trouble, et plus particulièrement aux femmes immigrantes et victimes de viol de guerre et provenant de pays où s’exercent des conflits armés.
Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) est un diagnostic qui, originalement, a été élaboré en Angleterre afin de pouvoir comprendre et expliquer les réactions de personnes ayant survécu, par exemple, à de graves accidents de train. Il a été circonscrit davantage à la suite des deux guerres mondiales puis au moment de la guerre du Vietnam dans le but de traiter les soldats américains montrant des signes de détresse psychologique. Au Canada, le sujet est souvent porté à notre attention, surtout dans le cas de militaires qui ont été déployés dans des missions dans divers pays et qui éprouvent des difficultés lors de leur réinsertion à la vie civile. Le cas le plus célèbre est sans doute celui du général Roméo Dallaire, à son retour du Rwanda.
La Dre Pascale Brillon, psychologue clinicienne, spécialiste du traitement de l’anxiété et plus particulièrement du trouble de stress post-traumatique, est directrice de l’Institut Alpha de Montréal. Puisque les femmes ayant vécu des agressions sexuelles ont un grand nombre de symptômes pouvant être associés au trouble de stress post-traumatique (peur intense, flashbacks, cauchemars, détresse psychique, réactions physiologiques à certains stimuli, évitement, perte de mémoire, dépression, colère et autres), Brillon offre depuis quelques années des formations aux intervenantes du secteur de la violence faite aux femmes en Ontario français.
Sans aller dans le détail, le livre comporte cinq sections dont la première expose ce que sont les symptômes post-traumatiques et la deuxième présente les principaux modèles afin de bien conceptualiser le TSPT et comprendre les facteurs qui y sont associés. La troisième section touche les particularités du travail auprès des personnes aux prises avec un TSPT ainsi que la façon d’évaluer les symptômes, l’importance de parler en profondeur avec les personnes afin qu’elles comprennent bien leurs réactions post-traumatiques, et l’importance que l’on doit accorder aux émotions et aux pensées dans le travail auprès d’elles. Brillon discute aussi de la détente et de l’apaisement comme moyens d’aide. Finalement, dans cette même section, elle aborde la question de la diminution de l’évitement et les réviviscences à la suite d’un traumatisme et la façon de terminer une démarche thérapeutique. Dans la quatrième et dernière section, Brillon se penche sur la question d’une clientèle qui ne répond pas nécessairement au processus thérapeutique, et offre des pistes afin que l’intervenante ou l’intervenant puisse approfondir de nombreuses facettes associées à cette impasse.
Ce guide, à l’intention des thérapeutes, propose à la fois un cadre théorique de l’intervention auprès des personnes aux prises avec un TSPT ainsi que de nombreux exercices visant à faire de la psychoéducation en intervention. À cet effet, les informations disponibles sur les impacts, par exemple, peuvent être utilisées dans le but de permettre aux survivantes de violences ou d’agressions sexuelles de comprendre leurs réactions et leurs actions à la suite des événements. Qu’il s’agisse d’un thermomètre sur la gestion de la colère, d’une grille sur la restructuration cognitive des pensées automatiques ou d’une stratégie sur la relaxation musculaire, une intervenante ou un intervenant saura aussi y trouver plusieurs outils concrets.
La grille diagnostique présentée dans ce guide tient compte du traumatisme de l’agression sexuelle, mais il faudra toutefois être conscientes et conscients des limites d’un outil développé dans un cadre européen et nord-américain et faire preuve de flexibilité et de capacité d’adaptation par exemple en intervention auprès des femmes (et des hommes) en provenance de pays aux prises avec des conflits armés où les femmes et les filles sont particulièrement visées par les violences sexuelles. Ces violences s’apparentent à la fois à la violence sexuelle et à la torture – il faudrait peut-être parler de « torture sexuelle », qui prendrait la mesure non seulement des gestes posés mais aussi des conséquences graves sur la vie des victimes, incluant la migration avec tous les défis que cela engendre. Les survivantes ont vécu en zone de guerre et elles ont été pour la plupart témoins d’atrocités commises envers elles, des membres de leur famille, leurs enfants ou des personnes de la communauté. Elles ont pu avoir contracté des blessures et des maladies qui ont eu comme conséquence qu’elles ont été rejetées par leur entourage. Puisque se présentent dans les services de plus en plus d’immigrantes, d’immigrants, de réfugiées et de réfugiés en provenance de pays de la francophonie internationale où ont sévi ou sévissent encore des conflits armés faisant un grand nombre de victimes, dont des milliers et des milliers de femmes et de filles violées, l’accès à ces outils concrets facilitera le travail pourvu qu’il y ait adaptation culturelle dans ces situations.
Il faut aussi être conscientes et conscients que l’approche TSPT ne focalise que presque entièrement sur l’individu au détriment d’une vision beaucoup plus large et holistique de la personne dans son environnement. En effet, comme l’indiquent Haskell et Randall (2009, p. 48) :
Même les éléments fondateurs du champ d’étude du traumatisme décrivent la condition liée aux impacts du traumatisme comme un trait personnel ou un problème de l’individu, une « tare » personnelle [notre traduction].
En tant que groupe, les femmes font l’expérience de la négation de leurs droits fondamentaux, en particulier en lien avec l’égalité, la sécurité et la liberté, comme en témoigne le taux de violence conjugale et sexuelle à leur égard. En matière d’agressions sexuelles, tout comme en violence conjugale, les milieux féministes ont appris, plus particulièrement durant le féminisme de la deuxième vague[1] et jusqu’à maintenant, à mettre en contexte le vécu des femmes. Ainsi, on tient compte de la spécificité de la violence que vivent les femmes du fait qu’elles sont femmes. Placer la violence que vit une femme dans le contexte social, économique et juridique dans lequel se trouvent les femmes, c’est ce qui différencie l’intervention féministe des autres formes d’intervention. Souvent, les femmes ont tendance à vivre la violence comme un événement individuel, un reflet de qui elles sont, de leurs gestes ou des décisions qu’elles ont prises à ce moment-là. Dans un contexte d’intervention féministe, elles apprendront que ce qu’elles ont vécu n’a souvent rien à voir avec leurs décisions et qu’elles sont toutes vulnérables à la violence.
Assurer une approche tenant compte du cadre social complexe dans lequel les femmes ont vécu des agressions sexuelles, et le stress traumatique qui les accompagne, servira à rassurer les survivantes quant à leur santé mentale et guidera l’intervention et le soutien à offrir. Garder une vue d’ensemble de la situation des femmes, comme élément contributeur à la violence subie par les femmes individuellement, permettra de soulager les femmes des sentiments de responsabilité personnelle qu’elles pourraient ressentir. Cette vue d’ensemble servira également à la mise en place des stratégies efficaces de prévention de la violence à l’égard des femmes, en tout temps.
Il n’y a, hélas, pas encore de pilules magiques pour éliminer un TSPT. Brillon (2017) propose aux intervenantes et intervenants une série d’explications servant à mieux comprendre ce que vivent les survivantes, ainsi que des pistes et des exercices pouvant permettre un cheminement vers la guérison.
Parties annexes
Note
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[1]
L’expression « féminisme de la deuxième vague » fait référence à l’émergence, dans les années 1960-1970 dans certains pays, d’une seconde période de revendications des droits des femmes, quelque 50 ans après les démarches en vue de l’adoption du droit de vote.
Bibliographie
- HASKELL, Lori, et Melanie RANDALL (2009). « Disrupted Attachments: A Social Context Complex Trauma Framework and the Lives of Aboriginal Peoples in Canada », Journal de la santé autochtone/Journal of Aboriginal Health, Vol. 5, No 3, p. 48-99.