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Rédigé par des chercheurs du regroupement Masculinités et Société, Regards sur les hommes et les masculinités. Comprendre et intervenir se veut une synthèse à la fois théorique et pratique des connaissances liées aux études sur les réalités masculines. Il s’agit donc d’un outil pertinent pour les enseignants, les chercheurs, les étudiants et les professionnels qui s’intéressent aux problématiques qui touchent les hommes et aux préoccupations sociales qui les concernent.
Divisé en deux parties, cet ouvrage s’ouvre sur une présentation des notions générales élaborées pour rendre compte des réalités masculines. Puis, certains thèmes sont développés, soit la paternité, la diversité culturelle, la santé des hommes et la violence conjugale. Pour chaque chapitre touchant théoriquement ces thèmes, un autre aborde concrètement l’intervention qui s’y rapporte et rend compte du lien entre la théorie et la pratique.
Dans le premier chapitre, Jocelyn Lindsay, Gilles Rondeau et Jean-Yves Desgagnés effectuent un survol des groupes d’hommes ainsi que des perspectives les plus influentes de leurs discours, ce qui permet de rendre compte de la pluralité de leurs approches. Les auteurs affirment que les groupes d’hommes composent un mouvement social qu’il est possible de nommer « masculiniste » et qui, de leur point de vue, ne s’oppose pas au mouvement féministe. Ils soulignent que même si certains groupes d’hommes oeuvrent de manière à conserver leurs pouvoirs et leurs privilèges, la majorité d’entre eux visent à affranchir les hommes de leurs rôles sociaux traditionnels alors que d’autres visent à appuyer les femmes dans leurs revendications.
Signé Sacha Genest Dufault et Germain Dulac, le deuxième chapitre porte sur l’état actuel des recherches et des savoirs concernant les hommes et les réalités masculines au Québec. En date du 25 avril 2008, les auteurs ont recueilli 747 écrits concernant les hommes et portant sur des sujets tels que la paternité, la violence et l’intervention.
Dans le troisième chapitre, Sacha Genest Dufault et Gilles Tremblay présentent et critiquent les divers paradigmes théoriques — biologique, identitaire, normatif, structurel et performatif — qui ont permis jusqu’à maintenant de comprendre les hommes et les masculinités. S’appuyant sur un cas spécifique touchant la rupture amoureuse, les auteurs montrent concrètement comment les divers paradigmes peuvent être utilisés afin d’expliquer une même réalité, mais soulignent également le fait qu’aucune de ces explications théoriques ne représente une vérité absolue. Ces multiples paradigmes permettent plutôt de rendre compte de la complexité des réalités en multipliant les points de vue posés sur les réalités des hommes et sur les masculinités.
Gilles Tremblay et Pierre L’Heureux consacrent le quatrième chapitre aux diverses théories liées à la socialisation et à la construction de l’identité masculine. Les concepts de genre et de sexe y sont présentés et il y est expliqué qu’il revient à chaque homme ou garçon de se caractériser en tant qu’homme à partir de ce qu’il accepte ou rejette des contraintes associées à la masculinité traditionnelle. Il y est aussi démontré que les jeunes garçons et les hommes qui adhérent davantage aux contraintes de la masculinité traditionnelle font face à des difficultés lorsqu’ils effectuent des demandes d’aide. Toutefois, selon les auteurs, adhérer à cette masculinité traditionnelle peut aussi comporter certains avantages en contexte d’intervention. Par exemple, mettre l’accent sur les rôles de pourvoyeur et de protecteur auxquels adhèrent les hommes plus traditionnels peut favoriser chez ces derniers une forme de responsabilisation à l’égard de leurs enfants et de leur partenaire. Ce positionnement lié à la masculinité traditionnelle peut devenir un levier pour les interventions qui visent à faciliter le fonctionnement des hommes en société.
Dans le cinquième chapitre, Gilles Tremblay et Pierre L’Heureux montrent comment les théories et les pratiques se croisent de manière à offrir des outils efficaces en matière d’intervention auprès des hommes plus traditionnels. On y présente, à l’intention des professionnels de la relation d’aide, dix lignes directrices en matière d’intervention auprès des hommes. On y propose des méthodes d’intervention qui prennent en considération la socialisation masculine. Les auteurs expliquent, entre autres, comment contrer le sentiment de honte qu’éprouvent certains hommes lors d’une relation d’aide ou encore, comment les rituels peuvent jouer un rôle efficace en intervention en rendant concrets des moments difficiles, comme un deuil occasionné par la fin d’une relation amoureuse.
Sous la plume de Jean-Martin Deslauriers et de Jean-Pierre Deslauriers, le sixième chapitre aborde les défis et les enjeux reliés au recrutement des hommes pour la participation à la recherche. En effet, ces derniers sont souvent difficiles à recruter dans le cadre d’un projet de recherche qui les touche personnellement. De plus, une fois les hommes recrutés, des défis peuvent également surgir lors des échanges entre les chercheurs et les hommes interviewés. C’est pourquoi les auteurs présentent certaines astuces qu’ils ont développées au fil de leurs travaux pour recruter des hommes et pour soutenir la discussion lors des entrevues. Utiliser des intermédiaires afin d’influencer des hommes à participer à une recherche et considérer les participants comme des experts de leur réalité sont des exemples d’astuces amenées par les auteurs. Ils soulignent aussi l’importance de prendre en considération la socialisation des hommes autant lors des entrevues que dans l’analyse des résultats et de reconnaître que ces derniers ont un rôle à jouer dans la compréhension de divers phénomènes sociaux.
Le septième chapitre présente une étude réalisée par Valérie Roy auprès de groupes d’hommes ayant des comportements violents. L’auteure y met en évidence l'impact que le sexe/genre — un intervenant/homme ou intervenante/femme — peut avoir lors de l’intervention auprès de la clientèle masculine. Il est souligné que le sexe/genre de l’intervenant ou l’intervenante influence la manière dont il ou elle pratique ses interventions et que l’intervenant ou l’intervenante doit par conséquent jeter un regard critique sur sa propre socialisation et sur l’influence qu’il ou elle peut avoir sur les personnes aidées afin de mettre à contribution cette influence de manière positive dans le cadre de l’intervention.
La place des hommes dans les politiques sociales québécoises est abordée par Raymond Villeneuve dans le huitième chapitre. Selon l’auteur, trop peu d’importance est allouée à la paternité dans les politiques sociales; cela l’inquiète étant donné que l’engagement des pères auprès de leurs enfants se construit dans un contexte socio-économique donné et qu’il est en rapport avec un ensemble d’éléments, dont les politiques sociales.
La seconde partie de l’ouvrage porte sur des thèmes variés, la paternité faisant l’objet du neuvième chapitre. Annie Devault y explique que l’entrée dans la paternité entraîne des changements dans la vie affective, sociale, économique et professionnelle des hommes, et aussi sur le plan de leur identité. Les rôles de père et de mère ne sont pas inscrits dans des natures profondes et ils sont l’objet de transformations, ce qui cause parfois certains conflits dans les relations père-mère. Les difficultés vécues par les hommes en situation de divorce ou de séparation sont également abordées, particulièrement l’accès à leurs enfants. Dans la section pratique, Jean-Martin Deslauriers aborde le sujet de l’engagement des professionnels à l’égard des pères. Travailler auprès des pères nécessite une constante réflexion sur soi, sur ses représentations de la paternité et sur ses convictions. Les services sociaux actuels doivent s’adapter aux réalités des pères et de nouvelles ressources doivent être développées afin de mieux répondre à leurs besoins. Deslauriers présente aussi différentes pistes d’intervention tirées de ses expériences en tant que travailleur social auprès des jeunes pères.
Le deuxième thème abordé est celui de la diversité culturelle. Dans la section théorique de ce chapitre, Normand Brodeur et Marc-Antoine Barré soulignent que les immigrants vivent un stress lié à l’acculturation. Les hommes immigrants vivent des difficultés particulières, notamment, celles liées à la recherche d’emploi et à leur statut au sein de la famille. Celui-ci peut être modifié, entre autres, par des empêchements à remplir pour ces hommes le rôle de pourvoyeur et par l’écart interculturel entre parents et enfants. Ces difficultés peuvent également mener à des changements identitaires. Dans la section pratique, Pierre L’Heureux, Jean-Jacques Élie, Sacha Genest Dufault et Monica Pinquatuq présentent le Réseau Qajaq Network, lequel a été mis en place pour répondre aux besoins particuliers des hommes du Nunavik, en grande majorité des Inuits. Le Réseau Qajaq Network mise, entre autres, sur la réinsertion sociale, la réhabilitation des hommes criminalisés et la prévention de la violence familiale.
La santé constitue le troisième thème abordé. Gilles Tremblay et François Déry présentent les principaux constats liés à la santé des hommes. Tout en qualifiant celle-ci comme bonne en général, les auteurs montrent que certains sous-groupes d’hommes sont plus à risque de vivre des troubles de santé. Ils avancent aussi que les hommes seraient en général moins sensibles à leur corps que les femmes, ce qui expliquerait pourquoi ils attendent généralement plus longtemps avant de consulter un spécialiste de la santé. Tremblay et Déry présentent également les principaux modèles explicatifs qui permettent d’étudier les comportements des hommes par rapport à la santé en soulignant que tous ces modèles sont axés sur le besoin de mettre en place des conditions favorables à l’émergence d’une culture masculine qui lui est rattachée. Dans la section pratique liée à ce thème, Yvon St-Hilaire, Jean-Martin Deslauriers, Manon Ouellet et Gilles Tremblay présentent un modèle de concertation régionale sur la santé des hommes, mis en place sur la Côte-Nord, qui a pour but, entre autres, de participer à l’amélioration de la santé des hommes de la région et à l’adaptation des services de santé aux réalités masculines.
Le dernier thème présenté est celui de la violence conjugale. Pierre Turcotte montre que l’intervention auprès des conjoints ayant des comportements violents est une forme de contrôle social dans laquelle la responsabilisation des hommes est souhaitée en vue de protéger les personnes qui sont victimes de tels comportements. Le sujet est abordé dans une perspective humaniste qui met en valeur les possibilités de changement des hommes manifestant des comportements violents. Les hommes qui vivent des changements personnels dans le cadre de l’intervention et qui redéfinissent leur masculinité contribuent aux transformations des normes identitaires liées à la masculinité et, par conséquent, participent aux changements sociaux dans les rapports de sexe. Dans le chapitre pratique lié à ce thème, Daniel Blanchette et Éric Couto présentent un modèle d’intervention utilisé par le Centre d’aide pour hommes de Lanaudière. Par le biais de rencontres individuelles et de groupe, ce centre intervient auprès d’hommes ayant des comportements violents selon un modèle basé sur des préceptes tels que la responsabilisation des hommes, la protection des personnes ainsi que la valorisation de rapports sociaux égalitaires.
Regards sur les hommes et les masculinités. Comprendre et intervenir s’avère un excellent document pour quiconque souhaite enrichir ses connaissances sur les hommes et leurs réalités. Les auteurs concluent cet ouvrage en soulevant quelques pistes de recherche qui pourraient être poursuivies dans les futures études sur les hommes. Cet ouvrage contribue à l’organisation des connaissances sur les hommes ainsi qu’à l’évolution et à l’enrichissement de ce champ de recherche en émergence au Québec. Il s’agit d’une invitation à s’intéresser aux réalités masculines qui sont trop souvent laissées pour compte.