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La société des Charpentiers de Paris, fondée le 19 avril 1893 par vingt-six compagnons du devoir, affiche aujourd’hui cent vingt ans d’existence. Son histoire, relatée dans ces pages richement illustrées, est comme toute monographie, exemplaire et unique. Exemplaire, elle l’est sous son profil coopératif : à l’origine, une association ouvrière de production (AOP) née de la double filiation compagnonnique et maçonnique, au lendemain de la radicalisation du mouvement ouvrier au congrès de Marseille (1879). Heurtés par la déclaration du marxiste Jules Guesde sur « les voies mensongères de la coopération », les compagnons créent en 1881 une première AOP, la société de La Villette. Lorsque apparaissent des dissensions sur la question de la répartition des résultats, un groupe de démissionnaires fonde la société des Charpentiers de Paris (1893), sous la houlette de Jean-Louis Favaron, dit « Saint-Gaudens la Clé des coeurs ». En 1883, celui-ci participe à l’enquête menée par une commission extra-parlementaire diligentée par le ministre de l’Intérieur, Waldeck-Rousseau, dans le but d’ouvrir aux AOP les adjudications sur les marchés des collectivités publiques. Un an plus tard, Favaron fédère les AOP au sein d’une chambre consultative, ancêtre de la CGScop (1937). Comme dans la plupart des réussites collectives qui se nouent autour d’une personnalité charismatique, ce directeur visionnaire jouera, jusqu’à sa mort en 1931, un rôle déterminant dans le développement de la société. Bénéficiant d’une réputation de sérieux et de savoir-faire, les coopérateurs cumulent les prouesses techniques et participent à tous les chantiers prestigieux, comme l’Exposition universelle de 1900 ou les expositions coloniales de 1931 et 1937. Toujours à la pointe de l’innovation, l’entreprise se spécialise à partir des années 30 dans la rénovation des bâtiments historiques.
Privilégiant dès l’origine et de façon constante l’assise financière de la société, les différentes générations d’associés ont parfois pris des libertés dans l’interprétation des principes coopératifs. Cependant, la consolidation des réserves a toujours pris le pas sur la répartition des bénéfices.
L’un des attraits de ce livre bien documenté tient aux photographies soignées qui donnent à voir des ouvrages techniques d’une grande esthétique.
De l’épure tracée sur le sol au dessin assisté par ordinateur, de l’atelier au bureau d’études, il témoigne de l’évolution des métiers comme de la permanence de l’efficacité collective.