Résumés
Résumé
L’article traite de la manière dont une IPPJ accueillant des mineurs délinquants en milieu fermé a développé ses assises théoriques et ses outils institutionnels pour répondre au mieux aux conduites d’agir de ces adolescents qui font souvent très peur de par les actes destructeurs qu’ils commettent.
Partant du postulat, souvent vérifié, que l’enfermement « pur et dur » des jeunes délinquants ne peut, à moyen ou à long terme, que générer ou renforcer leur potentiel (auto)destructeur, l’institution apporte, outre une approche socio-éducative structurante et responsabilisante, un panel d’interventions pluridisciplinaires mobilisantes pour le jeune et ses familiers.
Ces interventions, axées principalement sur les notions de lien, de valorisation, de restauration de l’estime de soi et de reconnaissance de l’acte transgressif comme acte symptôme d’une problématique personnelle et familiale importante, vous sont détaillées dans cet article. Elles sont, pour le personnel de l’IPPJ, la meilleure réponse à ceux qui prônent le renforcement du sécuritaire.
Mots-clés:
- délinquance juvénile,
- lien,
- pluridisciplinarité,
- estime de soi,
- (in) sécurité
Summary
This paper aims to present the way a detention facility for young delinquents (IPPJ) developed a theoretical background and some institutional measures to tackle the problem of juvenile delinquents’ criminal acts. Starting from the assumption that juvenile delinquents’ incarceration may generate or worsen the youths’ undesirable destructive behavioral patterns, the institution provides a socio-educative support and uses a large range of multidisciplinary interventions. These interventions, which are mainly focused on the notions of linkage, valorization, self-respect and recognition of the criminal act as a symptom of an important personal or familial disorganization, are detailed in this paper. According to the IPPJ’s staff, they represent the best response to those who advocate the security reinforcement.
Key-words:
- juvenile delinquency,
- linkage,
- multidisciplinarity,
- self-respect,
- (in)security
Sumario
El artículo relata como un Instítuto Público Para La Protección de la Juventud (IPPJ) que aloja a delincuentes menores de edad en medio cerrado ha desarrollado sus bases teóricas y sus herramientas institucionales para responder mejor a los comportamientos de esos adolescentes que, muy a menudo, hacen mucho miedo por los actos destructores que han cometido.
Partiendo del postulado, muy a menudo comprobado, que el emparedamiento « puro y duro » de jóvenes delincuentes solo puede, a medio o largo plazo, generar o enforzar su potencial (auto)destructor, el Instítuto procura, además de un enfoque socioeducativo estructurador y reponsabilizante, una serie de intervenciones pluridisciplinarias mobilizantes para el joven y sus familiares.
A continuación se detallan esas intervenciones, principalmente orientadas sobre las nociones de vínculo, de valorización, de restauración de la autoestima y de reconocimiento del acto transgresivo como acto síntoma de una problemática personal y familiar importante. Son, para el personal del Instítuto, la mejor respuesta o los que preconizan el resfuerzo seguridario.
Palabras llaves:
- delincuencia juvenil,
- vínculo,
- pluridisciplinaridad,
- autoestima,
- (in) seguridad
Corps de l’article
1. Introduction
Créée en 1981 pour l’accueil de « mineurs délinquants particulièrement dangereux » (Arrêté Royal du 12.08.1981), l’Institution Publique de Protection de la Jeunesse (IPPJ) de Braine-le-Château est prioritairement destinée à des adolescents ayant commis des actes de violence grave contre les personnes.
Son mandat s’inscrit dans le contexte de la loi fédérale du huit avril 1965 (modifiée à plusieurs reprises) et du décret communautaire du quatre mars 1991.
Elle propose, certes, une aide contrainte mais elle est axée clairement sur l’éducatif. Elle se situe donc à l’interface « Sanction-Education » et poursuit un double objectif : permettre au jeune d’acquérir une meilleure image de lui-même et favoriser sa réinsertion sociale.
La mesure étant privative de liberté, elle s’accompagne d’une vigilance importante quant au respect des droits des jeunes.
2. Projet pédagogique et population accueillie
L’institution offre deux types de prise en charge intra-muros qui s’articulent autour de l’observation, l’éducation et l’orientation.
La mesure permet d’éviter une banalisation de l’acte commis et un travail de responsabilisation et de reconstruction personnelle dont l’intensité varie en fonction de la durée de séjour, elle-même liée à la problématique du jeune.
Deux services extra-muros destinés, en priorité, aux mineurs ayant séjourné à l’IPPJ, viennent compléter l’éventail des prises en charge : l’un est axé sur le suivi socio-éducatif, l’autre offre un travail familial à connotation plus thérapeutique suivant le modèle de l’intervention systémique et stratégique brève.
La capacité totale de l’institution s’élève à 40 places et trois places d’urgence[2], en intra-muros, auxquelles il faut ajouter 25 suivis extérieurs, soit un total de 68 prises en charge maximum.
Concrètement, la population accueillie se compose d’adolescents masculins dont la moyenne d’âge se situe autour de 16 ans.
Ils sont, pour la plupart, issus de parents séparés, divorcés ou décédés (plus de 60%). Leur parcours scolaire est chaotique et les faits qualifiés infraction qui justifient le placement entrent dans la catégorie « atteinte aux personnes » (meurtre, viol, agression, torture, prise d’otage…).
A l’issue du placement, plus de la moitié des jeunes se voient reconfiés à leur famille avec (44,3% en 2008) ou sans (12,6% en 2008) suivi extérieur.
Depuis 2002, l’institution est amenée à prendre en charge un nombre très important de jeunes auteurs d’agression sexuelle (environ 50% de la population hébergée).
Elle a donc dû adapter sa méthodologie de travail, ce qui a nécessité remise en question, formations et réflexions théorico-pratiques (De Fraene, Jaspart et Van Praet, 2007) (Roy, Sion, Senterre, Kittel, Gérard, 2008).
3. Cadre théorique
La prise en charge proposée par l’IPPJ de Braine-le-Château se fonde sur diverses approches qui s’imbriquent constamment les unes aux autres.
3.1. Approche orthopédagogique et comportementaliste
Le régime éducatif fermé de l’IPPJ offre au jeune un « contenant » facilitant la mise sur pied d’un programme éducatif et l’établissement de relations positives.
Dès 1982, il est apparu nécessaire d’ « élaborer un système pratique qui permette la tolérance aux symptômes tout en freinant l’éclosion de désordres d’origine disciplinaire et la contagion délinquante » (Uytterhaeghe, 2000).
Ce système d’évaluations, souvent critiqué, a « fourni des points de repère aux jeunes et aux éducateurs et a permis une meilleure perception des réalités et des limites sociales de l’institution » (Uytterhaeghe, 2000).
Il importe de réduire au maximum la subjectivité des appréciations et de présenter aux jeunes une homogénéité claire et rassurante de la part de l’équipe éducative.
La confrontation du jeune à des règles claires, énoncées et portées en permanence par des adultes fiables, consistants et cohérents, doit être de nature à permettre aux adolescents la gestion des conflits nécessaire à l’édification positive de leur personnalité et à restituer la confiance indispensable en soi et dans les autres adultes à l’intérieur d’une pédagogie de projet et de la réussite.
Projet pédagogique de l’IPPJ de Braine-le-Château, 2007
Outre les aspects disciplinaire, sécuritaire et contenant qu’offre une telle approche, les relations humaines sont également au coeur d’un tel système.
Ce système est censé permettre tant le maintien de l’ordre au sein de l’institution qu’un apprentissage et un redressement des jeunes. […] Si le système disciplinaire et la manière de sanctionner demeurent d’excellents indicateurs de la qualité de l’éducation ou de la manière de concevoir l’être humain, le régime des institutions publiques et le travail qui y est mené ne peuvent heureusement pas être réduits aux seuls aspects disciplinaire, sécuritaire et carcéral. La boîte noire des interactions humaines, les relations intersubjectives entre les jeunes et les éducateurs, entre les jeunes eux-mêmes ainsi que les déterminants des pratiques sont en effet beaucoup plus complexes.
De Fraene et Brolet, 2005
Ce système a fait l’objet d’une évaluation tant qualitative que quantitative en 2000/2001 (Kinoo et Vander Borght, 2001).
3.2. Approche systémique
La systémique est une nouvelle discipline qui regroupe les démarches théoriques, pratiques et méthodologiques, relatives à l’étude de ce qui est reconnu comme trop complexe pour pouvoir être abordé de façon réductionniste, et qui pose des problèmes de frontières, de relations internes et externes, de structure, de lois ou de propriétés émergentes caractérisant le système comme tel, ou des problèmes de mode d’observation, de représentation, de modélisation ou de simulation d’une totalité complexe.
AFSCET, 2003
Cette approche permet d’aborder les problèmes des adolescents, qui nous sont confiés, en ne les séparant pas de leur contexte ; nous accordons, en effet, une importance particulière aux différents systèmes dont le jeune fait partie (familial, scolaire, social, etc.). De plus, « l’approche systémique offre un outil précieux pour gérer le travail avec les familles des jeunes placés à l’institution. Elle permet de mobiliser les ressources familiales » (Meynckens-Fourez, 1994). Le jeune est, en effet, influencé à la fois par ses intentions, celles des autres, et par les possibilités du milieu et/ou du système. D’une lecture plus linéaire, nous découvrons une lecture circulaire qui nous montre l’inter-influence de la communication et du comportement de chacun sur chaque membre du système.
La pensée systémique peut s’appliquer à comprendre des systèmes plus grands tels que l’organisation de l’institution elle-même. Bien que ce ne soit pas l’objet de cet article, une réflexion ultérieure approfondie pourrait s’avérer intéressante.
3.3. Approche clinique
L’approche clinique consiste en l’analyse de cas individuels permettant d’appréhender leur fonctionnement psychologique singulier.
La méthode clinique repose sur trois postulats. Le psychisme humain est à base de conflits intra et inter subjectifs. La conduite est la réaction de la personne à la situation dans laquelle elle se trouve : état d’esprit interne, milieu psychique et social externe. La personnalité évolue de la naissance à la mort avec une alternance de moments de crise et de périodes stables ; sa conduite à un moment donné est le produit de son passé et de ses projets.
Doron et Parot, 1991
Par le biais de l’approche clinique, nous tentons d’investiguer le fonctionnement psychologique présent et singulier de l’adolescent rencontré. Cette approche constitue une des pierres angulaires de l’élaboration de notre travail individuel avec l’adolescent. En effet, elle envisage l’individu dans ses interrelations, son intra-subjectivité et dans un processus développemental. Les aspects psychodynamiques et cognitifs de la personnalité sont pris en considération. Enfin, elle permet la mise en évidence des ressources et fragilités du fonctionnement psychologique du jeune. La prise en compte de ces différents éléments mis en exergue apporte un éclairage supplémentaire dans la mise en sens des comportements de l’adolescent. Les observations quotidiennes, les entretiens individuels avec le psychologue mais également la réalisation de tests projectifs et intellectuels constituent des outils permettant d’enrichir notre lecture clinique de la problématique de l’adolescent. En répercussion, cette lecture, sous forme d’hypothèses, nourrit notre réflexion quant à nos interventions quotidiennes auprès du jeune et sert ainsi le processus thérapeutique en cours.
3.4. Approche criminologique
« La criminologie se veut une science humaine de l’homme qui est autonome et qui a pour objet la criminalité » (Kinable, 2004). Travailler sur base de cette approche nous permet de mettre le jeune au centre de nos préoccupations. Nous utilisons le symptôme comme départ à une réflexion, voire une évaluation, portant à la fois sur le système pénal, l’homme et le passage à l’acte délinquant et les pratiques institutionnelles.
Notre projet pédagogique va dans ce sens :
Dans le cadre d’une loi protectionnelle et d’un décret visant à l’aide au jeune, les comportements délinquants de l’adolescent doivent être interprétés comme des symptômes, significativement épinglés par la société, d’une difficulté majeure d’intégration sociale qui permet la mise en oeuvre d’interventions psycho-socio-éducatives, imposées et intenses, en relais avec le tissu social préexistant en vue de la réinsertion. Une réflexion sur l’acte délinquant considéré comme un symptôme parmi d’autres fait partie de la prise en charge qui devra donc s’adapter au jeune et tenir compte de ses potentialités et de ses limites.
Projet pédagogique de l’IPPJ de Braine-le-Château, 2007
Utiliser l’approche criminologique dans l’étude du phénomène de la délinquance est particulièrement intéressant puisqu’il permet de ne pas se limiter à l’aspect psychologique du passage à l’acte.
4. Outils institutionnels
4.1. Le cadre institutionnel
4.1.1. Le règlement institutionnel
Le règlement institutionnel relativement strict permet d’éviter ou de limiter les débordements de violence verbale ou physique puisque toutes les manifestations de ce type sont interdites dans l’institution.
L’action préventive prend ici tout son sens car le caractère fermé de l’institution participe à un phénomène de résonance interne pouvant exacerber les manifestations impulsives qu’il s’agit de décoder bien avant la crise.
Si un jeune transgresse, il est immédiatement recadré par l’éducateur, ce qui permet donc de prévenir certains accès de violence. Si nécessaire, une mesure d’éloignement du groupe et un travail individualisé peuvent se faire par une mise en chambre ou une mise en isolement. Nous y reviendrons ultérieurement.
Soulignons, déjà, le paradoxe qui réside dans un système alliant l’extrême rigueur et le lien à autrui. Nous tenons à rappeler l’importance du cadre strict et contraignant, tout en permettant à l’adolescent l’expression de certains symptômes (tolérance aux symptômes).
Il faut, en effet, se souvenir que « l’opposition entre conduite mentalisée et conduite agie prend tout son sens à l’adolescence. A cet âge, l’agir est considéré comme un des modes d’expression privilégié des conflits et des angoisses de l’individu » (Marcelli et Braconnier, 1995).
Les sanctions, prises dans le cadre du règlement d’ordre intérieur, sont de trois types : positives, négatives et à visée réparatrice.
Les sanctions négatives et à visée réparatrice doivent être justes, proportionnelles à la faute, tenir compte des capacités de discernement du jeune et s’inscrire dans le cadre de la relation à l’adulte. Elles doivent être prises dans l’intérêt du mineur et ne pas le stigmatiser dans des comportements négatifs. Elles doivent aussi être évaluées en équipe pour diminuer la subjectivité de l’intervention.
La reconnaissance et la valorisation des comportements positifs s’avèrent également essentielles.
4.1.2. Le système d’appréciations
Le système d’appréciations est un outil qui aide à structurer et à contenir les jeunes. Ce n’est pas en soi un outil thérapeutique mais il intervient comme régulateur de la relation jeune/adulte. Ce système n’a de sens que si, au-delà de l’appréciation, la parole prend très vite le relais pour s’assurer que le jeune peut en comprendre le sens.
Concrètement, il résume le comportement du jeune en fonction du respect manifesté à l’égard des devoirs et obligations imposés par la vie à l’institution. Il lui fournit des points de repère en sanctionnant positivement ou négativement ses conduites. Les appréciations hebdomadaires ont une influence directe sur le régime des sorties de loisir et des congés.
4.1.3. Le rythme de vie et les occupations quotidiennes
Les horaires en vigueur offrent aux jeunes une structuration temporelle de leurs journées. Ils permettent également à ces adolescents à l’existence débridée de retrouver un rythme de vie plus équilibré.
Les activités, quant à elles, doivent être considérées comme médiatrices de la relation. Elles permettent aussi aux jeunes de décharger leur agressivité de manière socialisée, d’acquérir, de consolider ou d’augmenter leurs compétences et de se découvrir certains talents.
L’institution veille à développer de plus en plus des « activités restauratrices » dans des domaines et des contextes aussi variés que possible. Outre l’inscription dans une démarche citoyenne et humaniste, nos jeunes trouvent ainsi la possibilité de se revaloriser dans le respect de l’autre.
De même, les activités, dites ludiques, entretiennent ou consolident le lien à l’« adulte structurant ». C’est par la confiance que l’ouverture à l’Autre peut s’opérer et permettre l’apprentissage de notions nécessaires à la responsabilisation d’un individu : l’empathie, la tolérance, le respect et la conscientisation de ses actes.
Ces temps conviviaux forment des périodes privilégiées qui constituent des jalons précieux qui s’agglutinent aux objets internes dont tout être humain a besoin pour nourrir son narcissisme.
Capul & Lemai, 1997
4.1.4. L’enseignement
Reconnue comme établissement dispensant un enseignement à domicile, l’IPPJ offre une pédagogie adaptée à ses pensionnaires.
A leur rythme et en fonction de leurs capacités et compétences, les jeunes vont pouvoir, avec l’aide de leur « professeur », évaluer personnellement leurs acquis, apprendre et évoluer dans différentes matières.
L’individualisation est grandement favorisée, d’une part pour coller au plus près des difficultés et demandes des élèves et d’autre part, pour les soutenir dans le projet de réinsertion scolaire.
Sont privilégiés le développement des potentialités et les sources de valorisation mais aussi le réapprentissage d’un rythme scolaire et le respect des règles et des personnes.
L’enseignant a donc pour délicate mission d’amener les jeunes à réinvestir le champ scolaire pour ensuite, permettre à l’équipe pluridisciplinaire de les réorienter de manière adéquate, que ce soit dans l’enseignement traditionnel ou professionnel.
4.1.5. Le programme de sorties
L’institution se veut résolument ouverte sur et vers l’extérieur.
C’est ainsi que, après une période d’enfermement strict de minimum huit semaines pendant lesquelles le jeune va pouvoir se poser, prendre du recul, entamer une réflexion sur les faits commis et amorcer un lien de confiance à l’adulte, l’adolescent peut accéder à un programme de sorties très progressif (programme en grande partie conditionné par l’attitude affichée intra-muros et, dans un premier temps, très strictement encadré) lui donnant la possibilité, entre autres, de poser les premiers jalons de sa réinsertion sociale future. Ces sorties sont sources d’observations mais permettent aussi une évaluation des risques dans un contexte plus libre, un renforcement de l’estime de soi, une diminution de la stigmatisation et de l’exclusion et une préparation concrète à sa resocialisation.
Ces sorties sont très régulièrement évaluées et le programme peut être réajusté si cela s’avère nécessaire.
4.2. La notion de lien privilégié
Les jeunes de l’institution sont difficiles à aider car ils ne s’ouvrent pas facilement à la relation d’aide. De par les multiples carences, traumatismes ou ruptures qui ont jalonné leur courte vie, ils manquent de repères et se trouvent bien souvent démunis quant à la permanence du lien. Dans le cadre de la prise en charge, la relation individuelle à l’éducateur est donc favorisée.
De nombreuses observations cliniques attestent que des personnes de la sphère extra-familiale et des relations sociales peuvent aider l’individu à se construire, suppléant en quelque sorte, les manquements initiaux et notamment les carences familiales précoces.
Boris Cyrulnik (2001) propose le concept de « tuteurs de résilience » pour qualifier les modes de relations sociaux qui participent au processus résilient et permettent le développement. Il défend l’idée que ces adolescents en difficulté peuvent reprendre un développement et réapprendre à être heureux si, au fond d’eux, on a imprégné une confiance affective, si, autour d’eux, on a remis en place des tuteurs de développement et si, après les difficultés rencontrées, on les a invités à remanier leurs émotions en leur offrant des lieux d’expression.
Le travail de mise en sens ou mentalisation, qui correspond à la capacité de mettre en mots les maux du passé pour les rendre compréhensibles pour soi et les autres, est un des objectifs thérapeutiques défendu par l’institution.
La résilience externe de l’enfant dépend de ses rencontres affectives, institutionnelles et sociales. Il s’agit « d’un tricotage constant entre l’enfant et ses milieux où tout se rejoue à chaque rencontre » (Cyrulnik, 2001).
En tant que tuteur de résilience, l’éducateur référent accompagne l’adolescent fragilisé dans la reconstruction de ses forces vives. Dans ce contexte, il constitue une tierce personne qui offre une référence, une écoute, une présence, un modèle au moment où le jeune se sent abandonné. Les forces, les ressources du tuteur viennent s’ajouter aux ressources naturelles que chacun possède mais n’exploite pas forcément.
Cette rencontre obligée, contrainte, qui ne permet pas au mineur de « prendre la fuite » et qui le force à nouer des contacts avec des adultes fermes, bienveillants, respectueux, a des effets qui peuvent s’avérer positifs. Une vraie relation peut naître dans ce contexte interactionnel et offrir ainsi au jeune « l’image d’un adulte fiable, contenant et bienveillant et avec lequel le dialogue est possible » (Coenen, 2003). Cette relation privilégiée se fonde sur une disponibilité, une responsabilité, une écoute et une attention particulière.
La mise en place d’une relation ainsi personnalisée et individualisée permet « d’obtenir une plus grande collaboration du jeune qui se sent écouté, compris et partie prenante de son projet » (Coenen, 2003). Sentir qu’on a de la valeur aux yeux d’autrui et se prouver à soi-même qu’on a de la valeur favorisent, sans aucun doute, le développement de l’estime de soi. Les tuteurs de résilience jouent sur ces deux aspects, sans nécessairement en prendre pleinement conscience. A travers l’autorisation de sentiments tels l’empathie (au sens d’être dans la reconnaissance de ce que ressent l’autre, en lui, après l’avoir aidé à l’exprimer) et l’affection, la mise en lumière des côtés positifs du jeune, le respect d’un temps d’apprivoisement réciproque, le tuteur de résilience facilite l’estime de soi du jeune et participe à la création d’un rapport à soi positif.
Soulignons que le cadre fermé de l’institution facilite cette restauration du lien, dans la mesure où le jeune n’a aucune échappatoire. Il n’a finalement pas d’autre alternative que de faire ce pari là : se laisser apprivoiser dans la relation à l’autre. Cette philosophie de travail nous semble contribuer également à réduire la violence chez le jeune.
L’éducateur de référence devient ainsi une véritable personne ressource pour le jeune avec lequel il tente de créer un climat de confiance minimum puisqu’il va constituer le lien, le fil rouge, entre le jeune et les divers intervenants (magistrat, famille, école, organismes, …).
Enfin, il nous semble important de souligner la philosophie de non-exclusion pratiquée par l’IPPJ : quelles que soient les difficultés rencontrées, le personnel « tient bon » et continue à travailler avec le jeune. En effet, nous pouvons émettre l’hypothèse qu’ « une des bases essentielles à toute relation d’aide est la sécurité » (Coenen, 2003).
Cette sécurité est garantie notamment par le principe de non-renvoi du jeune, sauf en cas de transgression majeure. Dans ce cas, le jeune peut être orienté vers une autre section de notre institution, voire dans une autre IPPJ à régime fermé.
Un adolescent en difficulté a non seulement besoin d’amour et d’affection mais aussi d’un cadre structurant ; tisser des liens avec autrui n’est pas incompatible avec le fait de poser des règles et des limites. Ces deux attitudes sont complémentaires, au sens où donner des repères à un jeune l’aide à construire son avenir (loi/sens), tout comme se sentir aimé permet de donner un sens à son passé et une direction à son futur (liens/sens). Cette double mise en sens ne se fait pas sans la collaboration précieuse des familles des jeunes qui nous sont confiés.
4.3. La pluridisciplinarité et ses co-interventions
Notre rôle en tant qu’intervenant psycho-socio-éducatif est d’accompagner l’adolescent (en crise) et de proposer une lecture du geste posé qui permettrait au jeune de donner un sens à son passage à l’acte. Au travers des gestes éducatifs quotidiens, nous veillons donc à être attentifs à l’importance de lieux de paroles au sein desquels le jeune peut venir exprimer une partie de son ressenti, évitant ainsi l’agir pulsionnel. Parmi ces moments, à la fois formels et informels, qui rythment le séjour du jeune, citons, par exemple, les entretiens individuels, les réunions de bilan, les débats en groupe, la réunion des résidents, les échanges avec les conseillers philosophiques, etc. Là où la parole fait défaut du côté de l’adolescent, les adultes auront à soutenir cette expression d’une souffrance ou d’un questionnement interne qui anime le jeune.
Au fil du placement, la prise en charge « thérapeutique » visera à mettre des mots sur les maux du passé afin de permettre au jeune de se réapproprier son histoire et d’interpréter les messages qu’il tente de véhiculer au travers des passages à l’acte. Nous soulignons par prise en charge « thérapeutique » les effets de notre travail qui s’avèrent parfois thérapeutiques alors que « ni le cadre, ni le but ne sont pensés en ce sens » (Courtois et Mertens De Wilmars, 2004).
La prise en charge du jeune et sa remise en question englobent différents champs.
Tout d’abord la sphère pénale. Le placement en IPPJ sert de rappel à la loi car le jeune est sanctionné suite à une transgression de la Loi. Cette loi même qui n’est pas négociable et s’impose à tous, contrairement aux règles.
Les règles ne sont pas la loi. Pourtant elles véhiculent symboliquement la nature de la loi. […]. Mais la loi est générale alors que la règle est particulière. […] Elles (les lois) s’imposent à tous, à l’extérieur comme à l’intérieur d’un établissement scolaire, d’une famille ou d’une communauté. « Il est interdit de voler » n’a pas à figurer comme un article de règlement intérieur mais comme un rappel de la loi.
Maheu, 2005
Notre institution joue également un rôle de médiateur par rapport au Magistrat. La prise en charge est instituée par un mandat judiciaire et tout au long de celle-ci, une collaboration s’instaure puisque nous rencontrons régulièrement le Juge de la jeunesse dans le cadre d’audiences, de discussions de cas et de projets de reclassement.
Ensuite la sphère sociétale. Un des objectifs prioritaires du placement est la réinsertion sociale. Le jeune doit, en effet, trouver sa place dans la société et s’y sentir membre à part entière. Pour s’intégrer, il doit donc apprivoiser les règles « du vivre ensemble ». Dans tout groupe, il existe des règles qui régissent les relations entre les membres. « Les règles ont une fonction pédagogique. Les règles sont comme de petites lois de proximité, accessibles et régissant les occupations quotidiennes » (Maheu, 2005). Quand une personne intègre un groupe, elle doit donc adhérer aux règles. Cette adhésion est plus difficile dans le cas de la contrainte. Le jeune n’ayant pas choisi d’intégrer l’IPPJ, mais y étant placé sous mandat, aura tendance à remettre en question le règlement d’ordre intérieur.
Ce qui implique que l’équipe s’interroge de façon constante sur le cadre institutionnel et le projet pédagogique.
Ensuite la sphère familiale. Malgré un éloignement temporaire du jeune, il importe que l’adolescent ne perde pas son sentiment d’identité et d’appartenance à sa famille. Notre institution vise à apporter un soutien au jeune, et à la parentalité, au travers d’entretiens familiaux et de visites à domicile, mais veille à ne pas se substituer aux parents. Ce point est davantage développé dans la section suivante.
Et enfin la sphère individuelle. Le jeune est au centre de nos préoccupations et il importe de réfléchir avec lui à sa personnalité, son système de valeurs, son mode de fonctionnement, son comportement, ses attitudes et ses potentialités. Cette remise en question se réalise au quotidien au moyen de contacts avec l’équipe éducative (et notamment avec ses éducateurs référents), d’entretiens individuels avec l’équipe psycho-médico-sociale et de l’assistance prodiguée par les conseillers philosophiques.
Cette prise en charge multiaxiale oblige l’ensemble des membres du personnel à utiliser la vie sociale dans laquelle évolue le jeune par le biais de « la thérapie institutionnelle » : « une utilisation à fin explicitement thérapeutique de la vie sociale dans laquelle baigne le patient : la matérialité, l’ambiance générale, le style de relations, la position sociale de l’institution vont donc être exploités afin de catalyser l’amélioration psychique du résident » (Daumezon, 1994).
Ce travail global autour du jeune implique une pratique de co-intervention, devenue spécifique à notre institution, au sens où elle nous apparaît indispensable dans le cadre de notre travail quotidien. En effet, la co-intervention renvoie à la complémentarité des fonctions, ce qui implique une analyse et une lecture différente des situations et des cas, une confrontation constructive d’avis. « Ce processus se construit […] (grâce à) un projet commun, la confiance partagée, le lien et l’échange des émotions, pratiques, savoirs et idéaux » (Courtois et Mertens de Wilmars, 2004).
Au quotidien, ce travail pluridisciplinaire se concrétise à l’entrée du jeune (entretien d’admission), lors des visites à domicile, des réunions pédagogiques hebdomadaires et lors des entretiens individuels menés parfois par l’équipe psycho-médico-sociale en collaboration avec l’un ou l’autre membre de l’équipe éducative. Ces rencontres permettent un échange d’informations continu et une prise en charge adéquate du jeune.
Certains membres de l’équipe prennent la parole et donnent leur propre vision de la situation, argumentent, ce qui permet de complexifier la situation et en fin de compte de choisir le mode d’intervention le plus pertinent au contexte particulier […]. La proposition finale est élaborée dans et par le groupe : elle est créative, émergente et facteur de la résilience.
Courtois et Mertens De Wilmars, 2004
En outre, cette co-intervention favorise la construction, voire la permanence, du lien entre le jeune et l’équipe et notamment ses éducateurs référents. Lors de ces différentes rencontres, nous prenons en considération les « besoins biopsychosociaux » du jeune, « nous introduisons de l’harmonie et/ou de la diversité, nous faisons preuve d’initiative, d’observation, d’écoute active afin de favoriser les processus décisionnels. Cette démarche correspond à celle de la thérapie institutionnelle » (Daumezon, 1994).
Soulignons aussi l’existence de la mixité au sein de certaines équipes de l’IPPJ. Bien que ceci ne soit pas vérifié au niveau scientifique, nous pouvons émettre quelques remarques quant à l’incidence de présences féminines au sein des groupes.
Tout d’abord, la féminité renvoie le jeune à une image non manichéenne de la femme, à la fois pôle maternel et pôle cadrant. Par ailleurs, la mixité permet une identification parentale et confronte ainsi le jeune à ses propres imagos parentaux. Enfin, le personnel féminin introduit une manière différente d’appréhender la crise et permet une autre gestion des conflits où la sphère des affects se voit davantage mobilisée.
4.4. Le travail familial
L’institution ne doit être considérée que comme un lieu de passage, un relais.Le décret du quatre mars 1991 relatif à l’aide à la jeunesse accorde une priorité au milieu de vie. Même si des protocoles de collaboration existent, les possibilités d’orientation vers les institutions privées sont réduites.
Dans un tel contexte et face à de tels constats, nous considérons que le placement doit nécessairement s’accompagner d’un travail avec le milieu d’origine du jeune.
Par ailleurs, le projet pédagogique de l’IPPJ de Braine-le-Château précise que même si le jeune est, bien entendu, au centre des préoccupations de l’institution, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas possible de faire l’impasse sur l’environnement au sein duquel le jeune évolue. A cet égard, la famille occupe une place essentielle et sera, autant que possible, associée au travail entrepris. Cette conception du travail est sous-tendue par différents constats théoriques et pratiques.
Il nous apparaît essentiel d’être conscient que l’adolescent en situation de placement « [...] se trouve à l’intersection d’au moins deux systèmes : familial et institutionnel, que sa famille soit matériellement présente ou pas » (Meynckens-Fourez, 1994). L’adolescent placé éprouve, dans la plupart des cas, un sentiment de loyauté et d’attachement à l’égard de sa famille. Ce sentiment d’appartenance et de loyauté doit pouvoir être reconnu. La fonction parentale doit, autant que faire se peut, être soutenue, travaillée et valorisée dans ses compétences existantes. Ces aspects nous apparaissent essentiels afin de mettre en place un contexte favorable à la réalisation d’un travail constructif et de collaboration pour le jeune, sa famille et l’institution. Muriel Meynckens-Fourez parle, quant à elle, en termes de contexte où le jeune est autorisé « à investir ce qui est proposé par l’équipe institutionnelle car il est moins pris dans un sentiment de loyauté entre l’institution et sa famille » (Meynckens-Fourez, 2004).
Nous considérons également le moment du placement comme « une période de crise potentiellement créatrice » (Ausloos, 2000).
L’institution tente donc d’établir une collaboration avec les parents et le système familial en leur accordant une place, en les associant aux démarches entamées et au travail entrepris. La famille constitue une ressource essentielle dans le travail de mise en sens entamé autour des comportements que l’adolescent adopte ou a adoptés. « Tenir compte de la famille et de son histoire nous permet de mieux comprendre le sens du comportement du jeune, ce qu’il met en scène et en actes au sein de l’institution » (Meynckens-Fourez, 1994).
Nous croyons en « la compétence des familles » (Ausloos, 2000).
A cet égard, nous tentons de la leur reconnaître afin de mobiliser le système familial dans ce qu’il présente de fonctionnel, dans la perspective de mobiliser ses forces créatrices.
Notre objectif principal vise à tenter d’accompagner le système familial dans le processus de reconstruction entamé par l’adolescent. Une fois encore, les notions de « lien » et de « sens » font écho au travail que nous tentons de réaliser. Le jeune n’est jamais le seul acteur dans les conflits identifiés ; les intervenants doivent tenir compte de l’ensemble des composantes du système. Là où le passage à l’acte peut être l’expression d’une souffrance, le travail avec la famille amènera chacun à mettre des mots sur ses difficultés, ses besoins et permettra de meilleures interactions entre les différents membres. La consolidation du lien familial constitue un objectif thérapeutique à part entière.
4.5. Isolement
L’article 19 du Décret relatif à l’aide à la jeunesse définit les conditions de mise en isolement : cette mesure ne peut, en effet, être prise à l’égard d’un jeune que « lorsqu’il compromet sa sécurité physique ou celle des autres jeunes, du personnel ou des visiteurs ».
Pour éviter tout abus et tout arbitraire, cette mesure est strictement réglementée et il doit y être mis fin dès que la situation qui la motive cesse.
Il s’agit ici d’extraire le jeune sans pour autant l’exclure. L’isolement permet de prendre de la distance par rapport à une situation de crise et, ainsi, d’éviter l’escalade de la violence. Il favorise la réflexion tout en sécurisant le groupe, en apaisant les émotions du jeune, des pairs et des adultes. Pendant cet éloignement temporaire, il est important de maintenir le lien afin de rétablir la relation.
Sans aller jusqu’à l’isolement mais lorsque la rupture relationnelle entre l’équipe éducative et le mineur est importante, un travail plus individualisé s’avère parfois nécessaire. Le mineur est écarté du groupe le temps nécessaire à un travail de réflexion et de remise en question, l’objectif final étant la restauration du lien et le retour dans le groupe.
Le but de cet écartement temporaire est, en effet, que le jeune puisse, à la fin de son isolement, se réinscrire dans le groupe.
Maheu, 2005
4.6. Evaluation
Au quotidien, l’évaluation des pratiques se manifeste à plusieurs niveaux.
Il y a d’abord la nécessité de l’auto-évaluation pour le professionnel. En effet, dans le rapport à autrui, l’action est liée à l’intersubjectivité. Les réunions pluridisciplinaires hebdomadaires et les séances de supervision permettent de s’engager dans un tel processus.
On mentionnera ensuite l’évaluation de l’action vis-à-vis des bénéficiaires.
En cours de séjour, l’évaluation est permanente tant sur le plan du comportement (système d’appréciations) que de l’évolution personnelle du jeune (notes d’observation, entretiens individuels, réunions, …).
Dans la majorité des cas, le jeune est associé à l’évaluation et il lui est possible d’y réagir. Le projet élaboré par le jeune et l’équipe est réévalué et ajusté si nécessaire. Il en va de même pour le programme de sorties.
Par ailleurs, dès l’entrée, l’adolescent reçoit son « carnet de séjour » qui contient, outre une série d’informations sur l’IPPJ et son fonctionnement, des rubriques plus personnelles relatives à son vécu à l’institution. Ce carnet peut, si le jeune le souhaite, être utilisé et travaillé avec les équipes pluridisciplinaires dans le cadre de la prise en charge.
Des investigations familiales systématiques et régulières permettent également d’évaluer les capacités de la famille à réinvestir la sphère relationnelle du jeune.
En fin de séjour, il est demandé à chaque mineur de répondre à un questionnaire portant sur la manière dont il a vécu son séjour à l’institution et ce, dans différents domaines (accueil, occupation des journées, règlement institutionnel, programme de sorties, relations avec les adultes, …).
Après analyse du contenu et pour autant que les remarques soient jugées pertinentes, certains aménagements dans le règlement institutionnel peuvent être envisagés.
5. Objectifs thérapeutiques
5.1. Lecture et mise en sens du passage à l’acte
La notion de crise à l’adolescence renvoie tantôt à un processus évolutif normal, tantôt à des débordements d’ordre psychopathologique, tantôt encore à des comportements de délinquance. Michel Fize propose dans son article de mettre davantage l’accent sur les bienfaits de l’adolescence :
L’adolescence est moins une « opposition à » (aux parents, en l’espèce) qu’une « affirmation de soi » (du sujet en l’occurrence). L’adolescent se sent désormais apte à discuter les opinions et les décisions des adultes, en premier lieu celles de ses parents, au nom de ses propres vues. En ce sens, l’adolescence apparaît moins comme âge « critique » que comme « âge de la critique ».
Fize, 2006
Il nous paraît opportun de rappeler le sens que peut recouvrir le passage à l’acte avant d'explorer les réponses que nous tentons d'apporter aux comportements de rupture des adolescents que nous rencontrons.
L’adolescence est, par définition, une période de turbulences dans laquelle le passage à l’acte apparaît comme une fuite en avant ou encore un moyen d’expression privilégié de son mal-être. Ainsi, certaines conduites à risque peuvent être lues comme une confrontation aux limites ou une valorisation de soi par l’épreuve.
La mise en acte est parfois si importante qu’elle occupe apparemment tout le champ comportemental. […] Elle protège l’adolescent du conflit intériorisé et de la souffrance psychique, mais elle entrave toute possibilité de maturation progressive de telle sorte que l’incessante répétition de cette mise en acte apparaît souvent comme la seule issue.
Marcelli et Braconnier, 1995
« Certains passages à l’acte présentent un message […] C’est le départ de tout projet thérapeutique qui envisage la reprise de l’acte par la parole » (Kammerer, 2000).
Passage à l'acte ou acte de passage, quel message se cache-t-il derrière ces conduites de rupture, ces actes qui sont agis à défaut de pouvoir se dire? Un grand nombre d'adolescents développent des conduites de rupture qui peuvent être interprétées comme autant de tentatives plus ou moins désespérées de se sentir exister autrement.
L'agir à l'adolescence constitue un moyen d'expression privilégié, une réponse éventuelle à un vécu psychique plus ou moins conscient, un véritable langage de l'adolescent, une traduction de l'intensité de ses tensions, une conduite active face à un vécu de passivité, une tentative d'affirmation de soi, une source d'expérience souvent initiatique, un moyen de confrontation ou encore un essai de séparation, d'autonomisation.
Duverger, 2005
5.2. La gestion de la violence des jeunes et l’estime de soi
Pour être en bonne santé, un être humain doit avoir une assez bonne estime de lui-même. C’est-à-dire avoir à ses propres yeux une valeur, reconnue également par son environnement social.
Robin, 2008
L’adolescence est un moment particulièrement sensible de la construction de l’estime de soi de par les bouleversements importants qu’elle implique. Elle constitue une étape du développement caractérisée par ses remaniements et ses bouleversements intenses : au niveau corporel, psychologique, familial et social. Les transformations corporelles, l’explosion libidinale, la découverte d’un corps sexué ou encore la reviviscence des conflits infantiles sont autant d’éléments qui vont amener l’adolescent à modifier son identité et la représentation qu’il a de lui-même. La valeur qu’il attribue à sa propre personne peut être fragilisée par ces différentes modifications. Cette période est l’occasion pour le jeune de construire son identité et de s’individuer à partir de conformités autant que d’oppositions aux valeurs familiales et sociales transmises. « La réaction des adultes, subtil dosage entre compréhension et fermeté, déterminera en partie l’entrée du jeune dans l’âge adulte » (Stevens, 2006). L’environnement de l’adolescent joue un rôle essentiel dans cette étape.
D’une expérience à l’autre, d’une épreuve à l’autre, ces adolescents apprennent à se construire une nouvelle identité, à aimer, à jouir, à se battre dans des limites qui donnent une valeur sociale à leurs actions. De cette façon, ils arrivent à acquérir ce qui assure le plus grand sentiment de sécurité intérieure, c’est-à-dire une estime de soi valorisée et reconnue.
Robin, 2009
Les comportements anti-sociaux semblent, pour beaucoup de jeunes qui nous sont confiés, un moyen de rechercher une valorisation « négative », transgressive, quand une valorisation plus positive ne paraît pas possible dans leur environnement. Ils agressent pour exister. La violence peut recouvrir « un signe de réponse à une menace qui plane sur l’identité du sujet et qui tend à restaurer cette identité menacée » (Jeammet, 2004). L’adolescent peut « extérioriser son angoisse par un passage à l’acte violent qui évite la mentalisation, tout en lui permettant de devenir actif et, ainsi, de prendre les évènements à son compte » (Kammerer, 2000). Par ce comportement violent, l’adolescent peut présenter un sentiment de maîtrise de son vécu et de sa situation, ce qui, en retour, évite une fragilisation trop importante de l’estime de soi.
Le travail de l’estime de soi représente un des deux objectifs principaux assignés aux IPPJ. Nous tenons à insister sur l’importance déterminante de l’estime de soi comme facteurconsidérable de réduction des risques de passage à l’acte, aussi bien sur soi-même que sur les autres.
L’estime de soi conjugue l’attachement aux trois temps du passé, du futur et du présent : le passé pour l’intériorisation des relations précoces qui constitue le narcissisme infantile, le futur pour l’intériorisation des idéaux qui nous projette vers un avenir porteur d’espoir et le présent pour l’amour qui nous entoure au quotidien.
Robin, 2009
Qu’est l’estime de soi sinon un lien positif à soi-même ? Toutefois, celui-ci se constitue au travers du regard de l’autre. La dimension relationnelle et affective est fondamentale dans la construction d’une bonne estime de soi. Des études belges, publiées en 2007 sur la délinquance auto-révélée, relèvent que « la prévention la plus efficace de la délinquance juvénile s’appuie sur la qualité de la relation avec les adultes » (Robin, 2007). L’estime que les adolescents peuvent retirer des relations avec leur environnement apparaît donc fondamentale.
Il nous paraît essentiel d’accompagner le jeune dans ce travail de réappropriation de ses potentialités et de reconnaissance sociale afin de disposer d’une estime de soi suffisante pour traverser cette crise adolescentaire et croire en la possibilité de se construire un avenir assez valorisant.
Comment penser et replacer les gestes transgressifs posés dans une perspective constructive, tout en restant conscient des conséquences inhérentes aux actes commis ? L’enjeu consiste à penser le passage à l’acte comme une étape dans un processus, lequel pourrait devenir un processus de restauration chez l’adolescent. Il s’agit d’accompagner l’adolescent dans l’évaluation de ses apprentissages sur les expériences vécues. Et enfin de susciter sa réflexion quant à ses perspectives de vie : comment (re)devenir acteur de son existence ?
Nous axons notre travail sur le respect et la relation privilégiée entre jeune et adulte et ce, dans un cadre où les règles sont claires et cohérentes, alliant « un subtil dosage entre compréhension et fermeté » (Stevens, 2006). Nous considérons comme essentiel dans notre travail de « garantir à l’adolescent des succès » (Kammerer, 2000). Ces succès concernent des valorisations par les diverses activités quotidiennes mais également par le soutien du jeune dans des activités qui lui sont propres et révélatrices de ses potentialités singulières. La dimension relationnelle qui est vécue au quotidien participe également de manière informelle à ce processus. Les moments de bilan tels que chez le Juge ou lors des évaluations hebdomadaires ou encore lors des rencontres avec la famille constituent autant de moments potentiellement constructifs de l’élaboration de la représentation et de l’estime de lui-même.
5.3. La reconnaissance des émotions et l’empathie
Notre contact quotidien avec les jeunes nous montre combien le pôle affectif peut être peu développé, voire désinvesti. Pour la plupart, la notion même d’émotion renvoie à un concept vide de sens et de signification. On note, également, qu’ils ont des conceptions erronées d’un grand nombre d’émotions. Le travail de réflexion et de sensibilisation plus individuel doit permettre d’approcher davantage la sphère émotionnelle du jeune et lui permettre, progressivement, de mieux reconnaître ses propres émotions pour ensuite être capable d’identifier celles d’autrui. La reconnaissance de l’émotion et de la souffrance constitue une première étape dans le processus d’élaboration et de compréhension.
L’expression est une manière de faire sortir hors de soi toute la tension qui est trop intolérable à l’intérieur de soi.
L’adolescence constitue une période où l’agir représente un mode d’expression privilégié. Les adolescents qui ne parviennent pas à s’exprimer par les mots ou par une activité créative vont exprimer de manière prépondérante leurs ressentis au travers des actes.
Il nous semble intéressant de voir le passage à l’acte comme l’expression du fait que l’adolescent reste bloqué dans l’évènement douloureux, comme si celui-ci l’empêchait de grandir, de continuer sa route, comme s’il le déterminait à rester coincé dans le registre réactionnel face au traumatisme.
Stevens, 2006
La plupart du temps, nous constatons, dans l’histoire de ces jeunes, des sentiments d’injustice, de révolte, de désespoir, fondés sur des expériences de maltraitances et négligences diverses. Loin de nous l’idée de banaliser ou d’excuser les gestes transgressifs posés par les adolescents mais davantage de mettre en lumière les fantômes du passé. Autrement dit, derrière les conduites violentes de l’adolescent, il demeure des difficultés non résolues et des souffrances non reconnues. Le dévoilement de celles-ci permet de mieux comprendre les processus en oeuvre dans les troubles des conduites observés.
Il s’agit d’un vrai rôle à jouer, en tant que professionnel en charge d’adolescents, dans la médiation possible à partir de la reconnaissance, en termes de souffrance, d’actes qui sont des actes de rupture, des actes de détresse, qui sont des hurlements, des cris, qui expriment de la douleur.
Pommereau, 2006
Nous sommes des « passeurs » vers quelque chose qui tend à l’élaboration de cette souffrance, par l’intermédiaire de mots à mettre dessus. De l’acte à la parole, nous avons la capacité, en tant qu’adultes, qui prenons en charge des adolescents en difficulté, de leur offrir un espace d’évolution tolérable.
Stevens, 2006
Dans ce contexte d’apprentissage, la place de l’Autre est aussi travaillée afin de développer chez l’adolescent des sentiments d’empathie et l’amener progressivement à reconnaître l’existence de l’émotion chez l’autre. Les diverses activités réparatrices, restauratrices ou de bénévolat proposées aux jeunes permettent notamment cette sensibilisation au vécu d’autrui.
Le développement de l’empathie par l’identification des émotions et des sentiments passe, également, par des mises en situation ou par le biais de jeux de rôle sollicitant les émotions. Le travail centré sur le vécu de la victime constitue également une part importante de nos interventions. Celui-ci se retrouve en filigrane dans de nombreux domaines de la prise en charge des adolescents accueillis et constitue une donnée essentielle dans leur processus de réinsertion sociale.
5.4. La gestion de l’impulsivité
L’omniprésence de l’adulte dans l’unité de vie, l’apprentissage de la gestion des conflits, le travail en pluridisciplinarité, les liens créés, etc., peuvent nous permettre de désamorcer la crise.
Sachant que les réponses thérapeutiques sont rarement satisfaisantes d'emblée par le seul recours à la parole, nous pensons nécessaire d'amener ces adolescents à faire un travail préalable de reliaison, de l'affect à la représentation et de l'agir à la mise en mots de leur souffrance.
Pommereau, 2005
Dans le cas d’un passage à l'acte violent, l’impulsivité est travaillée par la mise en sens au quotidien. Nous tentons, en effet, de répondre aux conduites d'agir de ces adolescents en souffrance par l'offre d'actes psycho-socio-éducatifs qui peuvent faire sens.
Un passage à l’acte peut rester un billet aller simple si le témoin (éducateurs, …) ne répond pas par la proposition d’une recherche de sens. En revanche, s‘il soutient cette proposition, le sujet pourra y trouver un aller-retour, c'est-à-dire découvrir le discours agi qu’il tentait de tenir et y reprendre la parole […] L’acting out est un coup de folie destiné à éviter une angoisse trop violente.
Kammerer, 2000
Si les murs de l’institution sont un contenant nécessaire, ils doivent progressivement laisser la place à quelque chose qui contient sans détenir, sans enfermer, sans forcer le jeune à être dans l’agir pour se sentir exister. Autrement dit, ces adolescents doivent devenir leur propre contenant.
La notion d’enveloppe psychique peut être considérée comme une métaphore qui définit une fonction. La fonction-enveloppe est une fonction de contenance, qui consiste à contenir et à transformer. La contenance est déjà une transformation, ou a un effet de transformation.
Anzieu, 1990
Au delà des entretiens individuels formels et informels, le séjour du jeune est rythmé par les activités quotidiennes et notamment, les activités sportives qui permettent de mieux gérer l'agressivité, de "se défouler" au travers des épreuves sportives, de se délester d'une charge émotionnelle trop intense, de sentir son corps et les contours de celui-ci, de dépasser ses propres limites physiques.
6. Risques d’une approche trop sécuritaire
La délinquance des mineurs est un problème grave qu’il s’agit d’analyser et de traiter avec tout le sérieux qu’il mérite sans oublier pour autant de s’attaquer aux causes mêmes de ce phénomène. On n’insistera jamais assez sur la nécessité de développer ou de renforcer les mesures de prévention.
Souvent présentés comme sources d’insécurité, ces jeunes n’en apparaissent pas moins aussi comme des êtres insécurisés dans un monde social dont on ne questionne pas suffisamment les logiques inégalitaires et discriminatoires. La société, au travers des médias et du discours politique, nous renvoie l’image d’une « génération tourmentée […] mais génération singulièrement encline à plus de violence ; contre elle-même plus qu’on ne le pense, contre les autres comme nous l’oublions moins facilement » (Robin, 2008).
On est donc en droit de se poser la question : qui est insécurisé et par qui ? C’est dans ce courant de pensée que notre institution (comme d’autres, d’ailleurs) s’est donnée pour mission première de restaurer le lien avec les jeunes en difficulté. Pour la plupart, ce sont des jeunes qui vont d’échec en échec et qui vivent de manière récurrente l’exclusion, source même de beaucoup de violences. Il ne s’agit pas de banaliser la gravité du passage à l’acte mais de poser un regard plus large sur la situation personnelle du garçon.
Ces mineurs ont avant tout besoin de trouver en face d’eux et auprès d’eux des adultes qui tiennent le choc de ce qui est à la fois une rencontre et une confrontation. […] La répression comme seule et unique réponse constitue une faillite de la responsabilité adulte.
Palacio 2002
Réprimer les pulsions pourrait apparaître comme le meilleur choix "sécuritaire"... Mais, contenir trop la pulsionnalité n'est pas une bonne manière de l'éduquer et de la socialiser. C'est même une source directe d'insécurité interne qui peut produire à terme de graves problèmes de sûreté sous toutes les formes des symptomatologies auto-agressives ou même sous forme de raptus hétéro-agressif... C'est une mise en oeuvre, une mise au travail de la pulsionnalité qu'il faut rechercher à travers un cadre socialisateur et symbolique.
Robin, 2009
L’enfermement « pur et dur » des jeunes délinquants, s’il est rassurant à court terme, est inefficace à moyen ou long terme car une telle politique génère inévitablement révolte et violence.
Se contenter d’enfermer les mineurs délinquants […], c’est renvoyer aujourd’hui à plus tard un problème que l’on retrouvera aggravé demain, c’est compter sur des murs pour faire le travail des hommes. A l’inverse, la posture d’angélisme qui nie la nécessité de marquer un coup d’arrêt à la fuite en avant que constitue pour des enfants ou adolescents la délinquance, y compris par des moyens coercitifs, interdit toute possibilité d’un travail de fond sur le long terme.
Palacio 2002
[…] Avoir le courage de ne pas se contenter d’affirmer abstraitement le primat de l’éducatif sur le répressif mais de poser le cadre qui rend possible un travail éducatif avec des mineurs dont la personnalité s’est construite sur le rejet des règles du monde adulte et sur la violence comme mode exclusif de communication avec l’autre.
Palacio, 2001
Se soucier de l’intérêt du jeune, c'est-à-dire lui rappeler la loi, lui fixer des limites claires, l’amener à réfléchir sur ses passages à l’acte mais aussi l’écouter, essayer de le comprendre, l’accompagner dans son questionnement, le valoriser, croire en lui et l’aider à élaborer un projet de vie, c’est travailler dans l’intérêt de la société.
Oui, il faut sanctionner l’acte délinquant que peut commettre un mineur ; oui, il faut en même temps l’aider à sortir du système qui l’a conduit à cet acte. La sanction sans l’éducation ne sert à rien, ne règle rien. La répression est une réponse, pas une solution. […] Le mineur est d’abord un être en devenir et la responsabilité d’une société qui se veut civilisée est de faire le pari de ce devenir-là.
Palacio 2002
7. Conclusions
[…] Le travail éducatif ne peut alors faire l’impasse sur la question de la contrainte, sur la part de contrainte nécessaire pour que le mineur ne puisse tout rejeter d’emblée.
Palacio, 2001
Si notre mandat s’inscrit clairement dans le cadre de la contrainte, il convient avant tout de se rappeler le contexte dans lequel nous travaillons, à savoir celui de l’Aide à la Jeunesse.
En tant que tuteurs de résilience ponctuels dans le parcours de ces adolescents, nous nous insurgeons contre ce climat d’intolérance et de condamnation véhiculé par les médias et les pouvoirs politiques et in fine l’opinion publique.
Nous tenons à réitérer notre croyance envers un système éducatif et pédagogique basé sur un juste équilibre entre des « sanctions positives et négatives », comme toute figure parentale qui allie affection et sanction.
A l’instar de KAMMERER, nous proposons de mettre à la disposition de ces jeunes « un cadre de vie susceptible de contenir leurs angoisses, de les dispenser du passage à l’acte, de les renarcissiser pour mieux les responsabiliser, de leur délivrer des interdits et de soutenir de l’idéal » (Kammerer, 2000). Il évoque notamment la « compulsion de restitution » où le jeune violent restitue par cette mise en acte les conflits antérieurs, pour laquelle il demande déchiffrage et lecture. Nous nous sentons proches de cette « clinique éducative du quotidien » qu’il décrit et par laquelle les éducateurs peuvent ouvrir la porte à une mise en pensée de cette violence qu’ils ne pouvaient qu’agir. Cette violence demeure donc un message à déchiffrer… L’auteur décrit l’espace de l’analyse comme « un espace qui contient et qui transforme les émotions, les angoisses, les conflits, autrement dit, la douleur psychique » (Kammerer, 2000). Et selon lui, la douleur est contenue lorsqu’elle est comprise. Contenir une expérience, c’est la comprendre.
Le dispositif de la prise en charge proposée à l’IPPJ de Braine-le-Château peut, lui aussi, contenir et apporter une compréhension des difficultés du jeune, à travers une relecture du passage à l’acte transgressif.
Même si nous sommes convaincus du bien-fondé du projet pédagogique de l’IPPJ de Braine-le-Château, l’évaluation de l’action et de ses effets en regard des objectifs assignés à l’institution (à savoir : favoriser la réinsertion sociale et développer l’estime de soi) mériterait d’être approfondie. En effet, en l’absence de données scientifiques en la matière, il nous est impossible de connaître le devenir clinique des jeunes qui nous ont été confiés (même si les contacts informels que nous pouvons avoir avec certains d’entre eux sont encourageants).
Ce processus d’évaluation ne peut, néanmoins, en rester à une logique de résultats car il existe parfois des améliorations ponctuelles et des effets à retardement, positifs ou négatifs.
Il doit tenir compte de la complexité des réalités humaines et sociales qui débordent les modèles institutionnels et professionnels.
L’évaluation « post intervention » nécessite une distanciation plus difficile à tenir quand elle est portée en interne où la tentation peut exister de l’utiliser à des fins de justification de dispositifs institutionnels.
Cette évaluation devrait donc être confiée à un organisme extérieur (par exemple, une université) mais se pose alors la question de savoir comment concilier la connaissance du domaine étudié et la nécessaire distance garante d’un processus le plus objectif possible ?
Le choix de l’évaluateur mérite donc la plus grande attention.
Parties annexes
Notes
-
[1]
IPPJ : Institution Publique de Protection de la Jeunesse (sous tutelle du Ministère de la Communauté française).
-
[2]
L’institution dispose, hors capacité, de trois places « d’urgence » réservées à l’accueil de mineurs poursuivis pour homicide ou tentative d’homicide. Les deux premières places sont également réservées à l’accueil de mineurs poursuivis pour agression sexuelle sur mineur (circulaire du Gouvernement de la Communauté française du 07 mai 2002)
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- STEVENS, Yves. 2006. « Ces adolescents en difficulté, ces adolescents meurtris qui nous découragent de les aider… Comment résister ? Quels contre-modèles à la résignation ? », dans, Claude SERON (dir.). Au secours on veut m’aider ! Venir en aide aux adolescents en révolte, en rupture, en détresse. Tome 2. Paris, Fabert : 47-69.
- UYTTERHAEGHE, F. (2000). Jeunes délinquants? Courage… fuyons. Bruxelles, Ed. Européennes. 129 p.