Résumés
Résumé
Cet article examine certaines implications du nativisme pour la démocratie libérale. Il révèle que les catégories de « natif » et d’« étranger » résultent d’une construction socio-politique ayant des répercussions significatives sur ce régime. L’étude se penche sur la compréhension du concept de demos par les défenseurs du nativisme, ces derniers remettant en question les fondements de la citoyenneté démocratique. De plus, elle explore l’influence du majoritarisme nativiste sur les droits des minorités et examine le rôle du nativisme dans la polarisation politique. Cette recherche contribue à éclairer un domaine encore peu exploré et survient à un moment crucial, où la montée du nativisme soulève des questions urgentes sur la viabilité de la démocratie libérale.
Mots-clés :
- nativisme,
- populisme,
- démocratie libérale,
- citoyenneté
Abstract
This article examines certain implications of nativism for liberal democracy. It reveals that the categories of “native” and “foreigner” result from a socio-political construction with significant repercussions for this regime. The study explores the understanding of the demos concept by nativism advocates, thereby challenging the foundations of democratic citizenship. Furthermore, it investigates the influence of nativist majoritarianism on minority rights and analyzes the role of nativism in political polarization. This research contributes to illuminating a still relatively unexplored field and comes at a critical moment when the rise of nativism raises urgent questions about the viability of liberal democracy.
Keywords:
- nativism,
- populism,
- liberal democracy,
- citizenship
Corps de l’article
Dans son influent ouvrage Strangers in the Land, l’historien John Higham définit le nativisme comme une opposition intense à une minorité interne en raison de ses liens avec l’étranger (2002, 4). Bien que ce concept ait été originellement élaboré pour aborder une problématique spécifiquement nord-américaine et ait longtemps été associé à ce contexte (Betz 2019), il a acquis une portée mondiale avec l’émergence des partis et des mouvements de la droite radicale au sein des démocraties libérales. En fait, même si ces derniers conjuguent trois composantes idéologiques, à savoir le nativisme, l’autoritarisme et le populisme, c’est le nativisme qui demeure l’élément central permettant de les définir (Mudde 2007, 26). Cependant, malgré la prééminence de cette idéologie, ce sont souvent les aspects populistes de ces organisations qui attirent davantage l’attention des chercheurs s’intéressant à l’état actuel de la démocratie (Mounk 2014 ; Huber et Schimpf 2016 ; Barbieri 2018 ; Berman et Snegovaya 2019 ; Fitzi, Mackert et Turner 2019 ; Wolkenstein 2019 ; Calhoun 2020 ; Enroth 2020 ; Cole et Schofer 2023).
Non seulement ils mobilisent souvent le populisme pour labelliser des positions clairement nativistes (Ivaldi 2022), mais ils l’utilisent comme concept explicatif central, là où celui de nativisme est le plus pertinent (Hunger et Paxton 2022). Par conséquent, il existe une surabondance d’études qui portent sur les menaces du populisme à la démocratie, tandis que celles qui s’intéressent au nativisme dans ce contexte sont comparativement plus rares. Qui plus est, celles-ci ne se focalisent en général que sur les attitudes des nativistes envers la démocratie (Kokkonen et Linde 2021 ; 2022) ou analysent le phénomène à travers le prisme de la droite radicale (Vieten et Poynting 2016 ; Harteveld et al. 2021 ; Switzer et Beauduin 2022).
Notre article entend combler cette lacune en examinant les implications sociopolitiques du nativisme sur la démocratie libérale, tout en adoptant une approche plus analytique, indépendante de son association avec d’autres courants idéologiques. Une telle approche est pertinente, tout d’abord parce que malgré le fait que les nativistes se rassemblent principalement au sein des partis conservateurs, des individus et des groupes partageant cette idéologie existent tout au long de l’échiquier politique (Guia 2016 ; Bertossi, Taché et Duyvendak 2021 ; Duyvendak et Kešić 2022). Ensuite, parce que les nativistes peuvent défendre simultanément de politiques progressistes et conservatrices (Taylor 2000), voire s’ériger en véritables défenseurs des valeurs libérales (Akkerman 2005). Enfin, parce qu’il existe de nombreux exemples cruciaux d’activisme nativiste hors des partis politiques, tels que les cercles intellectuels de la « Nouvelle Droite » ou les manifestations de rue organisées par le mouvement politique paneuropéen PEGIDA (Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident) (Weisskircher 2023). Si le nativisme représente une menace pour la démocratie libérale, c’est non seulement en raison de son affiliation aux partis d’extrême droite, mais aussi en vertu de sa propre nature intrinsèquement excluante.
Dans la première section de notre article, nous analysons le concept de nativisme. Tandis que la littérature savante tend à considérer le nativisme comme un synonyme de la xénophobie ou de l’ethno-nationalisme, il s’agira de montrer que la signification des termes « natif » et « étranger » n’est pas intrinsèque, mais qu’elle résulte d’une construction socio-politique qui risque d’avoir des conséquences majeures pour la démocratie libérale. Nous fournissons également une typologie succincte du nativisme en identifiant différentes façons dont il est abordé dans la littérature universitaire.
Dans la deuxième section, nous examinons quelques conséquences du nativisme sur la démocratie libérale. Nous nous attardons pour cela à la manière dont le nativisme construit le demos tout en menaçant le principe de citoyenneté démocratique. Puis, nous analysons les répercussions du majoritarisme nativiste sur les droits et libertés des minorités et, plus généralement, de ceux qui sont considérés comme « non-natifs ». Finalement, nous nous attardons à la manière dont le nativisme contribue à la polarisation politique. Bien qu’elle soit de nature exploratoire, cette étude aspire à contribuer à un domaine encore peu exploré dans la recherche universitaire. Elle survient à un moment crucial où la montée du nativisme soulève des questions urgentes sur la viabilité de la démocratie libérale.
La dynamique nativiste
La caractéristique essentielle pour qu’un discours, un parti politique ou un mouvement social soit qualifié de nativiste est le fait qu’une catégorie spécifique de personnes (souvent des immigrants et des minorités ethniques) soit considérée comme une menace fondamentale pour la « nation », mais aussi que la restriction de l’immigration de groupes particuliers devienne un objectif politique de survie primordial. Une telle restriction est primordiale, précisément parce qu’elle rend possible la protection de certaines caractéristiques ou valeurs de cette nation jugées essentielles (Guia 2016). Les nativistes estiment que les « natifs » devraient avoir plus de droits et de pouvoir de décision que le reste de la population en ce qui concerne la détermination des caractéristiques de la nation et que les États devraient être habités exclusivement par des membres du groupe « de souche ». Les éléments non natifs, que ces derniers soient des personnes ou des idées, constitueraient une menace pour l’État-nation homogène (Mudde 2007, 19).
Il importe néanmoins de noter que le nativisme transcende la simple dichotomie entre « natif » et « non-natif ». Ces statuts ne dépendent pas principalement de la citoyenneté ou de la naissance, mais sont plutôt basés sur les significations que les nativistes leur attribuent. C’est lorsqu’une sous-population est considérée comme étrangère par ceux qui se disent les « vrais » natifs que le nativisme devient possible. Ces termes sont donc, dans une grande mesure, des questions de perception. Le fait qu’ils soient socialement et politiquement construits explique pourquoi les images des « étrangers » et des « natifs » varient selon le contexte historique.
Aux États-Unis, par exemple, les communautés afro-américaines sont exclues de la conception de nation défendue par les nativistes, même si la présence de ces communautés n’est pas liée à l’immigration et que les ancêtres de la plupart des Afro-Américains sont établis aux États-Unis depuis plus longtemps que les ancêtres de la plupart des Américains blancs (Putnam 2007, 139-140). Il en va de même pour ce qui concerne les véritables autochtones, à savoir les Amérindiens, qui ont été dénaturalisés et considérés comme des non-Américains (Casanova 2012, 486). En Europe, en revanche, l’ancienneté sur un territoire permet d’établir qui est lié au sol et constitue un membre de la « nation ». Aux Pays-Bas, le nativisme s’appuie fréquemment sur la notion que les personnes issues de familles anciennement établies devraient jouir de droits supérieurs par rapport à ceux qui se sont installés plus récemment, en particulier si ces derniers sont d’origine non occidentale ou non blanche (Kešić et al. 2022). En conséquence, les enfants et les petits-enfants des immigrants qui sont nés sur le territoire néerlandais (donc des natifs) sont constamment traités comme des étrangers.
Le rôle de l’histoire, romantiquement conçue, est un aspect central du nativisme contemporain. Les mouvements nativistes ont tendance à adopter un discours alarmiste, présentant leurs pays comme étant au bord de l’effondrement et nécessitant un leadership fort pour prendre des mesures décisives. Pour cela, ils utilisent souvent la nostalgie en décrivant le passé de manière positive et en montrant le présent comme étant en déclin. Cette vision du passé sert non seulement à mobiliser l’identité nationale, mais aussi à transmettre un sentiment d’urgence pour prendre des mesures drastiques immédiates afin d’éviter toute rupture entre le passé et le présent (Mols et Jetten 2014)[2].
De la même manière que les individus appartenant à des minorités ethniques (soient-ils nés dans le territoire national ou citoyens naturalisés) ne sont pas considérés par les nativistes comme des membres de la nation, les natifs « de souche » qui supposément « menacent » les intérêts et l’unité du « peuple » (par exemple en adoptant des « idées étrangères ») sont souvent considérés comme des traîtres. C’est le cas des universitaires engagés dans la lutte contre le racisme, souvent décrits comme traîtres de la patrie, pour ne pas souscrire à l’interprétation nativiste de la situation des populations issues de l’immigration (Bertossi, Taché et Duyvendak 2021, 35). C’est également le cas lorsque, suivant une logique relevant d’un nativisme populiste, on amalgame les élites, la gauche et le multiculturalisme pour affirmer que les « élites » ne sont pas vraiment natives car, étant culturellement aliénées, elles défendent les intérêts des immigrants (Kešić et Duyvendak 2019, 457-458). Ainsi, ceux qui embrassent la diversité culturelle, le cosmopolitisme ou le multiculturalisme, voire ceux qui tout simplement défendent une conception civique, donc inclusive, de la nation, mettraient cette dernière en danger (Guia 2016, 12). En conséquence, la rhétorique nativiste de l’altérité provoque non seulement une aliénation entre le « natif » et l’« autre », mais aussi parmi les natifs qui ne partagent pas les mêmes opinions au sein de la même communauté politique (Akbaba 2016, 35).
Pour résumer, le nativisme ne saurait être simplement assimilé à la xénophobie, à l’hostilité envers les immigrants, au racisme ou au nationalisme ethnique, même si ces éléments y sont souvent présents. D’une part, les nativistes peuvent exclure des individus de leur propre groupe ethnoculturel, les considérant comme des traîtres à la « nation ». Il convient de noter, dans ces cas, que les mécanismes d’exclusion ne se limitent pas à la simple hostilité envers les étrangers (Rzepnikowska 2019), au nationalisme ethnique, au racisme ou même au rejet des concitoyens non intégrés (Newth 2021). D’autre part, les nativistes cherchent aussi à exclure ceux qui, bien qu’ayant des racines ancestrales sur le territoire, n’appartiennent pas à leur groupe ethnoculturel.
En outre, comme l’explique Cas Mudde (2007), alors que le nationalisme peut avoir des variantes qui embrassent une vision plus ouverte ou inclusive de la nation, le nativisme adopte une approche plus restrictive, souvent basée sur des critères de culture ou de religion, et exclut ceux qui ne correspondent pas à ces critères définis.
Les écrits universitaires mettent fréquemment en lumière cinq formes notables de nativisme, chacune apportant des angles d’analyse distincts pour comprendre ce phénomène complexe (Keskinen 2016 ; Betz 2019 ; Kešić et Duyvendak 2019 ; 2020 ; Duyvendak et Kešić 2022). Le nativisme populiste se caractérise par une relation symbiotique entre le nativisme et le populisme, où la dimension nativiste définit le « vrai peuple » menacé par des éléments étrangers et la composante populiste cible les élites considérées comme illégitimes. Le nativisme économique se concentre sur les effets supposés négatifs des immigrants sur le marché du travail. Le nativisme social-chauviniste, quant à lui, découle de la croyance que les immigrants moins qualifiés minent l’État providence en contribuant peu au système fiscal tout en bénéficiant de manière disproportionnée des avantages sociaux. Le nativisme symbolique privilégie la préservation des traditions culturelles et religieuses ainsi que des valeurs historiquement établies, alors que le nativisme racial se focalise sur la racialisation des mouvements qui s’opposent au racisme[3]. Il est important de souligner que ces catégories ne sont pas mutuellement exclusives ; dans la pratique, les acteurs nativistes peuvent mobiliser plusieurs de ces logiques simultanément, ajoutant ainsi une couche de complexité à l’analyse de ce phénomène.
Nativisme et démocratie
En tenant compte de la conception du nativisme jusqu’ici présentée, nous identifions trois implications pour la démocratie libérale. La première concerne le problème de la constitution du demos nativiste et ses répercussions sur le principe de citoyenneté. La deuxième porte sur le majoritarisme et la restriction des droits démocratiques, tandis que la troisième est liée aux conséquences de la polarisation politique encouragée par le nativisme.
La construction du demos nativiste et le principe de citoyenneté démocratique – La théorie démocratique distingue au moins deux manières de déterminer la constitution du demos, qu’on présente souvent dans la littérature comme le problème des frontières (Miller 2020 ; Spitzer 2021). Pour certains, la caractéristique clé qui rend la démocratie possible est celle d’un public reconnu, opérant au sein d’une communauté politique dans laquelle il existe un consensus général sur ce qui rend les décisions publiques légitimes (Keohane et Nye 2001, 13). Dans cette approche, un système politique est considéré comme démocratique dans la mesure où ceux à qui les décisions politiques s’appliquent ont la possibilité de participer à leur élaboration (Goodin 2016 ; Andrić 2021).
La deuxième réponse à ce problème est fournie notamment par les tenants de la démocratie cosmopolite qui, afin de déterminer le demos, ont recours au principe d’inclusivité et de subsidiarité. Puisque la légitimité démocratique implique de rétablir la congruence entre électeurs et décideurs à différents niveaux (Nootens 2010), le principe de subsidiarité est mobilisé dans le but de clarifier le critère fondamental permettant de tracer des limites autour de ceux qui devraient être impliqués dans des domaines de décision particuliers (Held 2004). Dans cette approche, les personnes significativement affectées par les décisions ou les processus publics devraient avoir une chance égale de les influencer et de les façonner, que ce soit directement ou indirectement.
Les nativistes rejettent ces deux conceptions du demos, qui, dans leur conception, est constitué exclusivement par les « natifs » et non pas par les citoyens. À la fois, nous l’avons vu, leur conception de « natif » est construite dans le but d’exclure même des citoyens qui sont nés sur le sol national, mais qui ne sont pourtant pas considérés comme des égaux politiques.
Les analyses de Cristina Beltrán (2020) révèlent que le nativisme, en prônant l’exclusion et en valorisant la ségrégation au prétexte de conserver une identité nationale faussement perçue comme homogène, se manifeste souvent au moyen de la manipulation législative tout en entraînant une violence symbolique. En explorant la politisation de l’identité blanche et son lien avec le nativisme dirigé contre les Latinos, Beltrán met en lumière comment la discrimination raciale a compromis l’intégrité de la démocratie américaine au moyen d’un système de privilèges et d’égalité entre les Blancs. Cette stratégie a fini par marginaliser les migrants et d’autres collectivités qui sont perçues comme étrangères à la nation. En limitant l’accès aux droits fondamentaux et à une participation pleine et effective à la société, ces approches s’opposent diamétralement à l’aspiration d’une citoyenneté démocratique inclusive et équitable, soulignant l’antagonisme profond du nativisme avec les principes d’inclusion et d’égalité au coeur de la démocratie.
Dans une veine similaire, Khaled Beydoun (2018) a démontré comment le nativisme anti-musulman s’est enraciné aux États-Unis, émanant non seulement de préjugés individuels mais aussi de politiques gouvernementales et pratiques institutionnelles discriminatoires, érodant de la sorte les principes fondamentaux d’égalité et de liberté. L’exclusion systématique des analystes musulmans de débats médiatiques clés, sous prétexte que des non-musulmans, souvent des hommes blancs, seraient plus aptes à discuter de l’Islam et des musulmans, en est un exemple frappant. L’ère Donald Trump a vu la promulgation de politiques de surveillance plus strictes, avec des lois et des programmes qui présupposent que l’identité musulmane constitue une menace pour la sécurité nationale, certaines mesures étant explicitement discriminatoires, comme l’interdiction d’entrée aux immigrants de pays majoritairement musulmans, tandis que d’autres, de façade neutre, ciblent de manière disproportionnée les musulmans.
Que ce soit aux États-Unis, en Europe ou en Afrique, la montée du nativisme contribue à ce qu’on appelle une « culturalisation de la citoyenneté ». Plutôt que de définir le citoyen en termes de droits et obligations civiques, politiques et sociaux, ce processus élève la culture – y compris les émotions, les normes, les valeurs et les symboles – au statut de critère central de la citoyenneté. Cette transition vers une citoyenneté culturalisée favorise certaines normes culturelles et fige les identités dans des formes rigides, mettant en péril l’égalité démocratique par la création de barrières culturelles qui excluent les immigrants et les minorités d’une participation complète à la société. En conséquence, le nativisme érode les piliers de l’égalité, de l’inclusion et de la pluralité, affaiblissant la cohésion sociale et la stabilité démocratique (Duyvendak, Geschiere et Tonkens 2016).
Ce qui est en jeu ici mérite une attention particulière, car c’est le coeur même de la démocratie libérale qui est affecté par le nativisme. D’une part, les institutions politiques ne sont socialement représentatives de l’ensemble des citoyens que si les différents groupes de citoyens sont traités sur un pied d’égalité. D’autre part, sans la participation des citoyens et sans leurs droits politiques et libertés civiles, le principe du contrôle populaire sur le gouvernement, l’un des principes sur lesquels repose la démocratie, ne peut être réalisé. Pour le dire simplement, la démocratie commence avec le citoyen (Beetham et al. 2008, 27). Elle repose sur l’idée selon laquelle le bien de chaque individu est intrinsèquement égal à celui des autres individus. Le principe de l’égalité intrinsèque (Dahl 2015, 65) justifie et sert de base à la démocratie. Selon ce principe, la vie, la liberté et le bien-être d’une personne ne sont pas intrinsèquement supérieurs à la vie, la liberté et le bonheur de toute autre personne, indépendamment de l’appartenance ethnique ou culturelle. Une telle égalité ne se limite pas à la relation entre les citoyens et leur gouvernement, elle implique l’égalité des uns par rapport aux autres ; l’égalité n’est pas seulement verticale, elle est aussi horizontale. Les interactions politiques entre les citoyens doivent refléter cette égalité, ne serait-ce que parce que les citoyens partagent une responsabilité démocratique et doivent manifester une considération appropriée pour le statut politique égal de leurs concitoyens (Talisse 2021).
Les nativistes rejettent cette égalité démocratique. Ils ne font pas preuve d’une égale considération vis-à-vis des citoyens qu’ils considèrent comme étant en dehors de leur groupe. En conséquence, au lieu d’exiger au gouvernement qu’il traite les intérêts de tous les citoyens avec une égale considération, ils réclament la promotion et la protection du bien-être des « natifs » au détriment des « non-natifs ». Autrement dit, ils s’attendent à ce que le gouvernement fasse activement preuve de partialité à l’égard de leur groupe ethnique (Betz 2022). Dans le meilleur des cas, les nativistes offrent une citoyenneté de seconde classe à ceux qui n’appartiennent pas à leur groupe. Une telle « citoyenneté » refuse à la catégorie de personnes exclues le droit de participer de manière égale à leur démocratie, donne aux préoccupations de ces dernières moins de poids qu’aux autres citoyens, rend leurs opinions politiques moins légitimes, justifie de leur fournir des services publics inférieurs, voire cherche à réduire leur droit d’être traités de la même manière que les autres citoyens. De toute évidence, une telle citoyenneté de seconde classe est en contradiction avec le principe fondamental d’égalité de tous les citoyens, ce qui rend le nativisme intrinsèquement antidémocratique.
La seule rhétorique politique nativiste joue déjà un rôle particulièrement néfaste pour la citoyenneté démocratique. D’une part, elle augmente les attitudes ethno-nationalistes des majorités culturelles en renforçant le conflit perçu entre les natifs et les immigrants (Helbling, Reeskens et Stolle 2015). D’autre part, une telle rhétorique a un effet négatif sur la confiance politique des immigrants (même ceux qui sont des citoyens), ainsi que sur leur satisfaction à l’égard de la démocratie. Kristina Bakkaer Simonsen (2021) a montré que la rhétorique nativiste ne doit pas tout simplement être considérée comme une menace pour les identités et les intérêts minoritaires prédéfinis de citoyens aux origines immigrantes, mais aussi et surtout comme un moyen de les exclure de la communauté politique. Les conséquences pour les citoyens issus de l’immigration concernent, entre autres, une perte du sentiment de valeur et de l’agence politique résultant du fait de ne pas être perçus comme des membres égaux de la communauté nationale. Une telle exclusion politique risque de se transformer en clivages profonds et de pousser les immigrants non seulement à se sentir déçus et frustrés, mais à perdre de l’intérêt dans des affaires publiques. La légitimité d’un système politique démocratique repose sur l’inclusivité concernant les normes d’égalité d’accès et de considération dans le processus politique. Ainsi, lorsqu’un secteur de la citoyenneté perd confiance aux principes d’égalité et d’inclusion, c’est l’idéal démocratique même qui est remis en question. La rhétorique nativiste affecte donc négativement la cohésion sociale tout en créant des conditions défavorables à l’identification de tous les citoyens à l’État démocratique ainsi qu’à leur participation active dans les institutions publiques.
Nativisme, majoritarisme et restriction des droits et libertés des minorités – Lorsque le majoritarisme adopte une perspective nativiste, il manifeste une crainte que les étrangers prennent le contrôle des pays qui les accueillent, menaçant ainsi le mode de vie et la culture de la majorité. Ce type de majoritarisme nativiste peut compromettre les principes essentiels de la démocratie libérale. En effet, il se peut que la protection des droits des minorités, les libertés civiles, ainsi que les mécanismes de contrôle et d’équilibre de l’exécutif soient relégués au second plan, au profit des intérêts des citoyens de souche.
Les nativistes nient les conflits de valeurs fondamentales au sein du peuple autochtone, tout comme la pertinence morale des minorités culturelles. Comme le soutiennent Andrej Kokkonen et Jonas Linde (2021), la démocratie représentative libérale n’est pas faite pour les nativistes, leur majoritarisme impliquant une préférence des formes de gouvernement « sans contrainte » qui, en plus de mettre l’accent sur la prise de décision directe par le « peuple », favorise le pouvoir des dirigeants forts susceptibles de mettre en oeuvre des politiques leur étant favorables. La démocratie ne serait qu’une stratégie parmi d’autres visant à mettre en oeuvre de telles politiques, ce qui explique le paradoxe selon lequel les électeurs nativistes sont plus favorables à la fois à la démocratie directe et aux dirigeants forts.
En Suisse, les outils de démocratie directe ont donné au parti nativiste SVP (Swiss People’s Party) un levier significatif sur le système démocratique. Comme le signale Damir Skenderovic (2007), cette influence soutenue a non seulement entravé les initiatives de réforme des dirigeants suisses, mais a également polarisé le discours sur l’immigration. Le parti s’est ainsi autoproclamé comme le gardien exclusif des Suisses « natifs », prétendument en danger à cause de l’arrivée continue d’immigrants et de demandeurs d’asile. Cette stratégie est utilisée pour miner les processus de prise de décision démocratique en utilisant l’exclusion de « l’autre » comme cadre de référence et d’influence sur un électorat qui partage leurs idées d’exclusion. Cela explique, entre autres, pourquoi les électeurs suisses ont approuvé, lors d’un référendum, une interdiction constitutionnelle de la construction de minarets, bien que l’exécutif suisse ait fait valoir que cette disposition violait l’article 9 de la Convention européenne des droits de la personne.
En Italie, le parti Ligue du Nord (LN) a proposé plusieurs mesures restreignant les libertés des musulmans, telles que rendre obligatoire pour les musulmans (mais pas les autres religions), la célébration des rites en italien et l’octroi de permis pour la construction ou l’agrandissement de mosquées uniquement à la suite de référendums locaux, ce qui aurait fait dépendre la pratique de l’islam de ce qu’en pense une majorité de citoyens locaux. C’est de cette manière que les référendums arrivent à transformer le critère de la majorité en une « règle de la majorité » (Albertazzi et Mueller 2013). Conformément à la logique nativiste, ces mesures concernent non seulement les « étrangers », mais aussi les Italiens appartenant aux communautés islamiques. LN a lancé également une série d’initiatives sur l’immigration qui ont été jugées menaçantes pour les droits humains fondamentaux par plusieurs institutions européennes (ibid.). Rappelons que LN a exercé une pression considérable pour fermer la mosquée de Via Jenner, à Milan, une action menée par le ministre de l’Intérieur Roberto Maroni. À cette époque, Umberto Bossi, fondateur de la LN, commentait à ce sujet que l’Italie « c’est notre maison, et nous ne la donnerons en cadeau à personne » (McDonnell 2016).
Le fait que le majoritarisme puisse entraîner de conséquences pour les droits et libertés de minorités culturelles et religieuses est particulièrement pertinent lorsque le nativisme devient une motivation pour l’action politique. Une étude menée aux États-Unis a révélé que le nativisme a un effet négatif significatif sur les libertés civiles des musulmans (Dahab et Omori 2019). Elle a montré que les racistes et les athées peuvent être considérés par les nativistes comme des membres de la « vraie nation », mais que les musulmans, même s’ils sont nés aux États-Unis, constituent une menace extérieure pour le mode de vie américain, ce qui rend légitime la limitation de leurs droits et libertés.
La démocratie libérale n’exclut ni la démocratie directe ni le respect des décisions majoritaires ; elle exige cependant que les principes constitutionnels de protection des droits des minorités soient garantis et que les procédures démocratiques ne soient pas conçues comme des stratégies majoritaristes de mise en oeuvre de politiques nativistes.
Nativisme et polarisation politique – Certains commentateurs ont suggéré que les attitudes polarisantes sont typiques du populisme, mais qu’elles sont absentes chez les nativistes (Pappas 2018). Cependant, s’il est vrai que le populisme a contribué à accroître la polarisation politique et à réduire la confiance dans les institutions démocratiques (Roberts 2021), il est également vrai qu’il opère souvent en adoptant une logique nativiste. C’est le cas lorsque les populistes exploitent le mécontentement associé à des taux d’émigration élevés dans le but d’exacerber les craintes populaires concernant la concurrence immigrante avec les « natifs » pour les emplois et les services sociaux. C’est que le populisme n’implique pas, en soi, des politiques contraires à l’immigration, aux étrangers ou au multiculturalisme (Akkerman 2003), comme on le soutient trop souvent. La polarisation qu’il encourage résulte fréquemment de sa symbiose avec le nativisme.
Le nativisme n’a pas besoin d’une telle association pour aggraver les clivages sociaux. Selon une étude de Desirée Schmuck, Raffael Heiss et Jörg Matthes (2020), le discours nativiste, omniprésent dans les médias et les réseaux sociaux, accentue les divisions sociales, portant ainsi atteinte aux processus démocratiques. Ce type de discours, souvent teinté d’émotion et de stéréotypes négatifs – comme en témoignent les représentations hostiles des musulmans –, affecte de manière disproportionnée ceux qui sont déjà enclins à partager ces vues. Autrement dit, les campagnes politiques nativistes exacerbent les perceptions négatives chez les électeurs prédisposés à de telles opinions.
Cette influence ne se manifeste pas de manière uniforme parmi les électeurs. Elle renforce plutôt les camps extrêmes, forgeant une dichotomie « nous contre eux » dans la société. En termes de psychologie politique, ce phénomène est amplifié par le mécanisme d’attribution de blâme. Ce dernier positionne divers groupes comme responsables des problèmes liés à l’immigration, créant un double effet. D’une part, il renforce la solidarité et les sentiments positifs au sein du groupe d’appartenance ; d’autre part, il alimente des attitudes négatives envers les groupes considérés comme extérieurs. Ce mécanisme, intrinsèque au discours nativiste, nourrit donc la polarisation affective et compromet le débat public constructif (Rovamo, Pettersson et Sakki 2023).
La polarisation sociale et politique a tendance à s’intensifier en réponse à la violence collective à l’encontre des immigrants, une constante qui a marqué les mouvements nativistes depuis leurs origines (Riedel 2020). Cette intensification est alimentée par l’émergence de perspectives divergentes sur l’immigration, qui acquièrent une nouvelle pertinence dans le débat public. Dans ce contexte, le nativisme agit comme un catalyseur, creusant davantage le fossé entre le groupe ethnoculturel dominant et les minorités culturelles issues de la migration. Comme le démontrent Maureen Eger et Susan Olzak (2023), cette frontière est d’autant plus marquée que les niveaux de violence anti-immigrants sont élevés. Une telle situation intensifie la polarisation des attitudes envers les immigrants, générant une divergence marquée d’opinions, tant favorables qu’hostiles.
Tout comme le nativisme médiatique et la violence associés à des courants anti-immigration engendrent la polarisation, la posture des élites politiques, marquée par un sentiment d’exclusion, contribue également à aggraver les clivages idéologiques au sein de la société. Une analyse longitudinale de 18 ans effectuée à partir des données de l’Enquête sociale européenne indique que la fragmentation des attitudes s’intensifie lorsque ces figures d’autorité adoptent des postures plus marginalisantes. Ce phénomène engendre une montée de l’animosité publique à l’encontre des étrangers, accentuant par conséquent le fossé entre les orientations politiques de gauche et de droite (Schmidt-Catran et Czymara 2023). Il en va de même pour ce qui concerne les politiques nativistes, qui alimentent la polarisation en créant un fossé entre ceux qui appuient les politiques anti-immigration et ceux qui plaident pour des politiques d’immigration plus accueillantes (Shi 2023).
S’il est vrai qu’un certain degré de polarisation peut contribuer à la légitimité démocratique (par exemple en offrant aux citoyens un moyen d’exprimer leur mécontentement croissant dans des contextes de crise économique et sociale profonde) et encourager la participation civique, cela s’avère dangereux pour la démocratie lorsqu’elle atteint des niveaux élevés (Torcal et Magalhães 2022). Comme l’a observé Milan Svolik (2019) dans son étude sur la polarisation et la démocratie, de profonds clivages sociaux et de vives tensions politiques résultant en polarisation réduisent la capacité du public à freiner les penchants illibéraux des politiciens élus. Lorsque les électorats sont fortement polarisés, même les électeurs qui valorisent la démocratie se montrent prêts à sacrifier des principes démocratiques dans le but de faire élire des politiciens qui défendent leurs intérêts. La polarisation contribue à mettre en danger les règles démocratiques, entre autres parce que les partisans polarisés préfèrent violer ces règles lorsque leur acceptation est le prix pour contrecarrer les tendances autoritaires d’un dirigeant. La polarisation érode la capacité d’un électorat à résister à l’autoritarisme tout en offrant aux leaders autoritaires l’occasion de saper la démocratie sans souffrir des conséquences de leurs actions. Cela suppose que le recul démocratique n’est pas le résultat exclusif des attitudes autoritaires des leaders, mais que les nativistes de l’électorat sont complices d’un tel recul, car si les autocrates parviennent à subvertir la démocratie, c’est grâce à un électorat polarisé, le nativisme étant l’un des phénomènes sous-tendant la polarisation (Somer et Mccoy 2019)[4]. Il est à noter que lorsque la polarisation est de nature ethnique, elle incite davantage à la violence électorale (Birch, Daxecker et Höglund 2020).
En Europe, le discours nativiste selon lequel il existe une incompatibilité entre les valeurs dites occidentales et les valeurs dites non occidentales a conduit à la polarisation de certaines sociétés ainsi qu’à l’adoption d’un « dialogue négatif » pour aborder les questions d’immigration, reposant sur la croyance en l’inévitabilité de certains conflits et en l’impossibilité de résoudre certaines divergences culturelles par le dialogue (Hervik 2015). Ce discours nativiste est d’ailleurs central au sein de l’extrême droite[5], dont les idées vont à l’encontre des normes, des valeurs et des croyances qui sous-tendent la pratique démocratique (Miller-Idriss 2022).
Des données indiquent que les attitudes nativistes sont devenues plus polarisées sur le plan politique, notamment aux États-Unis, et que le nativisme « deviendra de plus en plus important dans le paysage politique à mesure que les partis deviendront de plus en plus divisés » (Young, Ziemer et Jackson 2019, 418). Des recherches menées aux États-Unis révèlent à quel point le nativisme, notamment celui issu des préoccupations concernant le pouvoir politique et les demandes de ressources gouvernementales des immigrants et d’autres groupes minoritaires, est devenu l’une des lignes principales du clivage politique, « non seulement dans la politique électorale américaine, mais aussi dans la lutte plus large et permanente de l’Amérique pour embrasser et instancier la démocratie » (Bartels 2020).
La croissante polarisation au sein de l’électorat américain établit clairement jusqu’à quel point le nativisme peut constituer une menace pour la démocratie, surtout chez ceux qui ont une forte identité blanche (Jardina 2019). Les attitudes envers les minorités et les immigrants et le croissant ressentiment racial chez ce groupe identitaire ont contribué à créer un système politique dans lequel les partisans des deux partis dominants non seulement ont très peu en commun, mais considèrent le camp opposé comme « l’Autre », perpétuant ainsi une partisanerie négative qui s’avère pernicieuse pour la démocratie. Même si une telle partisanerie négative est susceptible de favoriser la participation politique, elle l’est également d’entraîner de conséquences délétères pour la gouvernance et la représentation. Le fait que les électeurs de deux partis dominants se considèrent mutuellement avec inimitié et hostilité encourage les élites politiques à tracer des lignes dures sur les négociations politiques tout au long du processus législatif. Puisque la partisanerie négative rend la question identitaire plus saillante, la focalisation accrue sur les identités politiques et la colère qui y est associée conduisent les citoyens à perdre confiance en leurs institutions de gouvernance (Abramowitz et Webster 2018). Encore une fois, bien que la division soit un élément normal de la démocratie, le fait que cette démarcation ait lieu sur de critères d’origine ethnique et de race suscite des problèmes plus graves mettant en jeu l’égalité de tous les citoyens (Abrajano et Hajnal 2015). Une telle partisanerie polarisante explique pourquoi les scandales touchant l’administration d’un président nativiste comme Donald Trump n’ont guère contribué à affaiblir sa popularité chez les républicains, qui se sont plutôt tournés contre la presse. Elle a compromis ainsi les normes et les standards que l’on applique aux élus, et a conduit les partisans de Trump à remettre en cause la légitimité des résultats des élections, menaçant les fondements mêmes de la démocratie représentative.
Conclusion
Dans cet article nous avons analysé la manière dont le nativisme contribue à fragiliser la démocratie libérale. Nous avons examiné la logique propre au nativisme ainsi que certains aspects de la menace qu’il représente pour la démocratie. Notre argumentation suggère que la conception du demos nativiste rejette le principe de citoyenneté démocratique, tandis que la rhétorique nativiste a un impact négatif sur la confiance politique des citoyens issus de l’immigration, réduisant leur satisfaction à l’égard de la démocratie et leur sentiment d’appartenance égalitaire à la communauté politique. La conception nativiste du demos entraîne ainsi des répercussions préjudiciables pour un élément essentiel de la démocratie libérale : la participation politique, sans laquelle le régime électoral, nécessitant des conditions de concurrence ouverte et pluraliste, perd en légitimité politique. En remettant en question l’égalité morale et politique des citoyens ainsi que les droits politiques de participation qui en découlent, une telle conception crée une forme de citoyenneté de second ordre pour les « non-natifs ».
Si le majoritarisme nativiste vise à subordonner la protection des droits des minorités, les libertés civiles, ainsi que les mécanismes de contrôle et d’équilibre sur l’exécutif aux intérêts des natifs, c’est parce que les nativistes considèrent la démocratie comme une stratégie parmi d’autres pour la mise en oeuvre de politiques favorables à leur groupe. Cette perspective s’aligne avec les conclusions de certaines études qui ont établi un lien significatif entre les attitudes nativistes et le soutien à des normes antidémocratiques, ainsi qu’à des dirigeants autoritaires utilisant leur pouvoir de manière non réglementée. En particulier, ces dirigeants promettent de préserver les privilèges raciaux ou ethniques des Blancs natifs au détriment des droits des citoyens appartenant à d’autres groupes ethniques (Buyuker et Filindra 2020). La polarisation que le nativisme encourage au moyen du développement de camps extrêmes « nous » contre « eux » dans la société risque d’avoir un effet particulièrement pernicieux pour la démocratie. Non seulement les politiciens, mais aussi les sociétés polarisées rendent les démocraties vulnérables, entre autres car l’alignement des opinions sous une identité unique (et pas nécessairement la radicalisation de l’opinion) cristallise les intérêts en factions opposées menaçant de saper la cohésion sociale et la stabilité politique (McCoy, Rahman et Somer 2018). Lorsqu’il existe une polarisation ethnique, les électeurs nativistes préfèrent sacrifier des principes démocratiques dans le but de faire élire des politiciens qui défendent leurs intérêts tout en remettant en question la légitimité morale des « autres », qui sont perçus comme des ennemis à vaincre (Mason 2018) plutôt que comme des adversaires politiques ou tout simplement comme de concitoyens.
Ce ne sont, bien évidemment, que quelques implications du nativisme pour la démocratie, un sujet émergent qui mérite d’être examiné davantage. Si la démocratie libérale se trouve dans un état de fragilité qui mérite une attention particulière, le nativisme politique est sans doute l’un des facteurs contribuant à cette fragilité et, en conséquence, comme le montre cette étude, il mérite d’être pris au sérieux.
Parties annexes
Note biographique
Karel J. Leyva est chercheur affilié à la Chaire en gestion de la diversité de l’Université de Montréal. Il détient un doctorat en philosophie politique de l’Université Paris Sciences et Lettres et un doctorat en sciences des religions de l’Université de Montréal. Ses travaux se concentrent sur la théorie politique, le pluralisme et la démocratie. Il est rédacteur en chef de Politics and Rights Review et auteur de l’ouvrage Théories politiques de la diversité : Libéralisme, républicanisme, multiculturalisme (Peter Lang, 2022).
Notes
-
[1]
Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude envers les évaluateur·rices anonymes de la revue pour leur précieuse contribution à l’amélioration de cet article.
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[2]
Dans leur étude sur le nativisme contemporain, Duyvendak et Kešić (2022) ont analysé comment la mémoire de l’histoire nationale est utilisée pour renforcer l’identité nationale tout en excluant les personnes considérées comme « non natives » (voir aussi Bertossi, Duyvendak et Foner 2022).
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[3]
Kešić et Duyvendak ont introduit la notion de nativisme religieux, aussi appelé nativisme laïc, dans la mesure où il s’agit d’un nativisme qui s’attaque aux musulmans. Néanmoins, nous les considérons comme subsumées sous la catégorie du nativisme symbolique. Ces auteurs évoquent également un nativisme libéral de gauche, qui ne cible pas les immigrants mais plutôt ceux qui ont des attitudes anti-immigration. Selon cette perspective, certains milieux libéraux perpétuent une logique nativiste en identifiant une menace pour la nation émanant d’individus qui ne souscrivent pas aux valeurs nationales authentiques, les reléguant ainsi au statut d’étrangers. Bien que cette classification soit intéressante, nous estimons qu’elle risque de diluer la spécificité du concept de nativisme.
-
[4]
Voir Crimston, Selvanathan et Jetten (2022), qui démontrent que la polarisation morale perçue, dont font partie les questions migratoires, est un facteur de motivation politique influent qui a le pouvoir de saper le tissu social et de contribuer à la montée de leaders autoritaires dans les démocraties libérales. Voir aussi l’étude de Heltzel et Laurin (2020) qui suggère que la polarisation actuelle aux États-Unis menace la stabilité de la démocratie américaine, ainsi que celle de Vegetti (2019) qui expose comment la forte polarisation politique et sociétale a eu des conséquences pernicieuses pour la démocratie en Hongrie.
-
[5]
L’extrême droite et la droite radicale sont souvent confondues. Or, la différence entre ces deux idéologies consiste en ce que la droite radicale se dit démocratique (même si elle s’oppose à la démocratie libérale), tandis que « l’extrême droite est par essence antidémocratique, s’opposant au principe fondamental de la souveraineté du peuple » (Mudde 2007, 31).
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