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Les rares études sur la transition vers le néolibéralisme au Québec ne s’accordent ni sur l’étendue des changements qu’a connus l’État québécois durant cette transition, ni sur sa périodisation. Pour certains, le tournant néolibéral a débuté durant la deuxième moitié des années 1990 et a pris la forme d’une offensive bipartisane contre les acquis sociaux. Pour d’autres, la transition s’est plutôt engagée après l’élection du premier gouvernement libéral de Jean Charest, tout en étant ralentie par l’essor de l’économie sociale et le renforcement des politiques de développement local entre 1996 et 2003.

Les trois ouvrages recensés ici abordent la question de la résilience de l’État social québécois dans un contexte de transition au néolibéralisme. Ils mettent trois dimensions en relief : la transformation du cadre politique et juridique, le rôle des coalitions nationalistes en quête d’un État et l’analyse comparée des politiques sociales. Nous nous concentrons, pour chacun des ouvrages recensés, sur l’interprétation des changements politiques durant les années 1990 au Québec. Cette décennie est importante pour différentes raisons. D’une part, elle a été caractérisée par une grande mobilisation des acteurs du mouvement nationaliste autour du deuxième référendum sur la souveraineté en 1995. D’autre part, elle a débuté avec une réduction significative des transferts fédéraux aux provinces, à la suite de la récession de 1990-1991. Les années 1990 ont donc été marquées par un retrait du financement fédéral des politiques sociales et par des échecs constitutionnels, dont celui du lac Meech, qui ont alimenté le mouvement souverainiste. L’ouvrage L’économie sociale au Québec : une perspective politique offre un portrait substantiel de l’essor de l’économie sociale au Québec durant les trente dernières années. L’étude de Gabriel Arsenault identifie deux caractéristiques qui distinguent le Québec dans le contexte nord-américain. La première est le haut niveau d’institutionnalisation de l’économie sociale. Le Québec dispose d’un ministère et de plusieurs politiques publiques visant à appuyer l’économie sociale. La seconde est que l’économie sociale s’y « inscrit dans le cadre d’un projet politique de centre-gauche », puisqu’elle agit comme un complément des secteurs public et privé, tout en étant « d’abord au service de valeurs associées à la gauche, comme l’égalité et la solidarité » (p. 21). Ailleurs, comme au Royaume-Uni, l’économie sociale a été mobilisée davantage par la droite, qui visait la réduction des dépenses publiques en déléguant aux communautés et aux individus la couverture de différents risques sociaux (p. 17-18).

L’ouvrage dresse un bilan des politiques sociales adoptées dans la foulée du Sommet sur l’économie et l’emploi de 1996. Il se concentre sur les politiques transversales visant à appuyer les entreprises d’économie sociale, les centres de la petite enfance, les entreprises d’économie sociale en aide domestique, le logement communautaire et l’insertion à l’emploi. De nombreux exemples sont mis de l’avant pour illustrer le développement de l’économie sociale à partir de la deuxième moitié des années 1990. Arsenault souligne ainsi que le programme provincial AccèsLogis a mené à la création de 24 602 unités de logement communautaire entre 1998 et 2014 (p. 174), tandis que plusieurs outils financiers ont été développés à partir de 1997 pour faciliter le développement de l’économie sociale, y compris le Réseau d’investissement social du Québec (RISQ), la Fiducie du Chantier de l’économie sociale et un ensemble de produits financiers offerts par les centres locaux de développement (p. 51-52).

Arsenault associe cette spécificité québécoise à deux facteurs principaux. D’une part, la mobilisation des milieux syndicaux et communautaires a encouragé le gouvernement de Lucien Bouchard à s’intéresser à l’économie sociale. Cette mobilisation a été facilitée par la convergence des forces progressistes dans le camp du « Oui » lors du référendum de 1995 (p. 34). D’autre part, le travail de négociation mené par le Groupe de travail sur l’économie sociale (GTES) lors du Sommet de 1996 a permis de « former des coalitions d’appui derrière divers projets d’économie sociale » (p. 30). Ce travail a été rendu possible par l’existence préalable d’espaces de concertation nationale au Québec, dont les sommets sectoriels et nationaux organisés par le Parti québécois (PQ) à partir de 1977.

La mobilisation menée par les acteurs coalisés par le projet souverainiste et la concertation nationale constituent selon Arsenault les deux piliers qui ont permis l’élaboration au Québec, dans la deuxième moitié des années 1990, de politiques axées sur l’investissement social. Ces politiques promeuvent l’égalité par l’intégration dans le marché du travail et se sont entre autres appuyées sur le développement et l’institutionnalisation de l’économie sociale (p. 208-211). Le politologue s’inquiète toutefois de l’avenir de l’économie sociale après presque quinze années de gouvernement libéral (2003-2012 et 2014-2018). Il conclut son ouvrage par un appel à la mobilisation : « Marginalisée sur la scène fédérale, fortement dépendante, sur la scène provinciale, d’un parti politique au nadir de sa popularité, à l’étroit entre les vétos syndical et patronal, l’économie sociale québécoise est aujourd’hui plus que jamais appelée à se mobiliser et à s’inscrire au sein d’un large projet de société » (p. 219).

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Combating Poverty : Quebec’s Pursuit of a Distinctive Welfare State, étude dirigée par Axel Van den Berg, sociologue à l’Université McGill, analyse la trajectoire des politiques sociales au Québec en la comparant à celles des trois autres provinces canadiennes les plus peuplées : Ontario, Colombie-Britannique et Alberta. Les chercheurs se concentrent sur l’évolution de différents indicateurs, tels que les dépenses liées à certaines catégories de services sociaux, le taux de pauvreté, le taux de participation au marché du travail, la mobilité sociale, etc., durant la période allant de 1976 à 2012. L’analyse de ces indicateurs les mène à soutenir que les stratégies de lutte contre la pauvreté mises de l’avant dans la foulée des sommets de 1996 et de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale adoptée en 2002 ont renforcé l’écart social entre le Québec et les trois autres provinces étudiées (p. 30-32). Parmi les facteurs qui ont contribué au développement de cette spécificité québécoise, l’ouvrage identifie les politiques sociales adressées aux familles (Soutien financier aux centres de la petite enfance et aux autres services de garde, Crédit d’impôt pour frais de garde d’enfants, etc.) ainsi que les mesures d’insertion en emploi adoptées entre la deuxième moitié des années 1990 et le début des années 2000 (p. 53 ; 45-46). 

En se basant sur les seuils de la mesure de faible revenu (MFR) déterminés par Statistique Canada pour différents types de ménage, les chercheurs indiquent qu’à partir de la fin des années 1990, les taux de pauvreté sont généralement plus bas au Québec qu’en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta. Cet écart est particulièrement significatif pour le taux de pauvreté des familles avec deux parents. Il a augmenté dans les trois autres provinces au cours des deux dernières décennies, alors qu’il a baissé considérablement au Québec (p. 92-93). La réduction du taux de pauvreté des familles monoparentales au Québec est toutefois plus limitée (p. 100-101), tandis que les ménages sans enfant ou les adultes vivant seuls ont maintenu des taux de pauvreté relativement élevés, en grande partie parce qu’ils n’étaient pas concernés par la majorité des politiques sociales adoptées dans la province à partir de 1996, qui ciblent plutôt les familles (p. 105).

Tout en reconnaissant que les politiques sociales adoptées au Québec durant les années 1990 n’ont pas réduit la pauvreté pour toutes les catégories de ménages, Van den Berg et ses collègues soulignent qu’en contrôlant différentes variables, comme la composition démographique et la participation au marché du travail, les taux de pauvreté en Alberta, en Ontario et en Colombie-Britannique tendent à converger, tandis que ceux du Québec se distinguent encore plus clairement de ceux des trois autres provinces (p. 149). La divergence sociale croissante entre le Québec et le reste du Canada pourrait avoir des conséquences politiques. Dans un contexte où les questions linguistique et constitutionnelle occupent une place moins importante dans le débat public québécois (p. 172), cet écart constitue effectivement un nouvel axe de tension potentiel entre Québec et Ottawa.

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Dans Grève et paix. Une histoire des lois spéciales au Québec, les historiens Martin Petitclerc et Martin Robert étudient la spécificité de la transition québécoise au néolibéralisme dans le domaine des relations de travail. Tandis que les deux premiers livres s’intéressent aux origines et aux effets de politiques publiques axées sur l’investissement social, ce troisième ouvrage met en relief le recul de certains acquis sociaux et la perte de combativité du mouvement syndical durant cette période. L’analyse des historiens s’inspire de l’histoire sociale et de l’économie politique comparée. Elle s’inscrit sur un horizon temporel plus long que les deux autres ouvrages. Petitclerc et Robert soutiennent que le Québec se distingue des autres provinces canadiennes depuis le milieu des années 1960 par le recours fréquent à des lois spéciales pour mettre fin à des grèves, notamment lors de la négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. « Depuis l’adoption du Code du travail du Québec en 1964 », rappellent les historiens, « 42 projets de lois spéciales ont été adoptés dans le cadre de conflits de travail afin de suspendre le droit de grève, d’ordonner le retour au travail et de menacer les contrevenants de pénalités d’une grande sévérité. Au cours de la même période, le Parlement fédéral a adopté 31 lois spéciales, dont la majorité touchait directement, au moins en partie, des salariés québécois. » (p. 11) Non seulement les lois spéciales ont été plus nombreuses et plus sévères au Québec que dans le reste du Canada, mais elles ont contraint les syndicats à adopter un répertoire d’actions plus « corporatistes » axées sur la concertation. Cette évolution a nui au dynamisme du mouvement syndical dans la province, et ce, particulièrement après la récession mondiale du début des années 1980 (p. 90-94). 

Petitclerc et Robert soulignent que l’adoption de lois spéciales sévères par le gouvernement québécois a été un phénomène bipartisan au cours des quatre dernières décennies. Ils rappellent le rôle joué par le PQ dans la répression juridique du mouvement syndical et de ses revendications sociales, le deuxième gouvernement de René Lévesque ayant imposé une loi spéciale draconienne lors de la négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic en 1982-1983. La Loi assurant la reprise des services dans les collèges et les écoles du secteur public, qui s’accompagnait de l’individualisation des sanctions en cas de non-retour au travail (p. 114), a permis de forcer une baisse de 20 % des salaires dans ces deux secteurs entre janvier et mars 1983 (p. 99).

Les « échecs de l’accord du lac Meech en 1990 et de l’accord de Charlottetown en 1992, sur fond d’importantes coupures fédérales dans les transferts sociaux aux provinces », ont encouragé le développement d’un « nouveau pacte social et national » (p. 167-168) entre les syndicats et le PQ dans la première moitié des années 1990. Toutefois, cette stratégie de conformité à la loi et de concessions syndicales en l’attente d’un Québec souverain s’est avérée limitée. Petitclerc et Robert remarquent que la résorption du déficit budgétaire a été identifiée par Lucien Bouchard, au lendemain de l’échec référendaire de 1995, comme la condition la plus importante pour l’accession du Québec à la souveraineté. L’acceptation par les syndicats, durant le Sommet sur l’économie et l’emploi de 1996, de l’atteinte du déficit zéro pour l’an 2000 a légitimé un budget annonçant des coupures de 3,2 milliards de dollars, ce qui s’est traduit par le départ de 35 000 salariés des services publics (p. 171-174). La mise en place d’un cadre juridique répressif à l’endroit des syndicats constitue, selon les historiens, une composante centrale de la transition québécoise vers le néolibéralisme, non seulement à cause de la sévérité des sanctions imposées à partir des années 1980, mais aussi parce qu’elle a grandement limité le répertoire d’action des syndicats (p. 210-213).

Cadrage des stratégies comparatives

Les trois ouvrages recensés utilisent une stratégie comparative par divergence. Ils visent à expliquer ce qui distingue la trajectoire québécoise de celle des autres provinces canadiennes à partir des années 1990. Arsenault (p. 217) insiste sur l’importance d’un « virage comparatif dans l’étude de l’économie sociale ». Petitclerc et Robert (p. 93) indiquent pour leur part que le Québec est la seule province dans laquelle les lois spéciales adoptées par les gouvernements provinciaux à partir du milieu des années 1970 comportent des dispositions pénales, ce qui a eu des conséquences importantes sur la trajectoire politique du syndicalisme québécois au cours des quatre dernières décennies.

Les trois études identifient la deuxième moitié des années 1990 comme une conjoncture critique dans l’histoire économique récente du Québec. Deux ouvrages nuancent cette thèse d’une trajectoire distincte du Québec durant cette période, soit Comparing Quebec and Ontario : Political Economy and Public Policy at the Turn of the Millennium de Rodney Haddow (University of Toronto Press, 2015) et Remaining Loyal : Social Democracy in Quebec and Saskatchewan de David McGrane (McGill-Queen’s University Press, 2014). Haddow (p. 238-239) soutient effectivement que le Québec se distingue encore de l’Ontario en ce qui concerne les politiques sociales adressées aux familles, mais que cette divergence s’est atténuée considérablement à partir de 2009, tandis que le recul des politiques sociales s’adressant aux ménages sans enfant a été relativement similaire dans les deux provinces au cours des deux dernières décennies. Quant à McGrane (p. 205-206), il souligne que les gouvernements néo-démocrates au pouvoir entre 1991 et 2007 en Saskatchewan ont mis de l’avant des politiques sociales qui, à l’instar de celles adoptées au Québec dans la même période, sont parvenues à limiter les pressions associées au néolibéralisme. Il y a donc lieu d’examiner plus en détail l’hypothèse du caractère exceptionnel de la trajectoire québécoise. Il n’y a pas eu un modèle unique d’adaptation au néolibéralisme dans les autres provinces canadiennes. Différentes coalitions d’acteurs, différentes trajectoires de relations industrielles et le caractère décentralisé des politiques sociales sont à l’origine de différents régimes de transition au néolibéralisme au sein de la fédération canadienne, qui gagnent à être étudiés à l’aide d’une stratégie de comparaison incorporée.

Coalitions politiques et néolibéralisme

Les interprétations de la trajectoire québécoise durant les années 1990 varient selon les variables mises de l’avant dans chaque analyse. Cette période a été marquée à la fois par des avancées vers un modèle d’investissement social (Arsenault, p. 25 ; Van den Berg et al., p.  17) et par un recul des politiques sociales traditionnelles, notamment la compression du programme d’aide sociale et la réduction de la masse salariale des employés des services publics (Petitclerc et Robert, p. 171-172). Ces interprétations divergentes sont liées aux analyses respectives des coalitions politiques qui ont pris part aux sommets de 1996. Arsenault estime que la coalition unissant les syndicats et les milieux communautaire et coopératif durant ces sommets a joué un rôle central dans l’essor de l’économie sociale au Québec. Il reconnaît toutefois que les acteurs qui ont composé cette même coalition ont accepté la priorité du déficit zéro (p. 64). De plus, les figures publiques qui étaient considérées trop à gauche, comme l’instigatrice de la Marche du pain et des roses, Françoise David, ont été exclues durant les sommets de 1996 (p. 65). Petitclerc et Robert (p. 209-210) font une critique plus sévère de cette coalition politique. Ses membres, estiment-ils, étaient non seulement prêts à accepter le déficit zéro et ses conséquences, mais ils n’ont pas remis en question le cadre juridique qui permet la poursuite du déficit zéro et la répression des grèves, peu importe le parti au pouvoir. Selon les historiens, ce ralliement au pacte national du gouvernement Bouchard en 1996 a ouvert la voie à une série de concessions dont les effets se font encore sentir. Il semble ainsi peu étonnant qu’en 2014 plusieurs personnalités associées au PQ, dont des leaders syndicaux de premier plan en 1996, aient appuyé l’arrivée de Pierre-Karl Péladeau dans la course à la direction du parti, au nom de l’avènement d’une coalition souverainiste unissant la gauche et la droite.

En conclusion de son ouvrage, Arsenault (p. 219) s’inquiète pour l’avenir de l’économie sociale, dans un contexte où le parti qui en a été le principal promoteur est en perte de popularité. On peut toutefois se demander si les alliances et la coalition qui ont permis l’essor de cette économie sociale n’expliquent pas à la fois son succès et sa précarité, voire ses limites. Pourquoi, par exemple, les acteurs centraux de cette coalition ont-ils misé sur un seul parti à l’échelle provinciale, soit le PQ ? Une telle orientation limite la capacité de l’économie sociale québécoise à réclamer une aide plus soutenue du palier fédéral. La provincialisation qui en résulte est déplorée par Arsenault (p. 218-219), mais une coalition réunissant des acteurs souverainistes est-elle vraiment crédible pour exiger une plus grande intervention du fédéral ? À part le Bloc québécois, quelle formation politique sur l’échiquier fédéral les membres de cette coalition ont-ils appuyée publiquement ? Qui sont leurs alliés potentiels dans le reste du Canada et quels efforts sont déployés pour établir des contacts avec eux ? De plus, si 1996 représente pour Arsenault un moment d’unité des forces de gauche au Québec, cette année marque aussi une rupture de confiance entre le PQ et les mouvements sociaux, à l’origine de la fondation de Québec solidaire une décennie plus tard. On connaît aujourd’hui le schisme entre cette plus jeune génération de gauche et les élites nationalistes de 1996 (lire à ce sujet Mahéo, Valérie-Anne et Éric Bélanger, 2018, « Is the Parti Québécois Bound to Disappear ? », Canadian Journal of Political Science, vol. 51, no 2, p. 335-356).

Les trois ouvrages présentent également des théorisations distinctes du néolibéralisme. Petitclerc et Robert basent leur analyse sur la capacité des classes sociales à exercer un rapport de force au sein d’un régime donné d’organisation du travail. En étudiant comment une mesure exceptionnelle, la loi spéciale, est devenue « normale » à partir des années 1980, les historiens (p. 127-128) soulignent que les rapports entre les classes au Québec ont connu une transformation majeure durant cette période. Les concepts de classe et de néolibéralisme occupent une place moins importante dans les cadres théoriques d’Arsenault et de Van den Berg et ses collègues. Le premier (p. 25) signale que l’étude des tensions entre les classes sociales doit prendre en compte différents facteurs supplémentaires afin de produire des analyses plus fines du développement et du recul des politiques sociales. Les seconds (p. 3-4) offrent en début d’ouvrage une périodisation du néolibéralisme au Canada qui distingue, d’une part, une période de recul des politiques sociales fédérales sous les gouvernements libéraux de Jean Chrétien et de Paul Martin, qui aurait été justifiée par un désir d’éliminer les déficits budgétaires, puis une période marquée par des reculs plus significatifs et motivés idéologiquement sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper. Sur le plan interprovincial, Van den Berg et ses collègues (p. 28) soutiennent en outre que leurs résultats de recherche invalident la thèse voulant que les gouvernements provinciaux aient tous été contraints d’adopter un tournant néolibéral complet au cours des années 1990, indépendamment de leurs préférences politiques et des forces extra-parlementaires présentes dans la province. Aux différentes interprétations de la conjoncture politique post-1995 au Québec s’ajoutent donc différentes théorisations du néolibéralisme dans les ouvrages recensés.

En définitive, les études d’Arsenault, de Van den Berg et ses collègues et de Petitclerc et Robert montrent bien l’impact politique durable de la période entre le deuxième référendum sur la souveraineté du Québec et la première élection du gouvernement libéral de Jean Charest. Ils constituent désormais des ouvrages incontournables pour l’analyse des rapports entre le projet souverainiste, les politiques sociales et la transition québécoise vers le néolibéralisme.