Résumés
Résumé
Les réformes juridiques chinoises entamées en 1978 suscitent plusieurs questions. Les juristes chinois, en effet, sont autorisés à recourir aux transferts de droit afin d’élaborer la législation et la réglementation nécessaires aux réformes. Dans ce contexte, comment les juristes chinois abordent-ils le recours à des traditions juridiques étrangères ? Quelle place occupent, dans les réformes juridiques chinoises, la tradition juridique romano-germanique (ou de droit civil) et celle de common law ? Quelles sont, le cas échéant, les sources de difficultés dans les rapports entre les juristes chinois et occidentaux ? Telles sont les questions traitées dans cet article.
Abstract
China’s legal reforms, initiated in 1978, raise several questions. They are largely based on legal transplants, or the borrowing of foreign legal traditions. Legal transplants are a source of vigorous debate between Chinese scholars : Which issues are deemed particularly sensitive, and why ? As both common law and civil law circulate in China, which tradition, if any, could be labelled dominant ? The exchanges between Chinese and Western legal scholars are becoming increasingly important, and yet, they are fraught with difficulties. Which obstacles should be overcome ? This paper seeks to answer those questions.
Corps de l’article
Regards sur les transferts de droit et le droit chinois
Les débats sur les transferts de droit
Les transferts de droit, phénomène ancien dans l’histoire du droit, revêtent une ampleur nouvelle aujourd’hui, en particulier depuis la chute du mur de Berlin. Les débats vont bon train sur les enjeux — théoriques, pratiques et politiques — posés par les transferts de droit en général : Les transferts de droit sont-ils seulement possibles ? Le lien entre le droit et la culture n’est-il pas un obstacle ? Que devient la cohérence du droit dans ce processus ? Quelles motivations sont à la source des transferts de droit ? Quel point de vue retenir pour les apprécier ? Au-delà de ces questions, un fait indéniable accompagne les transferts de droit depuis 1989 : on assiste à l’éclatement, sinon total du moins partiel, de la notion de famille ou de système juridique (droit civil, common law, droits « socialistes », etc.) qui a longtemps régi le droit comparé et qui a été employée, entre autres, par feu René David[1]. En effet, la plupart des transferts de droit qui ont cours depuis 1989 ont pour caractéristiques des emprunts concomitants à diverses traditions juridiques dont on retrouve des éléments au sein d’une même loi. Comment, dès lors, apprécier ce droit aux sources multiples issu des transferts de droit ? Cette question est particulièrement appropriée pour la Chine, qui axe ses réformes juridiques sur les transferts de droit. Or, tant la common law que la tradition romano-germanique circulent en Chine, surtout depuis la décennie 1980, mais il faut tout de même se rappeler que ces deux traditions juridiques sont présentes en Chine depuis le xixe siècle.
Quand ce sont des sinologues, occidentaux et chinois, qui abordent les réformes juridiques en cours, la tendance consiste à s’attarder sur l’influence de la common law comme modèle principal faisant l’objet d’emprunts de la part du législateur chinois[2]. Or, il ressort d’une lecture attentive des sources en langue chinoise un renouveau important de la tradition romano-germanique en Chine notamment, mais non uniquement, avec le projet de Code civil déposé en décembre 2002 à l’Assemblée populaire nationale de Chine. L’influence du modèle romano-germanique dans le droit chinois des réformes reste largement sous-estimée. Aussi, il ne s’agit pas de nier l’influence de la common law, mais plutôt de situer la part réelle d’influence du modèle romano-germanique comme source d’inspiration des réformes juridiques en cours. Tel est le but du présent texte.
Les enjeux des transferts de droit
Quelques précisions terminologiques s’imposent. Jean Gaudemet propose la définition suivante du transfert de droit : « l’entrée dans une société d’un droit ou de certaines règles juridiques qui ont été élaborés dans un milieu social différent et parfois à une époque déjà lointaine[3] ». L’expression « circulation de modèles juridiques » est aussi employée dans le sens de transfert de droit[4]. Le pays récepteur désigne le pays qui « reçoit » la règle ou l’institution issue d’une autre tradition juridique. Il est rare qu’une tradition juridique dans son entier fasse l’objet d’un transfert. Le plus souvent, les transferts sont partiels. Les enjeux importants des transferts de droit ne seront qu’esquissés à grands traits ici.
Tout d’abord, certains juristes[5] estiment les transferts de droit impossibles, si par ceux-ci on entend un processus par lequel une règle de droit ou une institution juridique est transposée, sans altération aucune, dans une tradition juridique de réception. En effet, la règle, une fois transférée, subit une modification qui modifie irrémédiablement son identité. En outre, les liens entre la règle de droit et son contexte de naissance seraient si étroits qu’ils vouent à l’échec l’entreprise des transferts de droit. Ces positions, du juriste Pierre Legrand[6], ne représentent pas le point de vue majoritaire des juristes sur le sujet, mais elles trouvent un certain écho dans le camp des juristes chinois opposés aux transferts de droit. D’autres juristes occidentaux affirment que la relation entre le droit et son contexte d’opération revêt une importance déterminante dans l’étude des transferts de droit[7], mais n’y voient pas, tant s’en faut, une source d’impossibilité des transferts de droit. Ils insistent plutôt sur la nécessité d’une approche contextuelle à des fins de meilleure compréhension des enjeux des transferts de droit dans les pays récepteurs[8].
Le souci de cohérence interne d’une tradition juridique est pour sa part un enjeu auquel tous n’attribuent pas la même importance. Pour Esin Örücü, il faut faire place à la créativité des pays récepteurs dans leur processus d’adaptation des droits transférés et conserver une attitude ouverte à l’égard de ce nouveau droit[9]. Néanmoins, cette position généreuse pose quelques redoutables problèmes lorsqu’on attribue un contenu fixe à une règle ou à une institution transférée. Les débats sur la circulation de l’État de droit[10], notamment dans le cas chinois, témoignent des difficultés de s’en tenir à une position ouverte[11]. Jusqu’à quel point peut-on permettre une altération de contenu d’une règle ou d’une institution transférée ? Le domaine des droits de la personne, entre autres, illustre la complexité des enjeux sur ce point.
Les transferts de droit impliquent plusieurs parties, parmi lesquelles : le ou les pays fournisseur(s) de modèles, le pays récepteur, les juristes et le législateur du pays récepteur, la magistrature, les avocats, les élites du pays récepteur et les couches sociales ou les populations directement touchées par les transferts. Dans un tel contexte, est-il seulement légitime de parler de « réussite » ou d’« échec » des transferts de droit[12] ? Quel point de vue doit-on prendre en compte pour fonder ces constats ? Ne risque-t-on pas de reproduire un rapport de domination entre le fournisseur de modèle et le pays récepteur ?
D’autres questions se posent. Certains pays récepteurs ne sont-ils pas contraints de recourir aux transferts de droit, axés sur des domaines de droit et des institutions spécifiques, s’ils veulent bénéficier de prêts de la part de certaines institutions multilatérales[13] ? Dans l’affirmative, quels intérêts servent les transferts de droit ?
Pour le juriste comparatiste, comment apprécier les nouveaux droits nationaux issus des transferts de droit ? Ces enjeux, avec d’autres, constituent un important défi à relever pour les juristes du XXIe siècle. Le cas chinois constitue un terreau fertile, la Chine se situant depuis quelques années à la croisée de diverses traditions juridiques.
Les positions chinoises
La réflexion des juristes chinois sur les transferts de droit marque le point de départ de toute étude portant sur l’évolution du droit chinois en réforme. La doctrine chinoise sur les transferts de droit est riche d’enseignements, en ce que les juristes s’expriment de façon fort contrastée sur le sujet. En effet, la circulation des modèles juridiques dans le contexte chinois demeure une question d’actualité continue depuis le début de la décennie 1980 et les positions doctrinales chinoises demeurent peu connues en Occident.
On oublie aujourd’hui que le simple fait, pour les juristes chinois, de pouvoir s’inspirer des droits occidentaux pour la réforme du droit signalait, au début des années 1980, un revirement idéologique de taille par rapport à la période maoïste marquée par la fermeture à l’Occident. Si, depuis, la démarche est admise, les juristes partisans des transferts de droit doivent toutefois ménager les susceptibilités identitaires d’une partie de la population chinoise et de leurs collègues. Il n’est pas simple de recourir aux transferts de droit en Chine, car certains les perçoivent comme une menace pour l’identité chinoise[14], associant le processus à une « occidentalisation » de la société chinoise[15]. En réaction, des juristes chinois insistent sur le recours aux paradigmes locaux (donc chinois) pour fonder la réforme du droit. Cette école, dite du bentuhua, se subdivise en plusieurs courants. Dans sa version ouverte, le bentuhua se traduit plutôt par acculturation, désignant le processus par lequel un modèle étranger est adapté par la Chine pour devenir « local », en accord avec les valeurs et les besoins du pays récepteur[16]. Il s’agit alors d’une réponse positive aux transferts de droit. Ce courant est illustré entre autres par le professeur Fan Zhongxin, qui reprend à sa façon la démarche de Shen Jiaben visant à concilier la tradition juridique chinoise avec les modèles étrangers[17].
Le juriste Zhu Suli est associé à une version fermée de cette doctrine, dans la mesure où il exprime ses doutes sur le bien-fondé de la transposition de modèles étrangers dans le contexte chinois. Il estime que la tradition juridique chinoise comporte des règles et des institutions qui répondent aux besoins des réformes actuelles et sont injustement négligées[18]. Toutefois, il demeure vague sur les paradigmes chinois dont devraient s’inspirer les juristes et le législateur chinois.
En toute justice, il importe de préciser que Zhu Suli n’a jamais entièrement désavoué le recours aux transferts de droit pour la Chine[19]. Il en fait une lecture critique, en notant que le droit issu de ce processus est trop éloigné, dans ses fondements, des valeurs de la population chinoise[20] pour pouvoir jamais gagner en légitimité. La pertinence de cette affirmation s’étend au-delà du cas chinois et fait partie des enjeux généraux posés par les transferts de droit. Plusieurs juristes chinois adoptent des positions critiques à l’égard de celle de Zhu Suli et lui ont répondu[21].
Le recours aux paradigmes locaux, donc chinois, trouve un écho favorable chez certains sinologues juristes occidentaux qui suivent de près les réformes du droit chinois. William Alford[22] et Michael W. Dowdle[23], entre autres, ont en effet constaté le caractère inapproprié de certains paradigmes occidentaux pour répondre aux besoins de la réforme du droit[24]. William Alford va plus loin, en invitant les juristes et le législateur chinois à puiser dans la tradition culturelle et politique chinoise pour fonder la réforme juridique en cours[25]. Le législateur chinois, pour sa part, recourt abondamment aux transferts de droit pour alimenter les réformes juridiques.
La présence de la common law et de la tradition romano-germanique en Chine
On apprend tout d’abord l’existence de plusieurs camps chez les juristes chinois : un camp ardent de juristes civilistes, hostiles à tout emprunt à la common law, un camp de juristes partisans d’une approche syncrétique, plutôt civilistes mais favorables à des emprunts à la common law, et un camp de juristes pro-common law, hostiles à la tradition romano-germanique[26].
Une réception forcée : la common law en Chine au xixe siècle
La common law anglaise arrive en Chine quand l’Angleterre, à la suite des guerres de l’opium, obtient Hong Kong, pour 99 ans. S’il s’agit d’une période bien courte eu égard à la très longue histoire de la Chine, il n’en s’agit pas moins d’un moment décisif, dont l’impact se fait sentir jusqu’au au XXIe siècle. Plusieurs juristes chinois ressentent la common law comme ayant été imposée à leur pays[27]. Depuis la réunification de Hong Kong avec la mère patrie, en 1997, certains juristes chinois estiment nécessaire de s’intéresser à la common law et d’y faire de substantiels emprunts[28]. Mais de quelle common law s’agit-il, au juste ?
Si, à l’origine, la common law a vu le jour dans ce qui est aujourd’hui l’Angleterre, force est d’admettre qu’elle a fort circulé depuis et qu’elle a pris racine sur plusieurs continents. Aussi, convient-il de distinguer de quelle région du monde vient la common law qui circule aujourd’hui en Chine. Cette question n’a pas vraiment fait l’objet de recherches. Au vu des sources disponibles et compte tenu des États présents en Chine, la common law viendrait d’abord des États-Unis[29]. Or, H.P. Glenn souligne que la catégorisation des États-Unis comme un pays de common law appelle certaines réserves. La common law a été, aux États-Unis comme dans plusieurs pays du monde, en quelque sorte nationalisée pour être adaptée aux besoins des États. Dans ses fondements, elle conserve une place essentielle aux États-Unis. Toutefois, pour H.P. Glenn, le droit américain d’aujourd’hui est davantage une combinaison habile de la common law avec la tradition romano-germanique plutôt que la common law « originale[30] ». Les juristes chinois, pour leur part, n’ont pas relevé cette nuance et continuent d’associer les États-Unis à la common law.
Ensuite, il convient de situer les domaines du droit chinois où l’influence de la common law se manifeste. Encore là, force est de constater l’absence de recherches systématiques sur le sujet. Au sens large, le modèle de la common law influence le droit commercial chinois. Toutefois, le domaine du droit des contrats reflète la double influence de la common law et de la tradition romano-germanique, comme l’illustre la Loi de République populaire de Chine sur les contrats de 1999[31]. De solides débats ont cours sur la réforme du droit des biens et sur le modèle le mieux adapté à la Chine. Dans ce domaine de droit, plusieurs juristes chinois sont favorables à l’emprunt à la common law plutôt qu’à la tradition romano-germanique[32]. La common law circule aussi en Chine par le biais de divers instruments internationaux qui incorporent des principes issus de celle-ci et du modèle romano-germanique. Sa véritable influence demeure difficile à quantifier. D’une part, il importe de tenir compte de la différence entre le droit étatique et le droit tel qu’il est vécu par la population chinoise. Une règle de common law peut très bien être incorporée sur papier dans une loi, mais demeurer lettre morte. D’autre part, le processus d’adaptation sélective des normes juridiques étrangères en Chine tend parfois à diminuer l’impact du transfert d’une règle ou d’une institution issue d’une tradition juridique étrangère au profit de préoccupations d’ordre interne[33]. Cela vaut pour les éléments de common law transférés en droit chinois. Un important travail de recherche est donc à faire eu égard à la circulation de la common law en Chine, dans le droit légiféré, puis, dans sa mise en oeuvre.
Une réception volontaire : la tradition romano-germanique
C’est sous l’égide du grand lettré et juriste de la dynastie Qing, Shen Jiaben, que la tradition romano-germanique a été importée en Chine. Shen Jiaben a pour mandat de réformer le droit chinois. Son choix du modèle romano-germanique repose sur l’exemple du Japon Meiji[34], alors la puissance montante en Asie orientale[35]. Le succès des réformes du Japon est en partie attribué à l’importation du modèle romano-germanique, dans sa version allemande. Shen Jiaben, toutefois, est conscient des différences de fondements entre la tradition juridique chinoise et le modèle juridique qu’il veut importer[36]. Aussi est-il convaincu de la nécessité de travailler à une synthèse harmonieuse des deux traditions juridiques en présence[37]. Entre autres attraits, le modèle romano-germanique a pour lui l’institution du Code civil et tout le prestige associé à cette institution. Shen Jiaben travaille donc à l’élaboration d’un premier Code civil chinois. Un projet de Code civil est terminé en 1911, mais n’est jamais promulgué. Toutefois, trois de ses cinq parties ont été imprimées en 1911 et les deux dernières en 1916[38]. Le document portait le nom de Projet de Code civil de la dynastie des Qing.
Les réformes proposées par Shen Jiaben, en matière pénale, suscitent une opposition farouche de la part des lettrés conservateurs[39] et plusieurs n’entrent jamais en vigueur. Shen Jiaben meurt en 1913. Le régime républicain mis en place en 1911 décide toutefois de poursuivre la réforme du droit et de privilégier le modèle romano-germanique comme source principale, dans un esprit d’adaptation à la société chinoise[40]. Les juristes chinois travaillent en collaboration avec un juriste japonais et un juriste français à l’importation de diverses règles et institutions de facture romano-germanique. Aussi, sur papier du moins, les réformes vont-elles bon train. L’histoire heurtée de la Chine fait en sorte que ces réformes ont une courte vie. L’invasion de la Chine par le Japon, puis la Seconde Guerre mondiale et, enfin, la guerre civile entre les nationalistes et les communistes, interrompent le travail législatif. Quand le Parti communiste chinois (PCC) prend le pouvoir en 1949, il abroge tout le droit préexistant, dont le droit issu de la période républicaine. Jusqu’au schisme sino-soviétique, le modèle juridique autorisé en Chine est le droit soviétique, aussi dit « socialiste ». Le droit privé, comme catégorie, est aboli et décrié au profit du nouveau paradigme du droit public. Le droit civil, pour sa part, devient du droit public et cette catégorisation marque le droit chinois jusqu’à un passé récent. À nouveau, l’histoire politique troublée de la Chine, avec la campagne anti-droitiers de 1957, puis la Révolution culturelle (1966-1976), mettent un terme au travail législatif. Celui-ci reprend avec la politique de réforme et d’ouverture lancée par feu Deng Xiaoping en 1978.
Les réformes républicaines (1911-1949) ont été fortement dépréciées, jusqu’à tout récemment, par les historiens du droit en Chine, pour des raisons idéologiques. Toutefois, depuis peu, Shen Jiaben suscite un intérêt nouveau dans les facultés de droit et les réformes républicaines ont droit de cité. Le législateur chinois manifeste, depuis le début des années 1980, un intérêt renouvelé envers le modèle romano-germanique comme source d’inspiration pour la réforme du droit. En effet, les juristes chinois sont autorisés à puiser à tous les modèles juridiques étrangers pour fonder la réforme du droit chinois. S’agit-il simplement d’emprunts instrumentalisés ou n’existe-t-il pas une attirance véritable pour le modèle romano-germanique ? Si ce modèle exerce bel et bien une forte attraction en Chine, quelles en sont les raisons et peut-il prétendre à l’exclusivité comme source d’inspiration des réformes en cours ?
Une influence romano-germanique dominante, mais jamais exclusive
Plusieurs raisons fondent le renouveau romano-germanique en droit chinois. Ce modèle juridique, s’il exerce une influence certaine et importante dans les réformes du droit chinois, ne possède cependant pas le monopole comme source d’inspiration.
Les raisons de la dominance du modèle romano-germanique
Afin de cerner l’importance du modèle romano-germanique en droit chinois, il nous est apparu pertinent de nous attacher à des éléments constitutifs, ce que Rodolpho Sacco appelle les « formants du droit », importants dans l’étude des traditions juridiques[41]. Parmi ceux-ci, la théorie des sources du droit et le rôle du juge occupent une place fondamentale dans la comparaison entre la common law et la tradition romano-germanique. Comparer ces deux éléments permet de mieux identifier les fondements d’une tradition juridique qu’une simple recension mathématique d’éléments de common law ou de droit civil dans l’appareil législatif. Le rôle du juge en droit chinois, de même que la théorie chinoise des sources, fournit d’importants indices de rattachement à l’une ou l’autre des traditions en présence.
Les raisons de ce regain d’intérêt pour le modèle romano-germanique se trouvent d’abord dans le contexte politique chinois depuis 1949, de même que dans la rupture que marque l’ère des réformes par rapport à l’ère maoïste. En second lieu, certaines caractéristiques de la tradition romano-germanique, réelles ou tenant de l’imaginaire, qui l’entoure, éclairent le choix du législateur chinois en faveur de ce modèle.
Des raisons tenant au contexte chinois depuis 1978
Tant le système économique chinois que la société chinoise connaissent de profondes transformations à la suite de l’ouverture de la Chine au monde extérieur et par la teneur des réformes internes. Les remaniements idéologiques vont bon train, le dernier étant la théorie dite des Trois Représentativités élaborée par Jiang Zemin[42]. Grâce à cette évolution idéologique, les entrepreneurs privés, et avec eux le secteur privé, honnis sous la période précédente, sont à présent courtisés par le Parti communiste chinois[43]. La sphère privée et l’individu, notions problématiques dans les contextes chinois traditionnel et récent, sont perçus avec moins de réticences, du moins dans les milieux urbains[44]. Enfin, il importe de rompre avec la période précédente, surtout avec la Révolution culturelle[45].
L’attrait de la tradition romano-germanique joue très fort pour une partie des juristes chinois, non seulement dans sa dimension de système, mais aussi dans l’existence même de la distinction entre le droit public et le droit privé. Les juristes chinois civilistes se sont donné beaucoup de mal pour réhabiliter la catégorie « droit privé »[46]. Ils y tiennent. Un des éléments qui expliquent cet acharnement à la réhabilitation ressort de leurs écrits, quoiqu’il n’ait pas été clairement formulé : le souci d’une sphère privée de l’individu, dans laquelle l’État intervient le moins possible. Cet élément de l’ingérence — devant être limitée — de l’État dans la sphère privée, revient tant sous la plume des juristes chinois qui adhèrent au modèle romano-germanique que sous celle des juristes favorables au syncrétisme dans les emprunts. C’est ici qu’il apparaît justifié de voir dans cette aspiration une réaction à la période maoïste et à la Révolution culturelle. En effet, la place de l’individu dans la société maoïste a été réduite à une peau de chagrin, de même que celle de la sphère privée de l’individu. La division romano-germanique entre le droit privé et le droit public répond donc à un besoin très profond de délimiter une sphère propre à l’individu, à l’abri de l’ingérence de l’État.
Mais il y a plus. En Occident, la protection des droits de l’individu se fait le plus souvent par des instruments de droit public[47] où sont énoncés des droits, des garanties de jouissance de ces droits et, le cas échéant, des recours des justiciables en cas de violation de ces droits. Or, la Chine a été dominée par le paradigme du droit public (et l’est encore largement), surtout pendant la période maoïste[48]. En un mot, le droit public chinois a servi à justifier l’ingérence de l’État dans la vie des individus et, à ce titre, il souffre d’un certain déficit de légitimité. Le droit privé, comme catégorie, présente l’attrait de la nouveauté en droit chinois. Il n’est pas associé à des abus dans le passé récent de la Chine. Aussi, une des hypothèses à explorer réside-t-elle dans la lecture que font les juristes chinois en faveur de la tradition romano-germanique du droit privé comme outil de protection des droits qui ont été mis à mal durant la période maoïste.
Des raisons propres à la tradition romano-germanique
La tradition juridique chinoise impériale en est une de droit écrit, tout comme la tradition romano-germanique[49]. Ce trait commun aux deux traditions marque aussi un élément de compatibilité certaine entre elles.
En outre, et non des moindres parmi les facteurs d’attrait de la tradition romano-germanique, une institution prestigieuse, le Code civil, génère un « imaginaire » qui continue d’opérer à ce jour[50]. Un code civil jouit d’un prestige au moins égal à celui d’une constitution. Or, dans le contexte chinois, il ne faut rien de moins qu’un code civil pour tenir tête au paradigme du droit public encore présent en Chine. Et l’on rejoint ici, avec le facteur prestige, un des facteurs favorisant les transferts de droit[51].
Le poids du contexte politique se fait encore sentir dans le choix de redonner vie à cette tradition en droit chinois, dans la mesure où les juges, dans cette tradition, sont moins susceptibles de porter ombrage au Parti communiste que dans la tradition de common law, où ils constituent un véritable pouvoir, à côté du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Un trait distinctif de la tradition de common law, selon Patrick Glenn, réside précisément dans le statut élevé et le prestige conférés à la figure du juge, alliés à une véritable indépendance[52]. Or, le PCC récuse la théorie de la séparation des pouvoirs et ne peut donc tolérer qu’une magistrature aux ambitions modestes. De même, la théorie actuelle des sources en droit chinois privilégie le juge comme étant « la bouche de la loi », pour reprendre Montesquieu. Autrement dit, le rôle du juge se borne à appliquer le droit légiféré existant, non à le créer[53]. Pour ces raisons, le rôle du juge dans la tradition romano-germanique convient mieux à l’actuel pouvoir chinois que celui des juges dans la tradition de common law. Le choix du modèle romano-germanique est aussi justifié par certains juristes civilistes chinois par la piètre professionnalisation des juges en Chine[54], en vertu de laquelle ils seraient incapables de s’y retrouver avec la méthode de la common law, jugée difficile[55].
Des esquisses pour l’avenir du droit chinois : défis et risques
Comment aborder ce droit chinois aux sources multiples, vu de l’Occident ? Quelles sont les chances de survie du modèle romano-germanique en Chine ? Que faut-il travailler dans les échanges entre les juristes chinois et occidentaux ? Les droits composites issus des transferts de droit constituent une réalité indéniable, mais leur appréciation ne va pas toujours sans heurts. Par ailleurs, si, pour le moment, le modèle romano-germanique exerce une influence appréciable et certaine sur le droit chinois, la présence croissante de la common law en Chine ne constitue-t-elle pas une menace, avec d’autres éléments, pour sa survie ? Enfin, il faut aussi tenir compte des multiples sources d’incompréhension entre les juristes chinois et occidentaux, fondées sur une méconnaissance parfois abyssale, qui du droit chinois, qui des traditions juridiques occidentales. Autrement dit, il existe des obstacles épistémologiques des deux côtés.
La fragilité à long terme de l’influence romano-germanique en Chine
Dans la mesure où la survie d’une tradition juridique passe par la connaissance des langues qui y sont associées, il y a lieu de s’interroger sur les chances de survie du modèle romano-germanique en Chine. Les étudiants chinois apprennent d’abord l’anglais comme langue seconde, le français et l’allemand venant bien loin derrière. Souvent, les juristes chinois ne connaissent qu’une langue étrangère, l’anglais. En outre, chaque année, des étudiants chinois vont étudier dans des pays de common law, tels les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni[56]. Lorsque ces étudiants rentrent au pays, ils sont, bien sûr, tout imprégnés de common law. Or, la France et l’Allemagne, pays de la tradition romano-germanique, si elles accueillent aussi des étudiants étrangers, en reçoivent toutefois infiniment moins, en droit, que les pays de common law. Le camp des juristes chinois pro-romano-germanique maintiendra-t-il son souci d’apprentissage de l’allemand et du français ? Si tel n’était pas le cas, à terme, l’influence romano-germanique est appelée à se diluer, voire à disparaître.
Un autre facteur mérite attention dans ce débat. La common law, surtout dans sa version américanisée, circule en Chine, de façon parfois diffuse, semi-officielle et cela est appelé à continuer[57]. En effet, la Chine compte bon nombre de professeurs étrangers américains qui enseignent la common law dans les universités chinoises, mais aussi, faut-il compter avec la diffusion qui découle de la présence de compagnies américaines en Chine.
Perçue par des juristes chinois comme plus flexible que la tradition romano-germanique[58] et aussi étiquetée « moderne », cela lui confère un attrait sinon irrésistible, du moins certain comme modèle juridique[59]. Il faut s’attendre à retrouver, en quantité variable selon les domaines de droit, des éléments de common law dans les futures lois chinoises, surtout en droit commercial[60].
Il faut souligner l’existence de deux camps, chez les juristes chinois, en faveur de la common law. Le premier camp est résolument pro-common law, à l’exclusion du modèle romano-germanique. Le second camp, celui des juristes civilistes « syncrétiques », ne possède pas vraiment d’équivalent chez les juristes occidentaux. Ses représentants les plus célèbres sont Wang Liming et Jiang Ping. Pour ces juristes, le fait d’emprunter simultanément à la common law et au modèle romano-germanique ne pose aucun problème. Ils ne traitent pas de la question de la cohérence du droit transféré. Ils sont plutôt sensibles à l’ampleur de l’influence de la common law dans le monde[61] et au fait qu’elle constitue une autre grande tradition juridique occidentale « moderne » à laquelle il faut emprunter. Le référent de la modernité joue très fort chez ces juristes « syncrétiques », comme dans le pays tout entier[62].
Si les sources de fragilité du modèle romano-germanique existent bel et bien, l’heure n’est pas pour autant à un transfert intégral de la common law en Chine, quelle qu’en soit sa version. De puissantes raisons politiques, évoquées précédemment, favorisent le maintien du modèle romano-germanique, du moins dans certaines de ses composantes. À cet égard, le contenu du futur Code civil chinois, objet de vigoureux débats, sera révélateur. Il s’agit donc d’une évolution à suivre.
Des incompréhensions réciproques entre juristes chinois et occidentaux
La Chine, en quête de modernité, vit aussi, comme le rappelle Jean-Luc Domenach, avec le sentiment de devoir rattraper l’Occident dans son développement[63]. Ces deux éléments se rejoignent dans la mesure où sont associés Occident et modernité dans l’esprit des Chinois[64]. Toutefois, les rapports de la Chine avec l’Occident demeurent tributaires d’un passé encore ressenti fortement, dans lequel la Chine a été humiliée par les puissances occidentales. Aussi, les transferts de droit en Chine reflètent-ils le rapport encore douloureux et complexe qu’entretient la Chine avec sa propre culture et avec l’Occident.
Les positions de certains juristes chinois sur les modèles juridiques étrangers en présence traduisent parfois certains préjugés, positifs ou négatifs, à l’endroit de l’un ou l’autre. Dans certains cas, une approche essentialiste de la common law ou du modèle romano-germanique se fait jour chez les juristes chinois. Pour Liang Hui Xing, la common law est chaotique, à la limite de l’incohérence[65]. Pour certains adeptes exclusifs de la common law, la tradition romano-germanique est figée, incapable d’évoluer. Ces perceptions rejoignent parfois ce que Domenach appelle le problème de l’Occident mal compris en Chine[66]. En effet, la common law possède plusieurs mécanismes qui visent, justement, à en assurer la cohérence et permettent de la penser de manière systématique[67]. L’histoire du droit nous enseigne aussi que la tradition romano-germanique est à même d’évoluer, avec des changements de nature radicale, souvent révolutionnaires[68]. Or, ces éléments de nuance dans l’appréciation des modèles juridiques étrangers font défaut dans la réflexion de certains juristes chinois.
Le risque de l’Occident mal compris est aussi souligné par François Jullien, spécialiste de la pensée chinoise. Il constate que si la Chine n’ignore plus rien des courants littéraires et politiques en Occident, la tendance est à des emprunts, en bloc, des catégories occidentales. Ces dernières, parfois mal comprises, servent à leur tour à réinterpréter la tradition chinoise, avec le risque de créer un sentiment d’aliénation car les Chinois ne se reconnaissent plus dans cette version de la tradition chinoise issue d’une transposition de concepts qui leur sont étrangers. François Jullien appréhende une réaction de fermeture sur soi, aux relents nationalistes[69]. Vu sous cet angle, le courant du bentuhua, tel qu’il a été développé par Zhu Suli, correspond au type de réaction évoqué par Jullien. Zhu Suli mentionne explicitement le caractère inadapté des concepts juridiques issus de la common law ou du modèle romano-germanique eu égard aux valeurs de la société chinoise. Cette situation engendre le rejet du droit transféré et des modèles étrangers. Le travail à faire, pour les tenants de cette voie, consiste à identifier les paradigmes chinois qui peuvent répondre aux besoins de la société chinoise du XXIe siècle. Pour leur part, les juristes chinois ouverts aux transferts de droit et privilégiant une approche syncrétique dans les emprunts ont un modèle duquel s’inspirer pour la rencontre de la tradition juridique chinoise avec l’Occident, en la personne de Shen Jiaben. Un travail de conciliation entre les traditions juridiques en présence favoriserait, à terme, des transferts de droit au contenu véritablement recevable par les justiciables chinois. Cela suppose de la part des juristes chinois, entre autres, un meilleur accès aux sources occidentales sur les modèles étrangers, avec la volonté de fouiller davantage les fondements de la tradition juridique chinoise.
Pitman Potter souligne le schéma d’emprunts sélectifs qui caractérise selon lui la réforme juridique en Chine[70]. Des susceptibilités politiques, entre autres, fondent cette approche sélective. Jianfu Chen, pour sa part, critique âprement l’utilisation qui est faite des transferts de droit en Chine et adhère à la thèse de l’approche instrumentaire du droit[71]. Toutefois, le rapport des juristes chinois aux modèles juridiques en présence témoigne de positions qui vont au-delà d’un simple rapport instrumentaire au droit. En effet, plusieurs ordres de raisons président à l’attirance des juristes chinois pour l’un ou l’autre modèle juridique. Chaque modèle compte son camp d’ardents partisans et de détracteurs. Les débats sur le modèle à privilégier vont bon train et ont pour point commun une ouverture à l’Occident qui dépasse celle des réformateurs du XIXe siècle animés par le slogan : zhong xue wei ti, xi xue wei yong[72].
Les juristes occidentaux sont confrontés aux défis de s’ouvrir à un droit aux sources multiples. Un premier obstacle épistémologique réside dans leur manque de connaissances du contexte d’élaboration et d’application du droit chinois[73]. À titre d’exemple, le rapport au droit de la population chinoise est en pleine mutation, de même que la place normative dévolue à la règle de droit par rapport aux règles implicites issues des guanxi[74]. Or, il est fréquent de lire des textes axés uniquement sur le déficit normatif dont souffrirait le droit en Chine, où cette évolution de la société chinoise est passée sous silence. Des recherches plus poussées sur cette question sont nécessaires. Peu de juristes occidentaux lisent le chinois, ce qui les prive d’un accès direct à la réflexion des juristes chinois. Certains développements du droit chinois interpellent plus particulièrement les juristes qui s’identifient au modèle romano-germanique. Les risques de heurts abondent dans le regard que porteront les juristes occidentaux sur le futur Code civil chinois ou sur l’évolution chinoise de la catégorie « droit privé ». Les réflexions des juristes chinois sur ces questions témoignent d’une relative indépendance dans le rapport aux institutions et aux modèles étrangers qui inspirent les réformes en cours. Il existe aussi des cas d’« occidentalocentrisme » dans le regard que portent certains juristes sur le droit chinois[75]. Aussi les juristes occidentaux ont-ils encore beaucoup à apprendre sur la Chine et sur sa tradition juridique.
Il est très difficile de s’ouvrir véritablement à une autre tradition juridique que la sienne et de transcender certains conditionnements eu égard à la vision du droit et de son rôle. Il s’agit d’un problème central, qui concerne tous les juristes engagés dans une démarche comparative.
Conclusion
Dans le monde juridique, l’heure est aux transferts de droit. La Chine y recourt sur une base volontaire et intensive pour fonder les réformes du droit en cours. Elle est devenue un formidable lieu de rencontre de diverses traditions juridiques, comme jadis le fut la route de la soie pour les religions. Cependant, ces emprunts aux modèles juridiques étrangers restent sélectifs et obéissent à des motifs parfois bien éloignés du souci de la cohérence du droit. Néanmoins, plusieurs éléments favorisent le modèle romano-germanique comme objet de transfert plutôt que la common law. Toutefois, ces deux modèles sont appelés à coexister de façon durable comme source d’inspiration des réformes du droit chinois. Le processus des transferts de droit donne à la Chine l’occasion de faire revivre un de ses vieux traits culturels, le syncrétisme[76].
Telle est la donne avec laquelle doivent composer les juristes occidentaux, consommateurs ou observateurs du droit chinois.
Parties annexes
Note sur l'auteure
Hélène Piquet
Elle possède une double formation en droit et en études orientales (axées sur la Chine). Elle est également membre du Barreau du Québec depuis 1995. Sa thèse de doctorat portait sur les transferts de droit dans la Chine des réformes. Elle a publié La Chine au carrefour des traditions juridiques, Bruxelles, Bruylant, 2005, qui a reçu le prix Gallet décerné par l’Académie des sciences morales et politiques de l’Institut de France en 2006. Ses domaines de recherche portent sur le droit chinois et la théorie du droit comparé, en mettant l’accent sur une perspective multidisciplinaire.
Notes
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[1]
René David était un juriste comparatiste d’origine française. À la notion de « système » juridique, nous préférons celle de « tradition » juridique, employée par H.P. Glenn dans son ouvrage. (H. Patrick Glenn, 2000, Legal Traditions of the World, Oxford, Oxford University Press.)
-
[2]
Pitman B. Potter, 2002, « Guanxi and the PRC Legal System : From Contradiction to Complementarity », dans Social Connections in China. Institutions, Culture and the Changing Nature of Guanxi, sous la dir. de Thomas Gold, Doug Guthrie et David Wank, Cambridge, Cambridge University Press, p. 191. La Loi de République populaire de Chine sur les contrats de 1999, adoptée et promulguée par la deuxième session de la Neuvième Assemblée populaire nationale le 15 mars 1999 et entrée en vigueur le 1er octobre 1999, a donné lieu à de nombreux articles, qui mettent l’accent sur l’influence de la common law sur le droit chinois en général et sur le droit des contrats en particulier. C’est, entre autres, le cas de Yan Wang, lorsqu’elle présente cette loi. (Yan Wang, 2002, Chinese Legal Reform. The Case of Foreign Investment Law, Londres, Routledge, p. 166.)
-
[3]
Jean Gaudemet, 2000, Sociologie historique du droit, Paris, Presses universitaires de France, p. 91.
-
[4]
Gianmaria Ajani, 1994, « La circulation de modèles juridiques dans le droit post-socialiste », Revue internationale de droit comparé, no 4, p. 1087.
-
[5]
Otto Kahn-Freund se montrait très sceptique quant à la faisabilité des transferts de droit, et ce, pour plusieurs raisons tenant, entre autres, aux différences de contextes politique et culturel entre le pays récepteur et le pays « fournisseur » de modèle. Le débat sur la faisabilité des transferts de droit l’a opposé au professeur Alan Watson dans un débat historique. Les deux textes fondateurs à l’origine de cette controverse sont : Otto Kahn-Freund, 1974, « On Uses and Misuse of Comparative Law », Modern Law Review, vol. 37, no 1, p. 1 ; et Alan Watson, 1974, « Legal Transplants and Law Reform », Law Quarterly Review, vol. 92, p. 79. Depuis, le professeur Pierre Legrand est le représentant du courant qui se situe dans la lignée de Kahn-Freud. Cela étant, alors que Kahn-Freund était sceptique face aux transferts de droit, Legrand va jusqu’à affirmer leur impossibilité.
-
[6]
Pierre Legrand, 2001, « What “Legal Transplants” ? », dans Adapting Legal Cultures, sous la dir. de David Nelken et John Feest, Oxford-Portland, Oregon, Hart Publishing, p. 57.
-
[7]
La nécessité d’une telle approche est admise entre autres par Pierre Legrand et Ichiro Kitamura, qui en tirent toutefois des conclusions fort différentes. (Ichiro Kitamura, 1995, « Cultures différentes, enseignement et recherche en droit comparé. Brèves réflexions sur la méthode de comparaison franco-japonaise », Revue internationale de droit comparé, no 4, p. 862 ; Legrand, « What “Legal Transplants” ? », p. 65.)
-
[8]
Les sinologues juristes qui étudient le droit chinois adoptent tous une approche contextuelle ; parmi ceux-ci, pour des études sur les transferts de droit en Chine, voir : Pitman B. Potter, 2001, The Chinese Legal System. Globalization and Local Culture, Londres, Routledge ; Yan Wang, Chinese Legal Reform, op. cit. ; Jianfu Chen, 1995, From Administrative Authorization, Martinus Nijhoff Publishers, Dordrecht, Boston ; Liana Fiol-Matta, 1995, « Civil Law and Common Law in the Legal Method of Puerto Rico : Anomalies and Contradictions in Legal Discourse », Capital University Law Review, vol. 24, p. 153.
-
[9]
Esin Örücü, 2002, « Unde Venit, Quo Tendit Comparative Law ? », dans Comparative Law in the 21st Century, sous la dir. d’Andrew Harding et Esin Örücü, The Hague, Kluwer Academic Publishers, p. 13. Le contraste ne saurait être plus grand entre la position d’Örücü et celle de Legrand relativement à l’altération d’identité que subit inévitablement le droit transféré. Cette dernière rend impossible tout transfert de droit pour Legrand, alors qu’elle ne suscite pas de réaction hostile chez Örücü.
-
[10]
Jacques Chevallier, 1999 [3e éd. ], L’État de droit, Paris, Montchrestien, collection « Clefs politiques », p. 7.
-
[11]
Leïla Choukroune, « Recension du livre de Randall Peerenboom, 2003, “China’s Long March Toward Rule of Law” », Perspectives chinoises, no 76, p. 77. Elle affirme : « S’il n’y a pas lieu de s’étonner du fait que la Chine puisse créer un modèle politique qui lui soit propre et qui ne soit donc pas la transposition de modèles occidentaux préexistants, il est en revanche impossible de vider de leur sens des concepts juridiques et philosophiques comme ceux d’État de droit et de démocratie au nom d’une dénonciation bienveillante d’un certain ethnocentrisme. »
-
[12]
David Nelken, 2001, « Towards a Sociology of Legal Adaptation », dans Adapting Legal Cultures, sous la dir. de David Nelken et John Feest, Oxford-Portland, Oregon, Hart Publishing, p. 37.
-
[13]
Tel est le cas de plusieurs pays d’Europe centrale et orientale, de même que de plusieurs États africains. (Jacques Chevallier, 2001, « Mondialisation du droit ou droit de la mondialisation », dans Le droit saisi par la mondialisation, sous la dir. de Charles-Albert Morand, Bruxelles, Bruylant-Université de Bruxelles, p. 37-41.) Sur la situation en Afrique, voir : Georges Courade, 1991, « Les agences d’aide, médiateurs entre la raison d’État et les sociétés civiles : mieux d’État pour le foncier ! », dans L’appropriation de la terre en Afrique noire. Manuel d’analyse, de décision et de gestion foncière, sous la dir. d’Émile Le Bris, Étienne Le Roy, Paul Mathieu, Paris, Karthala, 1991, p. 233-237, à la p. 234 ; et Julie Mertus, 1999, « From Legal Transplants to Transformative Justice : Human Rights and the Promise of Transnational Civil Society », American University International Law Review, no 14, p. 1381. Ce texte adopte une vision très critique des transferts de droit ayant cours dans les pays d’Europe orientale.
-
[14]
Sun Xiaoyi, 2001, « Chayi yu gongxing : fazhan kaifang guan » [Différences et points communs : un concept ouvert du développement], dans Fali wenche [Le véhicule de la théorie du droit], sous la dir. de Sun Xiaoyi, p. 22. Cet auteur expose bien les positions des camps en présence, sans pour autant adhérer aux réticences exprimées au sujet des transferts de droit.
-
[15]
Gong Pixiang, 1997, « Guojihua yu bentuhua : fazhi xiandaihua de shidai taozhan » [Internationalisation et bentuhua : les défis actuels de la modernisation du système juridique], Faxue Yanjiu, vol. 19, no 1, p. 92. Le magistrat Gong constate cette association et affirme la nécessité de distinguer entre le processus d’internationalisation du droit et le processus d’occidentalisation.
-
[16]
Ceng Ershu et Guo Chen, 2000, « Bentufa yu wailai fa-Meiguo de jingyan » [Droit local et droit étranger : l’expérience américaine], Zhengfa Luntan, no 2, p. 146. Le résumé en anglais traduit « bentuhua » par « localized », au sens d’« avoir rendu local ». Ce concept ne s’applique donc pas seulement au contexte chinois. Le sinologue canadien Ronald C. Keith abonde dans le même sens. (Voir Ronald C. Keith et Zhiqiu Lin, 2001, Law and Justice in China’s New Marketplace, New York, Palgrave, p. 234.) Le terme français qui s’en rapproche le plus est sans doute celui d’acculturation, lorsque deux traditions juridiques sont en présence.
-
[17]
Fan Zhongxin, 2001, Zhongxi fawenhua de anhe yu chayi [Les points de convergence et de divergence entre les cultures juridiques chinoise et occidentales], Beijing, Zhengfa Daxue chubanshe [Presses de l’Université Zhengfa], p. 329-331 pour l’État de droit, et p. 342-354 pour une réflexion plus poussée sur l’hybridation en tant que telle.
-
[18]
Zhu Suli, 1996, « Bianfa, fazhi ji bentu ziyuan » [Changer le droit, État de droit et ses ressources locales], dans Fazhi qi bentu ziliao [L’État de droit et les ressources locales], sous la dir. de Zhu Suli, Beijing, Zhongguo Zhengfa Daxue chubanshe [Presses de l’Université Zhengfa], p. 17 ; d’autres juristes, comme Liang Zhiping, appellent à une revalorisation de la tradition juridique chinoise, en notant que les transferts de droit précédents n’ont pas apporté à la Chine les résultats escomptés. (Voir Liang Zhiping « Chuantong wenhua de geng xin yu zai sheng » [Le renouveau et la renaissance de la culture traditionnelle], en ligne : gongfa pinglun [http://www.gongfa.com/lianzhipingchuantongwenhua.htm], consulté le 15 juin 2002. Cet article est aussi sur le site [http://law-thinker.com].)
-
[19]
Zhu Suli, « Bianfa, fazhi ji bentu ziyuan », p. 19.
-
[20]
Zhu Suli (dir.), Fazhi qi bentu ziliao [L’État de droit et les ressources locales], Beijing, Zhongguo Zhengfa Daxue chubanshe [Presses de l’Université Zhengfa], p. 217.
-
[21]
Voir, entre autres : Tian Chengyou, « Lao diao zhong dan » [Un vieux sujet récurrent : l’occidentalisation et l’acculturation de l’État de droit], Tian Chengyou, « Lao diao zhong dan : fazhi de xihua yu bentu » [Un vieux sujet récurrent : l’occidentalisation et l’acculturation de l’État de droit], en ligne : Falü sixiang [http :law-thinker.com], paragr. 11 (consulté le 7 juillet 2001). Ce texte reprend en partie le contenu de l’article (Tian Chengyou, 1999, « Fazhi zhong lao wenti de xin jianjie » [Une nouvelle compréhension d’un vieux sujet : l’État de droit], Xiandai Faxue, vol. 20, no 3, p. 32) et donne ce dernier comme source. Cependant, des passages importants pour notre propos apparaissent uniquement dans la version Internet, c’est pourquoi cette dernière sera privilégiée par rapport au texte papier, paragr. 11 (Ma Zuowu, 1999, « Zhongguo Gudai “fazhi” zhi lun » [Propos sur la doctrine dite de l’État de droit en Chine ancienne], Faxue Pinglun, vol. 93, no 1, p. 47). L’auteur s’en prend vivement à la théorie de Su Li sur les origines chinoises de la doctrine de l’État de droit — Rule of Law. À la page 50, il affirme que la doctrine des Légistes, le « fazhi » d’alors, ne peut en aucun cas, pour des raisons politiques et historiques, être assimilée à la doctrine contemporaine de ce concept. Or, cette assimilation est faite par Su Li, qui s’appuie sur l’idée du retour aux sources et du savoir local. (Cheng Liaoyuan, 1999, Cong fazhi dao fazhi [Du système juridique à l’État de droit], Beijing, Falü chubanshe [Presses Juridiques], p. 310-311 ; He Qinhua, 2002, « Fa de yizhi yu fa de bentuhua » [Les transferts de droit et le droit comme ressource locale], Zhongguo Faxue, vol. 107, no 3, p. 3.)
-
[22]
William P. Alford, 1999, « A Second Great Wall ? China’s Post-Cultural Revolution Project of Legal Construction », Cultural Dynamics, vol. 11, no 2, p. 207.
-
[23]
Michael W. Dowdle, 2000, « Preserving Indigenous Paradigms in an Age of Globalization : Pragmatic Strategies for the Development of Clinical Legal Aid in China », Fordham International Law Journal, vol. 24, p. S66-S67.
-
[24]
Idem, p. S62. Dowdle donne l’exemple de l’insistance sur les procès, véhiculée par le modèle américain, pour faire valoir les droits des justiciables. Or, outre les questions de préférences culturelles des Chinois pour des modes non contentieux de règlement des différends, il s’est révélé que les partenaires chinois avaient conclu à l’efficacité accrue, pour atteindre le même but, du lobbying législatif en vue de modifier des lois existantes.
-
[25]
Alford, « A Second Great Wall ? », p. 207-208. Alford s’insurge contre la vision, réductrice selon lui, voulant qu’à terme la Chine ne puisse faire autrement que de rejoindre l’Occident en embrassant le modèle de la légalité libérale. Il rappelle que le confucianisme contient une théorie du gouvernement qui, si elle est un peu modernisée, répondrait bien aux besoins de la Chine. Il fait un long plaidoyer, à sa façon, pour revaloriser la tradition juridique et politique chinoise comme source d’inspiration pour les réformes en cours.
-
[26]
Le camp en faveur de la tradition romano-germanique est représenté par le juriste Liang Huixing, qui a longtemps été l’éditeur de la Gazette officielle de la Cour populaire suprême [Zui Gao Renmin Fayuan Gongbao]. Le camp des juristes favorables au syncrétisme dans les emprunts compte les professeurs Wang Liming et Jiang Ping. (Voir Guo Chengwei et Ma Zhigang, 2000, « Lishi jingyi yu faxi goujian : Zhongguo de huiying » [Circonstances historiques et construction d’un système juridique : la réponse de la Chine], Zhengfa Luntan, vol. 95, no 5, p. 28.) Le camp des juristes exclusivement pro-common law est plus diffus et aucun juriste de renom n’y est associé.
-
[27]
C’est une position que met de l’avant Liang Huixing pour justifier des emprunts au modèle romano-germanique plutôt qu’à la common law. (L’allocution a été entièrement retranscrite ; voir Liang Huixing, « Minfadian zhiding de san tiao lu » [Réflexions sur les trois chemins pour l’élaboration du Code civil], allocution prononcée le 20 octobre 2000 à la salle 501 de la Faculté de droit de l’université Renmin à Beijing, non publiée, en ligne : China Civil and Commercial Law [http://www.civillaw.com.cn/lawfore/content], consulté le 15 juillet 2002.)
-
[28]
Jiang Ping, 1997, « Zhiding Minfadian de jidian hongguan sikao » [De quelques réflexions sur l’élaboration du Code civil], Zhengfa Luntan, no 3, p. 27.
-
[29]
Jacques de Lisle, 1999, « Lex Americana ? : United States Legal Assistance, American Legal Models, and Legal Change in the Post-Communist World and Beyond », University of Pennsylvania Journal of International and Economic Law, vol. 20, p. 182. Les autres régions ciblées par les États-Unis sont principalement les pays d’Europe centrale et d’Europe orientale.
-
[30]
Glenn, Legal Traditions of the World, p. 230.
-
[31]
Loi de République populaire de Chine sur les contrats, supra, note 2. De facture romano-germanique, dans ses divisions et plusieurs principes, cette loi incorpore aussi des règles propres à la common law, comme l’Anticipatory Breach et l’Indirect Agency, respectivement aux articles 108, 402 et 403.
-
[32]
Pitman B. Potter, 2003, « Globalization and Economic Regulation in China : Selective Adaptation of Globalized Norms and Practices », Washington University Global Studies Law Review, vol. 2, p. 127.
-
[33]
Potter, « Globalization and Economic Regulation in China », p. 121.
-
[34]
Il s’agit de l’ère Meiji au Japon, nom qui est donné à la période du XIXe siècle durant laquelle le Japon a effectué sa modernisation économique, juridique et politique. Le Japon de cette ère est devenu, par sa réussite, un modèle pour les autres pays d’Asie et a beaucoup influencé la réflexion des réformistes chinois de la fin du XIXe siècle et du début du XXe.
-
[35]
Ding Linghua, 1997, Zhongguo falü sixiang shi [Une histoire de la pensée juridique chinoise], Beijing, Zhongguo Zhengfa Daxue chubanshe [Presses de l’Université Zhengfa], p. 240. Voir aussi : Fan Zhongxin, Zhongxi fawenhua de anhe yu chayi, p. 301-302 ; Zhang Qinfan et al., 1999, Zhongguo Fazhi shi [Une histoire du système juridique chinois], Beijing, Zhongguo Zhengfa Daxue chubanshe [Presses de l’Université Zhengfa], p. 393.
-
[36]
Ding Linghua, Zhongguo falü sixiang shi, p. 237.
-
[37]
Zhang Qinfan et al., Zhongguo Fazhi shi, p. 392.
-
[38]
Jean Escarra, 1936, Le droit chinois, Paris, Librairie du Recueil Sirey, p. 108.
-
[39]
Ding Linghua, Zhongguo falü sixiang shi, p. 238.
-
[40]
Fan Zhongxin, Zhongxi fawenhua de anhe yu chayi, p. 310.
-
[41]
Rodolpho Sacco, 1991, La comparaison juridique au service de la comparaison du droit, Paris, Economica, p. 49.
-
[42]
« La nouvelle “théorie Jiang” signifie que le parti doit désormais être représentatif des “forces productives les plus avancées”, de “la culture la plus avancée” et des “intérêts des larges masses”. Derrière ce galimatias, il y a en effet une inflexion idéologique majeure, qui use encore de l’euphémisme pour ne pas offenser les forces orthodoxes résiduelles. Les “forces les plus productives” recouvrent les groupes sociaux dynamiques qui ont fleuri en vingt ans de réformes économiques : la nouvelle classe moyenne et, surtout, les patrons du secteur privé, qui sont désormais habilités à entrer au parti. » (Frédéric Bobin, 2002, « Le congrès du PC chinois va installer une nouvelle génération dirigeante », Le Monde, 7 novembre, en ligne : Le Monde.fr [http://www.lemonde.fr], consulté le 15 novembre 2002, par. 6.)
-
[43]
Bruce Gilley, 2001, « Jiang’s Turn Tempts Fate », Far Eastern Economic Review, 30 août, p. 18 ; Bruce J. Dickson, 2003, Red Capitalists in China. The Party, Private Entrepreneurs, and Prospects for Political Change, Cambridge, Cambridge University Press, p. 1. Ces réformes du membership du parti ne font par ailleurs pas l’unanimité.
-
[44]
Junquan Chen et Youyun Zhang, 2002, « Values and Their Transformation in Contemporary China », dans Chinese Ethics in a Global Context. Moral Bases of Contemporary Societies, sous la dir. de Karl-Heinz Pohl et Anselm W. Mûller, Leiden, Boston, Brill, p. 110. Les auteurs font état d’une conscience accrue de la subjectivité et de l’autonomie, la possibilité pour les individus de décider eux-mêmes de leur vie. (Wang Liming, 2003, « Minfadian : Jianshe shehuizhuyi fazhi guojia de jichu » [Le Code civil : le fondement de la construction d’un État de droit socialiste], en ligne : China civil and commercial law [http ://www. civillaw. com. cn/lawfore], mis en ligne le 31 janvier 2003 (consulté le 1er février 2003, paragr. 2.) Ainsi, l’indépendance de l’individu s’accroît, de même que la place laissée à la volonté individuelle. Chen Yan affirme, à ce sujet : « En réalité, les années quatre-vingt-dix sont profondément marquées non seulement par la défaite du collectivisme, mais aussi par une ascension de l’individualisme » (Chen Yan, 2002, L’éveil de la Chine, Paris, L’Aube, p. 177).
-
[45]
Cette affirmation n’est pas explicitement faite par les juristes chinois, en raison du caractère encore délicat des critiques sur la Révolution culturelle. Néanmoins, il émane, des écrits des juristes chinois sur le futur Code civil chinois et sur le droit civil en Chine, une aspiration profonde à une ère nouvelle, bien distincte de la précédente.
-
[46]
Pour un rappel des enjeux autour de la catégorisation du droit civil comme droit privé, voir Jiang Ping, 1999, Minfaxue [Études de droit civil], Beijing, Zhengfa Daxue chubanshe [Presses de l’Université Zhengfa], p. 46-47.
-
[47]
Tels que des constitutions, des déclarations des droits, des chartes des droits et libertés...
-
[48]
Cette situation était caractéristique des pays se réclamant des droits dits socialistes, alors largement sous l’influence du droit soviétique et de la conception marxiste du droit. Rappelons que les entreprises ont fait l’objet de nationalisations-collectivisations massives et que le droit privé, comme catégorie, a été aboli. Pour des précisions sur ce point, voir Camille Jauffret-Spinosi et René David, 1992 [12e éd.], Les grands systèmes de droit contemporains, Paris, Dalloz, p. 134-151.
-
[49]
Marianne Bastid-Bruguière, 1998, « L’esprit de la codification chinoise », Droits, vol. 27, no 3, p. 131 et ss.
-
[50]
Denis de Béchillon, « L’imaginaire d’un Code » (1998), Droits, vol. 27, no 3, p. 173.
-
[51]
Gianmaria Ajani, 1995, « By Chance and Prestige : Legal Transplants in Russia and Eastern Europe », American Journal of Comparative Law, vol. 43, p. 115 ; Alan Watson, 1983, « Legal Change : Sources of Law and Legal Culture », University of Pennsylvania Law Review, vol. 131, p. 1147. Le facteur prestige opère résolument dans le cas chinois. (Voir Wang Liming, 1998, « Lun wo guo Minfadian de zhiding » [Propos sur l’élaboration du Code civil chinois dans mon pays], Zhengfa Luntan, vol. 83, no 5, p. 45.)
-
[52]
Glenn, Legal Traditions of the World, p. 225.
-
[53]
Gérard Timsit, 1993, Les figures du jugement, Paris, Presses universitaires de France, collection Les voies du droit, p. 20 ; Gérard Timsit, 1995, Gouverner ou juger, Paris, Presses universitaires de France, collection « Les voies du droit », p. 4. La Chine adhère déjà à cette vision, comme le rappelle Michael W. Dowdle, 1997, « The Constitutional Development and Operation of the National Peoples’s Congress », Columbia Journal of Asian Law, vol. 11, p. 55 : « As in most civilian jurisdictions, the judiciary does not have the inherent authority to issue binding interpretations of law (which in civil law jurisdictions is regarded as a form of legislation. The role of the courts, therefore, is much more focused on applying the law, rather than developing it. »
-
[54]
Liang Huixing, 2001, « Dangqian Guanyu Minfadian bianzuan de san tiao si lu » [À propos des trois voies possibles du projet de Code civil], dans Zhongguo Minfadian qi cao si lu lun zhan [Les premières controverses théoriques autour du projet de Code civil chinois], sous la dir. de Xu Guodong, Beijing, Zhengfa Daxue chubanshe [Presses de l’Université Zhengfa], p. 4.
-
[55]
Liang Huixing, « Minfadian zhiding de san tiao lu », paragr. 7.
-
[56]
Idem, p. 225-226.
-
[57]
Sur les modes de circulation de la common law en Chine, surtout dans sa version américanisée, voir de Lisle, « Lex Americana ? : United States Legal Assistance », p. 179.
-
[58]
Liming, « Lun wo Guo Minfadian de zhiding », p. 50.
-
[59]
Ibidem. Cette association de la common law à la modernité a aussi été relevée par Liang Huixing dans son rapport sur les points de contentieux relatifs à la Loi sur les contrats. (Liang Huixing, 1996, « Zhongguo hetongfa qicao guocheng zhong de zhenglun dian » [Les premiers points de contentieux dans l’élaboration de la Loi sur les contrats], Faxue, no 2, p. 15.)
-
[60]
De Lisle, « Lex Americana ? : United States Legal Assistance », p. 188.
-
[61]
Jiang Ping, « Zhiding Minfadian », p. 27.
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[62]
Cette volonté de montrer un visage « moderne » est illustrée par l’ampleur des travaux visant à donner à Beijing et à quelques grandes villes chinoises une allure moderne en vue des Jeux olympiques de 2008. Les amoureux du patrimoine culturel chinois notent que celui-ci est en voie de disparition, car les autorités donnent aux promoteurs immobiliers des permis pour détruire à grande échelle les maisons traditionnelles et les ruelles pittoresques (les « hutong »). Elles seront remplacées par d’anonymes gratte-ciel. Le sinologue Pierre Gentelle note que la Chine veut devenir un pays « moderne, riche et avancé », ce qui la conduit, en d’autres domaines que le droit, à supprimer les éléments de la société chinoise qui lui valent d’être encore catégorisée comme pays du tiers-monde. Le régime s’est donc lancé dans un vaste mouvement d’urbanisation visant à éliminer un certain type d’agriculture, au nom d’une certaine vision de la modernité. (Pierre Gentelle, 2001, La Chine. Un continent... et au-delà ? Paris, La documentation française, p. 72.) La nécessité sentie de présenter le droit chinois comme « moderne » est étroitement liée, selon l’auteur, à l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce et au désir de rassurer les investisseurs étrangers.
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[63]
Jean-Luc Domenach, 2001, L’Asie et nous, Paris, Desclée de Brouwer, p. 199.
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[64]
Jean-Luc Domenach, 2002, Où va la Chine ?, Paris, Fayard, p. 148.
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[65]
Huixing, « Dangqian Guanyu Minfadian », p. 10.
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[66]
Domenach, L’Asie et nous, p. 199.
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[67]
Glenn, Legal Traditions of the World, p. 227-228.
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[68]
Pierre Issalys, 1992, « La loi dans le droit : tradition, critique et transformation », Les Cahiers de Droit, vol. 33, no 3, p. 669. Le professeur Issalys parle de la « liaison révolution-raison-loi », en soulignant qu’elle a fortement imprégné, façonné, la conception de la loi dans les pays romano-germaniques.
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[69]
Propos de François Jullien recueillis par Juliette Cerf, 2004, « François Jullien : une pensée ouverte à tous les possibles », Magazine Littéraire, no 429, p. 33.
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[70]
Potter, « Globalization and Economic Regulation in China », p. 121.
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[71]
Jianfu Chen, 1999, Chinese Law. Towards an Understanding of Chinese Law, Its Nature and Development, The Hague, Kluwer Law International, p. 358.
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[72]
Traduction libre de l’auteure : « le savoir chinois pour fondement, le savoir occidental comme technique ».
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[73]
Stanley Lubman, 2003, « The Study of Chinese Law in the United States : Reflections on the Past and Concerns About the Future », Washington University Global Studies Law Review, vol. 2, p. 31.
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[74]
Potter, « Guanxi and the PRC Legal System », p. 184.
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[75]
William Alford définit cette approche comme voulant qu’à terme, la Chine ne puisse faire autrement que suivre la voie de l’Occident. (Voir Alford, « A Second Great Wall ? », op. cit.)
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[76]
Anne Cheng, 1999, Histoire de la pensée chinoise, Paris, Seuil, p. 405.