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Si l’on se permet aisément d’affirmer que l’art est politique, sociologique ou même thérapeutique, c’est de toute évidence plus risqué de le comparer à la science. Il est pourtant logique et vraisemblable de prétendre que ces deux domaines entretiennent des rapports comme constituants d’une même culture. Mais cette association probable semble en général très délicate et entraîne plus souvent qu’autrement la négation du rapprochement. Pourtant certains artistes, comme des scientifiques voués à la poursuite d’une objectivation des faits, s’engagent bel et bien dans une recherche conceptuelle et formelle construite d’observation et d’expérimentation. Bien que consacré à l’expression d’un idéal esthétique, et d’un instinct de l’harmonie, leur art se destine en ce sens à exprimer une vision d’un univers à l’intérieur duquel la science se déploie.
L’art rechercherait la beauté ; la science, la vérité. L’un parlerait à l’émotion, l’autre à la raison. Mais leurs similitudes sont en fait plus réelles qu’il n’y paraît. En effet, l’un et l’autre expriment la pensée par la technique. Dans les deux cas, l’imagination ainsi maîtrisée permettrait à chacun de se dépasser. En science comme dans les arts, on réclame des correspondances avec une réalité qui reflète la société ou qui la subvertit. S’il est dit des entreprises de Guy Blackburn qu’ elles « explorent de façon percutante, voire troublante, les nouvelles conditions individuelles et sociales issues des récentes pratiques scientifiques »[1], il est permis de croire que l’espace que cet artiste « occupe» soit le même que celui des gens de science.
Comme pour les scientifiques, le point de démarrage des études de Blackburn naît de l’identification d’un problème et de la prise de position. Celui qu’on appelle volontiers « éveilleur de consciences », en mettant sous la loupe sa désapprobation d’une certaine éthique du monde, prend le même risque que tout chercheur qui est au service d’une hypothèse de départ : dépendre des facteurs qui peuvent influencer les retombées. À cette fin, pour chaque projet, l’artiste recueille un lot étonnant de renseignements disponibles qui sont associés à son sujet. À partir de toutes ces données, il prédit les résultats de l’examen effectué dans l’objectif de leur donner une direction. En chemin, si certaines affirmations se révèlent fausses à ses yeux, elles seront le tremplin à une série d’autres questions qu’il faudra un jour ou l’autre aborder et résoudre.
Parties annexes
Note biographique
Guy Blackburn
Guy Blackburn est né à Chicoutimi en 1956, y vit et y travaille. Sa pratique, amorcée au début des années 1980, l’a amené à participer à de nombreuses expositions et manifestations d’art actuel, au Québec, au Canada et à l’étranger. Depuis 1990, l’artiste pluridisciplinaire a proposé un ensemble d’œuvres qui a su intéresser un large public, entretenir une médiatisation soutenue et bénéficier d’une analyse importante. Pensons seulement aux projets « La Cécité », « Hommage à Anna », « Espace interdit », « Quémander l’affection » et à la série de quatre installations au Musée de la guerre froide de Carp, en Ontario. Plus récemment, il a présenté au public « Sans Silence » et « Extrait d’ambiguïté » au Musée de Rimouski, à la Galerie Séquence de Chicoutimi ainsi qu’à la Biennale nationale de sculpture contemporaine de Trois-Rivières. Sa dernière aventure d’art « Touche » est une œuvre majeure produite et diffusée avec la complicité du Centre national de recherche et diffusion en arts contemporains numériques, Sagamie, d’Alma. Sa recherche se concentre actuellement sur un corpus nommé « Réparer mes colères ». Bien que l’on puisse parler chez Blackburn de pratique ouverte, l’installation demeure au cœur de son travail.
Note
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[1]
Extrait du catalogue Touche de Guy Blackburn, publié par le Centre Sagamie, Alma (2009 : 66).