Résumés
Résumé
À partir des conceptions du fondateur de la sémiotique, C. S. Peirce, une modélisation de la sémiose du bébé est proposée afin de penser les processus interactifs entre un bébé et ses parents de telle façon que, dans les cas d’apparition de symptômes psychopathologiques, une compréhension des mécanismes en cause dans l’origine de ces symptômes soit tentée pour en déduire des interprétations « utiles » au bébé et à sa famille. Pour ce faire, les principaux concepts de la sémiotique peircienne (objet/representamen/interprétant, priméité/secondéité/tiercéité) sont rappelés et articulés avec les trois niveaux décrits dans les interactions précoces bébé-parent (interactions comportementales/interactions affectives/interactions fantasmatiques). Une histoire clinique de bébé présentant une insomnie rebelle s’enracinant dans une histoire familiale complexe permet de figurer les intérêts, les mécanismes et les hypothèses d’une telle proposition.
Abstract
From the conceptions of the founder of semiotics, C. S. Peirce, we propose a modelisation of the semiosis of the baby in order to study the interactive processes which occur between a baby and parents, so that when psychopathological symptoms appear, there can be an attempt to understand the mechanisms at stake in the origin of the symptoms so as to deduce “ useful ” interpretations for the baby and his family.
Corps de l’article
Afin de tenter d’exposer l’intérêt de la sémiotique peircienne dans le processus de sémiose du bébé, je vais suivre la règle freudienne référée à la métaphore du cristal, qui consiste à s’appuyer sur une histoire pathologique pour essayer de comprendre ce qui se passe habituellement.
C’est l’histoire d’une petite fille de dix-sept mois, Marie, qui m’est amenée par ses parents pour une insomnie rebelle qui dure depuis plusieurs mois, plus précisément à la suite d’une hospitalisation à l’âge de dix mois pour une arthralgie inflammatoire. Au cours de la consultation, j’apprends que la maman a eu une enfance très difficile dont elle ne me parle pas facilement dans un premier temps.
La mère de la maman de Marie est morte dans un hôpital psychiatrique à la suite d’une hospitalisation pour un épisode mélancolique. Au cours de sa vie, elle avait été hospitalisée de nombreuses fois, mais la première hospitalisation avait eu lieu lorsque sa fille avait environ cinq ans. Le père, invalide et très tyrannique, considérait sa femme comme une servante, et la maman de Marie avait alors pensé, étant enfant, que sa mère faisait des états d’épuisement en rapport avec la situation conjugale. Malgré une opposition active du père, c’est le médecin généraliste qui avait néanmoins réussi à faire hospitaliser sa mère chaque fois qu’il en était besoin, pour y recevoir des soins psychiatriques. Bien soignée, elle en sortait quelques semaines plus tard et reprenait sa position « masochiste » près de son mari. Au cours des dix années suivantes, cette femme avait été réhospitalisée plusieurs fois en psychiatrie, mais chaque fois au terme d’un parcours de plus en plus difficile avec le mari. C’est ainsi qu’« il ne la laissait pas dormir une nuit entière », « qu’il la maintenait dans la soumission la plus totale en la réveillant de nombreuses fois la nuit ». Passée voir ses parents de retour de vacances, la maman de Marie, confrontée une nouvelle fois à une situation de décompensation de sa mère, avait, toujours avec le médecin, obtenu de haute lutte avec son père, une nouvelle hospitalisation. C’est au cours de cette hospitalisation que sa mère était décédée. La culpabilité, déniée, est très importante pour la maman de Marie, et dès la première consultation, cette situation envahit tout.
Pendant cette consultation, Marie reste assise sur le tapis et joue avec différents jouets mis à sa disposition, mais passe beaucoup de temps, tout en suçant son pouce, à regarder avidement sa maman qui parle. Au bout d’un long moment, je commence à parler un peu avec la maman et Marie tourne alternativement la tête vers celui qui parle. Vers la fin de la consultation, elle me sourit largement en laissant tomber son pouce et sa peluche, comme dans un lâché du tonus ouvrant sur la relation avec moi. Elle prononce quelques mots, tels que « maman », « papa », « au oir », « boir », « patir », et montre manifestement une grande intelligence.
J’insiste lors de la fin de la consultation pour que le papa vienne la fois suivante. La maman est un peu réticente, mais nous arrivons à trouver un créneau qui convienne à tout le monde.
Lors de notre deuxième rencontre, la maman me dit que Marie a bien dormi les nuits qui ont suivi notre première consultation, mais que, depuis peu, elle s’est remise à ne pas très bien dormir. Elle me dit : « C’est comme si votre action s’estompait au fur et à mesure. Marie se réveille plusieurs fois la nuit, pousse un grand cri, et demande les bras ; nous ne pouvons pas la recoucher avant qu’elle ait pris un biberon ».
À son tour, le papa me raconte son histoire familiale. Il est fils unique au sein d’une famille très traditionnelle et le seul à avoir réussi brillamment des études supérieures. Il enseigne à la faculté et sa famille le considère comme un « intello ». Sa façon d’élever sa fille a été longuement mûrie avec sa femme avant qu’ils aient ce premier enfant. « Il n’est pas question de dresser les enfants, il ne faudra pas la stimuler pour obtenir d’elle quelque chose qui n’est pas vraiment nécessaire pour elle, mais seulement utile pour le plaisir des parents ; elle marchera quand elle le décidera et elle mangera seule si elle le veut... ». Mais cette façon de « permettre à un enfant de devenir un sujet libre » semble bizarre à la famille paternelle. Il ajoute : « quand ils ont su qu’elle n’arrivait pas à dormir, cela leur a fait bien plaisir de constater les résultats désastreux de la méthode... ».
Pendant cette consultation, Marie vient s’accrocher à son papa en rampant et, avec ses mains tendues vers lui, elle arrive à se faire mettre debout et à tenir à peine devant lui. À certains moments, il est dans « sa méthode éducative » et elle tombe sur ses fesses. La maman se lève pour venir la prendre sans la consoler et la repose sur le tapis ; Marie recommence dès lors son ascension vers son papa.
J’essaye prudemment de reprendre ce que nous avons déjà dit ensemble de la vie de Marie en m’appuyant sur les éléments de son histoire : l’hospitalisation à l’âge de dix mois, considérée comme le point de départ de son insomnie rebelle, et l’entrecroisement avec les histoires familiales des ses deux parents. Marie regarde ses deux parents qui se regardent et me regardent alternativement, touchés, semble-t-il, par le travail de miroir réfléchissant auquel je me livre avec eux. Elle est entre nous trois et, prenant appui sur le divan proche d’elle avec sa main droite et sur sa peluche de sa main gauche, elle se met debout directement sur la moquette (elle a quitté le tapis) et commence à marcher pour la première fois. Elle va vers son papa avec les deux bras écartés et sa peluche tenue fermement dans sa main gauche. Arrivée à un pas de lui, elle regarde sa maman sur sa droite et finalement se jette dans ses bras à elle. Le papa est très ému, la maman se met à pleurer de joie. Je la vois pleurer en tenant près d’elle sa fille qui se love dans son creux droit et, en même temps, se raidir très vite en repoussant un peu sa fille. Je dis : « ça fait du bien de pouvoir manifester sa joie à Marie alors qu’elle vient juste de marcher », et le papa me répond : « on s’est tellement dit que c’était pour elle et pas pour nous qu’elle marcherait, et comme c’est arrivé, on a du mal à se retenir ». La maman tourne sa fille pour qu’elle aille vers son papa ; elle y va et le papa la « reçoit » de ses mains, mais sans la prendre dans ses bras. Marie le regarde et dit : « marche » très distinctement ; le papa, à ces mots, dit en la prenant dans ses bras : « oui tu marches Marie et toi, tu en es très contente ».
La troisième consultation va montrer la confirmation de la marche, mais surtout la disparition des insomnies.
Le bébé et la sémiotique
Dans cette histoire clinique, l’insomnie est un signe, un symptôme pour les médecins, qui vient nous dire la souffrance psychique du bébé en interaction avec les souffrances psychiques de ses parents. Nous allons essayer de comprendre l’apparition de ce signe d’un point de vue sémiotique. Je rappelle que, pour Peirce, la sémiotique n’est pas une psychologie mais une logique de la représentation.
Je ne reprendrai pas ici en détail les travaux de Deledalle et de Balat à ce sujet, mais me contenterai de présenter les éléments essentiels à ma démonstration.
Deledalle synthétise les recherches de Peirce sur les trois trichotomies du signe de la façon suivante :
Pour faire correspondre ce tableau avec le schéma proposé par J. Lacan au sujet du texte de S. Freud, « Inhibition, Symptôme, Angoisse », nous en intervertissons les coordonnées comme l’a suggéré M. Balat et nous obtenons le tableau 2 suivant :
Je rappelle celui de J. Lacan[2] :
Cela donne, revu par M.Balat[3], le tableau 4 suivant que je nomme Schéma « 0 ».
Pour étudier les interactions[4], les pédopsychiatres procèdent selon trois plans distincts mais complémentaires : l’observation de l’interaction affective, l’observation des comportements interactifs et l’approche clinique des interactions fantasmatiques. Dans une thèse antérieure[5], j’ai proposé des liens entre ces niveaux de fonctionnements interactifs et les trois catégories peirciennes : les interactions affectives se déroulent dans la priméité, les interactions comportementales, dans la secondéité et les interactions fantasmatiques, dans la tiercéité. De même, M. Balat a proposé d’articuler la priméité avec le genre émotionnel, la secondéité avec le genre matériel et la tiercéité avec le genre signifiant, ainsi que l’interprétant peircien avec l’Interprète, l’objet avec le Museur et le representamen avec le Scribe (en référence pour ces trois derniers avec sa relecture de la fonction pythique de Delphes).
Essayons maintenant d’introduire ces différentes dimensions dans trois schémas[6] (dont la matrice est le Schéma « 0 »).
Le tableau 5 présente « les produits sémiotiques » des états envisagés dans le tableau de J. Lacan, articulés avec le mode de présence des éléments sémiotiques mis au jour par Peirce et « converti » par M. Balat[7].
Ce schéma « matriciel » correspond au schéma chiffré suivant :
Ainsi l’angoisse apparaît-elle au niveau du scribe comme quelque chose concernant l’inscription d’un ton (1.1), le passage à l’acte, celle d’une trace (1.2), et l’embarras, d’un type (1.3).[8]
Commentaires
L’empêchement (2.3), le symptôme (2.2) et l’acting out (2.1) sont trois formes apparaissant dans un rapport fixe entre le scribe et le museur, un monde figé, où, d’un côté, l’invention du scribe est impossible et, d’un autre côté, le sort de l’interprète est réglé dans un code rigide. Leurs correspondants problématiques sémiotiques sont, respectivement, le symbole (2.3), l’indice (2.2) et l’icône (2.1).
Liés à la sémiose comme telle, à l’interprète dans sa fonction d’établissement du rapport entre le scribe et le museur, nous trouvons l’argument (3.3), le dicisigne (la proposition) (3.2) et le rhème (ou prédicat) (3.1) dont les correspondants sont l’inhibition (3.3), l’émotion (3.2) et l’émoi (3.1) [...]. Là où l’émoi est la présence d’un rhème problématique, indéfini, non advenu, l’émotion se présente comme parfaitement définie comme rhème, mais indéfinie quant à l’attribution du rhème à un sujet, un indice. [...]
Il est classique de dire que l’inhibition (3.3) est la marque de deux désirs en présence. Freud, dans « Inhibition, symptôme, angoisse », donne l’image de « la cuisinière qui ne veut plus travailler au fourneau parce que le maître de maison a noué avec elle des relations amoureuses »[9]. On voit bien ici apparaître l’idée d’un « si... alors » aporétique où, toutefois, la conclusion : « je ne travaille pas », est la présence même de la prémisse « il m’aime », sans toutefois que cette prémisse soit assumée comme telle. L’inhibition est bien l’impossibilité du surgissement d’une inférence, d’un argument.
L’acting out (2.1) est, en psychanalyse, la mise en scène hors du cadre réglé de l’analyse, d’un épisode qui n’y trouve pas sa place. Le terme est resté en anglais dans la mesure où, dans cette langue, « to act » signifie « jouer ».
Le symptôme (2.2) est traditionnellement lié à l’indice. Mais la notion d’indice est suffisamment pleine de subtilités pour qu’il ne s’agisse pas de voir ici le symptôme comme indice, mais comme refus d’un indice. Il a de l’indice cette possibilité de « mettre ensemble », mais à l’occasion d’un déplacement. Car l’indice préserve le fait de ne pas savoir ce qu’il représente. De fait, il est plutôt l’indice de la règle comme telle, et, comme telle, ignorée. [...]
L’embarras (1.3), le passage-à-l’acte (1.2) et l’angoisse (1.1) doivent être interprétés comme des refus d’inscription et sont donc le fait du scribe. L’embarras (1.3) couvre le refus d’inscription d’un type. Jean Oury, lors de ses séminaires de Sainte-Anne, a largement développé cet aspect à partir de la notion d’un « point d’impossible » qui serait à franchir pour aboutir au type [concept]. Nous employons constamment le terme « refus » pour signifier le latent non assumé. [...]
Le passage-à-l’acte (1.2) est, de même, le refus d’inscription d’une tessère [réplique ou instanciation d’un type]. Dans les séminaires cités, Jean Oury indique que le travail dans l’institution consiste à transformer le passage-à-l’acte en acting out, autrement dit, forger une icône pour préparer la transformation de la trace en tessère. Enfin l’angoisse (1.1) serait ainsi le refus d’inscription d’un ton. Nous avons fait remarquer, dans de nombreux articles, que l’acte d’inscription d’un ton était subordonné à celui de l’inscription d’un type, d’un concept. Comme, par ailleurs, il n’est de concept, de type, que relié aux autres concepts ou types, l’assomption véritable du type passe donc par son articulation dans un argument. L’ensemble nous permet de voir ce chemin, souligné par Jean Oury, allant de l’angoisse à l’embarras pour aboutir à l’inhibition. Nous voyons aussi que le court-circuit, que représente comme solution à l’angoisse le passage-à-l’acte, est lié au fait qu’une trace, qui n’est pas ipso facto une tessère, est porteuse d’un ton[10]0. [...] Mais le synton dont il est question n’a pas les capacités de liaison du diaton, qui est le ton propre des tessères.[11]
Une fois ce tableau matriciel exposé, je propose, pour l’utiliser dans ma recherche au sujet des bébés, de définir deux sous-ensembles : le complexe « élément β » et le complexe « fonction α »[12], et une expérience que le bébé doit faire, celle d’assouvir sa faim quand elle se présente à lui. Je vais donc centrer ma démonstration autour d’un dipôle : la faim et la réponse à la faim qui se présente sous une forme double, celle du sein qui donne le lait. Dans ce cas précis, Tosquelles parle du sein comme « la voie du lait »[13], pour ne pas dire « la voie lactée » bien connue des astronomes. En effet, pour le bébé, le sein est à la fois le lait et l’arrêt de la faim. Mais, pour le sémioticien, il y a lieu de les distinguer pour en comprendre les fonctions à chaque temps du processus.
Le premier, le complexe « élément bêta », comprend les quatre divisions suivantes : 2.1 / 1.1 / 2.2 / 1.2. Il correspond aux « premiers pas sémiosiques », c’est-à-dire aux premiers signes émis à partir du lieu corps-psyché que le bébé habite. Nous verrons que la nécessité du détour par un second ensemble, le complexe « fonction alpha », qui comprend les cinq divisions renvoyant à la tiercéité : 2.3 / 1.3 / 3.1 / 3.2 / 3.3, est incontournable sous peine de mort psychique du bébé. Il nous paraît indispensable de les distinguer lorsqu’on envisage les premiers temps du bébé, non pas par mauvais psychologisme développemental, mais parce qu’aux premiers moments d’existence du bébé, ces deux complexes constituent ensemble la vie psychique du bébé en lien interactif avec la maman. J. MacDougall précise à ce sujet :
Chez le nouveau-né, corps et esprit ne sont pas encore vécus comme séparés ; le bébé ne fait aucune distinction entre son psychisme, son corps et ceux de sa mère. Sa mère n’est pas encore une autre, distincte de lui, tout en étant bien plus que cela : elle constitue un environnement total dont l’enfant n’est qu’une minuscule partie. Nous pouvons poser l’hypothèse d’un fantasme universel dans le vécu psychique de l’enfant : celui d’un corps et d’un esprit pour deux personnes.[14]
Schéma « 1 » :Première étape avant et pendant les premières inscriptions
Il s’agit d’un « dialogue » entre le complexe élément β et le complexe fonction α.
Commentaires
Dans le Schéma « 1 », je place le point de départ de ce qui deviendra la matrice du manque et de son inséparable angoisse, sous la forme de ce que j’appelle trivialement « l’estomac vide de lait », appelé également « élément bêta » par Bion[15], dans la colonne de l’objet et dans la catégorie de la priméité. Sur cette colonne de l’objet décliné selon les trois catégories, à ce premier niveau va se superposer un deuxième dans la secondéité, dans le genre « matériel », la « traduction » encorporée (Oury) de l’estomac vide de lait, à savoir le déclenchement dans le corps du processus visant à faire cesser cette situation ; et ce sera par la voie neurologique l’information des centres cérébraux de cet état de fait ; le bébé va se mettre à crier ; dans la tiercéité, le bébé aura un objet-pensée même extrêmement archaïque, un objet-primordial de la sensation pénible ou douloureuse ou déplaisante de la vacuité de son estomac. Avant les premières inscriptions à proprement parler, je propose de dire que c’est justement le parent présent à ce bébé – fonction alpha – qui va d’abord penser cette vacuité et, la disant, permettre à l’enfant de progressivement la penser en son nom.
Dans la colonne voisine, celle du representamen, ces trois modalités de l’objet vont trouver trois modalités de représentements selon la priméité, la secondéité et la tiercéité. La première sera ce que l’on peut appeler le qualisigne de « faminité », ou faminité tonale. La deuxième sera plus explicite et pourra se représenter par un « ouin ! » du bébé, ou un réflexe de recherche du sein, ou des mouvements de succion des lèvres. Il s’agit là d’un sinsigne ou d’une trace ; lorsqu’il deviendra évident que ces mouvements réflexes sont liés à des hallucinations de désirs (Freud), nous pourrons alors parler de tessères (Balat) comme répliques des types de « voies du lait » (Tosquelles). La troisième sera la parole du parent disant : « tiens, il pleure le bébé ». Nous sommes là dans le légisigne ou le type. Plus tard, une fois la « représentation de chose » liée pour l’enfant à la « représentation de mot », il pourra dire : « tiens, j’ai faim ».
Dans la colonne de l’interprétant, au niveau de la priméité, le bébé, avant de pouvoir en faire quelque chose lui-même, va se trouver un « interprétant fonctionnel » qui va énoncer la possibilité que « le bébé pleure, qu’il puisse avoir ou faim ou sommeil ou mal... ». Il s’agit d’un prédicat.
Dans la secondéité, « comme bébé pleure, je vais lui donner à boire du lait ». Dans le genre matériel, il s’agit d’une proposition.
Tandis que dans la tiercéité, cela va devenir une généralité ordonnée argumentale : « bébé pleure de cette manière-là, donc il a faim ».
Dans ce premier schéma, les deux parties complémentaires sont délimitées verticalement par la ligne des identifications et horizontalement par la ligne de la fonction forclusive : le complexe élément bêta (12, 22, 21 et 11) est propre au bébé dès le début ; le complexe fonction alpha (13, 23, 33, 32 et 31) est, d’une certaine façon, dès l’origine chez le bébé, mais demande à être habité par les « hypothèses » (les inférences abductives) du parent : le bébé s’approprie par identification (adhésive, projective puis symbolique) au parent la possibilité de penser les pensées.
Pour cette raison, le bébé va devoir s’engager dans les processus identificatoires pour faire siennes les capacités dont il a eu tôt « connaissance », et je ferai donc passer par la ligne verticale de séparation entre l’objet et l’interprétant la « ligne des identifications ».
Je propose également de situer la « ligne de la fonction forclusive » à la limite entre la secondéité et la tiercéité. D. Roulot, dans son article sur la « Secondéité pure... »[16], nous y introduit clairement. Mais dans sa contribution au livre Actualité de la psychothérapie institutionnelle, elle l’explicite :
Résumons-nous : la classification que va introduire la formation de la classe des « objets bons et utiles », identifiée au moi-plaisir-purifié, suscite du même coup une sorte de création d’objets (plus exactement de signes) susceptibles d’être comparés à ce prédicat. En même temps que cette classe, est donc constituée la classe d’un « donné préalable » (de signes), appelée « Univers du discours », à laquelle nous assimilerons le champ de ce qui est « primordialement affirmé » dans la Bejahung. [...] J. Lacan définit la Verwerfung comme « un processus primordial d’exclusion d’un dedans primitif, qui n’est pas le dedans du corps, mais celui d’un premier corps de signifiants », lequel est à l’origine de la structuration du sujet. [...] C’est ce « processus primordial d’exclusion » par lequel se constitue la « Bejahung » que nous appellerons « fonction forclusive ».[17]
Le schéma « 2 » : Après les premières inscriptions
Le bébé a lié le besoin et la réponse ; il commence à intérioriser la fonction alpha. C. Athanassiou écrit :
Ces éléments qui portent en eux-mêmes des qualités leur permettant de supporter l’épreuve de la distance, sont appelés par Bion « éléments alpha ». Ils n’ont pas la concrétude des éléments bêta et sont dotés d’un sens. Ils sont par conséquent le résultat, selon Bion, du travail accompli sur l’immédiateté des données sensorielles. Au lieu que ces dernières soient le véhicule d’une pure évacuation destinée, comme le dit Freud, à « décharger la psyché d’un accroissement d’excitation » (les deux principes du fonctionnement psychique), elles ont acquis la capacité de demeurer en place et de permettre par leur présence de supporter et non d’éliminer l’origine de la tension et de la souffrance. Les qualités des éléments alpha donnent à l’identité une cohérence fondée non plus seulement sur un resserrement de ses éléments réduits à l’identique, mais aussi sur un sens qui fonde l’attente d’un élément par un autre, de telle sorte que le réseau de liens ainsi formés peut être plus ou moins lâche sans cesser pour autant d’exister.[18]
Dans ce deuxième schéma, après les premières inscriptions, le bébé va pouvoir faire venir dans son appareil psychique l’objet qui va apaiser sa sensation de vacuité de l’estomac, en vertu de ce que P. Aulagnier[19] a nommé la « zone-objet complémentaire ». L’objet « vacuité de l’estomac » forme avec le sein et le lait un complexe lié par le bébé dans le cours de ses premières expériences de plaisir-déplaisir, inscrit sous forme de traces mnésiques. Mais, avant même que l’objet-ressource n’arrive, un de ses aspects va se présenter à lui, d’abord sous forme d’icône de l’objet-sein, une forme du sein dans la priméité ; puis un indice de la voie du lait et, enfin, un objet-sein comme symbole du lait. Dans la catégorie du representamen, la forme du sein sera comprise comme re-présentation iconique du sein. Le concept de « pictogramme » de P. Aulagnier est sans doute proche de cette proto-représentation. Nous sommes là dans les tons ; peut-être la sensation de lait dans la bouche constituera-t-elle le socle de l’hallucination de désir (l’hallucination est donc dans le statut d’un representamen pris pour un objet) qui permet à l’appareil psychique d’attendre le lait. Ces qualisignes vont colorer les interactions affectives.
Dans la secondéité, c’est bien l’hallucination de désir qui va être au centre des représentations indiciaires du sein comme voie du lait. Nous allons voir les traces de l’objet qui vont marquer les interactions par un comportement ou un symptôme. Je pense que c’est dans cette catégorie que peut être situé ce que J. Schotte[20] appelle le d+, le « partir à la recherche » du vecteur pulsionnel « contact » de Szondi.
Dans la tiercéité, le bébé peut lier ses sensations avec les mots parentaux : « quand il crie comme ça, il a faim le bébé » et, plus tard, il pourra dire : « quand j’éprouve cette sensation, j’ai faim ». Le bébé a « besoin » des types pour structurer sa pensée élémentaire, et celle-ci prend forme dans les interactions fantasmatiques.
Dans la catégorie de l’interprétant, qui permet donc d’attribuer le signe présenté à l’objet qu’il re-présente, c’est, en priméité, la possibilité de donner le sein qui va pouvoir en résulter, mais aussi de nourrir le bébé d’une autre façon, par quelqu’un d’autre, etc. En secondéité, il s’agit de lui donner le lait vraiment, et dans la tiercéité de repérer que ces representamen veulent dire qu’il a faim.
Le double ancrage corporel et interactif des processus précoces de symbolisation
Dans les débuts de la vie, y compris intra-utérine, le bébé est dans un monde de sensations, tout le monde s’accorde maintenant à le reconnaître. Depuis les phénoménologues jusqu’aux psychanalystes en passant par les éthologistes, l’accord est unanime. La grande question est de savoir comment, de ce monde de sensations, le bébé peut faire surgir à la fois son image du corps et ses objets.
Freud a beaucoup insisté sur la préséance d’un « Moi-Corps » et, après lui, Schilder avec l’image du corps, Dolto, Pankow, mais aussi Anzieu, avec son « Moi-Peau », ont repris et élaboré cette notion. Cela a même donné lieu ultérieurement au concept d’enveloppes psychiques (Anzieu/Bick). En 1925, Freud, dans son article sur la Verneinung (la négation), a insisté sur l’importance de ce mécanisme psychique dans l’instauration de la séparation-individuation qui va permettre au Moi archaïque de disposer de représentations internes de ses rencontres antérieures avec la réalité des objets partiels :
[…] la fonction de jugement [...] doit concéder ou contester à une représentation l’existence dans la réalité. […] il faut se souvenir que toutes les représentations sont issues de perceptions, qu’elles en sont des répétitions. Originellement, l’existence de la représentation est donc déjà un garant de la réalité du représenté. L’opposition entre subjectif et objectif n’existe pas dès le début. Elle s’instaure seulement par le fait que la pensée possède la capacité de présentifier de nouveau, par reproduction dans la représentation, quelque chose autrefois perçu, l’objet n’ayant plus encore à être présent à l’extérieur. La fin première et immédiate de l’examen de réalité n’est donc pas de trouver dans la perception réelle un objet correspondant ou représenté mais de le retrouver, de se convaincre qu’il est encore présent.[21]
Pour passer du monde des sensations à celui que Freud décrit, il est nécessaire de passer par un tiers, un autre dont le commentaire, voire l’interprétation, met en forme ce monde de l’informe. Nous avons vu que, dans le même temps, cela permettait au Moi de discriminer progressivement un extérieur d’un intérieur, coïncidant à un moment de cette mise en forme avec un « Moi-Corps ».
Cette importance du Tiers, de l’autre, est la justification suffisante de la problématique interactive. C’est bien parce qu’une sensation de vide gastrique, entraînant un certain type de pleurs, est « comprise » par la mère comme « faim » du bébé, que le bébé va lier progressivement cette sensation déjà complexe avec un commentaire maternel simple, dont la part la plus importante au début sera la réponse nourrissante.
Comme y insiste Freud, ce détour s’appuie énergétiquement sur le passage du déplaisir au plaisir, affects basaux dans lesquels vont s’enraciner des sensations de plus en plus nuancées. Une sensation « brute » ne devient une perception que parce qu’une discrimination s’exerce positivement avec une réponse simple en contiguïté avec la sensation brute. C’est parce que la sensation brute – déplaisir – a été suivie d’une réponse simple – plaisir – que le bébé percevra que ce dont il manque est lié à l’hallucination de ce qui lui manque. Et nous savons tout le travail que va déployer la pensée pour faire ensuite coïncider ou non par l’action, d’abord motrice, cette hallucination avec la représentation et la perception de l’objet manquant.
Actuellement la relation parent-nourrisson est conçue comme faite de processus bidirectionnels, où le bébé est non seulement soumis aux influences de ses parents mais également à l’origine de modifications tout à fait considérables chez ces derniers. Par ses cris, ses soucis, par l’ensemble des signaux et des communications qu’il leur adresse, il contribue puissamment à déterminer leur vécu, leurs satisfactions, leurs angoisses, leur culpabilité et leur estime d’eux-mêmes, en tant que parents. Ce modèle théorique qui prévaut actuellement est celui d’une spirale transactionnelle.[22]
Ce double abord entraîne deux conséquences qu’il faut pouvoir éviter : 1. réduire le bébé à son corps et ainsi faire l’impasse sur ce qui serait interactif et risquer de le considérer comme un bébé à « opérotropiser », c’est-à-dire passible de devenir l’objet d’un projet opératoire ; 2. idéaliser le rôle de l’autre, sans accueillir suffisamment l’idée brazeltonienne que le bébé a la compétence de révéler à sa mère ses compétences maternelles.
La théorie de l’attachement de Bowlby, en insistant sur l’endogénéité de la poussée vers l’autre avant même qu’il ait servi de réponse aux besoins oraux vitaux, est fondamentale. C’est ce que cherche à démontrer l’expérience des singes de Harlow sur la préférence de la fourrure au biberon :
Dans une série d’expériences où les bébés singes étaient retirés à la mère dès la naissance, on leur fournissait des mères mannequins consistant soit en un cylindre de fil de fer, soit en un cylindre similaire recouvert de tissu moelleux. On les nourrissait au biberon qu’on plaçait dans l’un ou l’autre des mannequins. Cela a permis d’évaluer séparément les effets de la nourriture et ceux d’une mère artificielle réconfortante à laquelle l’enfant pouvait s’agripper. Toutes les expériences ont montré que « le réconfort du contact » amenait un comportement d’attachement alors que la nourriture ne le faisait pas. Dans une expérience huit bébés singes ont été élevés avec le choix d’un mannequin en tissu et d’un mannequin en fil de fer. Quatre bébés ont été nourris (à la demande) à partir de « mères artificielles » en tissu et quatre à partir de celles en fil de fer ; le temps que les bébés passaient avec chacune a été mesuré. Les résultats ont montré que, quelle que fût la mère artificielle pourvoyeuse de nourriture, les enfants en venaient rapidement à passer la plupart de leur temps avec le mannequin en tissu. Alors que les bébés des deux groupes passaient une moyenne de quinze heures par jour à s’accrocher au mannequin en tissu, aucun enfant des deux groupes ne passait plus d’une heure ou deux sur les 24 heures avec la mère artificielle en fil de fer. Certains enfants dont la nourriture venait du mannequin en fil de fer s’arrangeaient pour s’appuyer et téter tout en se maintenant agrippés au mannequin en tissu.[23]
Ce faisant, Bowlby remet en question la théorie de l’étayage pulsionnel selon Freud en indiquant qu’une poussée existe d’une façon innée chez l’enfant, qui le conduit à s’attacher à celui qui lui apporte le « réconfort du contact » prioritairement à celui qui le nourrit, et ainsi classe l’attachement contactuel avant l’attachement oral.
Nous pouvons donc en abduire que le déclenchement des processus d’attachement provient des premiers signaux – angoisses archaïques – en rapport avec des sensations différentielles de pesanteur avant et après la naissance. Ces premières sensations mettent en mouvement une « motricité agrippant » pour lutter contre l’angoisse de tomber/de peser plus lourd que dans l’hydramnios, en une sorte de « grasping réflexe sur le Monde ».
La partie mamelon en bouche devient ainsi un cas particulier de grasping réflexe sur un objet du monde, le sein maternel[24]. Voilà qui précise les « objets » du processus de sémiotisation du bébé : d’une part, les signes de sensations d’angoisses archaïques et, d’autre part, les réalisations de ces sensations.
Si nous pouvons donc nous permettre de regrouper quelques données essentielles de la théorie sémiotique appliquée à la vie psychique, nous pouvons peut-être, dans cette logique, proposer que les mécanismes de défense, mis au point par l’enfant lui-même pour lutter contre ces angoisses, soient considérés comme des sinsignes, non plus dans le sens précédent, mais comme des répliques[25] des légisignes (toute identification même archaïque de l’enfant à un trait de l’autre susceptible de jouer pour lui la fonction contenante minimale).
Les signifiants primordiaux
Avant même les scénarios fantasmatiques propres aux processus primaires et les liens avec les représentations de mots des processus secondaires, l’enfant met en forme la sémiose par le biais de ce que B. Golse a choisi d’appeler les signifiants primordiaux :
Tout d’abord il existe un travail de catégorisation interactif à propos des « paires contrastées » (chaud-froid, doux-rugueux, salé-sucré, rond-pointu) perçues au niveau des sensations corporelles et nommées par l’adulte ; dans le cadre interactif, le bébé va peu à peu spécifier et reconnaître toute une série d’oppositions et de « conjonctions constantes » (W. R. Bion) qui vont jouer comme des constellations signifiantes primordiales ou élémentaires, constellations qui ne peuvent être réduites à des signes perceptivo-sensitivo-sensoriels car fondamentalement imprégnées par la dynamique parentale inconsciente (interaction fantasmatique).
Ces signifiants primordiaux sont ainsi fondés sur l’établissement de liens primitifs, travail de liaison s’effectuant sur la base des premières sensations, intégrées dans le régime de l’auto-sensualité qui se situe bien en deçà dans la distinction entre le soi et le non-soi. […] Ces signifiants primordiaux interviennent donc en quelque sorte à la manière d’une coque vide destinée à être remplie ultérieurement, ce que, d’ailleurs, le concept d’« objet malléable » (M. Milner) cherche également à métaphoriser au niveau de l’image de soi imprimée dans l’autre.[26]
Mais également à partir des capacités d’abstraction déjà présentes chez des bébés, tout se passe comme si les bébés étaient capables très tôt d’extraire des invariants[27] du monde qu’ils sont en train de découvrir. Les recherches de D. Stern sur la transmodalité dans l’accordage affectif (affective atunement)[28] montrent que le bébé est sensible à la structure de ce qui est en relation avec l’autre ; ce qui nous ramène à concevoir une perception amodale comme résultat de sensations polymodales, puis transmodales. Peirce évoque l’exemple, mentionné par Reid, d’« un aveugle de naissance qui demandait un jour si l’écarlate était quelque chose comme le son d’une trompette ». « Ceci, commente Peirce, appuie l’idée selon laquelle notre sens auditif est entièrement analytique » (1.312)[29].
Une autre expérience réalisée par Melzoff et Borton est à ce titre très convaincante :
Les auteurs donnent à des nourrissons âgés de 4 semaines environ, des tétines à surface lisse et à d’autres nourrissons des tétines à la surface garnie de multiples petites protubérances. Après 90 secondes d’exploration buccale, ils ont présenté aux nourrissons seulement l’image des deux tétines différentes. Les résultats ont montré une préférence visuelle des bébés pour l’image de la tétine qui avait été antérieurement sucée. Il semble donc que les jeunes nourrissons soient capables d’établir une correspondance entre les perceptions appartenant à des modalités sensorielles différentes, phénomène désigné par l’expression d’intégration transmodale. […] Cette question de la perception amodale se verrait fondée sur l’existence de liens innés entre les différents registres de la sensorialité mais il est clair que si on permet au bébé normal de figurer en termes d’images toute une série de représentations diverses, elle se trouve particulièrement compromise par le démantèlement pathologique du futur autiste dont les images mentales sont fort difficultueuses, du fait même de cette forme particulière d’attaque sur les liens.[30]
Avant de poursuivre, il est intéressant de rapprocher cette expérience des recherches d’Edelman sur les circuits de réentrée, dans la mesure où cet auteur nous montre d’une façon convaincante que chaque expérience réalisée par le bébé à partir d’une sensation lui permet de mettre en place une carte neuronale de cette expérience ; à chaque nouvelle expérience proche de la première, une réentrée permet de complexifier la carte neuronale précédente, non pas en elle-même, mais en introduisant une association entre cette carte et une nouvelle carte neuronale créée à l’occasion de l’expérience nouvelle.
D’après la théorie de la sélection des groupes neuronaux, les sensations sont des catégorisations, effectuées par la conscience d’ordre supérieur, des « scènes » et des « souvenirs » fournis par la conscience primaire. Elles font intervenir des relations de recatégorisation qui, en dernière analyse, sont régies par la façon dont les valeurs sélectionnées par l’évolution interagissent avec la mémoire.[31]
Ainsi, on peut comprendre que le caractère de rugosité de la tétine fait l’objet d’une carte spécifique qui peut être liée soit avec le toucher soit avec la vue, économisant ainsi une étape d’expérimentation par le bébé. Ce que Meltzoff et Borton décrivent comme inné est plutôt un résultat de ces expériences primitives du bébé.
L’hypothèse de la perception amodale permet en tout cas d’imaginer que le bébé va pouvoir se donner une figuration imagée non seulement de ses objets mais aussi des relations qui le lient à eux, ce qui offre sans doute un éclairage particulier sur la notion d’introject. […] La représentance de l’affect préfigure ainsi la représentation de l’objet mais par le biais de l’amodalité perceptive, il y a possibilité pour le bébé de figurer de manière imagée et très précoce les différents matériaux de ces introjects fondamentaux et de les organiser progressivement selon les modalités traductives successives au sein des différents registres processuels originaires, primaires puis secondaires. (Il apparaît ainsi de plus en plus fécond de savoir repérer dans ce registre originaire, les précurseurs des fantasmes originaires de ce fait mal nommés puisque se situant dans le registre des processus primaires. Le fantasme de scène primitive par exemple se construit par la mise en scène et par la mise en sens reconstructives de toutes premières mises en forme perceptives ou comportementales tels que les phénomènes d’emboîtement d’éléments pareils et pas pareils (G. Haag) et ceci le plus souvent dans le champ de l’incriminé, ou dans celui du corps propre (les jonctions fonctionnelles évoquées ci-dessus entre les deux hémicorps du bébé en offrent une illustration possible parmi d’autres. Un obstacle à la constitution de ces précurseurs induit nécessairement un trouble consécutif de la fantasmatisation et de l’idéation, ce que démontrent amplement les dysfonctionnements de la pensée autistique).[32]
Il apparaît donc là encore que le bébé dispose, à l’instar de l’étayage attachemental, de prédispositions à chercher certains objets, certaines structures dans les objets du monde dans lequel il arrive et que l’interaction est la mise en jeu de cette dialectique précoce mais probablement durable. Ses blocages pourraient, d’une certaine manière, être représentés par les figures de la pathologie. Un exemple permet d’illustrer très tôt cette poussée du bébé vers certains objets.
Au cours d’une étude, des nouveaux-nés ont été confrontés à des modèles de forme et de taille équivalentes à celles du visage humain ; sur l’un d’eux, les yeux, le nez et la bouche ont été correctement placés, tandis que sur les autres, les mêmes éléments ont été mal placés. Les nouveaux-nés ont montré une nette préférence visuelle pour le modèle le plus conforme au visage humain. Il apparaît ainsi qu’il existe dès la naissance, une orientation préférentielle pour une configuration précise, ce qui suggère que le bébé est « programmé » pour diriger son attention vers le visage et le regard de l’adulte et pour entrer en interaction avec lui selon cette modalité.[33]
Une fois repérées ces premières constellations signifiantes élémentaires, le bébé va devoir assumer un travail de représentation des liens primitifs, des premières jonctions pour pouvoir supporter les absences des personnes qui répondent à ses besoins et à ses demandes. Comment ne pas tomber quand la représentation de la mère vient à disparaître, après avoir crié plus que de coutume qu’on avait faim et que la mère n’est pas venue ? Comment ? sinon en créant ce que Freud a bien nommé un pare-excitations visant à protéger l’appareil psychique en constitution des effractions trop excitantes !
Ce pare-excitations va permettre, dans une certaine mesure, de compenser le manque de maîtrise de la présence de l’objet. Ce faisant, il permet de consolider la surface des inscriptions (Freud), mais il préfigure le mécanisme du refoulement. Nous voilà donc devant une double dynamique de décentration et d’inclusion du contenant primordial, avec trois temps logiques :
Un premier au cours duquel l’objet primaire, la mère, contraint le psychisme du bébé et l’aide dans ses premiers repérages de l’environnement.
Un deuxième temps de bascule dans lequel se jouent les identifications intracorporelles :
Certaines images, pour qui sait les lire, peuvent être produites non seulement par le corps (dessins, peintures) mais au niveau de celui-ci. Les postures, les comportements, certaines actions peuvent prendre ainsi valeur d’images, sans même parler des images qu’elles suscitent ou convoquent dans le psychisme du spectateur. C’est le cas des phénomènes que G. Haag désigne sous le terme « d’identifications intracorporelles ». […]
Le prototype presque paradigmatique en est la manière dont le bébé va utiliser ses deux hémicorps (l’hémicorps-bébé et l’hémicorps-maman) pour rejouer (et probablement ancrer ou intérioriser) ses premières interrelations, notamment alimentaires, avec sa mère ou avec l’agent maternant. […]
Retenons de ce concept d’identité intracorporelle qu’il met en œuvre des représentations imagées très particulières puisque à la fois mentales et matérielles, ne se situant ni entièrement au dedans, ni entièrement au dehors de la psyché mais au niveau du corps propre et lisibles (pour ne pas dire visibles) par le sujet comme par l’autre même si cette lisibilité du dehors n’en constitue pas le but.[34]
Le bébé rejoue dans son corps et sa gestualité quelque chose de la fonction maternelle, tout particulièrement, comme le note G. Haag, au moment des « creux interactifs », de la présence physique de la mère et de la distanciation psychique. C’est ainsi, par exemple, que le bébé peut rejouer autour du « théâtre de la bouche » (Meltzer) le lien entre le sein maternel (son pouce) et lui (sa bouche) en utilisant activement son tonus musculaire et sa rythmicité primordiale pour le représenter archaïquement.
Il est à noter que le creux interactif est cette période immédiatement consécutive à la satisfaction des besoins, par exemple de nourrissage ; dans un lieu de soin, il y a tout intérêt à penser les temps interstitiels de passage entre deux activités thérapeutiques, comme des creux interactifs au cours desquels la présence soignante peut être un peu distanciée, de manière à laisser les enfants se construire des représentations de l’activité thérapeutique qu’ils viennent de vivre, et également des représentations anticipées de celles qu’ils vont suivre peu après. Il se crée ainsi une tablature des espaces thérapeutiques, rythmée par des temps interstitiels.
Un troisième temps au cours duquel la maman absente est évoquée symboliquement, par exemple dans l’exemple du Fort-da, la fonction contenante est devenue un contenu de pensée du bébé.
Donc l’activité de pensée du bébé est évidente si l’on inclut le corps et le comportement « non seulement en tant que source profonde, mais aussi comme lieu de son extériorisation »[35].
L’image motrice est le moi de la pensée du bébé et de l’activité de représentation, et nous avons déjà vu ce que M. Klein a écrit du « sadisme musculaire »[36]. L’observation directe permet l’étude des processus psychiques dès leur origine, et notamment dans tout ce qui concerne cette image motrice et posturale. Dans ce travail de la sémiotisation « en chemin vers la symbolisation », l’empathie métaphorisante (Lebovici) de l’adulte est fondamentale. Cette capacité peut être utilement éclairée par le concept de « transmodal » proposé par Stern, à la fois au niveau des capacités d’intégrations déjà décrites (Meltzoff et Borton), mais aussi sur le plan des capacités de reproduction et d’interaction affective :
L’observation des couples mère-nourrisson fait en effet apparaître que les mères manifestent fréquemment les mêmes expressions affectives que leurs bébés, mais le font également parfois d’une manière transmodale. L’accordage affectif et son caractère transmodal constituent l’une des manières dont les états affectifs peuvent être communiqués et partagés au sein de la dyade. Grâce au caractère transmodal de la réponse maternelle, le nourrisson peut comprendre que la réponse motrice n’est pas une simple imitation dans l’aspect manifeste de ses signaux à lui, mais qu’elle traduit qu’elle a perçu de manière empathique ce qu’il éprouvait.[37]
Reprise
Après ce long détour par la théorisation peircienne et sa relecture par les sémioticiens contemporains, tentons de retrouver Marie en proie à ses insomnies. Marie présente comme « symptôme d’appel » une insomnie rebelle avec une dégradation des interactions parents-enfant.
Tout d’abord du côté maternel. Nous voyons rapidement deux niveaux dans cette insomnie.
Un premier niveau apparaît lorsque la maman peut dire qu’elle a peur de retrouver dans l’insomnie de sa fille, celle de sa propre mère, symptomatique d’une maladie mentale (psychose maniaco-dépressive) – pour laquelle elle a été hospitalisée de nombreuses fois et, la dernière fois, du fait de son intervention active ; au cours de cette hospitalisation en psychiatrie, sa mère est décédée. Malgré une psychanalyse faite lorsqu’elle était à Londres, la culpabilité reste très importante. La maman identifie sa fille à sa mère comme probablement malade, puisque, comme elle, elle ne dort pas.
Un deuxième niveau révèle un conflit oedipien avec sa mère et un pacte inconscient avec son père lorsqu’elle dit qu’elle se souvient surtout de son père qui tyrannisait sa mère : il la réveillait de nombreuses fois la nuit et sa mère finissait par avoir des insomnies qui la conduisaient à l’hospitalisation. Quand elle le pouvait, elle remplaçait sa mère auprès de son père pour que cette dernière puisse se reposer, subissant alors, à son tour, les insomnies qu’il lui imposait. La maman identifie sa fille à son père comme tyran domestique. Dans les deux cas, la maman de Marie se retrouve, à l’occasion de l’insomnie de sa fille, plus dans une situation de fille de ses parents que de maman de Marie.
Du côté paternel, les choses se présentent très différemment puisque le papa, professeur d’université, est sorti nettement de son milieu d’origine sur un plan culturel et qu’il a une « théorie de l’éducation » des enfants qu’il compte bien mettre en application pour sa fille en faisant d’elle « un homme libre ». Les résultats sont assez spectaculaires sur le plan intellectuel car Marie présente une très grande maturité en ce qui concerne son développement, mais son insomnie est perçue dans sa famille, notamment par sa mère et ses soeurs, comme le signe que la théorie n’est pas au point, ce qui a donné lieu à des moqueries le mettant en difficulté dans sa fonction paternelle.
L’insomnie débute après l’hospitalisation d’une semaine pour arthralgie, occasion d’une première séparation entre Marie et ses parents. À ce moment, l’insomnie est pour Marie une tessère, representamen de la douleur articulaire survenant sur fond tonal de séparation. Les types que les parents pourraient proposer à leur fille dans le cadre de leur fonction d’interprétance (complexe fonction alpha) se trouvent par exemple du côté de l’explication causale : « tu as mal à l’articulation, donc tu vas à l’hôpital pour être soignée, et nous devons nous séparer quelques nuits à cette occasion ; ne t’inquiète pas, dès que ce sera possible, tu reviendras à la maison ».
Mais les parents, chacun de leur côté, utilisent inconsciemment cette situation pour d’autres types : la maman et les deux niveaux d’insomnie qu’elle retrouve avec deux fonctions différentes dans son propre lignage ; le papa avec une troisième fonction de l’insomnie dans son lignage. L’objet iconique pour la maman (l’insomnie de Marie est comme celle de la mère) et indiciaire pour le papa (« l’insomnie est la partie “ défectueuse ” de ma théorie »), qui se représente par l’insomnie de Marie, est un rhème pour la maman (cela peut vouloir dire insomnie 1 ou 2) et un signe dicent pour le papa (« c’est le signe de ma défaillance paternelle »).
La maman se lève la nuit avec dans son tonal une qualité particulière d’angoisse, de regard, de voix comme autant de representamen qui sont adressés à sa mère et à son père ; Marie qui appelle sa mère voit venir « sa fille » et son angoisse à elle de petite fille –complexe bêta – ne rencontre pas sa « maman » – complexe alpha –, ce qui accroît son désarroi ; sa tessère – insomnie – dans les interactions reste le primum movens qui l’a fait appeler sa maman, mais rencontre un « facteur aggravant » de son angoisse. La préconception ne se transforme pas en conception.
Le papa est appelé à la rescousse et vient avec son type d’insomnie – moquerie de sa propre famille ; mis en difficulté dans sa fonction paternelle, plutôt que de permettre à sa femme de se « brancher » sur la tessère de Marie, il est pris lui-même dans sa lecture, comme « fils » de l’insomnie de sa fille. Chez lui, c’est plus l’agacement que l’angoisse qui se lit dans le regard et l’attitude.
Les deux modes d’être-avec de ces deux parents font que l’insomnie se tessèrise sans trouver de type pour se résoudre.
Le travail entrepris avec ces parents et Marie permet de dénouer en trois consultations les difficultés de chacun des trois acteurs de la situation et de remettre en circulation les histoires individuelles comme possibilités d’une histoire familiale articulante et structurante et non pas confusionnante. Les enfants de tel lignage sont aussi les parents de Marie, mais les fonctions différenciées sont nécessaires pour ne pas tomber dans la confusion. Pour la maman, l’insomnie de Marie comme tessère est un signe dicent de sa problématique oedipienne sous-jacente ; pour le papa, un signe dicent de sa vulnérabilité familiale. Pour les deux, après notre travail de démêlage, il devient un rhème et, ce faisant, les parents s’intéressent à ce que Marie demande par ce signe. La réponse ouverte des parents, qui permet l’expression du désir de Marie par une demande, aboutit à la disparition de l’insomnie, avec en prime la marche, et la jubilation qui l’accompagne : l’insomnie redevient simplement l’excitation de réussir à marcher.
Dans le tableau 12, on peut déduire que le niveau, dans lequel se jouent les interactions porteuses de transmission intergénérationnelle dans leur aspect non pathologique, est celui de la tiercéité, puisque s’y déroulent les interactions fantasmatiques, étant entendu que, dans le fantasme, il s’agit bien d’une relation particulière entre le sujet de l’inconscient et ses objets. Dans l’exemple clinique, Marie, de sujet en interaction, devient objet de projection de ses parents. Tout le travail de la consultation thérapeutique consiste à faire en sorte que Marie redevienne à nouveau le sujet d’une histoire familiale assumée par chacun des protagonistes en présence. Elle nous a en outre permis de faire le point sur le processus de la sémiose à l’œuvre chez le bébé.
Parties annexes
Note biographique
Pierre Delion
Pierre Delion est docteur en médecine (1976) et en sémiotique (1998), psychiatre des hôpitaux (1979), psychanalyste et praticien hospitalier (2001). Il est habilité à diriger des recherches (1999) et à enseigner comme professeur des universités. Il dirige depuis 1984 un service public de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (Angers/France). Il a développé ses travaux de recherches autour de trois grands axes : l’enfant autiste, les institutions thérapeutiques et le bébé. Il est l’auteur de nombreuses publications et de treize ouvrages, dont les plus significatifs sont : Séminaire sur l’autisme et la psychose infantile (Erès, 1997), Le Bébé à risque autistique (Erès,1998), L’Enfant autiste, le bébé et la sémiotique (P.U.F., 2000), La Souffrance psychique du bébé (Éd. Sociales françaises/La vie de l’enfant, 2002), Actualité de la psychothérapie institutionnelle (Matrice, 1994).
Notes
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[1]
G. Deledalle, Théorie et pratique du signe (tableau 8), Paris, Payot, 1979, p. 79.
-
[2]
J. Lacan reprend l’étude approfondie du texte de S. Freud, « Inhibition, Symptôme et Angoisse » (Œuvres complètes, vol. xvii, Paris, P.U.F., 1992) dans son Séminaire sur l’Angoisse. C’est dans ce texte qu’il va proposer cet opérateur logique très productif du « Schéma à neuf cases », repris avec beaucoup de fécondité par J. Oury dans ses derniers séminaires de Sainte-Anne.
-
[3]
M. Balat, « Feuille d’assertion, icônes logiques : nouvelle vue sur l’inconscient-Ics », Cruzeiro Semiotico, 1996, repris dans M. Balat, Psychanalyse, logique, éveil de coma : le musement du scribe, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 188.
-
[4]
Je renvoie ici aux nombreux ouvrages de S. Lebovici, M. Soulé, D. Stern, P. Mazet, J.-P. Visier, S. Stoléru.
-
[5]
P. Delion, L’Enfant autiste, le bébé et la sémiotique, Paris, P.U.F., coll. « Le fil rouge », 2000.
-
[6]
Je parle désormais de schéma plutôt que de tableau pour indiquer qu’il s’agit d’hypothèses de structures de déroulement d’un processus. Je rappelle que « schéma » est utilisé dans le droit canon pour signifier « une proposition rédigée en forme pour être soumise au concile » (Le Robert).
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[7]
M. Balat, op. cit., p. 189-190.
-
[8]
Ibid., p. 188.
-
[9]
S. Freud, op. cit., p. 208.
-
[10]
M. Balat propose une classification des tons : « le ton premier est celui dont le caractère est celui d’un tout non analysé, immédiat, le ton original, le signe “ homotonique ” ; le ton second est celui dont le caractère se dégage par opposition avec ce qui l’incorpore, donc de l’ordre d’une qualité, le signe “ syntonique ” ; le ton troisième est le ton relatif, celui qui est ce qu’il est par la relation qu’il instaure avec les autres tons possibles, le signe “ diatonique ” ». Pour lui, « un type s’instancie dans une tessère ; une tessère incorpore un signe diatonique. Une pure trace incorpore un signe syntonique ou un signe homotonique suivant la contribution propre de la trace à la signification ». M. Balat, « Type, trace, ton : le ton peircien », dans Semiosis, no 57-58 (« Hommage à Max Bense »), 1990.
-
[11]
Ibid., p. 189-191.
-
[12]
Élément β et fonction α sont deux références aux travaux de W.R. Bion.
-
[13]
F. Tosquelles, La Rééducation des débiles mentaux ou aide maternelle et éducation thérapeutique, Toulouse, Privat, 1991, p. 53.
-
[14]
J. MacDougall, Éros aux mille et un visages, Paris, Gallimard, 1996, p. 196.
-
[15]
W.R. Bion, Aux sources de l’expérience, Paris, P.U.F., 1979, p. 24. « Les éléments bêta ne sont pas ressentis comme des phénomènes mais comme des choses en soi ». « Chez Bion, les éléments primitifs de la personne sont transformables par l’intervention d’une autre personne. Cette rencontre entraîne une modification dans la manière dont les éléments vont se lier entre eux : au lieu de former des agglomérats, ils vont nouer de véritables liens de telle sorte que l’écran rigide forme à présent un tissu souple destiné à permettre de passer d’un côté à l’autre de la barrière qu’il instaure dans l’espace. Bion nomme cette formation une “ barrière de contact ” ». C. Athanassiou, Bion et la naissance de l’espace psychique, Paris, Popesco, 1997, p. 281.
-
[16]
D. Roulot, « Secondéité pure et schizophrénie », dans M. Balat, G. Deledalle, J. Deledalle-Rhodes, L’Homme et ses signes, Berlin/New York, Mouton-de-Gruyter, 1992.
-
[17]
D. Roulot, dans P. Delion (sous la dir. de), Actualité de la psychothérapie institutionnelle, Vigneux, Matrice, 1994, p. 345.
-
[18]
C. Athanassiou, op. cit., p. 281-282.
-
[19]
P. Aulagnier, La Violence de l’interprétation, Paris, P.U.F., 1975.
-
[20]
J. Schotte (sous la dir. de), Le Contact, Paris/Bruxelles, Éd. universitaires/De Boeck-Wesmael, 1990, p. 20.
-
[21]
S. Freud, « La négation », dans Œuvres complètes, op. cit., p. 168-169.
-
[22]
P. Mazet et S. Stoléru, Psychopathologie du nourrisson et du jeune enfant, Paris, Masson, 1993, p. 75-76.
-
[23]
J. Bowlby, L’Attachement, tome i, Paris, P.U.F., coll. « Le fil rouge », p. 290-291.
-
[24]
Cf. O. Rank, Le Traumatisme de la naissance, Paris, Payot, 1968.
-
[25]
« Un sinsigne qui renferme ainsi un légisigne je l’appelle une réplique du légisigne » (C. S. Peirce, Écrits sur le signe [trad. et comm. par G. Deledalle], Paris, Seuil, 1978, p. 31). « Tout légisigne signifie par son application dans un cas particulier, qu’on peut appeler sa réplique », ibid., p. 139. « Tous les mots, phrases, livres et autres signes conventionnels sont des symboles (des légisignes) ; nous parlons d’écrire ou de prononcer le mot “ homme ” ; mais c’est seulement une réplique ou matérialisation du mot qui est prononcée ou écrite », ibid., p. 161.
-
[26]
B. Golse et C. Bursztejn, Dire : entre corps et langage. Autour de la clinique de l’enfance, Paris, Masson, 1993, p. 65.
-
[27]
Invariants : ce sont les tessères (répliques) du même type (légisigne).
-
[28]
D. Stern, « Les interactions affectives », dans S. Lebovici et F. Weil-Halpern, Psychopathologie du bébé, Paris, P.U.F., 1989, p. 199-214.
-
[29]
C. S. Peirce, Collected Papers, vol. 1-6 (sous la dir. de C. Hartshorne et P. Weiss), Cambridge (Mass.), Harvard University Press.
-
[30]
B. Golse et C. Bursztejn, op. cit., p. 66.
-
[31]
G. M. Edelman, Biologie de la conscience, Pais, O. Jacob, 1994, p. 233.
-
[32]
B. Golse et C. Bursztejn, op. cit., p. 66-67.
-
[33]
P. Mazet et S. Stoléru, op. cit., p. 13.
-
[34]
B. Golse et C. Bursztejn, op. cit., p. 58-60.
-
[35]
B. Golse, dans L’Information psychiatrique, vol. 71, no 1, 1995, p. 18-27.
-
[36]
M. Klein, « Les stades précoces du conflit oedipien », dans Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1976, p. 229-241.
-
[37]
P. Mazet et S. Stoléru, op. cit., p. 83-84.